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Les cités du futur

Les Tours Dynamiques de David Fisher.

Sur la mer immense

Quelle solution originale peut-on imaginer pour abriter une population urbaine de plus en plus nombreuse ? Comment gérer les futurs réfugiés de l'environnement ? Voilà deux défis qui attendent nos responsables politiques ainsi que les architectes.

La question de la surpopulation humaine n'est en fait qu'un effet des flux migratoires, lesquels doivent aujourd'hui tenir compte des réfugiés politiques et ceux de l'environnement.

Concernant ce dernier cas, tous les scientifiques le confirment : en raison de l'effet de serre, les températures augmentent, les glaciers fondent et le niveau le mer augmente. Selon les prévisions du GIEC, le niveau des océans devrait augmenter de 20 à 90 cm durant le XXIe siècle. Des pays côtiers comme le Viêt-Nam, le Bangladesh et de nombreuses îles du Pacifique verront leurs côtes envahies par les flots. Dans les archipels, certains îles à fleur d'eau seront submergées et devront être évacuées. Certaines îles ont déjà été abandonnées.

Devant un tel futur à la fois déterminé et pessimiste, toutes les nations et les organisations supranationales doivent réagir afin de prendre toutes les mesures préventives nécessaires pour sauver les populations et prendre en charge le flux des réfugiés ou de migrants qui arrivent déjà ici en Australie, ailleurs en Inde, aux Etats-Unis ou en Europe.

Mais à terme, selon les simulations des climatologues et notamment celles du Dartmouth Flood Observatory, aucun pays côtier ne sera épargné. Les zones côtières d'Europe comme des Etats-Unis subiront de plein fouet la montée inévitable des eaux et parfois très loin à l'intérieur des terres (50-100 km en Europe). Dans ce cas, où les populations peuvent-elles encore trouver refuge ?

On ne peut pas rebâtir sur les nouveaux fronts de mer, là où les eaux se sont finalement arrêtés; les terres intérieures sont déjà envahies de constructions depuis des générations et plus on se rapproche des anciens bords de mer, plus l'espace est densément peuplé.

Ecartons temporairement la solution des colonies spatiales ou aériennes où on ne compte plus les défis technologiques, sans parler des risques.

En restant sur Terre, où peut-on encore construire ? Quels territoires nous reste-t-il à conquérir ? Faisons un rapide inventaire. On peut oublier la conquête des dernières terres vierges désertiques ou glacées, les jungles, les montagnes, les sanctuaires et autres réserves de biosphère. Tous ces lieux sont trop inhospitaliers, inaccessibles ou protégés; les rendre vivables à long terme est financièrement impossible ou affecterait durablement et négativement la biosphère.

Finalement il reste bien peu de terres en friche accessibles. En revanche, deux voies royales s'offrent à nous : nous pouvons construire en hauteur et la mer est immense...

Plusieurs projets explorent ces deux voies :

- Les Tours Dynamiques de David Fisher

- Le concept de Lilypad de Vincent Callebaut

- La Pyramide de Shimizu.

Les Tours Dynamiques de David Fisher

A Florence, l'architecte israélo-italien David Fisher de l’agence Infinity Design planche depuis quelques décennies sur des constructions dynamiques.

Comme d'autres architectes, David Fisher essaye d'allier l’habitat à la nature. En parallèle, il développe des produits design pour l'enseignement et construit des installations industrielles.

Le projet couronnant sa carrière reste sans conteste les "Rotating Towers", l’exemple parfait de son concept de "Dynamic Architecture". Chaque étage peut tourner sur 360°, indépendamment des autres. Comme le précise la publicité, "Les habitants pourront ainsi prendre le petit déjeuner dans leur salle à manger et regarder le coucher de soleil depuis la même pièce !"

Les Tours Dynamiques de David Fisher (en anglais).

Selon David Fisher, la "Rotating Tower" est "projetée par la vie [...] façonnées par le temps". En effet, plongée dans la quatrième dimension du temps, jour après jour et tout au long de l'année, la tour changera d’aspect !

