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L'astronautique

Le laboratoire Skylab 4 de la NASA photographié le 14 mai 1973 depuis le module de commande Apollo. La voile dorée remplace la protection contre les micrométéorites qui fut détruite au cours de la mise en orbite, 63 secondes après le décollage.

Navettes et stations permamentes (IV)

1. Skylab

La première station orbitale fut Skylab développée par la NASA dans le cadre des programmes des applications Apollo dont les premiers blueprints furent élaborés en 1965 (cf. le magazine "Flight International" du 18 septembre 1969). Il s'agissait d'une station grosso-modo cylindrique de 26.3 mètres de long, 17 mètres de diamètre et d'une masse de 77 tonnes. Il faut y ajouter le module de transfert et de secours constitué du module de commande et de service Apollo (CSM) de 8 mètres de long et d'une masse de 13 tonnes. Le volume pressurisé total représentait environ 320 m3.

Skylab fut placée sur une orbite basse (LEO, Low-Earth Orbit) à 235 km d'altitude. Elle fut opérationnelle entre le 14 mai 1973 et le 11 juillet 1979 où elle rentra dans l'atmosphère et se perdit au large de l'Australie.

L'équipage se composait de 3 équipes de 3 astronautes. Skylab disposait d'un atelier dans lequel les astronautes ont réalisé 94 expériences diverses et notamment médicales en étudiant l'adaptation de l'homme dans les conditions de l'espace.

Skylab disposait de panneaux solaires et d'un télescope multispectral solaire, l'"Apollo Telescope Mount" ou ATM constitué de 8 instruments permettant d'observer le Soleil en continu entre 0.2 et 700 nm (rayons X mous, UV et visible).

L'un de ces instruments était un télescope dédié à l'observation du Soleil en hydrogène alpha (demi-bande passante de 0.7 Å à 6562.8 Å). Il était équipé d'un miroir de 171 mm f/4 muni d'un filtre interférentiel de Fabry-Perot, une configuration optique qu'on utilise encore de nos jours dans les télescopes solaires amateurs comme professionnels. L'image était enregistrée sur film de 35 mm et sur support vidéo numérique Vidicon. C'est grâce à Skylab que l'existence des trous coronaux du Soleil fut confirmée et qu'on enregistra quelques-unes des plus belles protubérances solaires dont la grande arche présentée ci-dessous à droite qui s'élève à 400000 km au-dessus de la chromosphère, soit l'équivalent de la distance Terre-Lune ! Aujourd'hui, grâce aux observatoires orbitaux (Trace, Hinode, SOHO, etc.) nous sommes familier de ce genre d'image y compris en versions HD animées, mais en 1973 il s'agissait d'une photo rare et exceptionnelle. Emblématique de la puissance et de l'énergie du Soleil, elle fut souvent utilisée pour illustrer des livres et des articles.

Profitant de leur vue imprenable sur tous les secteurs du ciel et de façon répétée pendant des jours et des mois, les astronautes prirent également quelques clichés de la comète de Kohoutek (C/1973 E1) entre décembre 1973 et janvier 1974 dont on prédisait qu'elle serait la "comète du siècle" avec une magnitude visuelle de -10. En réalité elle n'atteignit que la magnitude +5 et déçut le grand public. Fin décembre, l'équipage de Skylab l'estima à la magnitude de -3 soit presque aussi brillante que Vénus et présenta une queue s'étendant sur 25°.

Bien que Skylab resta en orbite durant 2249 jours soit plus de 6 ans, il ne fut occupé que 171 jours. L'équipage réalisa néanmoins 10 EVA totalisant 42 heures 16 minutes, environ 2000 heures d'expériences scientifiques et prit 127000 images dont 46000 de la Terre.

A gauche, l'astronaute Owen Garriott au cours d'une EVA à bord de Skylab 3 en 1973. Au centre, le pilote William R.Pogue en équilibre sur le doigt du Cdt Gerard P.Carr à bord de Skylab 4 le 1 février 1974. A droite, la première photo d'une grande protubérance solaire enregistrée en hydrogène alpha par l'équipage de Skylab le 19 décembre 1973. Elle s'étend verticalement sur 588000 km soit l'équivalent d'une fois et demi la distance Terre-Lune ! Documents NASA.

Ce projet fit bien sûr la une des médias et l'objet de nombreux articles, notamment dans le "National Geographic" sous la signature de Kenneth F. Weaver, un journaliste scientifique passionné par les sciences du ciel. Plusieurs livres ont été consacrés à Skylab dont "Skylab, Our First Space Station" (NASA SP-400) publié en 1977 et "Living and Working in Space - A History of Skylab" publié en 1983 (NASA SP-4208) et aujourd'hui disponibles gratuitement en ligne.

