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Les 20 questions ouvertes de la cosmologie

14. La dimensionnalité du monde (III)

Jusqu'à présent nous avons discuté de la théorie 5D canonique de Kaluza-Klein, celle des supercordes à 10 dimensions et celle à 11 dimensions de la supergravité. Mais nous n'avons pas encore abordé la sacro-sainte dimension du monde d'un point de vue historique ou mathématique.

Minkowski ajouta le temps aux 3 dimensions de l'espace ordinaire en posant simplement mais génialement x0 = ct. L'extension suivante fut l'insertion d'une coordonnée x4 = l qui, dans la théorie du champ scalaire de Kaluza-Klein, touche la masse. Pour certains mathématiciens, les espaces de Riemann de petites dimensions souffrent de "pathologies algébriques" les rendant inutilisables en physique. Par exemple, pour N = 3, le tenseur d'énergie-impulsion de Riemann-Christoffel, dit tenseur de courbure, peut s'exprimer dans les termes du tenseur de Ricci (qui détermine la densité d'énergie et mesure l'effet de la déformation), ce qui fait que les équations de champ de ce dernier résultent d'une physique plutôt triviale du premier ordre.

Le choix de la dimensionnalité dépend de la manière dont le théoricien souhaite décrire la physique et représenter ses équations. C'est ainsi que la solution de Schwarzschild à 4D peut être contenue dans un espace plan à 6D. Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la supersymétrie (voir sous 1.), toute solution dans l'espace-temps 4D peut-être enfouie dans un espace plan à 10 dimensions. Ceci soulève la question de savoir si la dimensionnalité du monde est le résultat d'une solution unique. Jusqu'à présent les théoriciens répondent non, a priori, ce qui rend l'analyse d'autant plus difficile.

15. Le principe de Mach

Ici l'idée est que la masse d'un corps localement défini peut dépendre de la distribution de la matière dans tout l'Univers. Formulée par Ernst Mach à la fin du XIXe siècle et admirée par Einstein, cette idée est un sujet universel. Des théories "Machiennes" ont été développées par Hoyle, Narlikar, Liu, Mashhoon, Wesson et d'autres. La revue des principales questions comme la nature de la masse peuvent être trouvés dans les ouvrages de W.Rindler, J.Barbour et H.Pfister, P.Wesson et M.Jammer.

Il est certainement possible de construire de telles théories à la fois dans des univers à 4 et 5 dimensions qui soient raisonnablement en accord avec les observations. Par exemple, dans l'extension à 5 dimensions de la théorie d'Einstein, le modèle Kaluza-Klein est de nature Machienne mais s'accorde avec les tests classiques de la relativité dans le système solaire. La question ouverte n'est pas de savoir si de telles théories peuvent être construites, mais plutôt si elles sont nécessaires.

16. La matière négative

Nous savons qu'il existe des particules d'antimatière (par exemple le positron) qui sont attirées par le champ gravitationnel de la Terre. Une particule constituée de matière négative n'existe pas jusqu'à présent mais dans le même champ de pesanteur elle s'écarterait du champ gravitationnel. Dans certaines symétries des équations de la physique, le principe des masses négatives fait partie des solutions possibles. Ainsi, dans la relation d'énergie qui unit les trois impulsions à la masse d'une particule : E2 = m2 + p2 accepte pour solutions E = ± √m2 si √m2 si v = 0. Cela signifie qu'une particule pourrait présenter des états d'énergie négatifs. Dirac refusa cette idée en invoquant des particules virtuelles saturant tous les états négatifs; leur absence expliquerait le concept d'antimatière.

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la matière de masse négative, Hermann Bondi fut le premier à s'intéresser à la question en 1957. Le sujet sera également étudié par W.Bonnor, P.Wesson et d'autres. Ces auteurs ne trouvent aucune objection à ce que de la matière négative existe, d'autant qu'elle respecte les principes de la relativité générale. Elle pourrait même résoudre le problème des champs d'énergie de point zéro décrits dans les deux premières questions.

Selon Robert Forward, les théories modernes de la matière supposent que la masse ou son équivalent d'énergie constitue un champ scalaire uniforme et donc que le vide ou état le plus bas d'énergie possible, présente une valeur non nulle en chacun de ses points. En conséquent, si la continuité de la masse ou de la masse-énergie est une condition absolue, alors il est inconcevable que cette valeur puisse être négative en un quelconque de ses points. Si l'antimatière est négative par ses propriétés, il semble impossible qu'une masse puisse être négative.

Pour résoudre ce problème, nous pouvons construire des détecteurs utilisant n'importe quel type de force (électrique, magnétique, gravitationnelle, photon, etc.) ou même des champs de force "sans masse" pour rechercher cette matière négative sans devoir la toucher physiquement ou provoquer sa "nullification" à l'instar du phénomène d'annihilation qui touche la réaction entre matière et antimatière. Si on parvient à en isoler, on pourra utiliser le même champ de force pour les isoler et utiliser son extraordinaire propriété anti-gravitationnelle.

