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A la recherche de planètes habitables

Une exoplanète rocheuse en orbite autour d'une étoile blanche. L'exoplanète est habitable car la biosphère est protégée par un champ magnétique et une importante couche d'ozone stratosphérique. Document T.Lombry.

Les propriétés physico-chimiques dans la zone habitable (II)

Les missions Kepler, SIM et leurs successeurs ainsi que les analyses spectrographiques réalisées par les grands télescopes au sol permettent aux planétologues et bioastronomes de déterminer qu’elle est la composition des atmosphères des exoplanètes telluriques et combien d'entre elles sont propices au développement de la vie. Gliese 581 c découverte en 2007, le système TRAPPIST-1 découvert en 2016 et des dizaines d'autres systèmes exoplanétaires font déjà l'objet de toutes les spéculations et de nombreuses études.

La plupart des propriétés physico-chimiques peuvent être évaluées à partir de mesures spectroscopiques. L’analyse spectrale de la lumière visible et infrarouge des exoplanètes, complétée par des modélisations théoriques et empiriques devraient permettrent aux chercheurs d’estimer la quantité de gaz présent dans leur atmosphère, la présence de nuages, d'aérosols et leur composition, le degré de variabilité de la couche nuageuse ou des poussières et enfin estimer la présence d’un éventuel effet de serre. Rappelons qu'on utilise également cette méthode pour étudier l'atmosphère des naines brunes dont les plus froides ne sont pas très différentes de Jupiter.

La concentration des gaz à effet de serre peut nous aider à déterminer si la surface est suffisamment chaude pour maintenir l’eau à l’état liquide au moins quelques mois au cours de l’année, même si, comme sur Terre, la température d’équilibre sans ce gaz est franchement négative (-15°C). Mais en parallèle, il faut éviter les exoplanètes chaudes (> 100°C en surface et elles sont nombreuses) car même si elles abritent de l'eau, une partie sera vaporisée dans l'atmosphère et tout la planète se transformera en un sauna brûlant inhospitalier.

Les éventuels nuages et les aérosols, le plus souvent constitués de poussière et de glace, peuvent quant à eux nous aider à déterminer la quantité de lumière absorbée et réfléchie, et donc la température à la surface de l’exoplanète.

La fin du jour sur une exoplanète habitable en grande partie couverte d'eau liquide. Document T.Lombry.

Les spectres peuvent enfin nous renseigner sur la surface, si elle est rocailleuse, recouverte ou non d’une atmosphère et s’il existe de fortes biosignatures en surface telle que des pics d’absorption liés à la photosynthèse comme nous l’observons sur Terre (cf. la mission Galileo).

La question de l’habitabilité en dehors du berceau de la Terre implique également l'estimation des propriétés du système exoplanétaire, y compris celles de l’étoile hôte elle-même. En effet, si par exemple un « écran » de planètes géantes se trouve à bonne distance de l’étoile, leur présence détectée par les missions discutées précédemment peuvent offrir une méthode cruciale pour protéger la petite exoplanète tellurique du bombardement météoritique issu d’une éventuelle ceinture d’astéroïdes, d'astres errants ou des comètes.

Inversement, la présence d'astéroïdes et de comètes, tout au moins durant la première phase de l’évolution planétaire, peut jouer un rôle très important en tant que vecteur d’eau et de complexes organiques vers une planète intérieure, comme cela a pu être le cas durant la phase prébiotique de la Terre, la question étant toujours ouverte aujourd’hui.

Quant à l’étoile hôte elle-même, nous devons essayer de déterminer quel doit être son âge pour que la vie ait des chances de pouvoir se développer.

Sachant le temps que cela a pris sur Terre, il faut également déterminer quelle intensité doit présenter l’activité magnétique de l’étoile pour ne pas entraver l’évolution de la vie en irradiant la surface de la planète de rayonnements ionisants (rayonnements électromagnétiques ou corpusculaires). Il faut déterminer si l’étoile est écartée ou non du plan galactique ou si elle passera à terme à travers de jeunes amas stellaires irradiant un intense flux ultraviolet préjudiciables à toute forme de vie. Il faut également savoir si elle expose son environnement à des taux de radiations incompatibles avec la vie, et enfin à quels autres risques cette étoile expose son cortège planétaire.

Exclure les exoplanètes toxiques de la zone habitable

Selon une étude publiée par le postdoctorant Edward W. Schwieterman de l'Institut d'astrobiologie de la NASA et ses collègues dans "The Astrophysical Journal" en 2019, les scientifiques devront peut-être repenser leurs estimations du nombre d'exoplanètes qui pourraient abriter une riche diversité de formes de vie. Selon les chercheurs, une accumulation de gaz toxiques dans l'atmosphère de la plupart des exoplanètes les rend impropres à la vie complexe telle que nous la connaissons.