2. La navette spatiale américaine

Après la chute de Skylab en 1979, la NASA ne disposait plus de laboratoire orbital et de lanceurs économiques. Mais depuis 1972, sous l'instigation de l'Administration Nixon, la NASA avait déjà dessiné les plans d'un nouveau lanceur, la fameuse navette spatiale construite par Rockwell International qui effectuera ses premiers vols d'essai entre février et octobre 1977 au centre Dryden de la NASA.

Nous verrons à propos de la colonisation de l'espace et des modes de propulsion que les matériaux utilisés pour construire un vaisseau spatial sont très différents de ceux d'un avion commercial ou même d'un avion de chasse compte tenu de l'environnement dans lequel ils évoluent.

A voir : Décollage de la navette spatiale, filmé de l'extérieur, filmé de l'intérieur

A consulter : STS-1 Press Kit, NASA

Tour virtuel de la navette Discovery (OV-103) - NASA HQ Photo sur Flickr

Ci-dessus à gauche, la maquette de la navette spatiale américaine avec le module européen Spacelab construit par MBB-Erno qui par la suite intégra Airbus Industries (dessin de 1981). Au centre, la navette Enterprise OV-101 qui fut utilisée pour les tests expérimentaux, les tests d'approche et d'atterrissage en 1977. Elle est aujourd'hui exposée dans le port de New York, sur le porte-avion USS Intrepid converti en musée de la Navy et de l'aérospatiale (Intrepid Sea-Air-Space Museum). A droite, la navette spatiale Columbia sur le pas de tir du Complexe 39 de la NASA photographiée au petit matin du 12 avril 1981, prête pour son tout premier vol opérationnel, la mission STS-1.

Ci-dessus à gauche, le décollage de Columbia le 12 avril 1981 à 12:00:03 TU depuis le pas de tir 39A. La navette spatiale emporta les astronautes John W. Young et Robert L. Crippen pour la mission STS-1 au cours d'un vol geocentrique d'une durée de 54 heures. Image restaurée par l'auteur. Au centre, premier atterrissage de la navette Columbia le 14 avril 1981 après la mission STS-1. A droite, décollage de la navette Discovery le 26 juillet 2005 pour la mission STS-114, après la reprise des vols suite au crash de Columbia en 2003.

A gauche, transport de la navette Discovery du VAB vers le pas de tir 39A le 21 décembre 2010 pour la mission STS-133. Au centre, décollage de la navette Atlantis le 14 mai 2010 tandis qu'un F-15 assure la protection du site de lancement. A droite, le décollage à pleine puissance de la navette spatiale Endeavour. En moins de 9 minutes les astronautes sont propulsés à 400 km d'altitude à une vitesse d'environ 28000 km/h (Mach 23.5). Ils accomplissent un tour de la Terre en 90 minutes. Cette navette (Orbital Vehicule OV-105) effectua son vol inaugural en mai 1992 et réalisa 25 missions. Documents NASA et USAF/Barcroft Studios.

La navette spatiale effectua son premier vol habité, le 12 avril 1981. C'était le vol inaugural de Columbia emportant à son bord le Commandant John W. Young et le pilote Robert L. Crippen pour un vol géocentrique de 54 heures (mission STS-1). Vingt ans plus tard la navette spatiale américaine accomplissait son 100e vol spatial autour de la Terre.

Mais cet anniversaire laissait un goût amer; la navette coûtait cher, elle n'était pas totalement fiable et avait provoqué la mort de deux équipages, ceux de Challenger en 1986 et de Columbia en 2003.

Ce type de lanceur contenait malgré tout quelques bonnes idées que la NASA retiendra pour ses futurs moteurs à ergols cryogéniques (moteur J-2X notamment).

A voir : Atlantis Launch (STS-135)

La dernière mission de la navette spatiale (2011)

Ascent Commemorating Shuttle (décollages)

Blast into Space, Spectacular Fall to Earth

HD Full Ride on the Space Shuttle Boosters - STS 134

La navette spatiale en quelques chiffres

Premier vol libre du prototype : février 1977

Premier vol libre de Columbia : mars 1979

Première mission : 12 avril 1981

Dernier vol d'Atlantis: 21 juillet 2011

Dimensions (LxExH) : 37.23 x 23.79 x 17.27m

Prix : 3 milliard de dollars (version 2006)

décollage de la navette Columbia pour la mission STS-2 le 12 novembre 1981. Deux avions T-38 surveille son ascension.

