|
Propriétés des molécules prébiotiques Entre aromates et poisons Les planètes gazeuses, certaines lunes, les milieux interplanétaire et interstellaire, les comètes et les nébuleuses en particulier contiennent des molécules organiques plus ou moins complexes parmi lesquelles nous trouvons l'acide cyanhydrique (HCN), le formaldéhyde (H2CO), le cyanure de méthyle (CH3CN), les PAH, le méthane (CH4), l'ammoniac (NH3), le cyanogène (C2N2), le monoxyde de carbone (CO) ainsi que de l'oxygène (O). A priori ces substances ont mauvaise réputation du fait de leur toxicité ou du risque d'incendie ou d'explosion plus ou moins élevé qu'elles représentent. Mais tout dépend de leur concentration. En effet, une allumette peut-être inoffensive comme elle peut incendier un building. Même le sel de cuisine est toxique pour l'homme puisqu'à forte dose il provoque une déshydratation pouvant entraîner la mort. Voyez par exemple ce qui se produit en versant du sel sur des sangsues ou plus gentiment sur des rondelles de concombre. De la même manière, si vous en êtes capable, le fait de boire de l'eau de mer ne va pas étancher votre soif, que du contraire. Il faut donc relativiser les effets de ces substances en fonction de leur concentration et de leur utilisation. Arrêtons-nous un instant sur ces molécules dont on parle souvent en bioastronomie et en radioastronomie mais que le public connaît finalement assez mal. Reconnaissons pour le profane en la matière que ces molécules nous disent peu de choses. Toutefois les astronomes, les chimistes et les droguistes les connaissent bien. L'acide cyanhydrique (HCN) L'HCN ou cyanure d'hydrogène est un composé chimique du groupe des nitriles (CN) - ce n'est donc pas un hydrocarbure - qui se forme dans toute "soupe prébiotique". On le trouve aisément en solution aqueuse où il prend alors le nom d'acide cyanhydrique ou acide hydrocyanique. Anciennement on l'appelait l'acide prussique. L'HCN pur, également appelé méthanenitrile, est incolore. C'est un liquide très volatil qui se sublime (fusion) à -13.2°C et bout à 25.7°C en libérant des gaz d'HCN (comme l'eau bout en libérant de la vapeur d'eau). L'acide cyanhydrique présente un léger goût d'amande amer et faiblement acide. L'HCN se transforme partiellement en ion cyanide CN en solution aqueuse, devenant un liquide volatil incolore attaché d'une odeur caractéristique. Les sels d'acide cyanhydrique sont appelés des cyanides. Utilisé dans l'industrie chimique, l'HCN permet de traiter l'acier trempé, de teindre, il sert d'adjuvant aux explosifs, dans la gravure, la production de résine plastiques acryliques et d'autres produits chimiques. L'HCN fut également utilisé pour fabriquer des gaz hémotoxiques (zyklon B) qui détruisent les globules rouges. Il fut notamment utilisé par les Nazis dans les chambre à gaz. Ce gaz est également présent dans la fumée de cigarette. Des détecteurs d'HCN sont disponibles dans le commerce. Pour en revenir à la biochimie, notons qu'en absence de stabilisants, l’HCN polymérise en donnant des composés cycliques complexes de couleur orange-brun. Cette couleur est due à la délocalisation des doubles liaisons. Selon certains exobiologistes, c'est la présence d'HCN qui expliquerait notamment la couleur de la Grande Tache Rouge de Jupiter ou de certaines bandes colorées de son atmosphère. L'HCN est également présent dans les fontaines d'Encélade, dans les nurseries d'étoiles enveloppées de gaz et de poussière ainsi que dans les disques protostellaires. L'HCN est considéré par les biochimistes comme l'une des molécules les plus importantes dans la formation des acides aminés. Nous verrons à propos de l'expérience de Miller ainsi que sur la surface des comètes ainsi que certaines lunes de Jupiter et de Saturne (cf. la contamination extraterrestre) que quelles que soient la quantité et la nature de la source d'énergie utilisée, l'HCN est toujours produit. Du fait que cette molécule peut être agencée de différentes manières, les biochimistes et les exobiologistes la considèrent comme la plus polyvalente des précurseurs des acides aminés. Par conséquent, sur le plan exobiologique, sa présence combinée à celle de l'eau, de l'hydrogène et d'autres molécules carbonées (méthane, gaz carbonique, etc), y compris des molécules organiques complexes (COM) est un indice favorable à l'existence d'une chimique prébiotique. Si par ailleurs l'environnement