La définition de la zone habitable convient aux formes de vies élémentaires commes les microbes mais pas aux créatures complexes telles que les animaux, qui incluent tout le reste, des simples éponges et des moussses jusqu'aux humains car elle ne prend pas en compte certains paramères vitaux.

A gauche, tableau résumant les concentrations atmosphériques estimées du CO autour d'étoiles sélectionnées en fonction du flux de CO en surface (Fco) comparé à celui de la Terre de nos jours (par exemple, Fco = 1 pour le flux terrestre actuel de 3x1011 cm2/s). NB. Les concentrations de CO < 1 ppm sont indiquées en vert, les valeurs comprises entre 1-100 ppm en jaune et les valeurs > 100 ppm en rouge. A droite, les limites de flux stellaires (S/So) pour la ZH conservatrice traditionnelle (Kopparapu et al., 2013) et la "Zone habitable pour la vie complexe" supposent des concentrations de CO2 limites de 0.01 bar (bleu foncé), 0.1 bar (bleu ciel) et 1 bar (bleu pâle). Les limites orange représentent les basses températures effectives stellaires où les conditions photochimiques peuvent prolonger la durée de vie du CO au-delà des limites admissibles à court terme pour les humains (> 100 ppm) dans la ZH, en supposant un flux moléculaire net à la surface de 3x1011 molécules/cm2/s. Les positions de plusieurs exoplanètes connues dans la ZH sont également mentionnées. Documents E.W. Schwieterman et al. (2019) adaptés par l'auteur.

Les résultats de cette étude montrent que la combinaison des concentrations de certains gaz toxiques réduit la zone de sécurité pour la vie complexe d'au moins la moitié - et même, dans certains cas, l’élimine. Selon le biogéochimiste Timothy Lyons, coauteur et scientifique principal de cette étude, "c’est la première fois que l’on considère que les limites physiologiques de la vie sur Terre permettent de prédire la distribution d’une vie complexe ailleurs dans l’univers."

Selon Lyons, "une zone habitable pour la vie complexe est définie comme une zone sûre où il serait plausible de préserver des écosystèmes aussi riches que ceux que nous trouvons de nos jours sur Terre. Nos résultats indiquent que des écosystèmes complexes comme le nôtre ne peuvent pas exister dans la plupart des régions de la zone habitable telle que définie traditionnellement."

En utilisant des modèles informatiques pour étudier le climat atmosphérique et la photochimie sur diverses exoplanètes, l'équipe s'est d'abord intéressée au dioxyde de carbone. Tout plongeur sous-marin sait qu'une trop forte concentration de ce gaz dans le corps peut être mortelle. Mais les exoplanètes trop éloignées de leur étoile hôte ont besoin de l'effet de serre du dioxyde de carbone pour maintenir les températures au-dessus de zéro, la Terre incluse.

Selon Schwieterman, "pour maintenir de l’eau liquide à la périphérie de la zone habitable conventionnelle, une exoplanète aurait besoin de dizaines de milliers de fois plus de dioxyde de carbone que la Terre. Cela dépasse de loin les niveaux connus de toxicité pour la vie humaine et animale sur la Terre."

Les chercheurs concluent que la seule toxicité du dioxyde de carbone limite la vie animale simple à plus de la moitié de la zone habitable traditionnelle. Pour les humains et les autres animaux d'ordre supérieur qui sont plus sensibles, la zone de sécurité se réduit à moins du tiers de cette surface.

De plus, il n'existe pas de zone de sécurité pour certaines étoiles, notamment les deux plus proches voisins du Soleil, Proxima du Centaure et TRAPPIST-1. La classe spectrale et l'intensité du rayonnement ultraviolet émis par ces étoiles plus froides et moins lumineuses peuvent conduire à des concentrations élevées de monoxyde de carbone, un autre gaz mortel. Le monoxyde de carbone se lie à l'hémoglobine contenue dans le sang animal qui transporte l'oxygène à travers le corps. Même de petites quantités peuvent provoquer la mort des cellules du corps en raison du manque d'oxygène.

Une super-Terre annelée. Document T.Lombry.

Le monoxyde de carbone ne peut pas s'accumuler sur Terre parce que notre Soleil plus chaud et plus brillant entraîne des réactions chimiques dans l'atmosphère qui le détruisent rapidement. Bien que l'équipe ait conclu précédemment (cf. E.W. Schwieterman et al., 2015) que les biosphères microbiennes pourraient bien s'épanouir sur une planète riche en monoxyde de carbone, Schwieterman souligne que "ces sites ne seraient certainement pas de bons endroits pour la vie humaine ou animale telle que nous la connaissons sur Terre."

