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Devenez chasseur de comètes

La comète Neowise (C/2020 F3) photographiée le 13 juillet 2020 à 21h52 TU depuis Beckerich, au Luxembourg avec un APN Nikon D7000 équipé d'un zoom 16-85 placé sur 38 mm. Il s'agit de l'empilement de 3 images exposées chacune 10 s à 400 ISO sans entraînement. Document T.Lombry.

Écrit en collaboration avec Michel Festou du CNRS (1945-2005)

Introduction (I)

L'article sur les comètes vous aura peut-être donné l'envie d'inscrire à votre tour votre nom en lettres de feu sur le velours noir du ciel. Ce n'est que légitime quand on sait que chaque année plusieurs astronomes amateurs ont la chance de découvrir de nouvelles comètes.

L'astronome Michel Festou (1945-2005) était directeur de l'Observatoire de Besançon et directeur de recherche au laboratoire d'astrophysique du CNRS à Toulouse-Tarbes, à l'Observatoire Midi-Pyrénées. Spécialiste des comètes et passionné de planétologie, il nous propose une technique de recherche des nouvelles comètes basée sur l'expérience de l'amateur canadien Rolph Meier (1953-2016).

Environ 84% des comètes apparaissent dans l'hémisphère nord. Ce phénomène est à la fois lié au fait que les astronomes s'y trouvent en plus grand nombre que dans l'hémisphère Sud et qu'il y a plus d'observateurs actifs durant l'été boréal que durant l'hiver austral.

Meier commença à rechercher les comètes à l'âge de 19 ans, en 1972, peu après l'inauguration à Ottawa d'un observatoire public appartenant à la Société Royale d'Astronomie du Canada (RASC), section anglophone. L'instrument offert aux amateurs était un télescope newtonien de 400 mm f/5 (cf. cet article publié en 1980). L'instrument était installé à l'Observatoire d'Indian River aujourd'hui renommé Fred P. Lossing Observatory situé à l'écart des lumières urbaines gênantes, à 50 km à l'ouest de la capitale. Avec un oculaire Erfle de 35 mm offrant un champ apparent de 68°, ce télescope donne un grossissement de 57x. La pupille de sortie est de 7 mm fournissant le maximum de clarté; le champ circonscrit est de 1°15'. Avec un rapport d'ouverture de f/5 et les oculaires actuels (cf. le fichier Excel des oculaires), il est impossible de dépasser un champ visuel de 1°30'. Pour y parvenir, il faudrait utiliser une optique plus rapide, f/3 par exemple en configuration Cassegrain ou de Newton (il en existe une poignée qui ne sont pas des astrographes). L'alternative est d'utiliser un grand binoculaire (voir page 3).

A l'usage, l'instrument de Meier (et le site) s'avéra capable "de voir" des étoiles de 17e magnitude ou des nébulosités aussi difficiles que les nuages de poussière entourant M45 ou ceux de la "Tête de Cheval" d'Orion. De nos jours, on trouve encore de telles conditions dans des sites privilégiés éloignés d'au moins 30 à 50 km de toute lumière artificielle, généralement en haute altitude, dans le désert ou sur une île peu fréquentée.

Précisons que de telles performances ne sont absolument pas un préalable pour faire des découvertes, heureusement !

A gauche, la comète Meier 1978f découverte par Rolf Meier le 26 avril 1978. La comète de magnitude 10 se déplaçait à travers la constellation du Lynx. Photographie prise le 27 avril 1978 par Rolf Meier avec le télescope de 400 mm f/5 de l'Observatoire d'Indian River de la RASC. A droite, la comète Hyakutake (à gauche) photographiée le 23 avril 1996 depuis le Pic-du-Midi par François Colas. Image corrigée par l'auteur.

Méthode

Une ligne de conduite s'impose : discerner rapidement les vraies comètes des objets non cométaires. N'oublions pas que le célèbre Charles Messier dressa son catalogue afin de disposer d'une référence sûre qui lui dirait si l'objet dans son champ était un objet permanent du ciel ou non.

On voit tout de suite apparaître deux éléments indispensables pour faire un bon "chasseur" : un jugement sûr et une bonne documentation auxiliaire. Avec un peu d'expérience, l'observateur connaît d'ailleurs un très grand nombre d'objets astronomiques dont il sait, même si elles ne montrent pas de forme caractéristiques, sont telle galaxie ou telle nébuleuse.

