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Médecine

Cadavre à la morgue. Document Dreamstime.

Décomposition d'un corps humain après la mort

Comment se décompose un corps humain après la mort ? Demandons au Dr Michel Sapanet, médecin légiste au CHU de Poitiers de nous éclairer sur le sujet (consultez aussi ses livres).

Sur le plan biologique, lorsqu'une personne meurt, l'activité métabolique ne va pas cesser immédiatement dans tous les organes. D'abord les fonctions cardio-respiratoires qui sont des actes réflexes contrôlés par les systèmes nerveux autonome et somatique s'arrêtent : les cellules cardiaques et le cœur cessent de battre et la circulation sanguine s'interrompt. Cet arrêt des métabolismes entraîne l'arrêt de la communication interneuronale.

Du point de vue médico-légal, si une personne ne respire plus, si toute activité cérébrale est arrêtée pendant 10 minutes après l'arrêt du coeur, les médecins parlent de "mort cérébrale" et considèrent que la personne est décédé (cf. "Science").

Notons que c'est pendant ces 10 minutes que certaines personnes qui ont survécu à une crise cardiaque font l'expérience de la "mort imminente" ou NDE (Near-Death Exzepriment). Elles tiennent généralement le même discours, disant avoir traversé un tunnel sombre donnant sur un espace très lumineux, avoir perçu des sons ou vu des personnages que certaines interprètentcomme une expérience mystique qui les bouleversa profondément. Mais les recherches du neurologue Steven Laureys du CHU de Liège qui réalisa sur lui-même des expériences sous contrôle médical pour mieux cerner ces états modifiés de conscience et interrogea des patients dont certaines parties du cerveau avaient été endommagées, suggèrent que ces expériences toucheraient plus à l'activité autonome du cerveau et aux hallucinations qu'à une autre réalité.

Cet arrêt des fonctions vitales va entraîner progressivement la défaillance des autres organes les uns après les autres (ce bref délai est aussi une opportunité à saisir pour prélever des organes à greffer).

Peu à peu, le corps qui était alors à ~37°C commence à se refroidir. En l'espace d'environ 24 heures, sa température va s'équilibrer avec celle du milieu ambiant.

Pendant ce temps, sous l'effet de la pesanteur le sang descend et s'accumule dans les parties plus basses du corps. Les globules rouges vont s'amonceler et l'hémoglobine va diffuser hors des vaisseaux.

Dans les deux heures qui suivent le décès, de grandes taches de couleur lie-de-vin appelées "lividités cadavériques" se forment (elles sont absentes aux endroits où le corps prend appui). Ces taches sont caractérisées par une coloration bleue ou pourpre de la peau. Une douzaine d'heures après la mort, le phénomène atteint son intensité maximale. Les lividités sont à présent fixées ; à partir de ce moment, même si on déplace le corps, le sang ne bouge plus.

Sous l'effet de la libération d'acides et l'accumulation de calcium dans les muscles, les fibres musculaires vont se contracter de manière totalement involontaire et durcir. Cette rigidité cadavérique touche d'abord la nuque, les paupières et la mâchoire, puis s'étend graduellement à l'ensemble du corps dans les 12 heures. Les doigts sont très crispés et recroquevillés et les articulations sont très rigides.

La décomposition des tissus humains comprend deux processus distincts : l'autolyse et la putréfaction. L'autolyse ou autodigestion débute environ 4 minutes après le décès : les cellules, privées d'oxygène et d'apport nutritif et noyées dans leurs déchets, meurent, détruites par leurs propres enzymes.

Ensuite, les bactéries et autres micro-organismes s'attaquent aux tissus, où ils trouvent quantité de fluides riches en nutriments. Dans les 24 ou 48 heures suivant le décès, on commence à voir une tache verte de putréfaction se former sur la paroi de l'abdomen, au niveau de l'intestin. Cela correspond à la migration des pigments des matières fécales qui traversent les parois et qui apparaissent en surface. Ensuite la tache verte s'étend au thorax.

Les gaz produits par les bactéries s'accumulent et vont faire gonfler l'abdomen. Le sang qui stagnait dans les vaisseaux va se déplacer; c'est ce qu'on appelle la circulation posthume. Les veines superficielles vont devenir très sombres. Des sortes d'ampoules se forment sur la peau qui commence à se décoller. Le visage se boursoufle, les yeux bouffissent et la langue ressort.