Selon Christopher Reinhard de l'Institut de Technologie de Géorgie et coauteur de cette étude, "nos découvertes fournissent un moyen de décider laquelle de ces myriades d'exoplanètes devrait être observée de manière plus détaillée. Autrement, nous pourrions identifier des exoplanètes a priori habitables mais présentant en réalité des niveaux de dioxyde de carbone ou de monoxyde de carbone probablement trop élevés pour supporter une vie complexe."

Les résultats des travaux précédents réalisés par l'équipe ont déjà servi de base aux missions spatiales de la prochaine génération, telles que l’Observatoire des exoplanètes habitables (HabEx) proposé par la NASA. Par exemple, comme l’oxygène est essentiel à la vie complexe sur Terre et peut être détecté à distance, l’équipe a étudié son potentiel dans les atmosphères de différentes planètes (cf. S.L. Olson et al., 2018). On reviendra sur cette biosignature.

Hormis la Terre, aucune planète du système solaire n'héberge une vie qui puisse être caractérisée à distance. Selon Schwieterman, si la vie existe ailleurs dans le système solaire, elle se situe au-dessous d'une surface rocheuse ou glacée. Les exoplanètes pourraient donc être notre meilleur espoir de trouver des mondes habitables plus proches des nôtres.

Telles sont quelques-unes des multiples pistes et questions ouvertes qui sont aujourd'hui accessibles grâce aux télescopes orbitaux et à quelques instruments spectrographiques de pointe. Ces outils nécessitent la mise en place d'un programme de recherche et d'analyse continu et rigoureux si nous voulons un jour comprendre la diversité des données que nous avons recueilli au cours des différents programmes de recherches.

Les exoplanètes hycéanes

Les exoplanètes hycéanes, contraction d'hydrogène et océan (que certains appellent hycéennes), sont une nouvelle sous-catégorie de "mini-Neptunes chaudes" jusqu'à 2.6 fois plus grandes et jusqu'à 10 fois plus massives que la Terre. La température maximale de leur atmosphère est d'environ 200°C pour une pression atmosphérique de 10 à 20 celle de la Terre mais qui peut atteindre 1000 fois celle de la Terre. Elles sont recouvertes d'un océan et d'une atmosphère riche en hydrogène. Elles comptent parmi les exoplanètes les plus favorables à la recherche de la vie, à condition que les plus grands télescopes puissent y détecter des biosignatures (cf. N.Madhusudhan et al., 2021 et 2023).

Sachant que les biomarqueurs comme l'oxygène et l'ozone sont difficiles voire impossibles à identifier dans les atmosphères riches en hydrogène, Nikku Madhusudhan et ses collègues proposent de soumettre les exoplanètes hycéanes à une nouvelle checklist des composés liés à la vie, en se concentrant sur les gaz potentiels libérés par les microbes ou le phytoplancton au cours des processus métaboliques, tels que le chlorométhane (CH3Cl) et le sulfure de diméthyle (ou diméthylsulfure alias DMS, (CH3)2S).

A gauche, la zone habitable (ZH) des exoplanètes hycéanes et ses limites. Mais de nouvelles études ont légèrement repoussé ces limites vers l'extérieur, les rendant un peu moins habitables. A droite, une mini-Neptune chaude hycéane totalement recouverte d'eau liquide. Documents N.Madhusudhan et al. (2021) adapté par l'auteur et T.Lombry.

Selon les chercheurs, les exoplanètes hycéanes présentent des propriétés tellement variées qu'elles pourraient soutenir la vie de différentes manières. Par conséquent, les exoplanètes hycéanes devraient être considérablement plus nombreuses que celles identifiées jusqu'à présent comme planètes habitables. De même, leur zone habitable peut être considérablement plus large que celle des planètes rocheuses, élargissant l'éventail des lieux potentiellement propices à la vie. Mais nous verrons plus bas que de nouvelles simulations tempèrent cet optimisme.

Les exoplanètes hycéanes semblent si prometteuses que les chercheurs ont créé deux sous-catégories : les exoplanètes hycéanes "froides" situées en bordure extérieure de la zone habitable et recevant si peu de lumière qu'elles se refroidissent (mais pas trop); les exoplanètes hycéanes "sombres" situées légèrement en deça de la limite intérieure de la zone habitable où la face de l'exoplanète opposée à l'étoile pourrait être habitable même si la face éclairée est trop chaude.

