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La gestion de la crise sanitaire de Covid-19

Emotion chez les traders de Wall Street lorsque les actions de sociétés telles que Lyft, Pinterest, SmileDirectClub et Uber Technologies amorcèrent une chute en bourse qui atteignit 24% pour Pinterest et 19% pour Uber. Ensuite, la crise sanitaire fit plonger le Dow Jones de 34% entre le 14 février et le 19 mars 2020 pour ensuite lentement remonter avec hésitation, récupérant plus de la moitié de ses pertes mi-avril 2020. Photo prise le 31 octobre 2019. Document Reuters/Brendan McDermid.

Le coût de la crise (II)

Que représente concrètement le coût de la gestion de la crise sanitaire au Covid-19 ? Quand on parle de ressources financières, chaque gouvernement doit être conscient qu'il doit avoir la capacité financière de supporter la crise, de gérer l'impact d'un arrêt temporaire mais prolongé de son économie. La seule inconnue est la durée au-delà de laquelle l'État est pour ainsi dire en défaut de paiment et devrait recourir à une aide extérieure. C'est la limite ultime, le seuil critique que les États souhaitent impérativement ne pas atteindre.

 Sur base de simulations, les économistes peuvent très tôt évaluer le budget nécessaire à l'éradication de l'épidémie et à la relance de l'économie. Dans un pays industralisé le prix à payer peut s'élever jusqu'à 20% du PIB. Si l'État est prévoyant, il pourra planifier jusqu'à un certain point le renouvellement du matériel sanitaire, financer la recherche clinique, alimenter un fonds de solidarité, prévoir les indemnisations des entreprises, prévoir le remboursement des clients lésés, l'extension de l'indemnité de chômage, etc. Voyons les chiffres annoncés pour les différents pays.

En Europe occidentale, près de la moitié des petites entreprises (moins de 50 personnes) prévoyaient de déposer le bilan si la crise continuait jusque fin avril 2020. Pour éviter ces drames, dans certains pays, l'État ouvrit certains secteurs commerciaux vers la mi-mai. L'État peut aussi maintenir le confinement tout en aidant les petites entreprises mais ce ne sera pas à 100%. En France par exemple, c'était à concurrence de 25% du chiffre d'affaires. Pour combler le reste, les entreprises durent demander un prêt à leur banque que l'État couvrira à 90%. Cela signifie que les banques devront supporter un risque de 10%. Plusieurs d'entre elles ont déjà refusé de jouer le jeu et d'accepter de financer ces PME sur le point de faire faillite. On craignait donc une explosion de licenciements et une montée en flèche du chômage. Et c'est effectivement ce qu'on observa dans les mois qui suivirent. On y reviendra.

En France, la crise a touché plus d'un million de petites et moyennes entreprises. Selon l'Insee, le nombre total de créations d'entreprises a chuté de 30% en mars 2020. Selon une étude des économistes de Sciences-Po, la crise représente une perte de 60 milliards d'euros par mois de confinement, montant confirmé par l'OFCE, et une chute de 18% de la consommation des ménages (cf. La Croix). Selon Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, le 20 avril 2020 soit après 2 mois de confinement, le chômage partiel toucha 9.6 millions de salariés français.

En Belgique, la Banque Nationale estima que chaque semaine de confinement coûte 4 milliards d'euros au pays. La Fédération des Entreprises de Belgique estima que 40% des entreprises ont accusé une perte de 75% de leur chiffre d'affaires chaque semaine de confinement (cf. Les Échos). Selon les prévisions de l'ONEM publiées par le gouvernement, plus de 127000 entreprises ont introduit des demandes de chômage temporaire. Début avril, 3 millions de salariés étaient en chômage temporaire et payés par le FOREM ou son équivalent flamand. Fin avril 2020, on estimait que 14% d'entre eux risquaient d'être licenciés avant l'été. Le déficit annuel provoqué par cette crise s'élèverait à ~24 milliards d'euros et la crise n'était pas terminée.

En avril 2022, le gouvernement fédéral belge annonça que la crise sanitaire coûta à la Belgique 36.4 milliards d'euros dont 21 milliards d'euros en 2021. Au total, cela représente 3160 € par habitant. Cela comprend tous les investissements et dépenses pour lutter contre la pandémie de Covid-19, soutenir la population et l'économie. Rien que le chômage temporaire représente 30% du montant. Si certains pensent que cela fera autant d'argent qui augmenteront la dette publique, l'État envisage de récupérer ces montants.

Au Luxembourg, selon le ministère des Finances, la crise représente 1.6 milliard de déficit budgétaire. Cela représente une baisse des recettes de 12% et une hausse des dépenses de 8% sur le budget prévu. Sur le plan fiscal, les Douanes et Accises accusent une perte de 284 millions d'euros suite aux mesures de confinement et la fermeture partielle des frontières (cf. Le Quotidien). Selon le Statec la crise a mis en chômage partiel 30% des salariés, ce qui coûta 566 millions d'euros à l'État. Ces salariés sans emploi touchent 80% de leur salaire par l'ADEM (et sont deux fois moins taxés qu'en temps normal) et risquent aussi de perdre leur emploi lorsque le confinement sera levé. Les secteurs de la construction et de l'Horeca ont subi une baisse d'activité de 90%. Le secteur des transports et de l'entreposage a vu son activité chuter de 60%, l'industrie de 47% et le commerce de 39%. Le pays s'attend à voir son PIB se contracter de 6% en 2020 (cf. L'essentiel).

En Allemagne, la crise sanitaire a mis au chômage plus de 11.7 millions de personnes au 27 mai 2020 selon l'Agence fédérale pour l'emploi, des chiffres supérieurs à la crise de 2008/2009. Le taux de chômage atteint 6.3%, le niveau le plus élevé depuis 1991 (cf. Le Quotidien).

Les valeurs boursières à l'ouverture de la Bourse de New York (NYSE) le 28 février 2020 à Wall Street. Les marchés mondiaux étaient sur le point de conclure leur pire semaine depuis 2008 avec une nouvelle déroute. Document Johannes Eisele/AFP/GettyImages.

Même impact aux Etats-Unis où le shutdown partiel des services fédéraux pendant plus d'un mois coûta 11 milliards de dollars dont 3 milliards seront perdus selon le Congrès (cf. MarketWatch). Le PIB s'en ressentira nécessairement. On y reviendra. Un seul jour de lockdown des États-Unis coûta près de 24 milliards de dollars à l'économie du pays. On comprendra que cette mesure ne fut plus jamais appliquée.