Outre le design original, David Fisher insiste sur la révolution industrielle qu’apporte cette tour. D'abord concernant les matériaux utilisés. David Fisher a eu recourt aux dernières technologies d’isolation thermique. La tour produit sa propre électricité grâce à 79 éoliennes horizontales installées entre chaque étage. De plus, comme dans d'autres projets contemporains visant à économiser l'énergie, une partie du toit de chaque étage peut être couvert de panneaux photovoltaïques. La tour est même capable de fournir de l’énergie aux bâtiments voisins.

Ensuite la tour est basée sur un concept de modules fabriqués en usine, à Bari dans le sud de l'Italie, puis assemblés et installés sur place. David Fischer prétend que sa solution offre un gain de 30% sur le temps de construction et de 10% sur les coûts. Par ailleurs, la construction réduit la quantité de poussière, le bruit et les déchets sur le chantier, permettant d’offrir de bonnes conditions de travail aux ouvriers qui monteront l'édifice.

Trois projets sont en cours de planification ou réalisés : à Dubaï, Moscou et New York. La "Rotating Tower" de Dubaï compte 80 étages pour une hauteur totale de 420 mètres (la Tour Eiffel mesure 324 mètres avec les antennes). Elle accueille des bureaux sur les 20 premiers étages et un hôtel 6 étoiles sur les 15 étages suivants. Les 35 étages supérieurs sont réservés à des appartements de luxe d'au moins 124 m2. Les dix derniers appartements sont aussi les plus chics : ils occupent toute une plate-forme sur plus de 1000 m2. Vu leur étendue et leur luxe, Fischer les appelle des "Villas" et disposent de jardins avec piscines.

Gadget pratique visant à attirer le client, la tour exploite les dernières technologies de domotique tandis que les dix Villas des derniers étages disposent d’un ascenseur privé permettant de monter la voiture de leur propriétaire jusque dans l’appartement ! (des "car-lift" de ce type existent déjà dans divers hôtels-restaurants).

David Fisher estime le prix d'une "Rotating Tower" à 700 millions de dollars. Les appartements sont vendus 30000$ le mètre carré, soit entre 3.7 et 36 millions de dollars !

Mais si l'eau monte et passe par dessus les barrages éventuellement construits pour protéger une telle cité, même si le béton armé peut résister à l'assaut des vagues, les étages inférieurs seront inondés. Dans ce cas, vous aurez beau avoir une belle voiture et un GSM serti de diamants, le car-lift ne vous sera d'aucune utilité pour évacuer votre tour de verre !

A voir : Une brève histoire des buildings (sur le blog, 2013)

Poséidon, le premier hôtel sous-marin au monde

Posé dans le décor paradisiaque d'une île privée située au nord-est des îles Fidji, le Poseidon Undersea Resort est le premier complexe hôtelier sous-marin permanent au monde. Les premiers invités s'y sont présentés en 2010.

Plus d'informations sur le blog

Plutôt que d'être surpris par une inondation finalement pas si improbable que cela si on en juge par les phénomènes météos qui se produisent autour de nous, autant envisager tout de suite de vivre carrément sur l'eau. C'est l'idée des deux autres projets que nous allons découvrir.

Le concept de Lilypad

Vincent Callebaut, un architecte diplômé de l’Institut supérieur d’Architecture de Bruxelles, a cherché à faire la synthèse entre les sciences appliquées, les nouvelles technologies et l'architecture. Autant ingénieur qu'artiste, il milite en faveur d’une architecture citoyenne à l’impact écologique fort.

Vue artistique d'une Ecopolis ou Lilypad de Vincent Callebaut. Cette cité flottante présente un diamètre d'environ 800 mètres.

Il a imaginé un projet écologique fou et avant-gardiste : Lilypad. Il s'agit d'une ville flottante, insubmersible, durable et au design futuriste, une véritable cité écologique que son inventeur appelle "Ecopolis".

Vincent Callebaut s’est largement inspiré des fleurs de Lotus (lily en anglais) et des grands nénuphars de la Reine Victoria d’Amazonie (famille des nymphéas) agrandis 250 fois, d'où son surnom de Lilypad.