Concernant l'habitabilité, une exoplanète hycéane sans cycles géochimiques pour réguler la composition chimique de son atmosphère - comme le cycle carbonate-silicate le fait sur la Terre - deviendrait rapidement inhospitalière. Ensuite, il y a l'activité stellaire comme les éjections de masse coronale et les puissants vents stellaires, qui représentent tous deux un obstacle majeur au développement de la vie à la surface de toute planète. De plus, les exoplanètes hycéanes doivent maintenir leurs énormes masses d'eau sur de longues périodes de temps. Or plus une planète est proche de la limite intérieure de la zone habitable d'une étoile, plus cette possibilité s'amenuise.

Malgré ces nombreux obstacles, Madhusudhan insiste sur le fait que les exoplanètes hycéanes sont des "cibles optimales" pour les futures études d'habitabilité. Elles sont relativement nombreuses par rapport aux exoplanètes telluriques et représentent une grande partie de toutes les exoplanètes connues. De plus, les atmosphères des exoplanètes hycéanes sont constituées de molécules plus légères et plus faciles à détecter avec les instruments actuels.

Une nuit sur la plage d'une exoplanète habitable deux fois plus grande que la Terre et disposant de vastes océans comme la Terre (super-Terre ou hycéane). Les traces laissées sur la plage de sable suggèrent qu'il y a une importante activité au sol, peut-être une forme de vie terrestre ou amphibie sur cette planète. Document T.Lombry.

Rappelons qu'en 2023, grâce au JWST, Madhusudhan et ses collègues ont découvert grâce à la méthode du transit que l'atmosphère de l'exoplanète K2-18 b, une mini-Neptune gravitant dans la zone habitable d'une étoile naine rouge, présente des raies spectrales en relation avec des processus qui sur Terre, sont produits par la vie comme le méthane et probablement le sulfure de diméthyle (DMS). De plus il pourrait s'agir d'une exoplanète hycéane. Mais si cette exoplanète contient probablement des molécules en relation avec la vie, rien n'indique actuellement que cette exoplanète abrite la vie car sa surface a priori liquide pourrait être trop chaude ou ne pas être liquide. On y reviendra.

Toutes ces découvertes évoluent dans le bon sens. En effet, même si nous ne découvrons jamais d'organismes vivants, l'optimisme avec lequel les chercheurs élaborent les modèles d'habitabilité sur les exoplanètes hycéanes soulève d'importantes questions sur la vie dans l'univers. Jusqu'à présent, beaucoup pensaient que la vie avait une infirme probabilité de se développer ailleurs dans l'univers. Aujourd'hui, il semble que ses chances soient un peu plus élevées.

L'effet de serre

Si les exoplanètes hycéanes sont a priori habitables sous certaines conditions, de nouvelles études suggèrent qu'elles souffriraient d'un emballement catastrophique de l'effet de serre, limitant ainsi leur potentiel d'habitabilité (nous verrons en climatologie que si l'effet de serre s'emballe et devient incontrôlable (si jamais il fut un tant soi peu contrôlable), la vie deviendra vite insupportable, que ce soit sur la Terre ou sur n'importe quelle exoplanète habitable).

Les études sur l'habitabilité des exoplanètes hycéanes sont peu nombreuses, elle ne sont pas encore très détaillées et s'appuient sur des modèles relativement simplistes de dynamique atmosphérique pour comprendre comment ces planètes peuvent fonctionner. Pour améliorer ces modélisations et les prédictions qui les accompagnent, dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2023, Raymond T. Pierrehumbert de l'Université d'Oxford et ses collègues ont développé une approche plus sophistiquée pour étudier l'influence des processus atmosphériques et océaniques sur l'habitabilité sur les exoplanètes hycéanes et les autres exoplanètes recouvertes d'une épaisse atmosphère.

Cette exoplanète hycéane au ciel clair et d'aspect séduisant même de nuit n'est peut-être pas habitable; son atmosphère peut être toxique, sous haute pression voire trop chaude et ses eaux peuvent également être trop chaudes pour soutenir la vie. Document T.Lombry.

Les auteurs ont découvert que par rapport à une planète comme la Terre, la présence d'une épaisse atmosphère dominée par l'hydrogène modifie radicalement le comportement de ces planètes. La Terre possède une épaisse atmosphère mais elle est composée d'éléments plus lourds, comme l'azote et l'oxygène. La capacité de ces éléments à bloquer ou à laisser passer des longueurs d'ondes spécifiques affecte la chaleur en surface pour une quantité donnée de rayonnement solaire incident.