Coût/homme (an) : 88000 (version 1981)

Equipage : 7 maximum (dans ce cas comprenant 4 spécialistes de charge utile)

Durée des missions : jusqu'à 17.5 jours

Volume de la cabine d'équipage : 65.8 mètres cubes divisés en 3 sections pressurisées

Poids maximum au décollage : 2041166 kg (600t en moyenne)

Poids en fin de mission : 104326 kg

Charge maximale : 28803 kg

Nombre de tuiles réfractaires : 24000

Nombre de pièces : 2.5 millions

Nombre de boutons de contrôle et d'écrans d'affichage sur le Flight Desk : 2020

Décollage et atterrissage de Columbia, STS-1, le 12 avril 1981

"To all from Capcom. Attention to final countdown... Ten, Nine, Eight... We have the go for main engine start... We have main engine started... Four, Three, Two, One, Zero... We have lifted off, liftoff of the american first space shuttle... ! And the shuttle has cleared the tower..." (.AVI de 33 MB). Version HD sur YouTube.

Moteurs : 2 fusées à poudre, 3 moteurs principaux, 2 thrusters orbitaux

Poussée globale : 1360t

Poussée des fusées à poudre : 2x 1315 t durant 2m2s (puis séparation)

Poussée des moteurs cryogéniques à ergol liquide : 3x 170t durant 8m30s

Poussée des thrusters : 2x 2.7 tonnes

Température de l'hydrogène liquide : -253°C

Température de combustion H + O : 3316°C

Vitesse d'éjection des gaz : 965 km/h (600 mph)

Séparation du tank extérieur : 8.5 min. après le décollage, 109.26 km, 28067 km/h

Altitude de l'orbite : 185 - 643 km (ISS est à 400 km, le HST à 600 km)

Durée pour rejoindre l'orbite (400 km) : 8m30s

Touch-down and go à Cap Kennedy

Atterrissage d'Atlantis de nuit sur la piste 15 du Kennedy Space Center le 29 mai 2000 (fichier QT de 171 Kb).

Lancement de la fusée Atlas Lockheed-Martin 3A le 24 mai 2000 et séparation des fusées d'appoint filmé par une caméra extérieure (MOV de 785 Kb et 336 Kb).

Vitesse orbitale : 7.8 km/s max. (28157 km/h, Mach 23.5 ou 17500 mph)

Vitesse pour accomplir le tour de la Terre : 90 minutes

Vitesse de réentrée à 68 km d'altitude : 6.1 km/s (Mach 18.3)

Durée de la réentrée : 22 minutes (moteur coupé, en vol plané)

Angle initial de réentrée : 40°, bouclier thermique en avant

Angle d'entrée atmosphérique : 3°

Température superficielle durant la réentrée : 1650°C

Vitesse d'atterrissage : 364 - 502 km/h (226-312 mph).

Durée de vie : 30 ans ou 200 missions

Déclassement : 2011

Source : NASA Spaceflight.

A voir : images de la navette spatiale américaine sur NASA Images et vidéos sur YouTube.

3. L'ESA, Ariane et le Spacelab

Afin d'acquérir son indépendance spatiale vis-à-vis des Etats-Unis, en 1968 la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni envisagèrent de fonder une agence spatiale européenne afin de développer leurs propres lanceurs et satellites. Suite aux échecs répétés du lancement de la fusée Europa, toute l'organisation fut revue et il faudra attendre le 30 mai 1975 pour que l'Europe inaugure l'Agence Spatiale Européenne, l'ESA, née de la fusion de l'ESRO (European Space Research Organisation) et de l'ELDO (European Launcher Development Organisation). 11 États-membres européens y participent. Notons que la convention liant ces pays ne fut ratifiée qu'en 1980.

En 2017, l'ESA rassemblait 2250 employés dont 14 spationautes d'active pour un budget annuel de 5.75 milliards d'euros (2017) en légère hausse. Ce budget reste toutefois trois fois inférieur à celui de la NASA, ce qui explique aussi certains échecs. On y reviendra à propos des retombées de l'espace.

