Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

 

 

 

 

L'évolution des systèmes vivants

L'évolution cellulaire selon Carl Woese.  Document T.Lombry.

L'arbre phylogénétique (VI)

Il reste une question en suspens. Si nous acceptons la théorie de l'évolution, comment dans ce cas peut-on imaginer à l'instar des Créationnistes que nous appartenons au même arbre de vie que le cierge du Mexique ou l'amibe ? Existe-t-il une "chaîne du vivant" comme l'ont proclamé longtemps les savants d'avant Darwin ? Non, non et non. Une nouvelle fois, tout tient dans la précision du langage - bien que dans l'esprit des Créationnistes leurs intentions soient guidées par une doctrine.

Si nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il y ait des variations d'une génération à l'autre et ainsi de suite durant des millions d'années, nous avons tout de même du mal à croire que nous descendons d'un cactus ou d'une amibe !

Comme nous l'avons expliqué (cf. page 3) et comme chacun peut le constater, dès l'état embryonnaire, il y a une différence entre l'évolution de l'homme et du poisson ! Ce qui est exact en revanche c'est le fait que tous les êtres vivants ont un code génétique, l'ADN qui prouve que nous descendons vraisemblablement tous d'un ancêtre commun.

Ainsi que le soulignait Christian de Duve[22] : "L'étude phylogénétique se fonde sur l'hypothèse - aujourd'hui amplement vérifiée dans de nombreux cas - que les similitudes de séquences entre des gènes homologues de différents organismes sont le reflet d'une origine commune."

Il existe un gène très connu, celui de l'histone H4 qui peut nous servir d'exemple. L'histone H4 est un peptide composé de 306 acides aminés dont la tâche est de compactifier les brins d'ADN dans le noyau des cellules. Tous les loci de cette chaîne moléculaire ont un rôle spécifique.

On retrouve l'histone H4 dans le pois de senteur et le thymus du veau, comme d'ailleurs chez tous les êtres vivants[23]. Celui du pois de senteur ne diffère de celui de l'être humain que par la substitution de deux acides aminés. L'ancêtre commun de ces deux groupes est un protiste qui a existé avant la bifurcation végétal/animal, il y a environ 1.5 milliard d'années.

Il est étonnant et cela relève même du prodige que le "texte" de l'histone H4 ait été copié sans la moindre faute à chaque génération depuis cette lointaine époque. Cela représente quelques dizaines de milliards de copies parfaites dans un environnement parfois hostile, en tous cas soumis aux lois de la sélection naturelle pour finalement aboutir à moins de 1% d'erreur ! Essayer de vous imaginer la précision et la "résistance" (ou résilience) au milieu que cela exige. Mais tous les gènes ne sont pas à l'image de l'histone H4, certains mutent facilement d'une espèce à l'autre, d'autres se fourvoient dans des hybridations sans lendemain.

L'arbre phylogénétique du vivant. Ci-dessus à gauche et à droite (dont voici une version poster de 20 MB), deux versions complètes. Notez sur celui de droite, sur la branche terminale au-dessus à droite, la petite ramille émergeante du règne des animaux, de laquelle nous sommes issus. Perdu dans l’arbre de l’évolution, cette ramille n’a vraiment pas de quoi nous enorgueillir. Ci-dessous à gauche, l'arbre phylogénétique des plantes à fleurs ou angiospermes. A droite, celui des microbes. Documents edu.ge, The Open University et S. Ramínez-Barahona (2020) adaptés par l'auteur, et K.Goldfarb et al. (2011).

Nous pouvons donc être rassurés sur la fidélité[24] de certains gènes et dessiner notre arbre paléogénétique. On découvre que nous sommes tous issus d'un tronc commun, du même arbre phylogénétique que les végétaux, les bactéries et les insectes. Les réactions métaboliques de tous les systèmes vivants terrestres reposent sur les propriétés d'une vingtaine d'acides aminés, dont les premiers dignes représentants vivants furent probablement des systèmes anaérobies sans noyau mais disposant d'une membrane externe, les progénotes, longtemps avant les organismes photosynthétiques.