Si la matière négative a été créée au cours du Big Bang, on peut supposer qu'elle devrait exister tout autour de nous. Toutefois, puisque les objets de masse négative devraient s'éloigner des sources constituées de matière ordinaire, elles seront difficiles à détecter à moins de construire des instruments dédiés à ce type de problème.

17. L'origine des galaxies et autre structure

Historiquement, la question de l'origine des galaxies a été abordé de deux manières, d'un point de vue gravitationnel et d'un point de vue thermodynamique. Dans l'image traditionnelle des instabilités gravitationnelles, de petites perturbations statistiques dans l'univers primordial se sont amplifiées par l'effet de la gravité dans un fluide en expansion. Toutefois, le taux de croissance est trop lent pour produire des galaxies dans la période considérée. En effet, les astronomes en voient encore plus de 12 milliards d'années-lumières, à peine 2 ou 3 ans après le Big Bang. On peut contourner le problème en invoquant la présence de "noyaux de condensation" qui auraient accéléré l'effet gravitationnel. Il peut s'agir d'une génération d'étoiles de population III pré-Galactique, de trous noirs, de défauts topologiques remontant à l'inflation lorsque le champ scalaire était important ou encore des fluctuations quantiques.

Dans l'image thermodynamique, le processus adiabatique (pancake ou top-down) part de l'effondrement anisotropique de grands nuages de gaz dont la masse était de l'ordre de celle des amas ou des superamas de galaxies. Toutefois, cela aurait conduit à la formation de galaxies spirales alignées dans une direction préférée, un phénomène qui est très peu supporté par l'observation. Ce problème peut être résolu par un processus présentant une forte relaxe (aléatoirement) en début de régime, mais le phénomène est mal compris et dans tous les cas cette théorie repousse à peine la question de l'origine de leur structure aux époques plus reculées.

Il est clair que dans une perspective moderne que les deux approches contiennent des détails ad hoc et sont simplistes. Les galaxies ne sont qu'à un niveau du spectre des structures cosmiques qui s'étend d'un côté vers les étoiles, de l'autre vers les superamas.

Concernant les galaxies, la réelle question est de savoir si au départ il existait une échelle galactique préférée dans la distribution de matière, ou si initialement elles ne représentaient que de petits cellules qui, ensemble, ont déterminé une échelle galactique. En d'autres termes, il est essentiel de connaître le début du spectre pour comprendre le développement des grandes structures cosmiques.

18. L'origine de la rotation galactique

Il est intéressant de traiter ce sujet à part de la section précédente. Ceci parce que le problème est plus aisément quantifiable et repose sur des principes bien connus de la gravité et de la conservation du moment angulaire.

Considérons une galaxie asphérique qui s'est récemment formée (quel que soit le processus) et qui est membre d'un ensemble similaire d'objets en expansion. L'impulsion quadripolaire gravitationnelle de cette galaxie va agir sur les autres objets de l'ensemble, exerçant un couple de torsion calculable de manière classique. Ce couple de torsion transmet une vitesse de rotation à la galaxie. Toutefois, le couple de force s'interrompt après un certain temps en raison de l'éloignement progressif des autres membres. Le résultat est un moment angulaire net.

Ce mécanisme est pur et agit naturellement à partir de l'image classique d'une instabilité gravitationnelle. Un calcul similaire peut être effectué avec les galaxies qui se forment dans les amas et dont le couple de torsion s'annule avec l'effondrement de la protogalaxie. Ce mécanisme originellement proposé par Fred Hoyle a été étudié par de nombreux chercheurs qui ont réalisé de nombreuses simulations informatiques pour le valider. Toutefois, il y a un consensus pour reconnaître que dans le cas de la Voie Lactée du moins, le moment angulaire théorique est bien un ordre de grandeur plus faible que ce que nous disent les observations. Cela pourrait être dû à des défauts dans les paramètres astrophysiques du modèle. Mais cela pourrait également être dû à une raison plus fondamentale impliquant les lois de la dynamique dans l'Univers primordial.

A ce sujet, nous avons vu à propos du problème de la matière sombre, que la courbe de rotation des galaxies (isovitesses) fournit une bonne manière de tester la théorie de la gravitation. Tandis qu'une courbe plate est fréquemment attribuée à de la matière sombre dans le halo (voir sous 8.), Milgrom par exemple invoqua en 1983 qu'il s'agissait d'une inadéquation de la loi de la gravitation. On a toutefois démontré que sa théorie n'était pas valide dans tous les cas. Ceci dit, la rotation des galaxies, bien que problématique à son origine, fournit un bon cadre de recherche pour tester la physique fondamentale.