A son époque, Meier utilisa surtout des atlas papier comme l'atlas "Skalnate Pleso" (Atlas of the Heavens) d'Antonin Becvar publié en 1952 qui dispose de planches volantes et quelquefois il consulta l'atlas photographique "Atlas Stellarum" de Hans Vehrenberg (dont voici la carte N°12 aujourd'hui disponible en DVD) qui lui révéla une première fois un objet d'aspect diffus à l'endroit indiqué mais les autres fois il s'agissait... de comètes !

Précisons qu'aujourd'hui, grâce à une tablette ou un ordinateur portable connecté à Internet si le site est couvert par le réseau Wi-Fi (mais rarement dans les sites isolés, désertiques ou d'altitude) ou depuis un ordinateur possédant des catalogues stellaires sauvés sur disque dur ou carte flash), l'amateur sur le terrain peut consulter des cartes du ciel très détaillées et rapidement savoir si l'objet qu'il aperçoit au télescope est un objet céleste connu, une comète ou un nouvel objet (cf. l'article Eurêka !).

Nomenclature

Les astronomes classent les comètes à partir de leur période orbitale. Sur près de 5900 comètes répertoriées à ce jour, on compte 347 comètes périodiques dont la révolution varie entre 3.3 ans (2P/Encke) et 188 ans (273P/Pons-Gambart). En moyenne, on découvre 3 comètes à longue période chaque année et une comète à courte période tous les 4 ans.

Les professionnels attribuent des lettres et numéro d'ordre aux comètes qui nous rendent visite :

- C/ : comète à longue période (entre 200 ans et plusieurs millions d'années)

- P/ : comète dont la période est inférieure à 200 ans

- A/ : astéroïde ou comète dormante

- D/ : comète défunte

Le décompte des découvertes est établi par demi-mois en commençant par 'A', la lettre 'I' n'étant pas utilisée. Vient ensuite un numéro d'ordre. Ainsi la première comète à longue période découverte durant la seconde moitié du mois de mars 2018 est cataloguée "C/2018 F1".

Consulter également le glossaire pour la définition des paramètres orbitaux et d'autres mots du vocabulaire.

Bien que les traités de cométologie disent qu'il est préférable d'utiliser des instruments bien plus modestes, nous verrons plus loin avec quelques exemples précis que ce n'est pas toujours vrai. Meier avance des arguments bien convaincants pour défendre son choix et, après trois découvertes (1978 F après 50 heures de quêtes étalées sur trois ans, 1979 I après 30 heures et 1980 Q après un nombre d'heures non précisée, mais sans doute faible comme le suggèrent ses déclarations dans la revue "Star & Sky" (qui ne fut publiée qu'entre janvier 1979 et février 1981), il semble que les évènements lui donnent raison. Tout au moins pour le type de comètes qu'il découvre. Par ailleurs, si la chance peut-être invoquée pour expliquer le modeste temps moyen d'observation entre deux découvertes, il n'en va pas de même pour expliquer ces dernières.

La grande ouverture permet d'atteindre des objets faibles, donc de découvrir des comètes bien avant qu'elles ne deviennent brillantes (en règle général elles seront donc assez loin du Soleil).

Bien que l'agrandissement de 56x soit faible, la grande focale et la forte luminosité du télescope rendent les nébulosités facilement identifiables dans la plupart des cas; même si l'on ne sait pas de quel objet NGC ou autre catalogue dont il s'agit, on sait immédiatement que ce n'est pas une comète et la chasse peut continuer sans perdre de temps, un facteur crucial.

Progression de la comète Linear (C/2000 WM1) du 16 au 17 février 2001. Compositage de 24 images réalisées avec une caméra CCD Hi-SiS 24 fixée au foyer d'une chambre Baker-Schmidt de 300 mm f/2.8 par Giovanni Sostero de l'Observatoire Remanzacco en Italie. Document AMS.

Les objets suspects sont par ordre de fréquence, les galaxies, les amas globulaires, les nébuleuses galactiques, les nébuleuses planétaires, les systèmes stellaires multiples.