Mais l'hydrogène agit différemment : il bloque ou laisse passer différentes longueurs d'ondes lumineuses, qui à leur tour modifient la façon dont la surface réagit à la lumière d'une étoile de type solaire. Par exemple, les chercheurs ont découvert que si une planète hycéane ayant une pression atmosphérique de 10 à 20 fois celle de la Terre était placée sur la même orbite que la Terre, ses océans deviendraient "supercritiques". Cela signifie que la température à la surface de la planète augmenterait au-delà du point d'ébullition, ce qui entraînerait l'évaporation et la disparition complète des océans.

Les chercheurs ont également découvert que le mélange de vapeur d'eau et d'hydrogène dans les atmosphères des exoplanètes hycéanes modifie leur habitabilité. Elles ne peuvent pas recevoir autant de lumière solaire que prévu avant que leurs océans ne deviennent trop chauds pour se maintenir sous forme liquide.

Les modèles précédents avaient placé le bord intérieur de la zone habitable juste autour de 1 UA. Mais les nouveaux calculs repoussent le bord intérieur à 1.6 UA pour les exoplanètes ayant des pressions atmosphériques similaires à celles de la Terre. Pour les exoplanètes hycéanes ayant 10 fois la pression atmosphérique terrestre, le bord intérieur de la zone habitable est repoussé jusqu'à 3.85 UA, c'est-à-dire plus de deux fois plus loin que la distance moyenne de Mars au Soleil et aux deux-tiers de la distance de Jupiter.

Cela signifie que comparées à la Terre, les exoplanètes hycéanes ne peuvent pas survivre à proximité de leur étoile hôte, limitant ainsi leur plage d'habitabilité. En effet, les chercheurs ont conclu que théoriquement toutes les exoplanètes hycéanes existent à l'intérieur de ces nouvelles limites habitables. Or nous savons qu'autour d'étoiles solaires, la zone habitable se situe entre 0.94 et 2.40 UA. Par conséquent, pour peu que les exoplanètes hycéanes aient une pression atmosphérique plus élevée que celle de la Terre - et ce sont théoriquement les plus nombreuses -, il est peu probable qu'elles hébergent des océans d'eau liquide, et donc aucune chance d'y trouver de la vie.

Mais il y a encore un peu d'espoir pour l'habitabilité sur ce type d'exoplanètes sachant qu'elles peuvent préserver des océans d'eau liquide bien au-delà du bord extérieur des zones habitables des planètes terrestres, c'est-à-dire entre 2.40 et 3.85 UA sans parler des océans souterrains qui peuvent se maintenir jusqu'à ~20 UA d'une étoile solaire voire plus loin (cf. certaines lunes de Saturne et d'Uranus) mais peu propices au développement d'une vie complexe. On peut donc encore découvrir des exoplanètes hycéanes prometteuses. Les chercheurs espèrent poursuivre leurs travaux avec des simulations plus détaillées pour saisir la dynamique complexe et fascinante de ces mystérieuses exoplanètes hypothétiques.

Les étoiles pauvres en métaux plus propices à la vie

Les planétologues recherchent de préférence des exoplanètes habitales autour d'étoiles de type solaire mais très peu se sont encore penchés sur les effets de la composition de l'étoile hôte sur les environnements planétaires. Or nous savons que les métaux présents dans l'étoile se retrouvent dans les planètes qu'elle abrite et que l'activité stellaire affecte les éventuelles conditions de vie sur les planètes. Ces deux facteurs doivent donc être pris en compte pour déterminer si une planète est propice ou non à la vie.

Puisque les nouveaux télescopes spatiaux sont capables de mesurer la composition des atmosphères des exoplanètes proches, pour mieux cibler les exoplanètes habitables et autres super-Terres il est aussi important de comprendre quel est l'impact de l'activité stellaire et en particulier des rayonnements sur les atmosphères planétaires. Bonne nouvelle, cette lacune est aujourd'hui comblée, du moins en théorie.

Dans une étude publiée dans la revue "Nature" en 2023, la planétologue Anna V. Shapiro de l'Institut Max Planck (MPS/MPG) et ses collègues ont étudié l'effet de la métallicité des étoiles sur la composition des planètes qu'elles abritent et les possibilités d'émergence d'une vie complexe.

Trois exoplanètes habitables en orbite autour d'étoiles de type solaire riches en métaux mais que tout oppose et hospitalières au prix de gros efforts : une désertique (gauche), une très humide en proie à d'incessants et violents orages (centre) et une subissant une pression atmosphérique dix fois supérieure à celle de la Terre soit 10000 hPa ou 10 bars (droite). En revanche, elles pourraient convenir pour une exploitation minière robotisée et commandée à distance si leur sous-sol regorge de minérais convoités. La technologie existe déjà. Documents T.Lombry.