Quelques semaines après le décès on entre dans le cycle de putréfaction qui commence lorsque la réaction biochimique d'autodestruction cellulaire est terminée. A ce stade, les bactéries vivant dans le corps vont s'attaquer au système digestif puis à tous les autres organes (foie, rate, coeur, cerveau, etc). La peau, les cheveux et les ongles se détachent (contrairement à ce que prétend la rumeur, ils ne continuent pas à pousser après la mort. C'est la peau qui s'assèche et se rétracte, faisant ressortir les poils et les ongles).

Le corps commence à suiter des liquides noirs et rouges. La peau devient prorgressivement verdâtre puis noire. Les liquides ainsi que des gaz sont expulsés par la bouche et le nez. Les principaux organes éclatent. Si la surcharge graisseuse est importante, la graisse va se liquéfier et des grosses bulles vont apparaître sur la surface de la peau contenant des liquides de putréfaction ou de la graisse liquéfiée. Le tout dégage des effluves nauséabondes (on les a comparées aux fromages forts comme l'Époisse ou le Maroille et les graisses à l'odeur de beurre rance. Même les os nettoyés conservent quelque temps cette odeur de beurre rance).

Cadavre à la morgue. Document Shutterstock.

Si la dépouille n'est pas immédiatement placée dans une morgue ou dans un cercueil, outre les bactéries omniprésentes, dans la première heure suivant la mort de l'individu, les mouches nécrophages vont détecter l'odeur cadavérique. Elles vont pondre des œufs généralement près ou dans des orifices naturels et des endroits humides (narines, bouche, oreilles), les yeux ou les blessures (une seule mouche du genre Calliphora ou mouche bleue de la viande peut ainsi pondre 2000 œufs). Quelques jours plus tard, leurs larves ou asticots vont éclore et pénétrer la peau pour se nourrir des tissus humains. Ensuite, divers insectes et autres petits animaux se relaient au fil des jours et des mois pour décomposer ou liquéfier les chairs dans un ordre chronologique précis qui dépend de l'état de décomposition du corps (ce qui permet aux entomologistes judiciaires de dater les cadavres).

Combien de temps faut-il pour qu'un corps se décompose ? La vitesse de décomposition d'un cadavre dépend de la température, sachant que la chaleur et l'humidité ambiantes accélèrent le processus tandis que le froid ralentit l'autolyse et empêche les bactéries de proliférer. Cela dépend également du gabarit de la personne.

En moyenne, en plein été dans un pays humide d'Europe, la décomposition complète d'un corps laissé à l'air libre dure un mois (c'est la raison qui explique pourquoi au bout d'un an on ne retrouve plus de cadavre ni de squelette quand on enterre un petit animal à même la terre). En revanche, placé dans un cercueil, la décomposition complète du corps peut parfois prendre plusieurs années.

A la fin du processus de décomposition, il ne reste que le squelette et les ligaments. Les ligaments qui sont principalement composés de collagène vont sécher et se rétrécir. Le squelette va se disloquer : les doigts et les orteils vont se désunir puis les grosses articulations, notamment la mandibule inférieure (d'où les nombreux crânes préhistoriques découverts sans mandibule ou des pieds dans des basquets ramenés par la mer).

Finalement, au bout d'un an il ne reste généralement plus que le squelette et les dents. Après une cinquantaine d'années, les os sont fragilisés et deviennent cassants. Mais si le climat est très sec (désertique ou de haute altitude) ou protégé de l'oxydation et des bactéries (les tourbières), les os et même les chairs peuvent survivre des centaines voire des milliers d'années.

Enfin, un cadavre peut être conservé à condition d'extraire tous les fluides et de les remplacer par du formol qui va ralentir la putréfaction. L'opération dure moins de deux heures et est réalisée par un thanatopracteur. 

Rappelons que la thanatopraxie était déjà pratiquée dans l'Antiquité (par les Égyptiens, les Incas, les Chinois). L'embaumement fu pratiqué en Europe, notamment à de rares occasions pour ramener les corps des Croisés décédés et plus systématiquement aux Pays-Bas à partir du XVIIe siècle puis à l'occasion des guerres. La procédure ne sera banalisée qu'à partir du milieu du XXe siècle.

Pour plus d'informations

Les livres du Dr Michel Saparet

Steven Laureys (neurologue au CHU de Liège), reportage de la RTBF

The fascinating process of human decomposition, Vox (YouTube)

Brain activity may continue after heart stops beating, B. Wessel, Science, 2017.

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