Sur ce schéma, que l'on doit principalement à Carl Woese chaque espèce est issue d'une lignée ancestrale profondément modifiée par ce qu'on appelle le hasard même si ce terme recouvre certainement plusieurs mécanismes plus subtils. En comparant l’ARN ribosomial entre les espèces, Woese considère que les organismes unicellulaires ne sont pas divisés en plus de 3 catégories. Les éléments communs de ces groupes peuvent cependant s’être développés en parallèle. Une analyse systématique fondée sur la chronologie permettra sans doute de préciser cette réponse. Mais d’ores et déjà, nous pouvons dire qu’il n'existe pas de "chaîne du vivant", ni au stade embryonnaire, ni dans un quelconque "chaînon manquant".

L'arbre archéobactérien

Arbre eucaryote

Arbre éocyte

Deux façons de considérer l’origine phylogénétique des cellules eucaryotes. Dans l’arbre eucaryote, ces derniers partagent un ancêtre commun avec 3 groupes récents de bactéries : les bactéries halophiles, les méthanogènes et les éocytes. Dans l’arbre éocyte, les eucaryotes ne partagent qu’un seul ancêtre commun, les éocytes. Document adapté de Science.

Du hasard à la raison Suprême

Comme bon nombre de personnes, lorsqu'on parle de hasard nous détournons la tête car l'hypothèse ne semble pas pouvoir soutenir l'observation du milieu; tout semble contrôlé avec une minutie d'horloger et évoluer dans le sens du progrès. Mais ce refus est posé par ignorance.

Sans entrer dans des considérations anthropiques ou religieuses sur lesquelles nous reviendrons, dans le monde qui nous entoure on peut dire que le hasard fait souvent bien les choses ou en tous cas atteint son objectif.

Ne prenons que trois exemples où le hasard joue un rôle clé : la pollénisation, les végétaux épiphytes et la transmission des virus de l'animal à l'homme. Dans les trois cas, la réussite ne dépend que du hasard, et il y réussit plutôt bien !

Le rôle clé du hasard a conduit les chercheurs néodarwiniens à faire de nouvelles expériences, mais cette fois au niveau du génome de la cellule ou en manipulant des bactéries. Les conclusions bien qu'un peu moins doctrinales semblent prouver une chose : statistiquement, des facteurs neutres, régressifs ou dominants ont les mêmes chances d'apparaître mais le milieu influence l'avenir du système, une conclusion à laquelle nous sommes déjà parvenus en bioastronomie, à propos de l'évolution des formes prébiotiques à l'origine de la vie.

L'art du mimétisme chez le phasme.

D'un point de vue thermodynamique, l'évolution biologique se complexifie suite à des contraintes croissantes, progressant par saut de manière imprévisible. Etant donné la complexité de la matière, sa compréhension totale paraît impossible. D'autant plus si on accepte l'hypothèse des équilibres ponctués pour lesquels le hasard (cumulatif) est capable de créer de nouvelles espèces en quelques dizaines de milliers d'années.

Pour certains biologistes il est tout à fait impossible que cette seule théorie puisse expliquer l'apparition des mammifères après l'extinction des grands sauriens. Une algue bleue, ou plutôt certaines séquences de son code génétique, ne peuvent pas se transformer en si peu de temps en un petit équidé galopant. Nous devons nous tourner vers les physiciens et les physico-chimistes pour rendre cohérent les observations contradictoires. D'autres, tel le mathématicien Hermann Weyl ou le paléontologiste Roberto Fondi[25] vont plus loin encore et invoquent des facteurs métaphysiques pour expliquer cette évolution. Mais cette recherche n'est plus le but de la physique mais celui de la philosophie.