n'est pas trop froid et produit de l'énergie chimique, tous les facteurs sont réunis pour favoriser le développement de processus métaboliques basés par exemple sur la méthanogenèse et donc d'une forme de vie rudimentaire. Si cette réaction est vite résumée et paraît osée, rappelons qu'elle a réussi sur Terre avec le succès que l'on sait. Le formaldéhyde (HCHO ou H2CO) On l'appelle également méthanal ou aldéhyde méthanoïque car il s'agit d'une forme oxydée de méthane. Il existe en grande quantité sous forme de nuages moléculaires, par exemple dans la Grande nébuleuse d'Orion, M42. A pression ambiante, ce gaz présente une température de fusion de -92°C, un point d'ébullition de -20°C et s'enflamme spontanément à 430°C. Comme tous les hydrocarbures (molécules hydrocarbonées), c'est une substance extrêmement inflammable qui ne supporte pas la présence de flamme nue ou d'étincelles. Cette substance est soluble dans l'eau. La seule façon d'éteindre son embrasement consiste à utiliser un extincteur à poudre ou du dioxyde de carbone. Le formaldéhyde est également explosif lorsqu'il est mélangé à l'air, raison pour laquelle il est maintenu dans des bonbonnes et de préférence à basse température et arrosée d'eau pour piéger les gaz éventuels. Le formaldéhyde est présent sous forme volatile dans nos habitations suite à la dégradation de certaines substances (colles, peintures, etc). Il est également présent dans les mousses des fauteuils, certains vêtements et dans la fumée de cigarette. C'est le gaz toxique "domestique" le plus abondant et aussi le plus dangereux. A faible dose, il peut provoquer des éruptions cutanées. Son inhalation provoque une sensation de brûlure dans la gorge et les poumons, une toux, des maux de tête, des nausées, de l'essoufflement et peut provoquer un oedème pulmonaire. Une thérapie inhalatoire appropriée supprime toutefois ces symptômes. Absorbé en grande quantité, le formaldéhyde est cancérogène. Il est donc nécessaire d'aérer les habitations pour éliminer ce gaz. De nouvelles technologies permettent de mesurer la concentration de ce gaz au cours d'un test qui prend moins d'une heure (par ex. le kit proposé par Air Sur). Le CNRS a également développé des granulats fixant ce gaz. Il existe également des purificateurs d'air (Biozone) transformant le formaldéhyde en dioxyde de carbonique, oxygène et eau. Note : Le formaldéhyde (HCHO ou H2CO) et l'acide formique (H2CO2) semblent assez proches sur le plan de la formule chimique mais un atome suffit à changer drastiquement leurs propriétés chimiques et physiques. En fait il ne faut pas confondre aldéhyde et acide. Si on oxyde du méthane par exemple, on passe graduellement de l'alcool à l'acide. Les réactions sont les suivantes :
On est passé de l'hydrocarbure à l'aldéhyde puis à l'acide en passant par des états de plus en plus oxydés. Ajoutons que le formaldéhyde était jadis utilisé pour inactiver les virus lors de la préparation des vaccins, c'est lent (plusieurs semaines) mais efficace. Le formaldéhyde est également utilisé comme liant dans le bois aggloméré. Le cyanure de méthyle (CH3CN) Egalement appelé acétonitrile, il s'agit d'un nitrile aliphatique ou non aromatique, c'est-à-dire qu'il est exempt des doubles liaisons conjuguées ou cycle de carbone (benzène). Il entre en fusion à -45.7°C et bout à 81.6 °C. Il est présent dans l'alcool méthylique (alcool de bois ou méthanol) de formule chimique CH3OH mais il est absent du méthanol industriel. C'est un liquide incolore qui peut servir de solvant. Il est peu toxique mais peut entraîner la mort si on le respire une fois hydrolysé (coupure d'une liaison covalente par action de l'eau) ou si on le consomme. En effet, contenant des sels de cyanures, une fois hydrolysé il peut y avoir plus d'ions CN sur la pointe d'une aiguille que d'hémoglobine dans notre corps ! Le cyanogène (C2N2) Il s'agit d'un gaz inflammable que l'on avait déjà découvert sur la comète de Halley en 1910, ce qui créa un certain émoi dans la population, sachant que la Terre allait traverser la queue de la comète. Ce gaz synthétisé pour la première fois en 1782 est utilisé pour produire du chlorure de cyanogène (CNCl), un gaz urticant que connaissent bien nos forces de police. Le cyanogène est incolore et dégage une odeur proche de l'amande. Il entre spontanément en combustion à 650°C. Il est soluble dans l'eau et réagit avec