En revanche, nous verrons que pour développer des vaccins contre le Covid-19, les Américains ont accepté d'investir plus de 14 milliards de dollars, et le budget n'est pas plafonné (cf. l'opération Warp Speed).

Un secteur gravement touché est l'aviation civile. L'IATA évalua les pertes à 314 milliards de dollars après 3 mois de confinement, soit un déclin de 55% de ses revenus sur base annuelle par rapport à 2019. Si le secteur du tourisme est très affecté, les constructeurs aéronautiques et les compagnies aériennes sont aujourd'hui au seuil du rouge. Rolls-Royce qui fabrique la plupart des réacteurs envisage de licencier 8000 personnes soit 15% de son effectif. Cette annonce fait suite au licenciement de 3000 personnes chez Ryanair et de 12000 licenciements chez British Airways. Certains aéroports régionaux sont en difficulté comme celui de Charleroi Airport et même certaines compagnies aériennes comme Brussels Airlines qui fut rachetée par la Lufthansa est sur le point de faire faillite. Pour rappel, les compagnies aériennes soutiennent près de 65.55 millions d'emplois dans le monde.

Enfin, partout dans le monde le secteur du tourisme accusa le plus durement les effets de la crise. Selon l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), au 7 mai 2020 le secteur avait perdu 80 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l'année. Au total, les pertes financières sont estimées entre 910 et 1200 milliards de dollars en 2020 ! S'il n'y a pas de reprise au dernier trimestre 2020, l'OMT craint "la mise en danger de 100 à 120 millions d'emplois directs dans le tourisme". C'est la raison pour laquelle la plupart des pays dont l'économie est basée sur le tourisme ont annoncé mi-mai 2020 qu'ils envisageaient d'ouvrir leurs frontières et d'autoriser le retour des touristes y compris sur les plages pour les vacances d'été, avec les précautions d'usage.

En résumé, l'horizon des petites comme des grandes entreprises s'assombrit un peu plus chaque jour supplémentaire de confinement.

De tels montants sont énormes dans l'absolu, mais il faut savoir que lors d'une seule loterie de Noël par exemple, l'État peut distribuer plusieurs milliards d'euros de gains. Il dispose donc des réserves suffisantes, tant que l'activité économie fonctionne et c'est bien là que réside tout le problème.

Les aides publiques

Afin que l'activité du pays ne s'arrête pas et que les petites enteprises ne déposent pas le bilan, les ministres des Finances ont délié les cordons de la bourse. En fait ils n'ont pas réellement libéré d'argent mais donné aux banques la garantie que l'État les rembourserait, ce qui est très différent. Aussi quand on entend ou lit qu'un pays "a libéré" ou "dispose" d'un budget d'autant de milliards d'euros (ou dollars), il faut comprendre que l'État a seulement garanti son remboursement aux banques. Cela signifie surtout que ces pays qui ont déjà une dette publique de plusieurs dizaines de milliers de dollars par habitant vont encore s'endetter à hauteur du budget proposé !

Pendant la crise, malgré le ralentissement de la croissance mondiale, la crainte d'une récession en 2020 s'est estompée. Il y eut un accord commercial partiel entre les Etats-Unis et la Chine mais aussi des signes d'un léger rebond du secteur industriel. Pour l'instant on ne prévoit pas de crise financière comme certains l'avaient annoncé. Document Pexels.

En France, au total, pour 2020 les mesures d'urgence ont représenté un montant de 470 milliards d'euros dont près de 31 milliards d'euros pour le financement du chômage partiel et 8 milliards d'euros pour le fonds de solidarité. 7 milliards d'euros furent consacrés à la lutte sanitaire, comprenant 4 milliards d'euros de prêts garantis et trois 3 miliards en prêt direct. Un plan d'aide de 15 milliards d'euros fut consacré à l'industrie aéronautique et 5 milliards d'euros à la culture et les médias touchés par la crise sanitaire. Le gouvernement a également reporté 32.5 milliards d'euros d’échéances fiscales et sociales de mars à juin 2020, et garanti 327 milliards d'euros de prêts (cf. Assemblée Nationale)

Mais Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances déclara que les entreprises ayant leur siège ou des filiales dans les paradis fiscaux seraient exclues des aides en trésorerie. La France suit ainsi l'exemple du Danemark.

La Belgique proposa une aide publique de 13.5 milliards euros. Elle a également ouvert un fonds d'urgence à destination des très petites entreprises et des indépendants qui recevront immédiatement une aide financière unique et non remboursable de 5000 €.

Le Luxembourg annonça une aide financière de 8.8 milliards d'euros aux petites sociétés et indépendants.

L'Allemagne prépara un budget de crise de 500 milliards d'euros qui passa à 1200 milliards d'euros - principalement sous forme de garanties de prêts bancaires - pour lutter contre le virus et relancer son économie et a déjà adopté un budget spécial d'au moins 100 milliards d'euros.

 L'Espagne annonça une série de mesures à concurrence de 200 milliards d'euros pour renforcer les services sanitaires, soulager les familles, les entreprises et relancer son économie.

Le Japon lança un plan de soutien pour combattre le virus et soutenir son économie d'environ 108000 milliards de yens soit 917 milliards d'euros. Plus de 50 milliards d'euros seront versés aux ménages et aux entreprises tandis que l'État investira 220 milliards d'euros pour leur permettre notamment de reporter les paiements des taxes.

Aux Etats-Unis, le président Trump approuva un programme d'aides financières de 4000 milliards de dollars aux entreprises et aux familles américaines soit 20% du PIB national ! (voir également les mesures économiques internationales sur le site du Trésor français).

Pour inverser le ralentissement de la croissance mondiale dont la dynamique peut-être très rapide et mettre à genoux un grand pays en l'espace d'un an (cf. la situation du Royaume-Uni durant la Seconde guerre mondiale), à partir du 18 mars 2020 les chefs d'États des plus grandes nations et les institutions internationales ont fini par réagir et libérer les fonds nécessaires.

Le 26 mars 2020, au cours d'une visioconférence, les pays du G20 ont décidé de libérer d'urgence une aide de 5000 milliards de dollars pour enrayer l'épidémie et assurer le retour de la croissance. Ils ont également promis d'aider les pays pauvres (cf. Les Échos).

Les drapeaux de l'Union européenne flottent devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles, avant le sommet européen le 16 juin 2020 consacré au plan de relance. Document Reuters.