Intrinsèquement, la théorie de Darwin, même alliée aux lois de Mendel est imprécise. Si on découvre une vie extraterrestre, qu'elle soit multiple ou unique, la théorie de Darwin expliquera le fait en disant simplement que l'espèce s'est suffisamment bien adaptée pour survivre, mais cette théorie ne pourra jamais prédire comment cette espèce évoluera. Ne pouvant pas expliquer ce phénomène - quelles que soient les conditions - le néodarwinisme apparaît comme une théorie "faute de mieux", ne pouvant prédire que "l'apparition d'une variété si les conditions le permettent".&

Comme le disait Karl Popper[26], "Dire qu'une espèce est adaptée à son environnement est presque une tautologie". Et de poursuivre, la question fondamentale est de savoir "comment mesurer la réussite effective d'un effort pour survivre ? La possibilité de tester une théorie aussi faible que celle-ci est presque nulle."

De fait, seule une théorie statistique permet de reconstituer les liens de causalités des processus. En nous tournant vers la théorie des grands nombres, des phénomènes de masse, la théorie de Darwin a une valeur universelle car elle prédit la variation des espèces et la faible quantité de grandes mutations accidentelles. Elle explique également parfaitement la lente évolution des organismes. A contrario il lui est pratiquement impossible de prédire l'évolution d'un changement particulier car une nouvelle fois le hasard travaille à son propre compte. Reste à savoir quand la vie émergea, qu'est-ce qui différencie une structure physique, un robot par exemple, d'un organisme qui se développe par sélection naturelle ? Si un biologiste répond qu'un organisme vivant résout des problèmes, le cybernéticien réfutera son argument en invoquant les robots adaptés aux environnements hostiles[27].

Reste donc le problème de la reproduction et de la variation de l'espèce, propre aux organismes vivants. Cette force vitale - inhérente à la vie - et qui dépend d'une sélection "à la Darwin" marquerait donc ses préférences pour les organismes disposés à évoluer, capable à terme d'avoir une conscience. C'est le "principe intérieur de perfectionnement" ou "orthogenèse" invoqué par le botaniste suisse Karl von Nägeli en 1884.

Vers 1870, le célèbre théoricien de l'orthogenèse Theodor Eimer concédait déjà que la variation de la couleur des yeux chez les insectes n'avaient rien de nature adaptive. D'un autre côté, l'évolution avait conduit à l'extinction de nombreuses espèces.

La pieuvre est experte dans l'art du camouflage, elle est capable de mimétisme, elle voit et sent avec ses tentacules, utilise des outils pour chasser, édite son ARN pour s'adapter, peut survivre hors de l'eau, résoudre des problèmes complexes et même apprendre en regardant ses congénères. Document T.Lombry.

Pour Darwin l'évolution de la couleur des yeux pouvait s'expliquer par le mimétisme. Or le darwinisme ne tenait pas compte de l'attitude comportementale des individus qui, le cas échéant, pouvaient exercer une pression suffisante sur leur niche écologique pour agir sur leurs descendants. Cet effet se réalise de manière objective, c'est-à-dire sans nécessairement que les organismes en soient conscients. L'orthogenèse exclut tout recours au hasard et tend à exclure l'idée de progrès de la nature. Elle se rapproche donc des idées vitalistes - et fausses - de Henri Bergson[28] et s'oriente vers le spiritualisme.

C'est dans ce sens que la théorie de Darwin est un programme de recherche, une idée métaphysique qui n'est corroborée que par l'existence des niches écologiques.

Aujourd'hui, le courant néodarwinien passe inévitablement par la génétique moderne. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Grâce aux travaux de IIya Prigogine[29], les biologistes contemporains considèrent les êtres vivants comme des "structures dissipatives" et leur appliquent les lois de la thermodynamique. Cette vision néodarwinienne semble promue à un bel avenir. Elle s'écarte du schème réductionniste traditionnel pour s'orienter vers un concept holistique et dynamique : la coévolution.