plusieurs acides et oxydants forts tels que l'ozone, le monoxyde de chlore, les chlorates, les nitrates, les nitrites ou le fluor et peut entraîner une explosion, d'où son utilisation possible comme propergol pour les fusées. Le cyanogène est très toxique car le corps le métabolise sous forme de cyanure qui bloque l'action de l'hémoglobine. Il ne faut surtout pas respirer ses effluves qui peuvent entraîner une suffocation et la mort. L'acétone (C3H6O) L'acétone ou propanone représente la plus simple des cétones, c'est-à-dire des molécules organiques comprenant un groupe carbonyle (C=O). On a découvert cette substance en 2015 sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko sur laquelle s'est posée la sonde spatiale Philae larguée par l'orbiter Rosetta de l'ESA. L'acétone est une substance naturelle transparente qu'on peut à l'occasion retrouver en très petites concentrations dans l'urine et le sang car elle est produite à partir de la décomposition de corps gras. Elle est également présente dans les végétaux et apparaît comme produit de la décomposition du gras animal. On la trouve également dans les feux de forêts, les gaz d'échappement, le tabac et les décharges de matière organique. Enfin, elle se forme par distillation destructive du bois, de la cellulose, du sucre, etc. Connue du public pour son odeur typique éthérée fruitée dans les boutiques de nettoyage à sec, c'est un solvant liquide à température et pression ordinaires. Très légère (densité de 0.783), elle est inflammable et passe en phase gazeuse à 56°C. Elle est soluble dans l'eau, l'éthanol et l'éther. Très réactive, l'acétone réagit avec de nombreuses substances. Mélangée avec de la glace carbonique (CO2) on l'utilise comme liquide réfrigérant, notamment dans les frigos et surgélateurs car elle permet de descendre la température jusqu'à -78°C. Mélangée à l'acide chromique (H2CrO4), elle produit du monoxyde de carbone et de l'acide acétique (CH3COOH, celui qu'on retrouve dans le vinaigre blanc). Combinée à l'acide cyanhydrique (HCN), elle forme un nitrile, la cyanhydrine qui est ensuite transformée en ester sulfaté par l'acide sulfurique (H2SO4) et donne finalement par hydrolyse du bisulfate d'ammonium ((NH4)HSO4) et de l'acide méthacrylique (C4H6O2). Avec l'ammoniaque, elle forme du triacétone amine (TAA) utilisé comme stabilisant photochimique (cf. Ciba). Enfin, en présence de chaux, de potasse caustique ou d'acide chlorhydrique, l'acétone produit de l'oxyde de mésityle (C6H10O) utilisée en parfumerie et dans l'industrie d'extraction des minerais parfums, du phorone (C9H14O) qui peut servir de combustible, etc. On utilise l'acétone avant tout comme solvant (pour dissoudre le vernis à ongles, les colles et les fibres cellulosiques) car elle dissout rapidement beaucoup de matières organiques. Elle sert aussi à la fabrication des plastiques, du bisphénol (PHA) servant à fabriquer des polycarbonates et des résines époxyde ainsi que de médicaments. Sur le plan sanitaire, l'acétone n'est pas toxique mais peut provoquer des irritations voire abimer la peau. Son inhalation peut provoquer une irritation chronique et des troubles respiratoires. Son ingestion peut provoquer de l'ébriété et altérer la conscience (obnubilation) tandis qu'une forte exposition peut aussi entraîner une perte de conscience (comme l'éther). Elle provoque aussi des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et donne une haleine ayant l'odeur d'acétone, des symptômes typiques d'une crise d'acétonémie. Il existe des traitements médicaux y compris homéopathiques. Testée sur des animaux de laboratoire, l'acétone provoque des dommages aux reins, aux foie et aux nerfs ainsi qu'au foetus. Elle peut aussi en théorie entraîner un effet anticonvulsif sur des animaux épileptiques. On ignore si les mêmes effets peuvent être observés chez l'être humain. Face à ces risques potentiels, par sécurité la Commission européenne a fixé la dose maximale d'exposition à l'acétone à 500 ppm pour les professionnels. L'acétonitrile (C2H3N) L'acétonitrile ou cyanure de méthyle (cyanométhane) est un solvant qu'on a découvert en 2015 dans le disque protoplanétaire de la jeune étoile Herbig Ae MWC 480. Cette substance existe également à raison de 0.01% par rapport à l'eau dans les comètes. Elle est intéressante sur le plan prébiotique en raison de ses liaisons C-N car en phase gazeuse elle peut notamment