Ce projet envisage de bâtir des villes sur des plates-formes flottantes insubmersibles. Les voies d'accès et les édifices sont camouflées par une végétation luxuriante. En chaque centre, une zone lagunaire permet de lester la structure.

La cité Lilypad est conçue de manière à s'auto-suffire. Elle répond à des critères écologiques et sanitaires : respect du climat, de la biodiversité, de l’eau et de la santé.

Alliant les énergies de la biomasse et marémotrices, chaque Lilypad est dotée de panneaux solaires et d’éoliennes pour assurer l’autonomie énergétique de l’île artificielle.

Nature et urbanisme évoluent en symbiose sur chacune des cités flottantes. La faune et la flore se développent autour d'un lagon central d'eau douce alimenté par les eaux de pluies.

Constituée de trois marinas et de nombreuses habitations, chaque Lilypad mesure environ 800 mètres de diamètre. Elle couvre une superficie de 500 000 m2 (50 ha) et pourrait accueillir jusqu’à 50 000 personnes. Les trois montagnes sont respectivement dédiées au travail, aux commerces et aux loisirs.

Chaque cité est flottante et donc libre de se déplacer. En effet, soit elle reste à proximité des côtes, soit elle se laisse porter par les courants marins pour naviguer autour du monde.

Pratique et créative, les Lilypads seraient une solution originale pour faire face aux conséquences des changements climatiques. Toutefois, ce projet audacieux mais non sans risques ne devrait pas voir le jour avant 2100.

A gauche, flotille de Lilypads au large de l'archipel des Maldives. A droite, une Lilypad vue depuis l'Auditorium Rainier III de Monaco. Documents Vincent Callebaut Architectures.

Questions en suspens

Derrière ce projet créatif et ambitieux cherchant à répondre à un besoin et défendant une cause noble, il y a des questions de fonds restées ouvertes auxquelles il faudra répondre.

Notamment, qui est réellement demandeur d'un tel projet ? Qui peut s'offrir un tel produit, un tel luxe ? Quelle fondation ou magnat aura assez de compassion ou même d'argent pour offrir une Lilypad... à des réfugiers ?

Sachant que ni le GIEC ni aucune commune ne pourra se payer une Lilypad sur ses deniers et l'offrir aux réfugiés, ce projet ne risque-t-il pas de se transformer en nouveau "Rotating Towers", "Palm Island" et autres "Atlantis" réservés aux plus riches, tout à l'opposé de l'esprit du projet imaginé par Vincent Callebaut ?

Deux Lilypads ancrées au large de Monaco. Document Vincent Callebaut Architectures.

Ne cherchez pas, son inventeur nous donne indirectement la réponse. Ainsi que le montre clairement la représentation de droite, ces deux Lilypads sont ancrées au large de... Monaco !

En effet, malgré les bonnes intentions de Vincent Callebaut, on se doute bien que ce genre d'habitation intéressera d'abord les investisseurs les plus riches et notamment les agences immobilières qui, flairant la bonne affaire, sont capables de mettre le pactol pour acquérir des Lilypads entières et les revendre appartement par appartement avec une plus-value substantielle aux milliardaires et aux enseignes de luxe.

Chaque Lilypad étant flottante et pouvant donc s'éloigner au large, en dehors de toute juridiction, ces cités-états ne risquent-elles pas de se transformer en autant de nouveaux paradis fiscaux, ces "safe harbors" que nos gouvernements cherchent justement à fermer ?

Après les zones franches, les bateaux de croisière "free-tax", verrons-nous un jour des Lilypads "free-tax" ? Est-ce bien cela le futur qui nous attend, des lieux hors-la-loi où résident les magnats de sociétés financières sans scrupules capables de déstabiliser toute une société, ce contre quoi nos gouvernements essayent précisément de lutter ?

En attendant que nos gouvernements et les organismes supranationaux (Europe, G20, OCDE) répondent à ces questions de fonds qui nous concernent tous, consultez déjà le site de Vincent Callebaut où vous trouverez d'autres images et d'autres projets d'architectures ambitieux.