Ce n’est pas pour autant que cette évolution allant du simple au complexe signifie que les organismes dits “inférieures” sont moins adaptés à leur environnement que les organismes dits “supérieurs”. Qui oserait le prouver ? Voyez les bactéries. Leur ADN ne contient même plus de séquences inutiles et elles ont conquis tous les milieux. Pouvons-nous en faire autant ? Certainement pas et de plus les centaines d'espèces de bactéries qui vivent dans notre corps sont indispensables à notre survie.

Aussi, la théorie de “la survie du plus apte” chère à Darwin est un concept totalement dépassé. En effet, si l'être humain est parvenu à se hisser au “sommet de l'évolution” ce n'est pas en combattant les autres formes de vie mais grâce à une coopération continue faite d'interactions fortes et de dépendances mutuelles entre les différentes formes de vie, y compris les bactéries et les rétrovirus; ce n'est pas une lutte pour survivre comme les biologistes le pensaient jadis. Comme le souligne la biologiste Lynn Margulis[30] de l'Université du Massachusetts à Amherst, "La vie n'a pas conquis la planète par la force et le combat, elle y a tressé son réseau. Les formes de vie se sont multipliées et complexifiées en en cooptant d'autres, et non pas en se contentant de les tuer."

Du reste rien ni personne ne peut expliquer pourquoi dame Nature n’en n’est pas restée aux virus et aux bactéries et s’est mise à “bricoler” comme le dit François Jacob des organismes plus complexes. Rationnellement parlant, on peut invoquer “le mur de gauche” comme le nomme Stephen Gould, une tendance statistique qui force les espèces les plus simples à se diversifier ou “l’effet du caniveau”, qui conduit toujours un être acculé contre un mur à se diriger vers le caniveau, indépendamment des tendances.

S’il est possible de quantifier une mutation, ce qui est bénéfique pour un organisme ne l’est pas nécessairement pour un autre. Mais il est impossible d’évaluer cet avantage pour une adaptation environnementale. Puisque le seul hasard n’est pas le moteur de l’évolution et puisque la théorie de l’évolution est presque une tautologie, il ne reste donc pour certain que la raison Suprème et irrationnelle, la recherche du “point Oméga” cher au père Teilhard de Chardin. A chacun de juger la vraisemblance d'une telle hypothèse plus spirituelle que scientifique.

Ceci dit, grâce à tous ce que les chercheurs ont découvert et nous ont appris depuis plus deux siècles de recherches et de recensements systématiques du monde vivant des abysses au sommet de l'atmosphère, les biologistes ont finalement pu définir le concept d'espèce que nous pouvons résumer comme suit :

Le concept d'espèce

Les biologistes définissent une espèce selon 3 critères :

- Morphologique : les individus présentent une variabilité phénotypique minimale qui permet de les regrouper à partir de leur ressemblance apparente. Toutefois, cette variabilité des caractères physiques peut être héréditaire lorsque des espèces proches ont récemment divergé ou distinguer des caractères qui ne reflètent qu'un dimorphisme sexuel et dans ces cas parmi d'autres, le phénotype est insuffisant pour distinguer deux espèces.

- Phylogénétique : les individus présentent une certain nombre de caractères génétiques constant au cours du temps. L'espèce ainsi définie correspond au plus petit groupe d’individus présentant une combinaison génétique unique de caractères.

- Biologique : les individus sont naturellement fertiles et interféconds. Ce critère est toutefois difficile à confirmer quand il s'agit d'espèces éteintes (fossiles) ou dont la reproduction est asexuée.

Une idée de l'évolution

Et si dame Nature était aveugle...? En 1985, Hugh Montefiore, évêque de Kingston upon Thames et de Birmingham[31] écrivit un livre en faveur d'une théorie doctrinale de l'évolution initulé "The Probability of God". Il considérait que la sélection naturelle était dépourvue de signification, qu'elle n'était pas en mesure d'appréhender la complexité de l'évolution. Son jugement était en fait biaisé par sa foi aveugle dans la Bible.