former de l'HCN et survivre à la formation du disque protoplanétaire. L'acétonitrile est produit par l'industrie chimique à partir de l'acrylonitrile pour servir de solvant pour les industries pharmaceutique et chimique. Il permet de dissoudre un grand nombre de matières plus efficacement que l'acétone car il est plus acide et plus réactif envers les bases et les nucléophiles (donneurs d'électrons comme l'oxygène ou l'ion hydroxyde). On l'utilise également en chimie analytique pour séparer les molécules en chromatographie en phase liquide. Il sert aussi de ligand pour lier chimiquement (liaisons covalentes) des substances inorganiques dont métalliques de type MeCN tel le dichlorure de palladium utilisé pour la fabrication des papiers et des encres. A pression ordinaire, l'acétonitrile est liquide dès -46°C et passe en phase gazeuse à environ 82°C. Il est incolore et présente une odeur sucrée. C'est un produit inflammable, irritant et toxique par contact cutané, inhalation et ingestion avec effet immédiat. A manipuler avec précaution et à réserver aux spécialistes. Les PAH Les PAH ou hydrocarbures aromatiques polycycliques sont mieux connus à travers les "Bucky balls" de carbone (C60), le fullerène (C70) et les nanotubes de graphite (carbone pur). La molécule PAH la plus simple est le pentalène illustré ci-dessous. Les PAH lourds sont très intéressants car ils offrent une grande résistance mécanique et peuvent être polymérisés sous forme de très longues chaînes. Les PAH ayant au moins trois cycles ou anneaux de benzène (C6H6) sont peu solubles dans l'eau et présentent une faible pression de vapeur. A mesure que leur poids moléculaire augmente, leur solubilité et leur pression de vapeur diminuent. Les PAH constitués de deux cycles sont plus solubles dans l'eau et plus volatils. En raison de ces propriétés, on retrouve essentiellement des PAH dans la terre et les sédiments et très peu dans l'eau ou dans l'air. Toutefois, les PAH peuvent être présents sous forme de particules en suspension dans l'eau ou dans l'air. Les PAH de poids moléculaire élevé sont très cancérigènes mais leur toxicité diminue. L'un de ces PAH, le benzo[a]pyrène fut la première molécule cancérigène découverte. Le méthane (CH4) Le méthane est le plus simple des hydrocarbures, le premier terme de la famille des alcanes. Synonyme d'hydrure de méthyle, ce gaz est inodore, incolore et toxique. Il entre en fusion à -182.47°C et bout à -161.52°C. Le méthane sert de combustible; la combustion de 1000 litres (1 m3) de méthane à 15°C libère 35.6 MJ soit 9.89 kWh d'énergie. Le méthane est un gaz inflammable dont la température d'auto-inflammation est de 537°C. Mais étant plus léger que l'air, lorsqu'il n'est pas confiné il s'échappe dans l'atmosphère sans former de nuages potentiellement explosifs (comme le ferait le propane par exemple). Le méthane est un gaz à effet de serre 25 à 30 fois plus puissant que le CO2. Extrait par l'industrie pétrolière notamment, il est présent en grande quantité dans les sédiments marins et le permafrost. Le méthane est dangereux car il peut se dégager spontanément et occasionnellement en quantités explosives. Il est à l'origine des fameux "coups de grisou" dans les mines de charbon. Sa libération en grandes quantité suite par exemple à un séisme ou à la fonte des glaces conduirait à une augmentation très importante de l'effet de serre et à l'empoisonnement local du biotope. Ce gaz est présent sur Mars et dans l'atmosphère de Titan ainsi que sur les principales planètes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus, etc). L'ammoniac (NH3) L'ammoniac existe simultanément sous les deux formes, non ionisée (NH3) et ionisée (NH4) dont l'équilibre dépend du pH du milieu et de la température. C'est un paramètre très important à surveiller dans les aquariums et de façon générale pour la survie des organismes aquatiques. Tout le monde connaît ce gaz qui existe également en solution aqueuse. Il est irritant, corrosif et présente une odeur piquante peu supportable. Ce gaz entre en fusion à -77.7°C et bout à -33.4°C. L'ammoniac est utilisé pour la fabrication d'engrais azotés (urée et ammoniac anhydre), d'explosifs et de polymères (polyuréthane, etc). On le retrouve également dans la fumée de cigarette (10 à 500 μg). Considéré comme un polluant, libéré sous forme de gaz il se lie rapidement au soufre pour former du sulfate