Le 23 avril 2020, les dirigeants de l'Union Européenne ont décidé d'œuvrer à la mise en place d'un Fonds européen pour la relance destiné à atténuer les effets de la crise.

Le 27 mai 2020, la Commission européenne via la BCE (Banque Centrale Européenne) proposa un fonds de relance de 750 milliards d'euros dans ke cadre de l'instrument Next Generation EU pour lutter contre les conséquences économiques de l'épidémie au Covid-19 et soutenir l'économie européenne. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen appela les 27 à "mettre de côté les vieux préjugés" pour la soutenir.

Parallèlement au plan de relance, les dirigeants de l'UE se sont entendus sur un budget de l'Union Européenne à long terme de 1074.3 milliards d'euros pour la période 2021-2027. Ce budget soutiendra notamment les investissements dans les transitions numérique et écologique et la résilience. (cf. AFP, Consilium).

Suite aux vidéoconférences des membres du Conseil de l'Europe qui se sont tenues le 17 mars 2020 et le 26 mars 2020, l'Europe rappela par la voix de son président Charles Michel qu'il fallait "limiter la propagation du virus, fournir du matériel médical, en particulier des masques et des respirateurs, promouvoir la recherche, notamment en vue d'un vaccin et faire face aux conséquences socio-économiques". Cela, tout le monde le savait. Le Conseil prit également des mesures mais jugées très insuffisantes au point qu'un ministre italien a déclaré : "l'Europe est morte" ! Le Conseil a toutefois accepté la proposition de la Commission européenne qui prévoit 37 milliards d'euros d'investissements au titre de la politique de cohésion pour faire face aux conséquences de la crise.

Finalement, le 9 avril 2020, après 16 heures de négocations difficiles, les ministres des Finances de l'Eurogroupe (les 27 membres de la zone euro) ont trouvé un accord pour libérer immédiatement 540 milliards d'euros dont 100 milliards pour financer les entreprises et le chômage partiel pour les États qui n'en n'ont pas les moyens (c'est-à-dire tous, même le Luxembourg où le PIB est le plus élevé d'Europe), 200 milliards d'euros qui seront prêtés directement aux PME via la BEI (Banque Européenne d'Investissement) et 240 milliards d'euros qui seront dédiés aux dépenses de santé (financement des hôpitaux, achat de matériel, investissement dans la recherche, etc) via le mécanisme européen de sécurité (MES) qui avait été créé pendant la crise en Grèce (cf. Reuters).

Au total, à travers les enveloppes budgétaires en place pour les trois filets de sécurité (en faveur des travailleurs, des entreprises et des États membres), le plan de relance global de l'Union européenne s'élève à 2364.3 milliards d'euros.

De plus, le 18 mai 2020 la France et l'Allemagne se sont mis d'accord sur un plan de relance européen. Celui-ci prévoit que la Commission européenne s'endette à hauteur de 500 milliards d'euros et transfère cet argent aux Etats, régions et secteurs qui ont été le plus impactés par la pandémie de Covid-19 (cf. Le Monde). Bien sûr chaque État devra rembourser cet emprunt (voir plus bas).

A lire : Data and policy analysis, Europa

Tableau de bord des aides d'États

Effet des crise de 2008, 2011 et 2020 sur la conjoncture internationale, en particulier sur la croissance et les dettes publiques. Documents Macrobond/Statec.

C'est l'Italie et l'Espagne qui sont les principaux bénéficiaires étant donné le lourd impact qu'eut la crise sur leur économie. Ils recevront 500 milliards d'aides sous forme de subventions qui ne devront pas être remboursées. Le reste sera constitué de prêts aux Etats membres. Après la Pologne, la France devrait bénéficer de 38.7 milliards d'euros de subventions.

L'instrument de relance et le montant viennent s'ajouter aux 240 milliards d'euros de prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES) de la zone euro, aux 200 milliards du fonds de garantie pour les entreprises et aux 100 milliards de l'instrument SURE créé pour soutenir le chômage partiel. La Commission européenne a également validé 2130 milliards d'aides d'État depuis le début de la crise, dont près de la moitié débloquée par le gouvernement allemand pour soutenir ses entreprises.

Le fonds sera alimenté par des emprunts à grande échelle de la Commission au nom de l'Union européenne. C'est une opération inédite pour l'Institution qui va nécessiter une négociation difficile avec les États membres car le plan de relance doit être accepté à l'unanimité. La France et l'Allemagne ont déjà accepté le plan de la Commission.

L'émission de la dette commune par la Commission européenne bénéficie de taux d'intérêts très bas sur les marchés et s'étalera sur 30 ans maximum, avec un remboursement à partir du 2028. L'Union européenne pourrait également rembourser ces emprunts sans demander aux États membres d'augmenter leurs contributions nationales, à l'Europe de trouver de nouvelles sources de revenus via par exemple des taxes sur des produits polluants.

L'OMS a également mis en place un plan stratégique de préparation et d'intervention qu'elle a évalué à moins 675 millions de dollars jusqu'à fin avril 2020 et estime que les besoins sont appelés à augmenter. Dans ce contexte, l'OMS a encouragé les donations. La Fondation Bill et Melinda Gates a promis d'offrir jusqu'à 100 millions de dollars pour lutter contre le Covid-19 dans le monde.

Au total, en 2022 on estimait que les 3 ans de pandémie de Covid-19 ont couté ~7000 milliards de dollars à l'économie mondiale.

Le soutien discret des plus riches

 Outre les fondations et les institutions internationales qui soutiennent la recherche d'un vaccin contre la Covid-19, quelques grandes fortunes y contribuent également. Selon la revue "Forbes", 77 milliardaires ont fait des promesses de dons importantes pour lutter contre la pandémie. Mais face aux réactions insultantes de certains journalistes plus d'un ont changé d'avis et feront un autre usage de leur fortune.

Mackenzie Scott photographiée par Elena Seibert en 2019.

 Donald Trump par exemple, l'ancien président américain s'est vu railler par Forbes à la suite d’un don de 100000 dollars au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce chèque représente 0.005% de sa fortune estimée à 2.1 milliards de dollars. Même chose pour Jeff Bezos d'Amazon qui avait fait un don de 690000 dollars pour la lutte contre les incendies en Australie, un montant jugé insultant par une certaine presse sachant que cela ne représente que 0.00059% de sa fortune.

Si plus d'un milliardaire ont décidé d'être plus discrets, il y a toujours des philanthropes qui acceptent de dévoiler le montant des dons qu'ils ont offerts.