L'ESA dispose de plusieurs bâtiments. Son siège est à Paris, le centre des développements et des essais (ESTEC) est à Noordwij aux Pays-Bas, le centre de contrôle des missions (ESOC) est à Darmstadt en Allemagne et le centre spatial (CSG) à Kourou en Guyane. Il faut y ajouter le réseau de stations de poursuite au sol (ESTRACK) disposant de 10 paraboles de 10 à 35 m de diamètre réparties autour du monde (Belgique, trois en Espagne, Portugal, Suède, Guyane, Argentine et deux en Australie).

L'ESA débuta son programme de vols habités en 1978. Elle lança avec succès sa première fusée Ariane 1 le 24 décembre 1979 et continua dans la foulée à développer le programme Spacelab pour la navette spatiale américaine (voir dessin  plus haut). Il s'agissait d'une infrastructure spatiale composée d'un module pressurisé ou d'un igloo pressurisé selon les configurations de vol, complété par des palettes intégrables (2 à 5 selon les missions) de 4.35 m de large et 2.87 m de long exposées au vide et construites par British Aerospace. L'ensemble permettait aux astronautes de réaliser des expériences soit dans le module pressurisé soit dans le vide (utilisation de télescope, magnétomètre, etc). Il existait 8 configurations d'une masse comprise entre 2.5 tonnes et 9.1 tonnes. Le Spacelab fut utilisé entre 1981 (STS-1) et 2000 (STS-99) au cours de 31 missions spatiales dont trois furent entièrement financées par d'autres pays que les Etats-Unis (deux par l'Allemagne et une par la Japon). On reviendra sur les lanceurs de l'ESA.

Fin 1983, l'Union Soviétique restait dans la course avec ses stations permanentes Saliout jusqu'en 1985, remplacées ensuite par Mir.

4. La station Mir

La station Mir servit de laboratoire scientifique entre 1986 et 1999 et fut occupée en permanence à partir du 8 septembre 1989. La station spatiale russe était placée sur une orbite LEO à environ 358 km d'altitude.

Si les Américains se sont spécialisés dans les vols habités, c'est le cosmonaute russe Valeri Poliakoles qui détient le record de séjour en orbite avec 438 jours passés dans la station Mir en1995. Mais en 1997, rien ne va plus et cette année signa la fin de Mir.

La station orbitale Mir photographiée en février 1995 depuis la navette spatiale Discovery.

Le 25 juin 1997, le vaisseau de ravitaillement Progress heurta le module Spectre qui fournissait une grande partie de l'énergie de la station grâce à ses panneaux solaires. La paroi du module fut perforée, obligeant les cosmonautes à refermer le sas et privant ainsi la station d'électricité.

Le 14 juillet 1997, le cosmonaute Tsibliev connut des problèmes d'arythmie cardiaque. Deux jours plus tard, l'alimentation électrique de la station fut débranchée par inadvertance, plongeant Mir dans le noir et lui faisant perdre le sens de l'orientation.

Le 5 août 1997, les deux générateurs d'oxygène tombèrent en panne. Plus tard, ce sera l'ordinateur de bord. Et la série noire continua...

En 1998, le président russe Boris Eltsine décida d'augmenter de 19% le budget du secteur spatial afin de financer la participation de la Russie à la future station Alpha (ISS) et pour maintenir Mir en bon état.

Les Russes signèrent d'autres accords, notamment dans le cadre de programmes nucléaires, profitant de la coopération spatiale russo-américaine, ce qui leur permit d'obtenir des crédits.

Mais Mir était à bout de souffle. Prévue pour durer cinq ans, Mir fit preuve d'une remarquable résistance en servant trois fois plus longtemps que prévu. La station Mir finit par retomber sur Terre le 23 mars 2001.

La coopération américano-russe permit également à la NASA de justifier l'énorme budget qu'elle voulait consacrer à son projet de station orbitale ­ 100 milliards de dollars de l'époque ­ que l'agence américaine avait largement sous-évalué.

5. La Station Spatiale Internationale, ISS

La station spatiale Alpha qui sera ensuite appelée Freedom devait être opérationnelle en 1996. Mais le démantèlement du programme spatial soviétique a contraint tous les participants à plancher sur un nouveau projet : la Station Spatiale Internationale, ISS, dont voici quelques photos de la construction.

L'élaboration de la station ISS ne fut permise que dans le cadre d'une collaboration internationale définie par l'International Space Station Intergovernmental Agreement (IGA) auquel ont participé 14 gouvernements (Etats-Unis, Canada, Japon, Fédération de Russie et 10 membres européens de l'ESA : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suède et Suisse).