d'ammonium. Les industries chimiques sont responsables de la libération de ces nuages polluants (32000 tonnes rien qu'au Canada par exemple) qui peuvent se propager sur des centaines de kilomètres. Les conifères, les tourbières à sphaignes sont sensibles à la présence d'ammoniac qui les rend plus sensibles durant la période hivernale. L'ammoniac ne contribue pas à l'effet de serre contrairement au méthane par exemple ni à la destruction de la couche d'ozone stratosphérique. L'ammoniac est également un composé naturel utilisé pour la synthèse des protéines mais aussi un déchet du métabolisme des organismes aérobies. Sa présence sur d'autres astres représente donc un indice en faveur de l'existence d'une forme de vie sans pour autant être la seule explication de sa présence comme nous venons de l'expliquer. A consulter : Tableau des propriétés des principaux éléments chimiques Poids moléculaire, température de fusion, d'ébullition, chaleur latente, etc
Le monoxyde de carbone (CO) Citons enfin le monoxyde de carbone. C'est le fameux gaz à effet de serre qui provient de la combustion des énergies fossiles, principalement de la combustion incomplète du carbone et des composés carbonés dans les moteurs à explosion, mais également des systèmes de chauffage à combustion, de certains outillages avec combustion (décolleuse à papier-peint, ...), de la combustion du tabac, etc. Sur Terre, sa présence est liée à l'industrialisation et la croissance démographique. Il n'est donc pas surprenant de constater que sa concentration a augmenté depuis la seconde moitié du XXe siècle. Son effet est toutefois secondaire car il en faut 20 fois plus que de méthane par exemple pour produire le même effet sur la température de l'air. Le CO entre en fusion à -205°C et bout à -192°C. C'est un gaz très volatile et métastable en atmosphère normale, c'est-à-dire qu'il se trouve dans un état hors équilibre qui persiste très longtemps durant les changements de phases. Le CO est très toxique pour l'organisme car il est transparent et ne dégage aucune odeur qui pourrait alerter la victime potentielle. Par ailleurs, chimiquement il présente une affinité 230 fois supérieure à celle de la molécule d'oxygène envers l'ion de fer de l'hémoglobine du sang. La carence en oxygène se fait donc rapidement sentir, d'autant plus rapidement que le CO bloque des enzymes de la chaîne respiratoire des mitochondries. C'est la raison pour laquelle les intoxications au CO (suite à l'utilisation d'un boiler défectueux par exemple) sont toujours fatales. Le CO est également présent dans l'espace. Dans la comète de Hale-Bopp par exemple qui nous rendit visite en 1997, il présentait une abondance relative de 25% par rapport à l'eau, ce qui excessivement élevé. A titre de comparaison le dioxyde de carbone n'était présent qu'à raison de 6%. La concentration de CO dépend de la taille du noyau de la comète. En effet, cette molécule se trouve souvent à l'état de trace dans les petites comètes (le noyau de Linear C/1999 S4 par exemple mesurait moins de 600 m et contenait très peu de CO). Cette faible concentration est également liée à la disparition progressive du CO à l'approche du Soleil car il se dissocie sous l'effet du rayonnement UV (entre 90 et 110 nm). Le CO est également présent dans les nébuleuses. On estime que pour 10000 molécules d'hydrogène présentes dans une nébuleuse il y a 1 molécule de CO. Toutefois, ici également il subit une photodissociation plus ou moins importante sous l'effet du rayonnement ultraviolet stellaire, produisant des atomes d'oxygène libres qui peuvent participer à la formation des silicates. Précisons que la dissociation du CO est proportionnelle à l'intensité du rayonnement. C'est ainsi qu'on trouve dans l'espace des isotopomères du CO (isotope de l'oxygène qui se désintègre en libérant un positon). Il s'agit des molécules C16O, C17O et C18O dont la concentration varie en fonction de la distance à l'étoile. Quand on en trouve dans un minéral extraterrestre, la concentration de ces isotopomères permet donc de déterminer à quelle distance de l'étoile hôte ces silicates ont été formés. En corollaire, cela permet d'affiner les modèles astrophysiques. Enfin, le CO est un traceur qui intéresse beaucoup les radioastronomes. Dans la raie du CO (112 GHz par exemple) les nuages moléculaires présentent une densité mille fois supérieure au milieu interstellaire. La