La Pyramide de Shimizu

Comment résoudre le problème de surpopulation à Tokyo ? Plus de 12 millions d'habitants sont actuellement coincés entre le mont Fuji et l'océan, dans une mégapole surpeuplée où presque plus personne ne peut se déplacer et où la pollution devient tous les jours un peu plus importante. Le seuil de saturation est atteint.

Ainsi que nous l'avons dit, pour trouver de la place, il faut soit bâtir en hauteur ou quitter la terre ferme et occuper la mer. Mais dans un pays situé à la lisière d'une plaque tectonique, régulièrement touché par les tremblements de terres et les tsunamis, ces paris sont très risqués.

Puisqu'il n'y a plus de terrain à bâtir à Tokyo, en 2003 l'ingénieur et architecte japonais Shimizu s'est tourné vers la mer et a imaginé la "Pyramide de Shimizu".

La Pyramide de Shimizu est un projet de mégapole (arcologie) futuriste. Il s'agit d'une structure pyramidale creuse constituée de 55 pyramides tubulaires ayant chacune la taille de celle de Khéops ou de Las Vegas ! Sa base repose sur 36 piliers solidement enfoncés dans la baie de Tokyo. L'édifice représente une superficie de 88 km2.

La Pyramide de Shimizu est subdivisée en 8 étages de 250 m de hauteur chacun, atteignant au total plus de 2000 mètres de hauteur, soit 12 fois la hauteur de la pyramide de Khéops ! L'édifice peut accueillir 750 000 habitants répartis dans plusieurs dizaines de buildings de 30 étages suspendus à la structure.

Encore en phase d'étude, si elle venait à être construite, cette pyramide deviendrait la plus grande structure humaine jamais édifiée.

A voir : City in a Pyramid (Discovery Channel)

La Pyramide de Shimizu permettrait de résoudre le problème de surpopulation à Tokyo : une structure pyramidale évidée de 2000 mètres de hauteur abritant 750 000 personnes pourrait voir le jour dans la baie de Tokyo vers 2100. Mais ce projet futuriste hors norme n'est pas sans difficultés.

Mais de nombreux problèmes sont à résoudre et ont déjà fait l'objet de nombreuses études. Ainsi, dès que le projet fut imaginé, il parut évident que si la pyramide était fabriquée en béton et en acier, la structure s'écroulerait sous son propre poids. En effet, un building de grande taille pèse déjà quelque 300 000 tonnes. Si la pyramide de Shimizu était fabriquée en béton et en acier, elle pèserait 200 fois plus et ne pourrait tout simplement plus se maintenir sous son propre poids ni sur ses fondations, aussi massives soient elles.

Les ingénieurs ont donc imaginé d'utiliser une matière beaucoup plus légère et beaucoup plus résistante : les nanotubes de carbone. La structure serait ainsi 100 fois plus légère.

Parmi les problèmes techniques à résoudre citons :
- la résistance de la pyramide aux tremblements de terre et aux tsunami (les simulations le confirment),
- sa résistance au vent (résolu grâce à la structure évidée),
- la fabrication de la structure en nanotube (par des robots et sur le site),
- l'élévation des structures pyramidales (par ex. de manière symétrique pour préserver la stabilité et grâce à des ballons gonflables),
- la production d'énergie (grâce par ex. à des algues vertes et la force des vagues),
- le déplacement des habitants (sur des escalators plats, des ascenseurs verticaux ou inclinés, des transports en commun ou individuels sans pilote), etc.

Les avantages de cette structure seront parmi d'autres : un gain d'espace sur les terres, un prix d'achat très abordable pour les promoteurs compte tenu du prix du mètre carré au Japon, son autonomie (une ville dans la ville), la production d'oxygène et une amélioration de la qualité de l'air de Tokyo.

Mais restons réalistes. Le directeur de Shimizu Corporation lui-même considère que ce projet n'est pas à l'ordre du jour, et d'autant moins que tous les problèmes ne sont pas résolus, notamment ceux liés à la technologie des nanotubes, la fabrication des robots et la production d'énergie.

En étant optimiste, ce projet hors norme pourrait voir le jour dans la baie de Tokyo vers 2100.

Je remercie Vincent Callebaut de m'avoir permis de reproduire ses illustrations de Lilypads.

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