Un geste qui mérite d'être applaudi est celui de Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui annonça le 7 avril 2020 qu’il donnait 1 milliard de dollars d'actions de son autre société, Square, pour la lutte contre l'épidémie au Covid-19. Il explique que la somme représente 28% de sa fortune. "Quand nous aurons désamorcé cette pandémie, les fonds seront orientés vers la santé et l'éducation des filles, ainsi que le revenu universel", a-t-il précisé.

En décembre 2020, la milliardaire américaine MacKenzie Scott, 18e fortune du monde et ex-femme de Jeff Bezos, déclara avoir fait un don de 4 milliards de dollars à 384 organisations caritatives au cours des quatre derniers mois. Au total madame Scott fit don de plus de 8 milliards de dollars durant la crise sanitaire.

Selon l'indice de Boomberg, la fortune de madame Scott est passée de 23.6 milliards de dollars début 2020 à 60.7 milliards de dollars en un an. Scott précise que "Tant les pertes économiques que les répercussions sur le plan de la santé ont été pires pour les femmes, les personnes de couleur et les personnes qui vivent dans la pauvreté. Dans le même temps, [la pandémie] a permis aux milliardaires d'accroître considérablement leur fortune" (cf. Bloomberg).

Si la pandémie a profité à certains, notamment ceux ayant investi dans le e-commerce et l'industrie pharmaceutique, selon l'indicateur HNWI de New World Wealth, en moyenne les milliardaires ont perdu 15% de leur fortune en 2020.

Devant cet "effort de guerre", d'ores et déjà des grandes entreprises côtées en bourse ont accepté de reporter le paiment ou ne pourront pas payer le dividende qu'elles allaient accorder à leurs actionnaires. Parmi ces actionnaires, il y a l'État qui avait compté sur ce dividende pour boucler son budget. C'est une autre perte sèche inattendue.

Par conséquent, sur le plan fiscal certaines entreprises vont se réjouir. En effet, tous les élus politiques qui ont proposé de taxer davantage les grandes entreprises savent déjà que ce projet est reporté à une date indéterminée et que plus aucun ministre ou président n'en parlera avant quelques années... A quelque chose malheur est bon.

Dépenses supplémentaires face à la deuxième vague épidémique

Suite à la deuxième vague épidémique qui déferla sur l'Europe à partir d'octobre 2020, la Belgique libéra un budget de crise supplémentaire de 500 millions d'euros pour aider les entreprises en difficulté (horeca, traiteurs, night-clubs, culturels, événementiel) contraintes par décret de fermer leurs portes pendant un mois, enveloppe complétée par des mesures d'aide, notamment des droits passerelles et l'exonération des cotisations patronales ONSS du 3e trimestre, sans lesquelles ces entreprises feront probablement faillite sous le poids des frais fixes et des dettes (cf. RTBF).

La Belgique demanda également officiellement une assistance financière à concurrence de 7.77 milliards d'euros sous forme de prêts au titre de l'instrument SURE de la Commission européenne destiné à aider les Etats-membres à protéger les emplois et les travailleurs touchés par la pandémie de coronavirus. 6.21 milliards d'euros couvriront les dépenses du gouvernement fédéral, le reste couvrira les dépenses des Régions et des Communautés.

La France débloqua 470 milliards d'euros en octobre 2020 pour soutenir et protéger les entreprises et les salariés (cf. gouv.fr). S'y ajoute 2.4 milliards d'euros pour aider les hôpitaux dont 400 millions d'euros en faveur du personnel. Au total, l'Objectif National des Dépenses d'Assurance-Maladie (Ondam) augmenta de 9% en 2020 et sera maintenu en hausse de 5% en 2021, contre environ 2% ces dernières années. Ces nouveaux crédits vont porter le déficit de la sécurité sociale de 44.4 à 46.6 milliards d'euros en 2020 et à 28 milliards en 2021 (cf. Le Figaro).

Ralentissement de la croissance mondiale

En mars 2020, l'OCDE estimait que si l'épidémie était circonscrite à la Chine, la croissance mondiale chuterait de 20%, passant de 3% en 2019 à seulement 2.4% en 2020, le chiffre le plus faible depuis la dernière crise financière. Mais la crise fut mondiale et la majorité des pays sont entrés en récession. Certains États avaient déjà pris des précautions voici quelques années pour redresser leur économie dont on commençait à voir les effets, dont la Belgique, la France et les États-Unis. Ce sera toujours ça de pris sur l'effort à faire, car la récession est sévère.

A gauche, effet de la crise financière de 2008 sur le PIB comparée à l'impact financier estimé de la crise sanitaire au Covid-19. La tendance est bien celle d'une récession mais suivie d'un rebond. Document Yole Dévelopment. A droite, estimation de la croissance mondiale calculée par l'OCDE. Dans le cas où seule la Chine était touchée par l'épidémie, en 2020 on estimait que la croissance mondiale serait de 2.4%. En cas de pandémie, la croissance ne dépasserait pas 1.5%. Dans les faits, en 2020 la croissance mondiale fut de 4.3% en 2020 et de 5.6% en 2021.

Pour évaluer le coût de la crise sanitaire, on peut calculer ce qu'il représente par rapport au PIB (produit intérieur brut) de chaque pays.

En Belgique, au premier trimestre 2020 le déficit annoncé représentait 5% du PIB et donc au-delà des 3% exigés par la Commission européenne. Le PIB chuta de 12.2% au 2e trimestre 2020 par rapport au trimestre précédent (cf. Le Quotidien), ce qui était dans la limite supérieure des prévisions des économistes qui tablaient sur un déficit total entre 43 et 50 milliards d'euros soit 10 à 12% du PIB.

En France, le PIB chuta de 13.8% au 2e trimestre 2020 par rapport au trimestre précédent, soit plus du double des prévisions (cf. Le Quotidien, Les Echos). Les mesures de soutien prises pour lutter contre la pandémie s'élèvent à 1.9% du PIB. L'exécutif européen anticipe par la suite une reprise importante de l'activité en 2021, avec un PIB en hausse de 7.4% bien que cette projection reste soumise à un degré élevé d'incertitude.

Au Luxembourg, le PIB chuterait de 6% (cf. L'essentiel). L'ensemble de mesures visant à lutter contre la pandémie et ses impacts économiques représente 10.4 milliards d'euros soit 17.5% du PIB et le pays devrait assister à une relance de +7% en 2021 (cf. Wort.lu).

Au Royaume-Uni, le PIB chuta de 5.8% au premier trimestre 2020.