À l'aide de simulations numériques, les chercheurs ont analysé la teneur en ozone des atmosphères d'exoplanètes. Comme sur Terre, la couche d'ozone peut protéger la surface de la planète (et les formes de vie qui y résident) des rayons ultraviolets de l'étoile hôte nocifs pour les cellules. Une couche protectrice d'ozone est donc une condition préalable importante à l'émergence d'une vie complexe. Selon Shapiro qui a déjà à son actif des études sur l'influence du rayonnement solaire sur l'atmosphère terrestre, "Nous voulions comprendre quelles propriétés une étoile doit avoir pour que ses planètes forment une couche d'ozone protectrice."

Comme souvent en science, cette idée germa suite à une découverte antérieure. En 2020, des astronomes de l'Institut Max Planck avaient comparé les variations de luminosité du Soleil avec celles de centaines d'étoiles semblables au Soleil. Résultat : l'intensité de la lumière visible de nombre de ces étoiles fluctue beaucoup plus que celle du Soleil. Selon Alexander I. Shapiro, coauteur de l'article publié en 2023 et qui participa aux analyses précédentes, "Nous avons vu d'énormes pics d'intensité. Il est donc tout à fait possible que le Soleil soit lui aussi capable de tels pics d'intensité. Dans ce cas, l'intensité de la lumière UV augmenterait également de façon spectaculaire." Les chercheurs se sont alors naturellement demandés ce que cela signifierait pour la vie sur Terre et quelle serait la situation dans d'autres systèmes planétaires.

Le double rôle du rayonnement UV

Environ la moitié de toutes les étoiles possédant des exoplanètes affiche une température effective variant entre environ 5000 et 6000 K (c'est un peu normal dans la mesure où les recherches se sont principalement focalisées sur les étoiles de type solaire). Dans leurs calculs, les chercheurs se sont donc tournés vers ce sous-groupe d'étoiles.

Une exoplanète similaire à la Terre comme on voudrait en découvrir. Document T.Lombry.

Selon Anna Shapiro, "Dans la chimie atmosphérique de la Terre, le rayonnement ultraviolet du Soleil joue un double rôle. Dans les réactions avec des atomes d'oxygène individuels et des molécules d'oxygène, l'ozone peut à la fois être créé et détruit. Alors que le rayonnement UV-B de longueur d'onde plus longue détruit l'ozone, le rayonnement UV-C de plus courte longueur d'onde permet de former de l'ozone protecteur dans l'atmosphère moyenne. Il était donc raisonnable de supposer que la lumière ultraviolette pourrait également avoir une influence tout aussi complexe sur les atmosphères des exoplanètes." Des longueurs d'ondes précises sont donc cruciales.

Les chercheurs ont donc calculé exactement quelles longueurs d'ondes composent la lumière ultraviolette émise par les étoiles. Pour la première fois, ils ont également considéré l'influence de la métallicité. Cette propriété décrit le rapport de l'hydrogène aux éléments plus lourds dans le matériau stellaire. Dans le cas du Soleil où [Fe/H] = 0.0225 dans la photosphère, il y a 2.25% de métaux. Le Soleil est classé parmi les étoiles riches en métaux. En effet, le Soleil contient environ 92% d'hydrogène en volume (75% d'hydrogène en masse), 7.8% d'hélium et des métaux (tous les éléments plus lourds que l'hélium) à l'état de trace (~0.2%). Rien que pour le fer, ces "traces" représentent concrètement 1 atome de fer pour plus de 31000 atomes d'hydrogène. Les auteurs ont également tenu compte des étoiles ayant une abondance en fer inférieure et supérieure à celle du Soleil.

Interactions simulées du rayonnement UV avec les gaz

Dans un deuxième temps, l'équipe réalisa des simulations pour étudier comment le rayonnement UV affecterait les atmosphères des planètes en orbite dans la zone habitable de ces étoiles.

Pour calculer la composition des atmosphères planétaires, les chercheurs ont utilisé un modèle chimio-climatique simulant les processus qui contrôlent l'oxygène, l'ozone et de nombreux autres gaz, ainsi que leurs interactions avec la lumière ultraviolette des étoiles, à une résolution spectrale très élevée. Ce modèle a permis d'étudier une grande variété de conditions sur les exoplanètes et de les comparer avec l'histoire de l'atmosphère terrestre au cours du dernier demi-milliard d'années. En effet, cette période se caractérise par une haute teneur en oxygène atmosphérique et la mise en place de la couche d'ozone, ce qui permit l'explosion de la vie sur notre planète. Selon  Jos Lelieveld, directeur général de l'Institut Max Planck de chimie et coauteur de cette étude, "Il est possible que l'histoire de la Terre et de son atmosphère contienne des indices sur l'évolution de la vie qui pourraient également s'appliquer aux exoplanètes."