Nous pouvons lui répondre que la sélection naturelle a bel et bien un sens. A la question de savoir pourquoi dans un milieu isolé, où les prédateurs sont rares, l'ours polaire est blanc ?, il n'y a qu'une seule réponse. Ce n'est pas par hasard ou par la volonté divine que le pelage de l'ours Arctique est blanc, mais essayer donc de chasser un phoque sur la neige avec un pelage sombre ! Pour survivre, il a donc fallu que l'espèce s'adapte à son environnement, comme les populations africaines ont la peau sombre pour mieux résister au rayonnement UV solaire.

Depuis Darwin, biologistes et zoologistes considèrent à juste titre que les changements qu'on a observé dans l'évolution des espèces sont dus à la sélection naturelle. Même si on ne peut intuitivement nous imaginer ces lentes mutations successives, il faut bien accepter ce fait. Nous pouvons mieux saisir ce mécanisme si nous retraçons l'évolution de l'homme, de Graecopithécus et Toumaï à l'homme de Néandertal. En l'espace de 7 millions d'années, des changements infimes dans le développement biologique des hominidés ont conduit à l'Homo sapiens. Ces centaines et ces milliers de siècles nous rendent incrédules car nous avons du mal à nous imaginer ces transformations morphologiques et génétiques invisibles durant une vie d'homme et des durées plus longues que la vie humaine. Pourtant, aux yeux d'un paléontologue, cette durée est infime eu égard à ce qu'il peut appréhender.

Une idée de l'évolution

Document http://www.signaturecommunities.com/

A travers ces illustrations, on peut avoir une idée intuitive et métaphorique des changements qui se sont déroulés depuis la formation de la Terre et du sens de l'évolution. Chaque pas que nous imprimons dans le sable nous fait progresser de 3 millions d'années. En nous retournant nous constatons que nous n'avons fait que 2 pas depuis notre ancêtre Toumaï mais il nous a fallu parcourir 2280 m depuis l'époque des stromatolites et 3 km depuis la formation de la Terre. Ci et là l'effet du hasard modifie ponctuellement nos empreintes mais nous avons malgré tout suivi une trajectoire particulière bien que foncièrement aléatoire et plus proche du chaos que de l'organisation consciente. Comme le dit son propriétaire "Nous façonnons l'avenir dans les traces de notre passé". L'illustration de droite que nous devons à Sandra Kuck a été adaptée par l'auteur.

Nous pouvons toutefois essayer de nous représenter la durée de l'évolution de la race humaine en la comparant aux empreintes de pas dans une plage. Comme illustré ci-dessus, à chaque pas nous progressons de 3 millions d'années et laissons une empreinte pendant que la marée monte. Après avoir ainsi marché une heure, retournous-nous et inversons la flèche du temps. Si nous remontons le temps, notre ancêtre Toumaï âgé de 7 millions d'années n'est qu'à deux pas derrière nous. La quatrième empreinte derrière nous est celle laissée par nos ancêtres simiesques arboricoles nés il y a 12 millions d'années. Plus tôt encore, il y a 66 millions d'années, la Terre était envahie de dinosaures et probablement par nos ancêtres, de petits animaux cavernicoles, effrayés par ces monstres. Cela représente presque 18 pas de plus et 13 mètres de franchis. Ainsi de suite. Combien de mètres faudra-t-il marcher pour remonter à l'époque des premiers stromatolites, il y a 3.8 milliards d'années ? 2280 mètres. Et combien jusqu'à la formation de la Terre ? 3 km.

En nous retournant nous avons ainsi une idée de ce que représente l'évolution de la nature et de la quantité de changements déjà importants qu'elle laissa tous les 3 millions d'années. Chaque empreinte laissée dans le sable suit le schéma général de notre marche et très peu d'entre elles s'écartent du chemin, tels des accidents de parcours, des mutations aléatoires.