En Allemagne, le PIB chuta de 2.2% au premier trimestre 2020 et chuta de 10.1% au 2e trimestre 2020 par rapport au trimestre précédentes (cf. Le Quotidien), en accord avec les prévisions qui tablaient sur une chute de 10% sur l'année (cf. Le Quotidien; L'Express; Reuters).

Dans chaque pays, chaque pourcent de PIB perdu représente une perte de richesse de plusieurs milliards d'euros par rapport au dernier trimestre de l'année précédente !

Selon les analystes, cette récession est pire que la crise des subprimes de 2007 qui fut suivie d'une crise économique entre 2008-2010 car son impact touche tous les marchés, les ménages et l'emploi. En fait, nous assistons à la plus importante récession économique depuis 1945 ! Dans tous les pays sans exception, cet endettement va se payer à long terme par les prochaines générations (au moins pendant 30 ans, la durée de certains emprunts).

Dans ce scénario, la croissance mondiale pourrait ne pas dépasser 1.5%. Au niveau national, au Luxembourg (cf. Statec) le taux d'inflation passa de 1.7 à 0.9% en mars 2020 est devrait atteindre 0.6% sur base annuelle. En Belgique, il passa de 1.1 à 0.6%. En France, il chuta de 1.4 à 0.6% et aux Etats-Unis il passa de 2.33 à 1.54%. Toutes les prévisions indiquent que ce devrait être temporaire mais quoiqu'il en soit le mal est déjà fait.

Dans les faits, globalement selon l'OCDE et le FMI, en 2020 la croissance mondiale fut de 4.3% et de 5.6% en 2021.

Concernant le taux de chômage, juste avant la crise sanitaire soit fin 2019, le taux de chômage était de 5.4% en Belgique, 8.1% en France, 5.4% au Luxembourg et de 3.3% aux Etats-Unis. A la fin de la crise, on estime qu'en Europe le taux de chômage qui était de 7.5% en novembre 2019 atteindra 12% ! Mais à ce nombre il faudra soustraire les chômeurs temporaires ou en chômage partiel car ils sont toujours payés par leur employeur bien qu'on estime que ~15% d'entre eux pourraient définitivement perdre leur emploi.

Concernant les Etats-Unis, les avis des économistes divergent fortement. Selon JPMorgan, le taux de chômage ne devait pas dépasser 8.5% au plus fort de la crise quand Goldman Sachs prédisait un taux maximal de 15%. La Réserve fédérale était encore plus pessimiste, redoutant la suppression de 47 millions d'emplois soit un taux de chômage de 32%. Les économistes de Goldman Sachs, parmi les plus pessimistes, anticipent que le PIB américain pourrait se contracter de 34% au deuxième trimestre sur base annuelle. Dans les faits, fin avril soit en 6 semaines, la crise a mis au chômage 30 millions de personnes soit plus de 17% de la population active. Rapporté à la population du pays, l'impact est plus important aux Etats-Unis qu'en Europe. Toutefois, le monde du travail américain est plus souple, les candidats pouvant retrouver un emploi du jour au lendemain sans avoir les contraintes des préavis comme en Europe.

Si le confinement s'était poursuivi au delà du mois de mai, il est presque certain que tous les pays auraient été à genoux. Selon le Statec, le PIB du Luxembourg par exemple se serait effondré de 12.4% en 2020. Mais cela reste une valeur plus faible que dans les autres pays car le secteur financier qui représente un quart de la valeur ajoutée totale de l'économie du pays qui n'a subi qu'un repli de 10% (cf. L'essentiel).

En juin 2020, on estimait qu'il n'y aurait plus de nouveau confinement car aucun pays ne pourrait s'en relever. En revanche, une deuxième vague épidémique restait du domaine du possible. C'est la raison pour laquelle les consignes de sécurité sanitaires (distanciation sociale, port du masque dans les endroits fréquentés, lavage des mains, etc) ont été maintenues et le resteront probablement jusqu'en 2022, le temps que tout le monde soit vacciné et immunisé.

Conclusion, pour éviter que les taux d'intérêt explosent, il faudra que les banques centrales temporisent cette crise. Nous verrons si elles acceptent et dans quelle proportion, et quelles seront les réactions des marchés financiers. Bonne nouvelle, sans être très optimistes, les premières réactions suite aux décisions financières prises par les États et la BCE parmi d'autres institutions sont positives. Les déclarations concernant la découverte de médicaments pouvant accélérer la guérison des malades Covid et la mise au point de plusieurs vacccins encouragent aussi les investisseurs. La crise sanitaire va-t-elle créer un simple trou d'air ou un crash financier ? A priori, le crash n'est pas à l'ordre du jour mais seul l'avenir nous le dira.

Le prix de la relance

A l'heure actuelle, aucun signe ne permet de dire quand la crise sera terminée et avec quelles conséquences. Si la majorité des salariés et indépendants retrouveront leur emploi, beaucoup n'auront pas cette chance et "l'État providence" devra plus ou moins longtemps veiller à leur survie grâce au chômage et une aide à la réinsertion d'une manière bien plus efficace et espérons-le plus humaine que par le passé.

Comme on l'a constaté, entravée par la pandémie et de multiples reconfinements, la relance a été longue et lente. Alors qu'en mai 2020, on ne voyait toujours pas la fin du tunnel, fin décembre, la commercialisation des deux premiers vaccins contre le Covid-19 laissait enfin entrevoir un avenir plus radieux.

Enfin, il reste la question de savoir qui va payer la dette de la crise sanitaire et plus largement la dette publique qui représente la dette de l'État et des administrations publiques qui s'est alourdie proportionnellement ? En 2020, la dette publique de la Belgique atteignit 524 milliards d'euros soit 116% du PIB dont 32 milliards d'euros suite à la crise sanitaire. La dette publique de la France atteignit 2638 milliards d'euros soit 120% du PIB dont 300 milliards d'euros imputables à la crise sanitaire. Plusieurs solutions ont été proposées pour réduire ou nous débarrasser de cette dette. Pour ne pas alourdir et nous écarter de notre sujet, nous y reviendrons en détails dans l'article suivant.

A lire : Qui va payer la dette publique ?

Dans les rouages de la finance mondiale

Décrivons à présent quels ont été les impacts socio-économiques de la crise sanitaire.

Impacts socio-économiques

Le 16 mars 2020, juste avant une vidéoconférence des 27 ministres des Finances européens consacrée à la crise sanitaire, Mario Centeno, président de l'Eurogroupe déclara que "Le confinement forcé met nos économies dans une situation semblable à celle d'une guerre".