La station ISS est constituée d’éléments modulables américains, russes, japonais, canadiens, européens et brésiliens. Ses dimensions hors tout sont approximativement de 90 x 70 m. Sa construction commença fin 1998 et nécessita 45 lancements américains et russes pour un budget global (cycle de vie complet) d'environ 150 milliards de dollars soit au moins 40% de plus que le programme Apollo.

ISS a été placée sur une orbite LEO à environ 400 km d'altitude, loin en dessous des 800 km d'altitude où gravitent la plupart des satellites artificiels. Etant soumise à l'attraction terrestre, l'altitude d'ISS peut varier au cours du temps d'environ 130 km (330-460 km). L'orbite est limitée vers le haut par les limites de conception de l'équipement et la capacité des navettes à l'atteindre lors des changement d'équipage. Elle est également limitée vers le bas pour des questions de ravitaillement de propergol notamment et doit toujours se situer au-dessus d'une altitude minimale de sécurité définie par la prochaine mission de réapprovisionnement.

A voir : NASA Live Stream - ISS Live Feed

A Cool and Candid Look Inside the ISS

Tour the International Space Station - Inside ISS - HD

ISS HD Earth Viewing Experiment (Camera HD sur ISS, Cf. le blog)

Press Kit d'une mission à bord d'ISS

Les 6 avantages d’une station spatiale

-  Vision et analyse globale des interactions de la Terre avec son environnement

-  Assurer la maintenance indispensable des satellites

-  Assemblage d’un laboratoire complexe au fil du temps

-  Activité industrielle rentable à terme

-  Entraînement aisé des astronautes sur une orbite basse qui ne requiert qu’un petit lanceur

-  Base de lancement économique vers les autres corps célestes

A voir : Les colonies spatiales en images (dont ISS)

Photo NASA Ref. S132E007705

La station ISS telle qu'elle se présentait en 2010. Documents NASA

Ces six arguments nous permettront un jour de convaincre les gouvernements que les stations spatiales ne sont pas des gouffres à milliards. Complétées par les avions hypersoniques et les flottilles de navettes spatiales légères, les orbites basses doivent être considérées comme un objectif par l’industrie aérospatiale. Mais avons-nous les ressources (surtout politiques et économiques) pour mettre en oeuvre un tel projet ? A petits pas mesurés sans doute, pour l'instant limités à des activités scientifiques et militaires et d'ici une génération cela devrait s'étendre au tourisme spatial, ensuite aux industriels.

La station ISS fut habitée dès octobre 2000 tandis que sa construction devait être terminée en 2010, mais qui prit du retard en raison de l'accident de Columbia survenu en 2003 (celui de Columbia en 1986 est antérieur de 12 ans au projet de station spatiale). Ce drame cloua les trois dernières navettes au sol, le temps nécessaire pour mener l'enquête sur l'accident et proposer de nouvelles mesures drastiques de sécurité. Les modifications apportées aux navettes coûtèrent plus d'un milliard de dollars !

Après deux ans et demi d'attente, la navette Discovery redécolla finalement le 26 juillet 2005 et rejoignit la station ISS. Mais de nouvelles tuiles étant tombées du réservoir externe au cours du décollage, la NASA reconnut que les conditions de sécurité n'étaient pas optimales et décida une nouvelle fois de suspendre tous les vols des prochaines navettes jusqu'à ce que ce problème technique soit résolu.

Ces échecs consécutifs ont constitué une vraie tuile qui porta un coup au prestige de la NASA. Pire encore, ce nouveau délai reporta d'autant l'assemblage et la mise en service des laboratoires européen Columbus et japonais Kibo, car sans navette on ne pouvait plus accéder à la station orbitale sauf par le biais d'une mission russe. Rappelons que l'Europe avait investi 10 ans de recherche et 1.3 milliard d'euros dans le module Columbus et que chaque année de retard coûta 1 milliard de dollars à la NASA !

Heureusement, la navette reprit du service en juillet 2006 et le laboratoire Columbus put finalement être arrimé à la station ISS en février 2008. Ce laboratoire capable d'accueillir trois scientifiques servira au moins durant 10 ans.

En attendant, même si le taux de réussite du programme américain atteint 97%, les navettes américaines ont montré leurs faiblesses et leurs limites. Jugées trop risquées et vieillissant mal, elles furent déclassées en 2011, après la mission STS-135 de la navette Atlantis.