Meier précise qu'il couvre le ciel qui lui est accessible en 8 heures environ et qu'il n'est pas nécessaire de faire ce balayage plus d'une fois par mois; il chasse donc 8 heures par mois au plus ! Son argument est que les comètes ne passent du stade "indécouvrable" à "découvrable" en moins de 30 jours.

Mais l'expérience montre qu'il n'en n'est pas ainsi dans de nombreux cas et que la géométrie "Terre-comète-Soleil" peut jouer bien des tours à l'observateur. Pour Michel Festou, 15 jours est une moyenne plus acceptable.

Prenons le cas de la comète Bradfield (1980 T) : sa période de visibilité, alors que son orbite est connue, n'excède guère un mois. Et elle atteint la magnitude 3 ! La comète Chernis-Petrauskas (1980 K) est arrivée à son périhélie en juin : elle était alors à 10° sous l'horizon au moment du crépuscule astronomique (Soleil à -18°) pour un observateur placé à la latitude de 40°N, donc indétectable, alors qu'elle était à son éclat maximal. Et pour ce même observateur, elle est restée sous l'horizon de mars à juin. Puis dans les deux mois qui ont suivi son passage au périhélie, elle s'est élevée à +35° sur l'horizon : elle était alors de 10e grandeur et plus. Après septembre 1980 sa hauteur sur l'horizon, toujours pour cet astronome hypothétique, a décru de nouveau. En tout, elle n'a pas dû rester plus d'un mois plus brillante que la magnitude 10, et sans jamais être à plus de 35° sur l'horizon. Un vrai coup de chance qu'elle ait été aperçue !

Un autre aspect que souligne Meier est le suivant : faut-il ou non revenir sur une région déjà observée, de crainte d'avoir manqué une comète ? Sa réponse est celle du bon sens : si on l'a déjà examinée, la probabilité d'y voir un objet est bien plus faible que celle d'en voir dans une région non explorée depuis un certain temps. Comment procède-t-il en pratique ? Meier considère une déclinaison qu'il n'a pas sondé depuis environ 1 mois, part de l'horizon, monte aussi loin qu'il peut en ascension droite, change de déclinaison de la valeur du champ et se dirige de nouveau vers l'horizon. Avec les nouveaux oculaires grand champ offrant un champ apparent de 84° ou plus encore, le ciel peut ainsi rapidement être balayé.

A gauche et au centre, la comète Lovejoy (C/2011 W3) photographiée le 22 décembre 2011 par Dan Burbank depuis la station spatiale ISS (gauche) et depuis la Nouvelle Zélande le 23 décembre 2011 par Minoru Yoneto (centre). A droite, la comète Neowise photographiée au crépuscule le 11 juillet 2020 par Guillaume Cannat depuis le mont Aigoual, dans le parc national des Cévennes, en France. Photo prise avec APN Sony A7III équipé d'un téléobjectif de 180 mm è f/2.8. Il s'agit de l'empilement de 100 images exposées chacune 2.5 s sans entraînement.

Bien que Meier attribue les succès de Bradfield à une grande expérience, une grande habileté, une faible concurrence dans l'hémisphère sud et à un site exceptionnel, il ne mentionne pas un facteur déterminant : Bradfield utilise une toute autre méthode. Il n'explore pas les mêmes régions du ciel et il n'emploie pas le même type d'instrument.

Bradfield découvre les comètes près du Soleil, quand elles sont brillantes. Il est d'ailleurs limité dans ce domaine par son instrument, un télescope de 150 mm, bien plus adapté à la recherche rapide près de l'horizon d'objets de magnitude 7 à 9. Quand Meier commence une séance d'observation, il est certain, d'après la méthode décrite ci-dessus, qu'il n'accorde pas une grande attention à la zone proche de l'horizon. Il le dit d'ailleurs clairement lorsqu'il affirme que la probabilité de découverte est faible. On ne peut évidemment pas être d'accord avec lui, les succès de Bradfield le démontrent amplement. En fait, les caractéristiques orbitales des comètes que Meier découvre montrent nettement que sa méthode est idéale pour celles dont les inclinaisons sur l'écliptique sont élevées (donc passant dans les régions polaires écliptiques) et celles dont la distance au périhélie sont élevées, 1 UA et plus.

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