Dans ces conditions, on comprendra qu'aucun chef d'État ne souhaite appliquer de bon coeur ni longtemps des mesures de confinement car elles ont d'importantes conséquences socio-économiques comme chacun a pu le constater : fermeture de la plupart des établissements y compris scolaires, des insitutions et même des églises (qui furent des foyers d'infection), suspension des actions en justice, limitation des déplacements ou confinement de la population, contrôle des flux, contrôle ou fermeture des frontières, fermeture des centres de collecte des déchets, annulation des évènements publics, réduction de l'offre des transports en commun y compris des vols aériens, télétravail recommandé, formation à distance des étudiants, problème de bail de co-location ou du kot des étudiants, ralentissement de l'activité économique, risque de pénurie, bref la vie quotidienne de chacun est bouleversée pendant plusieurs mois.

Les conséquences les plus spectaculaires de la pandémie de Covid-19 furent l'arrêt quasi total du trafic routier et le confinement imposé début mars 2020 dans certains pays puis vers le 25 mars 2020 à 3 milliards d'habitants. A gauche, à voir sur Instagram, Shanghai, ville morte ou la Chine sans Chinois photographiée par Nicolattes durant la semaine du 3 février 2020. Au centre, le carrefour de Sukiyabashi à Ginza, Tokyo, photographié le 5 avril 2020 depuis l'hélicopère de Kyodo News. A droite, Tim Square à New York en mars 2020 photographié par un correspond d'AFP. "La ville qui ne dort jamais" plonge dans le sommeil. A comparer avec un 31 décembre

L'armée a également était mise à contribution durant la crise en fournissant des hélicoptères pour transporter des personnes infectées ou en mettant à disposition du personnel de la santé, des hangards, des lits et du matériel médical lorsque les hôpitaux venaient à saturation ou pour assurer la distribution des masques de protection à la population.

Sur le plan médical, comme beaucoup de personnes l'ont constatées à leurs dépens, selon une étude publiée dans la revue "British Journal of Surgery" le 12 mai 2020, les hôpitaux ont reporté ou annulé plus de 28 millions d'opérations chirurgicales dans 190 pays en attendant le retour à une situation normale. En Europe, les hôpitaux et certaines cliniques ont également décidé de ne plus prendre de rendez-vous pour des analyses de routine comme des prises de sang, des radiographies, des échographies ou des visites chez un spécialiste; ces services ont fermé en mars 2020 et n'acceptèrent plus de rendez-vous avant le mois de mai ou juin selon les cas. En cas d'urgence ou si le contrôle médical devait être assuré coûte que coûte, la seule solution était de téléphoner à son médecin de famille ou aux urgences et leur demander conseil. Seuls les cabinets des médecins libéraux (généralistes et spécialistes) ont réouvert début mai 2020 suite au déconfinement partiel.

Le confinement ou lockdown à Dubai photographié le 4 avril 2020 par Bachir Moukarzel.

Cette nouvelle vie d'ermite avec son confinement, ses masques, ces rues et boulevards vides, ces villes pratiquement sans âme et ces magasins fermés à cause d'un si petit virus est un phénomène anormal et une expérience psychologique nouvelle pour tout le monde. Le fait d'être non seulement confiné mais devoir sortir masqué pour éviter la contamination tout en sachant qu'on risque d'être contaminé sont autant de sources d'anxiété voire d'angoisse. L'isolement et le manque de contact physique avec sa famille a parfois été traumatisant pour les personnes âgées vivant seules et les personnes généralement très sociables ou très actives en temps normal. En revanche, les personnes habituées de travailler seules comme les écrivains, les dessinateurs, certains chanteurs, sportifs et chercheurs n'ont peut être même pas ressenti le confinement et profitèrent de l'occasion pour avancer dans leurs projets. Enfin, le confinement et la promiscuité ont également eu des effets très négatifs, le fait de vivre l'un sur l'autre sans pouvoir prendre l'air, l'énervement et l'intolérance ont conduit à de la maltraitance se soldant par une explosion des divorces et même des suicides. On reviendra sur les effets psychologiques et post-traumatiques dans la population mais également chez le personnel soignant (cf. page 7, page 8).

Quant aux familles, c'est un véritable défi au quotidien quand il faut à la fois gérer les tensions avec les enfants, s'assurer qu'ils suivent les cours à distance (par Internet ou livrés par la poste), prendre soin de ses proches, gérer parfois un partenaire qui perd son calme, en plus d'entretenir la maison, faire les courses, payer les factures, tout en gérant son anxiété, en gardant la forme et sa bonne humeur !

A gauche, en raison du confinement obligatoire, en Europe les métros, trams, bus et trains étaient étonnement vides mais assuraient un service minimum. A droite, dès l'annonce du confinement début mars 2020 en France, en Belgique et au Luxembourg, les grandes surfaces furent dévalisées par des clients pris de panique. Si localement, les supermarchés furent rapidement réachalandés, comme on le voit à droite, les rayons de cet hypermarché Carrefour d'Amiens photographié le 16 mars 2020 restaient désespérément vides. Ces magasins étant également fréquentés par des personnes soit peu malades soit asymptomatiques ne portant pas de masque, durant la crise sanitaire ils sont devenus des lieux anxiogènes dans lesquels les clients restent le moins longtemps possible. Document France Bleue/Marc Bertrand

Cette crise sanitaire a impacté plus durement les personnes précarisées et souvent isolées. Pour y remédier on a constaté qu'un peu partout on s'est organisé pour rompre cet isolement en offrant par exemple aux collectivités (personnes âgées et centres pour handicapés) des tablettes numériques, des accès à Internet à bas prix sur tous les mobiles et on installa Messenger ou Skype afin que ces personnes puissent maintenir le contact avec leurs proches. Même idée dans les hôpitaux qui ont acheté des tablettes équipées d'une caméra afin de permettre aux familles de voir et discuter avec leur proche alité mais ne pouvant pas recevoir physiquement de visites.

En Europe, outre les milliers de salariés et indépendants malades qui n'ont plus pu travailler (et ces derniers ne touchent pas d'indemnités), une telle situation peut mettre temporairement en chômage économique 10 à 30% des personnes actives d'un pays qui au mieux recevront une indemnité forfaitaire, poser des problèmes de trésorerie aux petites entreprises voire mettre des dizaines de milliers de petites entreprises y compris des agriculteurs et des professions libérales (avocat, médecin, vétérinaire, etc) en faillite.