19. La relation moment angulaire/masse

D'autres corps célestes que les galaxies sont animés d'une rotation sur eux-mêmes. On sait depuis longtemps que lorsqu'on présente dans un diagramme logarithmique le moment angulaire en fonction de la masse (J/M) on obtient une ligne droite dont la pente vaut environ 2. Ceci est valable pour les astéroïdes, les planètes, les étoiles et les galaxies.

Aujourd'hui divers mécanismes ont été invoqués pour expliquer ce phénomène mais aucun n'a franchit avec succès la barrière des contre-arguments. Cela dit, il existe bien une relation numérique qui s'écrit GM2/Jc ~ 1/300, mais nous n'avons pas d'explication.

20. La vie et le paradoxe de Fermi-Hart

On rapporte que le physicien Enrico Fermi se serait un jour demandé au cours d'un repas "Mais où sont-ils donc ?" réfléchissant au fait qu'il ne semblait pas y avoir de vie intelligence ailleurs que sur Terre. Il en aurait déduit que c'était simplement parce que si les extraterrestres existaient, ils auraient colonisé l'univers et seraient déjà parmi nous. 

Inversement, la présence de vie sur Terre implique sa présence partout ailleurs. C'est ici qu'on se rend compte que rien ne va plus. La question centrale du débat concerne la densité de la vie dans l'Univers. Le problème formulé par Fermi a fait couler beaucoup d'encre et des livres entiers ont été écrits sur la fameuse Equation de Drake évaluant la probabilité d'existence d'une civilisation extraterrestre. Des chercheurs comme Carl Sagan, Michael Papagiannis, Richard Gott III ou Michael Hart ont étudié la question de Fermi qui est aujourd'hui connue sous le nom de "paradoxe de Fermi-Hart".

Beaucoup de solutions ont été proposées pour résoudre ce paradoxe. Considérons deux idées pour tout le moins opposées. Dans le premier cas, l'hypothèse du "zoo cosmique" suggère que la vie est effectivement abondante dans l'Univers, mais elle évite l'humanité car elle n'est pas encore suffisamment avancée psychologiquement et technologiquement pour garantir un contact. Dans le second cas, l'hypothèse de "l'horizon cosmique" considère que la vie est distribuée dans tout l'Univers mais la civilisation la plus proche se situe au-delà de l'horizon des particules, et donc hors de tout contact.

Le paradoxe de Fermi-Hart peut évidemment être considéré comme un non-sens. C'est en fait un problème dont l'origine se trouve dans une faute logique de ses prémisses.

Appel aux chercheurs

Pour conclure, cette liste de 20 problèmes fondamentaux ne se veut nullement exhaustive et c'est heureux qu'il en soit ainsi pour l'avenir de la recherche ! En effet, chaque question posée peut en soulever dix autres tout aussi pertinentes et ainsi de suite. Elles ont toutefois été choisies sciemment car elles reflètent les problèmes gênants qui apparaissent aujourd'hui, avec lesquels probablement, nous devrons vivre durant quelques décennies encore.

Pour certains questions, si pas la plupart, nous avons bien des théories approximatives, parfois même des relations, mais nous avons perdu le manuel d'utilisation. C'est comme si nous écoutions une émission étrangère sans comprendre le sens des mots. Si nous considérons que la science est une activité essentiellement logique et que les problèmes et les paradoxes existent pour être résolus, on peut être certain d'arriver un jour à déchiffrer cette pierre de Rosette cosmique. Comme le fait remarquer Paul Wesson, il n'y a de paradoxes que dans la manière dont les humains les formulent. En réalisant cela, le progrès nous offrira de nouvelles manières de penser.

Pour plus d'informations

Concepts of Mass in Contemporary Physics and Philosophy, M.Jammer, Princeton University Press, 2000

Space, Time, Matter, World Scientific, P.S.Wesson, 1999

Mach's Principle: From Newton's Bucket to Quantum Gravity, J.B.Barbour et H.Pfister, Birkhauser,1995

Euclidean Quantum Gravity, G.W.Gibbons et S.W.Hawking, World Scientific, 1993

Neutrinos in Physics and Astrophysics, C.W.Kim et A.Pevsner, Harwood, 1993

Theory and Experiment in Gravitational Physics, C.M. Will, Cambridge University Press 1993

Exact Solutions of Einstein's Field Equations, D.Kramer et al., Cambridge University Press, 1980

Essential Relativity, W.Rindler, Springer-Verlag, 1977

Gravitation, C.W.Misner, K.S.Thorne et J.A. Wheeler, J.A, Freeman, 1973

Gravitation and Cosmology, S.Weinberg, Wiley, 1972.

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