Toutefois, de temps en temps en fonction d'aléas divers, nous constatons que de petits changements aléatoires apparaissent dans nos premières empreintes, mais dans l'ensemble et du moins d'un pas à l'autre, elles n'ont pas subit de profondes altérations. C'est le hasard de notre cheminement au comportement chaotique qui nous a progressivement conduit jusqu'ici. Jusqu'à preuve du contraire, ce chemin n'est en rien tracé ou prédéterminé. De la première empreinte presque méconnaissable à celle bien nette que nous venons de marquer, telle est la distance qui nous sépare de la formation de Terre et des premiers signes de vie. Rien ne nous relie directement à ces derniers et pourtant ils sont empreints dans nos gènes.

Ainsi procède dame Nature (mais qui peut-être n'existe pas). Dictée par un instinct de survie, elle ignore où elle va, mais gouvernée par la sélection naturelle et des interactions ingénieuses avec tous les organismes dont nous ignorons encore l'essentiel des lois, elle regarde résolument vers l'avenir, tamisant les générations pour engendrer les ordres croissants de la complexité.

Trois éléments prouvant que l'Évolution est un fait

En guise de conclusion, nous pouvons résumer ce que nous apprend la théorie de l'évolution ou inversément démontrer à travers quelques indices et des arguments scientifiques que l'évolution n'est pas une invention de l'esprit mais est un fait attesté.

Des indices scientifiques très convaincants supportent la théorie de l'évolution :

- Les traits communs : dans une famille même élargie, il existe des traits communs entre les individus, certains traits sautant même une ou plusieurs générations. Plus l'individu est génétiquement proche d'un autre, plus il lui ressemble. Ces similitudes appelées "synapomorphies" s'appliquent à tous les organismes vivant sur Terre. Elles sont la preuve que les individus ont hérité de caractères spécifiques d'un ancêtre commun (par exemple tous les insectes aussi diversifiés soient-ils ont 6 pattes). On constate aussi que les espèces semblables ont tendance à vivre proches les unes des autres (parfois aidées par un isolement géographique). Si l'évolution n'était pas vrai, cette distribution géographique n'aurait aucun sens. De plus, ces similitudes semblent arbritraires et ne présentent apparemment aucun avantage sélectif.

A gauche, évolution des pattes entre les poissons du dévonien et les reptiles du carbonifère. Il a des différences mais également des traits communs qui permettent de relier ces classes et ordres entre eux. A droite, sculptures en verre de quelques spécimens de la classe des insectes (à 6 pattes) et quelques représentans des sous-ordres (4 paires de pattes chez les arthropodes, 2 paires de pattes chez les odonates (libellules), etc). Documents Geopedia et Wesley Fleming

Des recherches en bioaccoustique menées par Jayne Yack de l'Université Carleton ont montré un exemple étonnant de conservation d'un comportement ancestral : la réaction des animaux face au cri d'alerte d'un petit ou d'un bébé. Que le petit soit de sa propre espèce ou d'une autre, la plupart des animaux réagissent à son cri, même s'il sort d'un haut-parleur. Que ce soit des biches ou des écureuils, toutes les femelles s'inquiètent quand elles entendent des cris plaintifs et se rendent sur place secourir le pauvre petit. Plusieurs espèces (écureils, babouins, baleines, dauphins, loups, etc) montrent même de l'altruisme en adoptant le petit orphelin d'une autre espèce ou d'un proche décédé.

Ce comportement protecteur est l'instinct maternel. Etant similaire chez la plupart des mammifères et offrant évidemment un avantage à l'espèce, on en déduit qu'il remonte à l'époque de l'ancêtre commun des animaux placentaires et a été conservé depuis 80 voire 150 millions d'années.

Ces recherches ont fait l'objet de plusieurs reportages présentés à la TV et en podcast (cf. L'énigmle du cri silencieux).