A voir : STS-135 Space Shuttle Atlantis Final Landing 21 July 2011

STS-135 Landing Atlantis July 21, 2011

L'avenir de l'astronomie, comme de nombreuses sciences, est dans l'espace. A gauche, à quelques heures du décollage de la première navette spatiale STS-1 le 12 avril 1981. A droite, l'astronaute Bruce McCandless aux commandes du MMU lors d'une sortie extra-véhiculaire le 8 février 1984 lors de la mission STS-41B de la navette spatiale. Document Don Davis et NASA.

Les navettes représentaient les appareils les plus complexes jamais assemblés avec plus de 2.5 millions de pièces et 2020 boutons de contrôles et écrans d'affichage dans le Flight Desk ! Elles étaient très chères, pas totalement fiables et pas rentables non plus. Elles ont englouti 30 milliards de dollars actualisés - cent fois plus que les Soyouz - pour faire office d'avion-cargo, assurant la maintenance des satellites et la liaison avec la station Mir aujourd'hui disparue, autant de "vols d'entraînements" avant d'effectuer la navette entre la Terre et la station ISS.

Ces navettes de la première génération furent remplacées par des véhicules de transport plus économiques, plus petits et mieux sécurisés tels que l'ATV, le HTV (voir plus bas), le LRV et le futur vaisseau Orion.

A lire : Astronaut biographies (NASA/JSC) - Spacefacts

Rendez-vous dans l'espace

Tour virtuel de la station ISS. ZIP de 2.5 Mb

Ceci dit, depuis les années 2000 des voix s'élevaient parmi les astronautes et des responsables de la NASA sur l'utilité de la station ISS, le fait qu'elle n'était plus une priorité et n'était finalement pas une bonne solution. Bien qu'on en parlait sur les radios américaines, ce n'était pas encore un sujet de discussion dans les hautes sphères de l'administration américaine.

Finalement, les derniers éléments de la station ISS, le module pressurisé russe Nauka et le bras télémanipulateur européen furent installés en 2017. Au total, il aura donc fallu patienter 19 ans pour assembler une station préfabriquée grande comme un terrain de football et pesant 400 tonnes. A ce rythme, on imagine mal fabriquer dans l'espace quoi que ce soit de plus grand (un vaisseau interplanétaire, une catapulte magnétique, un ascenseur spatial et encore moins une colonie de O'Neill). Nous ne sommes vraiment pas prêts pour ce genre d'excercice quoiqu'en pensent les présidents américains ! On y reviendra à propos de la colonisation de l'espace.

Pour l'heure, la station ISS accomplit sa 100000e révolution le 16 mai 2016 comme le rappela le blog de la NASA et parcourut plus de 3.2 milliards de kilomètres en 18.5 ans soit les trois quarts de la distance de la Terre à Neptune (4.4 milliards de km) ou dix aller-retour entre la Terre et Mars.

Premières fissures et fuites

Après 20 ans d'activité, la station ISS a présenté les premiers signes préoccupants de vieillesse sur les premiers modules installés en 1998. En 2018, une micro-fissure sur le vaisseau Soyouz MS-09 que venait juste de s'amarrer à la station ISS (cf. ce schéma d'ISS) fut à l'origine d'une fuite d'air sans gravité pour l'équipage et fuita même dans la presse (cf. RT). En 2019, des fissures sont apparues sur le module russe Zarya de la station ISS et furent à l'origine d'une nouvelle fuite d'air. Elles furent réparées en 2020. Le même incident survint en 2021 et la fissure fut réparée en mars 2021. Le 30 août 2021, de nouvelles fissures superficielles sont apparues sur le module Zarya, indiquant qu'elles s'étendent et que l'équipement de la station ISS commence à vieillir.

Selon Vladimir Soloviev, ingénieur en chef de la société de fusées et d'espace Energia, environ 80% des systèmes de vols sont à la fin de leur durée de service, ce qui veut dire qu'une fois que tous les systèmes auront dépassé leur durée de vie, des pannes irréparables pourraient apparaître avec une possible "avalanche" d'incidents et de cassures d'équipements après 2025 (cf. Reuters).

Face à l'obsolescence de l'infrastructure, la Russie déclara à plusieurs reprises songer à quitter ses partenaires de l'ISS (Etats-Unis, Canada, Japon, ESA) après 2025 pour lancer sa propre station orbitale.

Selon son état et le planning de la NASA et en accord avec ses partenaires dont l'ESA, la station ISS sera financée jusqu'en 2030, le temps de lui trouver une remplaçante. Ensuite elle sera mise hors service et désorbitée.