présence du monoxyde de carbone, même si elle est relativement faible permet non seulement d'évaluer les caractéristiques physiques des nébuleuses (densité, température, vitesse, distance) mais également de détecter la présence de l'hydrogène moléculaire qui ne présente pas de raie spectrale dans la partie visible ou proche infrarouge du spectre mais uniquement dans la partie radio. C'est ainsi que les radioastronomes utilisent le CO pour tracer l'hydrogène et que de nombreuses cartes radioastronomiques nous présentent non pas des cartes de l'hydrogène mais du CO qui lui sert de marqueur. Décrivons également deux éléments indispensables à la vie mais dans des conditions très particulières : l'hydrogène et l'oxygène. L'hydrogène (H2) L'hydrogène est l'élément le plus abondant dans l'univers. Sous forme neutre (régions HI), il représente 76% de la masse et ~90% en volume des nébuleuses et des étoiles. L'hydrogène est le 10e élément le plus abondant sur la Terre (après l'oxygène et des métaux comme Si, Al, Fe, Ca, Na, K, Mg et Ti). L'hydrogène étant très léger, les atmosphères d'hydrogène des exoplanètes et des lunes sont beaucoup plus épaisses que celles de la Terre et sont par conséquent facilement détectables. En revanche, l'hydrogène est rare dans les atmosphères planétaires et jusqu'à présent il n'a jamais été détecté dans l'atmosphère d'une exoplanète rocheuse. A l'époque hadéenne, l'atmosphère primitive de la Terre était riche en hydrogène mais étant très légère, elle s'échappa dans l'espace pour être progressivement remplacée par l'atmosphère actuelle. Aujourd'hui, l'hydrogène est soit présent dans la molécule d'eau qui recouvre 72% de la planète soit à l'état de trace sous forme H2 (550 ppb ou 5.5x10-7) et de vapeur d'eau (< 5% en volume).
Dans les conditions normales, l'hydrogène est un gaz sans couleur, inodore et insipide, constitué d'une molécule diatomique, H2. Sa densité est de 0.071g/l à 0ºC et 1013.25 HPa (1 atm ou 1 bar). Comparée à l'air, sa densité est de 0.0695. L'atome d'hydrogène, H, est constitué d'un seul proton et d'un électron. Son nombre atomique est 1 et son poids atomique vaut 1.00797 g/mol. L'hydrogène possède 3 isotopes : le protium, de masse 1, présent dans plus de 99.98% de l'hydrogène normal; le deutérium, de masse 2, présent à raison d'environ 2% dans la nature et le tritium, de masse 3, qui est présent en petite quantité dans la nature. On peut également le produire artificiellement au cours de réactions nucléaires. L'hydrogène réagit avec l'oxygène pour former de l'eau. Cette réaction est très lente à température ambiante mais peut-être accélérée par un catalyseur. L'hydrogène réagit violemment avec l'air, l'oxygène, des halogènes et des oxydants forts, provoquant un feu ou un risque d'explosion. Les catalyseurs en métal, tels que le platine et le nickel, augmentent considérablement ces réactions. L'hydrogène est légèrement plus soluble dans les dissolvants organiques que dans l'eau. A température normale, l'hydrogène n'est pas une substance très réactive, sauf s'il est activé, par exemple par un catalyseur approprié. En revanche, à haute température il est fortement réactif, il peut provoquer une combustion ou une violente explosion et se dissocie en ses atomes libres. L'hydrogène est la substance la plus inflammable connue (cf. l'incendie du Zeppelin Hindenburg en 1937 et d'Apollo 1 en 1967). L'hydrogène actif est un agent réducteur puissant, même à température ambiante. L'hydrogène actif combiné à l'oxygène produit le peroxyde d'hydrogène (H2O2). En solution aqueuse, c'est l'eau oxygénée dont les propriétés oxydantes sont bien connues (agent de blanchiment et dessicant) et qu'il vaut mieux ne pas utiliser sur des tissus organiques vivants. Le peroxyde d'hydrogène est également un sous-produit de la respiration cellulaire. Grâce aux peroxydases (des enzymes), tous les organismes aérobies catalysent cette molécule en H2O et O2. Beaucoup de métaux absorbent l'hydrogène. L'absorption d'hydrogène par l'acier par exemple peut fragiliser le métal. L'hydrogène réagit avec les oxydes et les chlorures de beaucoup de métaux (Ag, Cu, Pb, Bi, Hg) pour produire des métaux libres. Il transforme aussi certains sels en leur état métallique (nitrates, cyanures de nitrite, de sodium et de potassium). Il réagit également avec les métaux et des non-métaux pour produire des hydrures (NAH, KH, H2S