L'être humain a hérité de ce comportement et y excèle encore mieux que les autres espèces. Comme chez les autres animaux, les cris du bébé humain présentent une fréquence beaucoup plus élevée que les sons habituels et sont très puissants dans le but d'attirer l'attention. Plus étonnant, en sait aujourd'hui que ces cris peuvent déclencher une modification spécifique des processus neuronaux et des fonctions cognitives corrélées chez les parents. En deux mots, au contact de leur bébé, les jeunes parents acquièrent une souplesse cognitive leur permettant de déporter rapidement leur attention. De la réponse à la détresse de leur bébé, ils peuvent rapidement se reconcentrer sur une autre tâche (cf. D.W. Haley et al., PLoS One, 2016). Quant à savoir comment une aussi petite personne peut crier aussi fort, c'est une autre question.

- Les changements temporels : quantité d'espèces éteintes ont été découvertes sous formes fossilisés et sont généralement très différentes des espèces actuelles (cf. les trilobites, les dinosaures, etc).

Notons que les fossiles sont datés et organisés soit grâce à des méthodes directes (datation radiométrique, etc) soit indirectes (datation relative grâce à des marqueurs, des fossiles ou d'autres techniques).

Pour les lignées vivantes, plus on remonte le temps, plus les espèces se différencient par rapport aux espèces actuelles. Ces tendances globales s'observent également à l'échelle individuelle, les lignées pouvant évoluer au cours du temps.

Pour déterminer qu'une espèce est apparentée ou distincte d'une autre, il faut d'abord observer les similitudes suggérant qu'elles sont liées (voir ci-dessus). Ensuite, il faut s'assurer qu'elles représentent une tendance, ce qu'on appelle la progression du changement. Par exemple, au fil du temps, l'espèce passe de l'expression faible d'un certain caractère à une expression intermédiaire à une expression élevée (par exemple le développement pattes). En fait, puisque cela nous concerne, il n'y a pas d'autre "chaînon manquant" dans l'évolution des hominidés que celui qui se trouve dans notre ascendance commune.

Les fossiles ne sont pas la seule façon d'observer les changements des espèces. Nous pouvons l'observer en laboratoire, à travers la distribution géographique des espèces ou à travers la sélection artificielle (cf. les animaux domestiques et agricoles).

A gauche, morphologie comparée des squelettes d'un chimpanzé (gauche), d'un Australopithecus afarensis (Lucy, au centre) et d'un homme moderne (à droite). Adapté de CAS. A droite, l'arbre phylogénétique des hominidés version 2013. Ces similitudes montrent sans ambiguïté qu'il il y a une évolution à partir d'une espèce ancestrale commune. Documents Archaeology Info et PKL adaptés par l'auteur.

- Les marques du passé : comme les étiquettes de traçabilité apposées sur les objets, les espèces portent les marques de leur passé génétique (par exemple les ongles aux extrémités aplaties des nageoires du lamentin ressemblent aux pattes de l'éléphant. Ces traces ou signes peuvent prendre la forme de caractères réutilisés, traits qui nuisent généralement aux chances de survie ou de reproduction d'une espèce (depuis que nos ancêtres mangent des fruits par exemple, notre pseudogène GLO de la vitamine C a muté depuis longtemps et n'est plus efficace, cf. cette étude du NCBI). En d'autres termes, les espèces sont imparfaites et ce sont ces défauts qui indiquent clairement leur origine naturelle.

En résumé, en étudiant une espèce, un biologiste ou un paléontologue doit pouvoir répondre à trois questions :

- Cette espèce partage-t-elle des similitudes avec d'autres espèces qui pourraient suggérer qu'elles sont étroitement apparentées ?

- Y a-t-il des progressions dans les changements subis par cette espèce que nous pouvons observer dans les archives fossiles, l'histoire ou à travers la géographie ?

- Est-ce que cette espèce présente des traits hérités des générations passées ?