Les records de séjour dans l'espace

Pendant des années, le cosmonaute russe Valery Polyakov a détenu le record de séjour dans l'espace avec 438 jours à bord de la station Mir. Ce record fut pulvérisé en 2015 par le cosmonaute russe Guennadi Padalka qui séjourna 879 jours dans l'espace entre 1998 (Mir) et 2015 (ISS), suivi par Sergueï Krikaliov qui passa 803 jours dans l'espace entre 1988 (Mir) et 2005 (ISS). Ceci dit plusieurs astronautes russes et américains ont déjà cumulé plus d'un an à bord d'ISS.

Bye bye robonaute

Enfin, n'oublions pas que pendant quelques années, les équipages de la station ISS furent épaulés par un robonaute avec plus ou moins de succès, mais plutôt moins car depuis 2015 le robonaute R2 au visage doré ne fait plus partie de l'équipe suite à de multiples défaillances techniques.

A lire : Heurs et malheurs du robonaute

Ravitaillement d'ISS : Progress, ATV, HTV et Dragon

Etant donné que les Américains n'avaient plus de navette spatiale depuis 2011, la NASA laissa aux Russes (fusées Soyouz TMA, Proton, vaisseau Progress et module cargo HTV) et aux Européens (fusée Ariane 5 et module cargo ATV) le plaisir de s'occuper de l'entretien de la station ISS et d'assurer le transfert des équipages.

Jusqu'en 2012, les cosmonautes mettaient plus de deux jours et effectuaient 34 fois le tour de la Terre pour rejoindre ISS depuis la base de Baïkonour dans un module Progress étroit et très inconfortable. Depuis 2014 et grâce à une meilleure estimation du plan de tir, les cosmonautes peuvent rejoindre ISS en moins de 6 heures dont 1h20 est consacrée au rapprochement et à l'amarrage avec la station ISS (c'est la même durée pour les modules cargos). Néanmoins, en 2016 Thomas Pesquet et ses collègues avaient encore mis 51 heures pour rejoindre la station orbitale.

Le HTV-3 arrimé à la station ISS en septembre 2012. Document NASA.

Un séjour à bord d'ISS signifie avoir les moyens de survivre et notamment de la nourriture et des expériences à réaliser. Cela fait partie des tâches confiées aux véhicules cargos de transfert. Il existe deux modèles : le module ATV (Automated Transfer Vehicle) de l'ESA et le HTV (Hypersonic Transfer Vehicle ou H-II Transfer Vehicle) de la JAXA.

L'ATV est un module automatique cylindrique de 10.3 x 4.5 m et d'une masse à vide de 10.47 tonnes. Il est autome et propulsé par 4 moteurs-fusées développant 490 N. Il est capable de transporter 7.7 tonnes de fret entre la basse atmosphère où il est largué par une fusée Ariane 5 et la station ISS. Cinq missions furent budgétisées entre 2008 et 2014. Pour l'avenir, faute de financement, l'ESA a décidé de ne plus prendre en charge ce genre de véhicule et annonça en 2012 qu'elle confiait la conception du futur vaisseau de transport à la NASA (notamment le module de service attaché au vaisseau Orion).

En parallèle, les Japonais en collaboration avec la NASA ont développé le HTV qui fut opérationnel en 2009. C'est un module automatique cylindrique de 9.8 x 4.4 m et d'une masse à vide de 11.5 tonnes qui peut embarquer une charge maximale de 6 tonnes (un peu moins s'il s'agit d'une charge pressurisée). Comme on le voit à gauche, pour l'arrimer à la station ISS, l'équipage l'attrape au moyen du bras télescopique Canadarm et le fixe à l'une des écoutilles de la station.

Comme l'ancien module européen, l'HTV est chargé de fret comprenant tout ce dont l'équipage a besoin pour conduire les expériences, des objets usuels et surtout de la nourriture et récupère en retour tous les détritus stockés à bord d'ISS. Le HTV reste fixé à la station durant un à deux mois. Il revient ensuite sur Terre au moyen de ses propres propulseurs et se consume dans l'atmosphère au-dessus de l'océan Pacifique. Neuf lancements furent programmés jusqu'en 2019.

Ensuite, comme évoqué, cette tâche fut assurée par la fusée Falcon 9 de SpaceX portant la capsule Dragon.

6. La station spatiale chinoise Tiangong

La Chine est en train de construire une petite station spatiale surnommée Tiangong (le Palais céleste) qui doit être opérationnelle en 2022. Le projet comporte 11 lancements spatiaux et l'assemblage de trois modules d'environ 22.5 tonnes et de deux modules d'expérimentations placés perpendiculairement. Ils seront tous préassemblés au sol (contrairement à certains éléments de la station ISS qui furent assemblés en orbite).