et PH3), y compris avec l'hélium (HeH+ ou hélonium) comme on l'a découvert au coeur de la nébuleuse planétaire NGC 7027. L'hélonium est très intéressant car non seulement c'est la première liaison moléculaire de l'Univers marquant le début de la complexité croissante mais aussi l'acide le plus puissant. Industriellement, on utilise principalement l'hydrogène pour produire de l'ammoniaque. On l'utilise également pour améliorer les performances des carburants par hydrocracking et pour éliminer le soufre. L'hydrogénation catalytique assure la production d'huiles végétales insaturées et des produits chimiques organiques. Le peroxyde d'hydrogène fut utilisé comme comburant dans certains avions et moteurs fusées (T-Stoff, Messerschmitt Me 163B, Soyouz, etc). L'hydrogène est également présent dans toute les matières organiques. L'hydrogène actif réagit avec les composés organiques pour former un mélange complexe de produits : avec l'éthylène (C2H4) par exemple, on produit de l'éthane (C2H6) et du butane (C4H10). La chaleur libérée lors de la recombinaison des molécules d'hydrogène est employée pour obtenir des températures élevées dans la soudure à l'hydrogène actif (sondure à l'arc MAG). Sur le plan sanitaire, des concentrations élevées d'hydrogène dans l'air induisent une raréfaction de l'oxygène. L'inhalation de concentrations élevées d'hydrogène peut entraîner divers symptômes comme des maux de tête, des sifflements dans des oreilles, des vertiges, de la somnolence, une perte de conscience, des nausées, des vomissements et des dépressions. La peau d'une victime peut devenir bleue. Des conditions respiratoires préexistantes peuvent être aggravées par une surexposition à l'hydrogène. Dans certaines circonstances, un excès d'hydrogène peut entraîner la mort. Si l'oxygène est indispensable au bon fonctionnement de la plupart des organismes, cet élément est aussi capable d'engendrer des effets toxiques voire mortels. L'oxygène est un gaz à température et pression normales, incolore et inodore. Il existe sous différentes formes dans l'univers : l'oxygène atomique (O), le radical hydroxyle (OH), l'eau (H2O), la molécule d'oxygène ou dioxygène (O2), l'ozone (O3) et de multiples autres formes liées à des atomes lourds. En masse, l'oxygène est le troisième élément le plus abondant dans l'univers après l'hydrogène et l'hélium. Les radioastronomes ont détecté dans l'univers O, OH et H2O notamment. La molécule d'oxygène (O2) est trop réactive ou s'ionise et n'a donc pas encore été détectée ailleurs que sur Terre. L'oxygène est apparu sur Terre il y a environ 3.5 à 3.8 milliards d'années grâce à l'activité des stromatolites. Sa concentration a progressivement augmenté au détriment de celle du gaz carbonique. Aujourd'hui l'atmosphère contient environ 21% d'oxygène (en volume), 79% d'azote et 0.04% de gaz carbonique plus quelques gaz rares (néon, etc).
Par sa nature l'oxygène moléculaire O2 offre un potentiel d'énergie élevé. Chimiquement parlant il représente donc un danger pour les structures plus fragiles et notamment les organismes vivants. En effet, l'oxygène moléculaire possède un électron libre sur son orbitale externe, électron qu'il partage entre les deux atomes. Il s'agit d'un radical libre. De ce fait il présente une forte réactivité chimique, le radical libre cherchant à réappareiller son électron célibataire en capturant un électron. Cette instabilité subsiste pendant un bref instant (demi-vie de l'ordre de la nanoseconde) durant lequel la molécule d'oxygène participe aux réactions d'oxydo-réduction: l'échange d'un électron produit deux effets, soit la réaction radicalaire est interrompue soit elle est amplifiée, la molécule devenant encore plus instable. Isolé, le radical libre de l'oxygène est peu réactif, mais il devint très réactif lorsqu'il est lié au superoxyde (ion O2-), au peroxyde d'hydrogène (H2O2) ou au radical hydroxyl (-OH). L'oxygène pur ne brûle pas. En revanche, lorsqu'il se lie à un autre élément, ce qu'on appelle une oxydation, le produit peut entrer en combustion voire même exploser si la réaction est très rapide ainsi que le rappelle cet article (PDF) de l'organisation EIGA. D'un point de vue biochimique, des espèces de radicaux de l'oxygène (ERO) se forment en permanence dans les cellules, au niveau de la membrane cytoplasmique, dans le cytoplasme et dans les mitochondries. Leur formation est régulée