Des candidates prometteuses

Les résultats des simulations ont surpris les chercheurs. Dans l'ensemble, les étoiles pauvres en métaux émettent plus de rayonnement UV que leurs homologues riches en métaux. Mais le rapport entre le rayonnement UV-C générateur d'ozone et le rayonnement UV-B destructeur d'ozone dépend également de manière critique de la métallicité : dans les étoiles pauvres en métaux, le rayonnement UV-C prédomine, permettant la formation d'une couche d'ozone dense. Pour les étoiles riches en métaux avec un rayonnement UV-B prédominant, cette enveloppe protectrice est beaucoup moins dense.

Conclusion, l'intensité du rayonnement UV émit par l'étoile à différentes longueurs d'ondes est donc cruciale et la métallicité de l'étoile a un effet direct sur la formation d'une couche d'ozone protectrice autour de ses planètes. Selon Shapiro, "Contrairement aux attentes, les étoiles pauvres en métaux devraient ainsi offrir des conditions plus favorables à l'émergence de la vie."

Cette découverte pourrait être utile pour les futures missions spatiales à la recherche de planètes habitables.

Conclusion paradoxale

L'étude aboutit à une conclusion presque paradoxale : à mesure que l'univers vieillit, il est susceptible de devenir de plus en plus hostile à la vie. Les métaux et autres éléments lourds se forment à l'intérieur des étoiles à la fin de leur vie. Selon la masse de l'étoile, ces éléments sont libérés dans l'espace sous forme de vent stellaire ou lors de l'explosion en supernova et peuvent être réutilisés par la prochaine génération d'étoiles. Chaque nouvelle étoile dispose donc de plus de matériaux lourds que ses prédécesseurs de sorte que les étoiles deviennent de plus en plus riches en métaux à chaque génération.

Selon les chercheurs, la probabilité que les systèmes exoplanétaires produisent la vie diminue donc également à mesure que l'univers vieillit. Cependant, la recherche de la vie n'est pas sans espoir. Après tout, dans de nombreux systèmes exoplanétaires, les étoiles hôtes ont un âge similaire à celui du Soleil qui est déjà très riche en métaux et abrite pourtant des formes de vie complexes sur au moins une de ses planètes.

Trop peu d'UV sur les naines ultra-froides 

Pour mieux comprendre quelles sont les conditions favorables au développement de la vie, dans un article publié dans les "MNRAS" en 2023 (en PDF sur arXiv), Romina P. Petrucci de l'Université Nationale de Cordoba, en Argentine, et ses collègues ont étudié un échantillon de 208 étoiles naines rouges ultra-froides ou UCD des classes spectrales comprises entre M4 et L4 pour évaluer la quantité de lumière ultraviolette qu'elles émettent. Cette catégorie de naines présente une température effective comprise entre 3400 K (M4) et ~1950 K (L4).

Les naines ultra-froides font partie des étoiles les plus communes. Elles ont à près la taille de Jupiter et présentent une masse équivalente à 10% de celle du Soleil. Comme elles sont froides et relativement sombres, elles permettent plus aisément de repérer les éventuelles exoplanètes orbitant autour d'elles.

Une exoplanète orbitant autour d'une étoile naine rouge ultra-froide de classe M4 dont les faibles émissions UV empêchent paradoxalement le développement de la vie. Document T.Lombry.

La plus connue des naines ultra-froides est TRAPPIST-1 qui abrite 7 planètes d'une taille voisine de celle de la Terre, dont trois pourraient se trouver dans la zone habitable. Mais pour que la vie émerge sur l'une d'entre elles, elle doit disposer d'une source d'énergie. La première source d'énergie disponible est celle qui tombe du ciel, le rayonnement UV de l'étoile hôte qui peut fournir l'énergie nécessaire pour former des molécules prébiotiques en reliant des atomes d'hydrogène, d'oxygène, de carbone, d'azote, de soufre et d'autres atomes qui composent les molécules précurseurs de la vie.

En ayant cette réaction à l'esprit, les auteurs ont utilisé le télescope spatial TESS pour mesurer la quantité de rayonnement UV notamment émis par 208 naines ultra-froides situées à moins de 130 années-lumière de la Terre. Les étoiles concernées émettent des UV, comme notre Soleil, et nombre d'entre elles présentent des éruptions chromosphériques et coronales souvent couplées à des éruptions UV. Au total, les auteurs ont relevé 777 éruptions dont 56 super-éruptions sur 102 naines ultra-froides. Leurs énergies bolométriques sont comprises entre 2.1x1030 et 1.1x1034 erg.