A voir : Coronavirus: Deserted places in America, Italy, China and more, CBS News

La Grand Place de Bruxelles (gauche) et la session plénière du Parlement Européen le 26 mars 2020 étonnement vides pendant l'épidémie au Covid-19.

Pour aggraver la situation, les banques n'ont pas fait de cadeaux aux clients mis au chômage ayant souscrit un prêt à tempérament, les propriétaires n'ont pas suspendu le paiment des loyers des locataires et rarement les loyers commerciaux, les assureurs n'ont pas remboursé les clients lésés puisque le risque d'épidémie est exclu des contrats et l'impôt a toujours été dû à la date d'échéance.

Face à la durée de la pandémie, des confinements et les conséquences économiques parfois catastrophiques que cela entraîna pour certaines professions, l'État a fini par assouplir les règles, en particulier pour les petites entreprises en leur accordant des facilités de paiment. Les assurances pourraient aussi faire un geste financier (par exemple rembourser les primes de risque versées et les investissements à fonds perdus faits durant la crise) et proposer à l'avenir faute de pouvoir le faire rétrospectivement, d'inclure dans les contrats les risques sanitaire et d'épidémie. Plusieurs de ces demandes ont d'ailleurs été entendues et furent examinées par les ministres concernés notamment en Belgique, en France et au Luxembourg. (cf. 1890.be, Gouv.fr, Gouv.lu).

Le télétravail généralisé

Suite à la décision des gouvernements invitant la fonction publique et le secteur privé à généraliser le télétravail durant la pandémie, certaines entreprises ont dû investir dans du nouveau matériel informatique mobile et renforcer leur sécurité informatique (réseau VPN, etc).

Au fil du temps, les salariés se sont adaptés tant bien que mal à cette situation, bien que divers sondages indiquent que si les salariés veulent bien travailler depuis leur domicile quand cela les arrange, en général, ils préfèrent travailler au bureau. Les raisons invoquées varient entre le fait qu'il n'y a pas d'espace de travail adapté à domicile, que la connexion Internet est lente ou parfois interrompue, qu'il est difficile de se concentrer en présence de la famille, qu'il y a des bruits de voisinage, et finalement qu'il est plus agréable et plus simple de travailler au bureau avec ses collègues. Il est aussi plus simple pour les managers que leurs collaborateurs soient sur place, notamment pour organiser les réunions.

A gauche, évolution de l'impact de la pandémie de Covid-19 en Belgique sur les déplacements au sein des commerces (restaurants, cafés, centres commerciaux mais hors commerces alimentaires, parapharmacies et pharmacies) et des espaces de loisirs (parcs à thème, musées, bibliothèques et cinémas) depuis le 15 février 2020. Mi-novembre 2020, suite aux confinements, 20% des indépendants et des petites entreprises jugeaient que la faillite était probable (cf. Le Soir). A droite, les aléas du télétravail. Documents Google et Régis Hector.

De plus, les psychologues du travail confirment que la prolongation du télétravail peut créer un sentiment d'isolement chez certaines travailleurs. Des sondages confirment aussi que les collaborateurs ont tendance à travailler davantage quand ils sont à domicile et qu'ils ont parfois difficile de se déconnecter (d'où l'intérêt d'avoir deux smartphones dont un réservé à l'usage professionnel qui n'est allumé que durant les heures de travail si l'employeur l'autorise). En effet, avant le confinement le trajet travail-domicile permettait de créer une coupure avec la journée de travail. Mais celle-ci n'existe plus ou moins en télétravail. Cela peut avoir un impact sur l'équilibre vie privée/vie professionnelle et engendrer de nouvelles difficultés.

Conséquence inattendue, les collaborateurs doivent apprendre à structurer leur journée de télétravail, s'accorder des pauses, un période de repas, et adopter une bonne hygiène de vie au risque de tout mélanger et que cette expérience finisse par être une source de stress et d'inconvénients pouvant se solder par des erreurs professionnelles et un laisser-aller mais avoir aussi un impact sur leur santé et leurs relations familiales. On y reviendra.

Chute du prix des carburants

S'il y avait une bonne nouvelle pour la population, outre la réduction des émissions polluantes (NOx et CO2), cette crise a fait chuter le prix des carburants. Avec un prix du baril tombé à 3.15$ le 20 avril 2020 (il était à 139.83$ le 2 juin 2008), même au Luxembourg où les prix sont relativement, cela faisait depuis novembre 2008 qu'on n'avait plus payé l'essence super 95 à 0.891 € le litre (24 avril 2020) alors que début janvier 2020 elle était encore à 1.226 €, soit une chute de 27% ! Même rapport pour le diesel à 0.835 € le litre !

Pourquoi cela a-t-il chuté ? Avec 3 milliards de véhicules au garage et des milliers d'avions sur le parking début mars 2020, il y eut beaucoup moins de demande. Le prix du baril de pétrole a donc baissé de plus de 70% en deux mois et fut même négatif fin avril pour certains barils car les pétroliers préféraient laisser couler leur pétrole que de fermer leurs puits car leur réouverture leur coûterait trop cher. Partout dans le monde les cuves de stockage étaient remplies et pouvaient facilement tenir un mois.

Finalement, les prix des carburants sont repartis à la hausse dès la fin du moins d'avril 2020, en même temps que le déconfinement progressif dans certains pays.

A voir : Air traffic before and after Europe's coronavirus lockdowns

Évolution du prix du baril de pétrole. Document Prixdubaril.com adapté par l'auteur.

Augmentation du e-commerce

Malgré le confinement, la plupart des gens ont continué à mener une vie aussi normale que possible, notamment concernant les achats. Ainsi, à défaut de boutiques ouvertes ayant pignon sur rue ou dans les galeries commerciales, la majorité des clients se sont reportés sur Internet.

Par rapport à 2019, au mois de mars 2020 les commandes d'articles de sport en ligne ont augmenté de 86% du fait que les consommateurs souhaitaient poursuivre ou pratiquer une activité physique à l'intérieur et rester en forme (rappelons que certains pays autorisaient la pratique du jogging ou du vélo en extérieur pendant le confinement).

Les commandes en ligne de produits alimentaires et de boissons ont connu une augmentation de 85%. Les ventes en ligne de matériel informatique et de logiciels ont respectivement accusé une hausse de 65 et de 61% en raison du télétravail.