par des mécanismes anti-oxydants (de détoxification) enzymatiques ou non enzymatiques. Les réactions enzymatiques finissent par former de l'eau. Quant aux moyens de défense non enzymatiques il s'agit principalement de l'action des vitamines A, C, E et le gluthation qui rendent l'électron libre inactif par oxydo-réduction. La toxicité des radicaux de l'oxygène dépend donc soit de la diminution des défenses antioxydantes soit d'une exposition excessive à des concentrations ou à des pressions élevées d'oxygène. De nos jours encore, le corps humain subit l'agression de l'oxygène. En effet, les radicaux libres de l'oxygène provoquent environ 60000 cassures double brin par seconde dans les séquences d'ADN humain, qu'heureusement la cellule eucaryote est en principe susceptible de réparer. Dans le cas contraire, l'ADN subira une mutation qui peut avoir des effets délétères. D'un point de vue cellulaire, la toxicité de l'oxygène se manifeste par une dégradation des membranes lipidiques des cellules, la formation de dérivés carbonyles et par une fragmentation de l'ADN. Les ERO peuvent conduire à la mort des cellules et donc une nécrose des tissus. Au niveau cellulaire, l'oxygène exprime sa toxicité directement par la mort cellulaire et par une activation directe de l'inflammation. Il inhibie également la croissance cellulaire, entraînant des mutations génétiques sur les gènes codant pour les protéines de croissance cellulaire et agit sur la modulation des facteurs de croissance. La toxicité de l'oxygène augmente dans des situations pathologiques, la formation excessive de radicaux libres de l'oxygène devenant délétère. Ainsi, des animaux souffrant de légionnellose accusent une mortalité plus importante quand ils sont placés dans des chambres d'hyperoxie (> 95% d'oxygène) plutôt que dans une atmosphère normale. D'un point de vue clinique, les bébés prématurés ne possèdent pas la même sensibilité à l'oxygène qu'un adulte car les conditions d'oxygénation sont différentes. Le risque pour un bébé est de naître dans des conditions d'hypoxie (manque d'oxygène) pouvant entraîner des lésions neurologiques. C'est pour cela que la saturation artérielle en oxygène (SaO2) doit être supérieure à 95%. Toutefois, des études cliniques ont démontré que 1 enfant sur 20 serait sauvé s'il était réanimé en air ambiant plutôt que par une réanimation à l'oxygène pur (fraction inspirée d'oxygène FiO2=1). En anesthésie et réanimation, c'est dans certaines conditions de stress (état de choc, choc hémorragique, états infectieux aigus, détresse respiratoire, etc) que l'oxygène peut devenir toxique, aggraver les lésions tissulaires préexistantes et conduire au décès. Enfin, en médecine hyperbare, l'augmentation de la pression partielle en oxygène est responsable de l'apparition de troubles neurologiques (effet Paul Bert) et d'altération de la fonction pulmonaire avec une inflammation des bronches (effet Lorrain Smith). En revanche, comme alternative aux antibotiques spécifiques, on peut utiliser l'oxygène en thérapie hyperbare pour tuer par exemple des bactéries comme la sp. Borrelia responsable de la maladie de Lyme contractée par une tique infectée. En résumé, malgré les apparences, toute thérapie à base d'oxygène requiert un traitement particulier et une surveillance des réactions de l'organisme. Ne nous alarmons pas ! Bien sûr nous pourrions également citer quantité d'autres hydrocarbures toxiques présents sur les comètes ou dans le milieu interstellaire. Mais rien ne sert de s'alarmer. Aux pressions partielles dans lesquelles ces molécules existent sur les comètes, ces gaz ne présentent aucun danger pour l'homme. Même si la Terre traversait la queue de la comète Tempel 1 ou de Halley qui contient toutes deux quelques-unes de ces substances, l'ionisation des molécules et le bouclier que constitue le champ géomagnétique rendraient leur toxicité tout à fait inoffensive et les risques d'incendie nuls, d'autant plus que ces éléments sont peu abondants dans l'absolu. Pour vous donner une idée, même 100 kg de cyanure déversés dans l'atmosphère terrestre ne pourraient pas tuer un moustique ! Continuez donc à contempler les comètes et les nébuleuses chatoyantes de couleurs sans vous inquiéter, elle sont inoffensives... Surveillez plutôt l'environnement terrestre et les produits toxiques stockés dans votre habitation, où le risque est de loin plus élevé !
|