Le nombre de naines ultra-froides en rotation présentant une activité éruptive est au moins 20% plus élevée dans les classes spectrales M4 à M6 que dans les classes ultérieures (M7 à L4). Combiné à d'autres résultats, les auteurs arrivent à la conclusion "qu'indépendamment des mécanismes physiques qui produisent l'activité magnétique, les caractéristiques de la modulation de la rotation et des éruptions sont similaires pour les naines ultra-froides entièrement convectives et les étoiles partiellement convectives de classe G et M précoce. [...] Le rayonnement UV émis par les éruptions n'a pas le potentiel de déclencher la chimie prébiotique", du moins telle que nous la connaissons devraient-ils préciser.

Le manque de rayonnement UV n'anéantit pas nécessairement les espoirs de trouver de la vie autour de ce type d'étoiles. En effet, si les UV sont une source d'énergie pour la chimie prébiotique qu'il est aisé de mesurer, il existe de nombreuses autres sources d'énergie, comme les rayons cosmiques ainsi que les particules, les rayonnements et la chaleur produits par la désintégration radioactive, pami d'autres. Ensuite, une fois que la vie a émergé, d'autres sources d'énergie viennent en complément ou les remplacent.

Les étoiles ultra-froides pourraient être utiles pour déterminer quels sont les seuils de rayonnement favorables à l'émergence de la vie. Si nous trouvons des preuves de vie sur une exoplanète en orbite autour de ce type d'étoiles, on connaîtra le seuil d'UV minimum nécessaire à l'apparition de la vie. Si une autre source d'énergie que les UV peut déclencher la vie, cela prouvera aussi que la vie peut emprunter d'autres voies que celles que nous connaissons.

Si les astronomes finissent par découvrir de la vie sur des exoplanètes en orbite autour de naines ultra-froides, cela confirmera que les UV ne sont pas indispensables. En revanche, s'il n'y a aucun signe d'habitabilité sur les exoplanètes gravitant autour des petites étoiles naines ultra-froides, il faudra réviser à la baisse les estimations de la probabilité de trouver de la vie en dehors du système solaire. Quoi qu'il en soit, les futures études sur les naines ultra-froides pourraient donner aux chercheurs une meilleure idée de l'éventuelle prévalence de la vie extraterrestre.

Rechercher les étoiles propices au développement de la vie

Afin que nous puissions évaluer l’habitabilité d’une exoplanète tellurique, ce qu'on appelle l'indice d'habitabilité planétaire (PHI), l'exoplanète doit se trouver suffisamment près du système solaire pour que nous puissions braquer sur elle nos plus puissants télescopes.

La détection directe d'exoplanètes telluriques est très difficile à la fois en raison de leur faible luminosité (elles ne font que réfléchir la lumière de leur étoile), leur faible taille et leur faible séparation angulaire par rapport à l'étoile centrale. C'est donc plus par chance qu'on pourrait découvrir une exoplanète par cette méthode.

Deux méthodes permettent de détecter des exoplanètes dans la zone habitable : la vitesse radiale et le transit. On y reviendra.

A gauche, une mini-Neptune en orbite dans la zone habitable d'une naine rouge. A droite, bain de minuit dans les eaux turquoises d'une exoplanète rocheuse habitable de type super-Terre ou hycéane. Documents T.Lombry.

Lorsqu'une exoplanète est détectée, des observations réparties tout au long de son "année" permettent de déterminer sa période orbitale ainsi que sa distance à son étoile. Ces paramètres permettent déjà d'avoir quelques indices sur la température de la planète, par exemple si elle réside ou non dans la zone habitable de l’étoile.

Outre la nature du sol et des interactions possibles avec son étoile évoqués précédemment, un autre paramètre clé est la taille de la planète, et donc sa masse. Même si cette exoplanète orbite dans la zone habitable, nous savons qu'elle n'est pas viable pour autant. En effet, rien que sur le plan gravitationnel, si sa masse est trop petite, elle ne pourra jamais retenir son atmosphère, tandis qu'une planète trop massive présentera une atmosphère si épaisse que la lumière de son étoile n'atteindra jamais sa surface. Bien sûr, des créatures peuvent vivre dans pénombre du terminateur ou même dans l'obscruité totale, mais pour en avoir la certitude il faudra débarquer sur ces éventuelles exoplanètes.

A présent que nous avons identifiés les variables physiques, mécaniques et chimiques qui rendent une exoplanète habitable, l'essentiel reste encore à découvrir : identifier les biosignatures sur ces astres. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Identifier les biosignatures

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