La station évolue entre 340 et 450 km d'altitude (contre 330-460 km pour ISS). Son poids est supérieur à 90 tonnes (contre 450 tonnes pour ISS). Le volume interne total sera de 110 m3 (contre 916 m3 pour ISS dont 388 m3 habitables). Des panneaux solaires fourniront une puissance de 27 kW d'électricité (contre 120 kW pour ISS). La station peut accueillir trois taïkonautes en permanence (et six lors des changements d'équipage) contre sept astronautes en permanence pour ISS.

En résumé, la station chinoise est à peine plus grande que l'ancienne station Mir soviétique et est 4 fois plus petite que la station ISS.

Plusieurs vols préparatoires eurent lieu depuis 1999 avec le lancement du vaisseau habité Shenzhou en 2003, du vaisseau cargo Tianzhou en 2016 et en 2017.

Le vol inaugural vers la station Tiangong se déroula le 29 avril 2020 avec le lancement de la fusée Longue Marche 5B depuis le pas de tir du Centre de lancement spatial de Jiuquan, dans le désert de Gobi, qui plaça sur orbite le module principal Tianhé (l'Harmonie des cieux).

Ensuite, une fusée Longue-Marche 2F fut lancée le 17 juin 2021 avec trois taïkonautes à son bord (cf. le tweet du CNSA). Le vaisseau habité Shenzhou 12 s'arrima avec succès au module principal Tianhe. La mission des trois taïkonautes dura trois mois. L'équipage revint sur Terre à bord de la capsule Shenzhou 12 le 17 septembre 2021 (cf. le tweet du CNSA). Puis, le 16 octobre 2021 trois nouveaux taïkonautes dont une femme ont rejoint la station spatiale chinoise pour une mission de six mois. Ensuite, deux autres modules nommés Wentian et Mengtian s'y sont arrimés en 2022.

La durée de vie de la station Tiangong n'est pas encore fixée mais elle devrait être opérationnelle au moins jusqu'en 2030 et si possible durant 15 ans, soit jusqu'en 2037.

Illustration et schéma de la station spatiale chinoise totalement assemblée. Documents D.R. et AFP.

Plusieurs pays envisagent de s'y associer en envoyant des expériences scientifiques, dont la France, l'Allemagne, le Japon, le Pérou et le Kenya. Mais cette collaboration n'est pas appréciée par la NASA. En 2020, Jim Bridenstine, ancien élu républicain et administrateur de la NASA déclara lors d'une audition au Congrès à propos de la station spatiale chinoise : "Ils sont rapidement en train de la promouvoir auprès de tous nos partenaires internationaux, dans lesquels nous avons tant investi. Ce serait tragique, après tout ce temps et tant d’efforts, d’abandonner l’orbite terrestre basse et de céder ce territoire" (cf. Phys.org). En 2021, Bill Nelson, le nouvel administrateur de la NASA réitéra sa préoccupation, voyant dans la Chine "un compétiteur très agressif".

Selon Brian Weeden, directeur de la planification des programmes à la Secure World Foundation, "Faire de la station spatiale chinoise une menace si sérieuse est une erreur car elle joue dans les propres objectifs politiques de la Chine. La Chine essaie d'utiliser sa station spatiale pour montrer qu'elle est aussi une puissance spatiale, et ces allusions constantes à une course à l'espace et les inquiétudes concernant la menace posée par leur station spatiale renforcent ce message. C'est une réalisation importante, mais cela ne signifie pas que la Chine a égalé, et encore moins dépassé, les États-Unis" (cf. TWP).

Jusqu'à preuve du contraire, la NASA n'a pas le monopole de l'espace ni le droit d'imposer quoi que ce soit aux autres puissances spatiales. De plus rien n'indique que la Chine veut menacer les autres nations en construisant cette station spatiale, que du contraire. Si la Chine avait un objectif militaire dans l'espace, elle n'en ferait pas la publicité et aurait déjà utilisé ses satellites.

Le plus dangereux des deux pays n'est peut-être pas celui qu'on pense quand on sait que depuis le 20 décembre 2019, les Etats-Unis possèdent une force spatiale, l'United States Space Force (USSF ou US Space Force, l'ancienne Air Force Space Command), composée de 5 escadrilles, 2 bases et de 22 unités distribuées dans 9 pays, capables de conduire des opérations militaires dans et depuis l'espace.

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