Si la réponse est "oui" alors la théorie de l'évolution est confirmée dans les faits. Bonne nouvelle, cette théorie n'a jamais été démentie contrairement à ses concurrentes, dont le Créationnisme et autres interprétations bibliques qui ne sont que des superstitions d'un autre âge.

Pour plus d'informations

L'origine et l'avenir de l'homme (sur ce site)

Darwin online

Livres

L'Histoire du corps humain, Daniel Lieberman, JC.Lattès, 2015

Biologie, Peter Raven et al., de boeck, 2014

Biologie, Neil Campbell et al., Pearson, 2012

Les origines de la vie. Histoire des idées, Florence Raulin Cerceau et Bénédicte Bilodeau, Ellipses Marketing, 2009

Le gène égoïste, Richard Dawkins, Mengès, 1978; Armand Colin, 1990; Odile Jacob, 2003

Le hasard créateur, Rémy Lestienne, La Découverte, 1993

Théorie neutraliste de l'évolution, Motoo Kimura, Flammarion, 1990/1992

Les héritiers de Darwin, Marcel Blanc, Le Seuil, 1990

Le pouce du panda, Stephen J. Gould, Grasset, 1981; Points Sciences, 2014

La logique du vivant, François Jacob, Gallimard-Tel, 1970/1976

L'Origine des espèces, Charles Darwin, La Découverte, 1985; Flammarion-GF, 2008; Honoré Champion, 2009; Seuil, 2013

Voyage d'un naturaliste autour du monde, Charles Darwin, 1831-1836; La Découverte, 2006

Philosophie zoologique, Jean-Baptiste Lamarck, 1809; Flammarion, 2009.

Retour à la Biologie

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 -


[22] C.de Duve, "Construire une cellule", op.cit., p55. A propos de l'arbre phylogénétique et du cladogramme des primates et des préhumains lire D.E. Wildman, "Implications of natural selection in shaping 99.4% nonsynonymous DNA identity between humans and chimpanzees: enlarging genus Homo", Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 10;100(12):7181-8, 10 Jun 2003 - M.Goodman et al., "Toward a phylogenetic classification of Primates based on DNA evidence complemented by fossil evidence", Mol. Phylogenet. Evol., 9(3), June 1998 - J.Shoshani et al., "Primate phylogeny: morphological vs. molecular results", Mol. Phylogenet. Evol., 5, 102-54, Feb 1996 - M.Goodman et al., "Molecular phylogeny of the family of apes and humans", Genome, 31, 1989 - J.Lake, Nature, 321, 1986, p657 - C.Woese et al., Nature, 320, 1986, p401 - C.Woese, Microbiological Review, 51, 1987, p221 - C.Woese et al., Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 87, 1990, p4576 - M.Rivera et J.Lake, Science, 257, 1992, p74.

[23] S.Gould et al., EMBO Journal, 9, 1990, p85.

[24] L.Orgel, Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 49, 1963, p517 - S.Gould et al., EMBO Journal, 9, 1990, p85 - B.Perbal et M-M.Kohiyama, Compte Rendu de l'Académie des Science de Paris, 300,1985, p177.

[25] R.Fondi, "La révolution organiciste", Le Labyrinthe, 1986.

[26] K.Popper, "La Quête inachevée", op.cit, p242.

[27] Cf. le dossier consacré à la philosophie des sciences.

[28] H.Bergson, “L’évolution créatrice”, A.Skira (Genève), 1945.

[29] I.Prigogine et H.Nicolis, Quaterly Review of Biophysics, 4, 1971, p107 - I.Prigogine et I.Stengers, "La Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science", Gallimard, 1979. M.Ray, Proceedings of the Royal Society of London, B, 228, 1986, p241 - Cf. également le dossier consacré à la théorie du Big Bang.

[30] L.Margulis et D.Sagan, "L'Univers bactériel”, Albin Michel, 1989, p18.

[31] H.Montefiore, "The Probability of God", Trinity Press International; SCM Press, 1985.


Back to:

HOME

Copyright & FAQ