De même pour le secteur des jeux et jouets, les ventes ont augmenté de 60%, avec une hausse record de 90% enregistrée pour le taux de pages visitées. Ceci s'explique par le fait que les parents ont cherché à occuper les enfants qui s'ennuyaient à la maison.

Inversement, avec la fermeture des frontières et l'arrêt des vols aériens, les ventes de sacs et valises ont baissé de 39%.

Le géant Amazon a vu ses ventes fortement augmenter durant le confinement. Ses ventes mondiales au premier trimestre 2020 ont augmenté de +26% par rapport à 2019. Au passage, sa valeur boursière a augmenté de 25% depuis début 2020, augmentant d'autant la fortune de Jeff Bezos qui occupe toujours le top du classement des personnes les plus riches de la planète.

D'autres webmarchands comme le chinois Lightinthebox qui vend "un peu de tout" et notamment de l'électronique grand public et des vêtements pour les sportifs dans une gamme à faire pâlir les meilleures boutiques ayant pignon sur rue, a vu ses commandes en ligne exploser et eut du mal à résorber son backlog. L'entreprise accusa des ruptures de stock ou des retards de livraison dépassant 1 mois au point que certains clients demandèrent un remboursement intégral, qu'ils ont obtenu. On reviendra sur le e-commerce dans l'article "Internet pour le meilleur et pour le pire".

Impact de la pandémie de Covid-19 sur le e-commerce. A gauche, le trafic de la semaine du 8 au 15 mars 2020 avec la moyenne des six premières semaines de l’année. A droite, au premier trimestre 2020, les ventes mondiales d'Amazon ont augmenté de +26% par rapport à 2019. Documents ContentSquare et Foxintelligence.

Enfin, le secteur des cosmétiques naturels a aussi été impacté. Le maquillage par exemple fait partie de ces accessoires appréciés dans les relations sociales. Or le confinement et le port du masque de protection limitent fortement ou empêche d'utiliser du maquillage. Si en temps normal, 57% des personnes sondées disent acheter du maquillage bio, 38% seulement en ont acheté durant la crise (cf. Bazaar Voice).

Même chose pour le port de la cravate ou du costume par les salariés. Aux Etats-Unis, une étude a montré que durant le télétravail la majorité des salariés en visioconférence avait laissé tombé la cravate et certains avaient même adopté le teeshirt, des tenues décontractées qu'ils n'auraient jamais porté s'ils avaient été au bureau.

Augmentation des abus et escroqueries

Côté sombre de la crise, les mesures d'urgence offrent l'opportunité à toutes les minorités, pauvres ou riches, politiquement neutre ou extrémiste, de se manifester pour réclamer une modification de la loi, des décrets d'exception pour par exemple alléger leurs charges sociales, réduire leur taxe sur le revenu ou leur rendre les privilèges qu'ils ont perdu au fil des législatures. Ce sont évidemment des abus que le ministre de tutelle ne peut pas tolérer.

En parallèle, des entrepreneurs peu scrupuleux (cf. le secteur de la construction, des importateurs de divers produits y compris des masques médicaux) profitent de la situation de crise et de la pénurie de certains produits pour augmenter les prix, ne pas respecter les consignes, faire pression et intimider leur personnel pour les forcer à prendre congé, etc. Il est important que l'État édicte des règles strictes multisectorielles et que la police veille à leur application et qu'en parallèle la Justice continue son travail, en particulier envers les inciviques et les criminels. A défaut de règles, de contrôles et si nécessaire de sanctions, le pays risque vite de se retrouver au bord du chaos.

Des escrocs ou des pirates informatiques profitent de la pénurie de certains produits médicaux pour proposer sur les sites de vente en ligne de faux masques ou des médicaments contrefaits (fausse chloroquine, etc). Toute la planète est concernée y compris l'Afrique. Pour rappel, tous les médicaments se vendent uniquement en pharmacie. Les masques également, bien que l'État peut organiser leur distribution dans les communes. Ailleurs est synonyme de danger ! (cf. AFMPS, NouvelObs, Iris-France). D'autres profitent de la crise pour voler des boîtes de masques chirurgicaux dans les hôpitaux (cf. SetA), certains essayant de les revendre à vil prix sur Internet.

On reviendra sur les abus et incivilités constatés durant le confinement.

Augmentation de la cybercriminalité

Si les groupes terroristes (pour des raisons politiques) et certains pays en guerre (à la demande de l'ONU et du Pape) se sont accordés une trève pendant cette crise sanitaire, du moins jusqu'en septembre, les pirates informatiques et les cybercriminels n'attendaient que cette opportunité pour tenter leur chance à l'heure où 4.5 milliards d'habitants sont connectés à Internet, notamment dans le cadre du télétravail.

Document iStock/scanrail.

Si globalement la petite criminalité dont les vols ont chuté durant le confinement (entre 35-45% en Belgique), elle s'est reportée sur Internet.

Rien qu'en Belgique, durant l'année 2020, le centre de lutte contre la cybercriminalité (CCB) enregistra 2.8 millions de signalements soit 1 million de plus qu'en 2019. Cela concerne tous les utilisateurs d'ordinateurs et d'appareils mobiles, y compris en entreprise, notamment via les systèmes de messagerie ouverts sur le monde extérieur et les réseaux sociaux. Même un réseau social à vocation professionnelle comme Linked In a été la cible des cyberpirates via sa messagerie privée.

En réaction, des pirates informatiques éthiques et des cyberexperts furent engagés par les entreprises et même les hôpitaux pour assurer leur cybersécurité  (cf. CCB).

Certaines entreprises ont anticipé cette hausse de la cybercriminalité et les banques notamment ont publié des avertissements signalant à leurs clients d'être vigilants quand ils consultent leurs emails et veulent ouvrir les pièces attachées ou les hyperliens (rappelons que les banques n'envoient jamais d'information par email).

En parallèle, suite à la mise en application de la nouvelle directive européenne sur la sécurité des services de paiments (PSD2) - l'authentification par le système 3D Secure - à partir du 1 janvier 2021, les banques ont également renforcé leur système d'authentification à distance. Cela permet d'améliorer la sécurité des échanges en ligne et de réduire l'utilisation frauduleuse des cartes de crédit sur Internet.

Durant la pandémie, on observa également une recrudescence de sites marchands pirates qui n'attendent que la commande d'un client pour lui escroquer de l'argent. Moralité, n'achetez des produits sur Internet que chez des webmarchands réputés et ignorez les sites inconnus proposant des prix défiant toute concurrence. A défaut de connaître la qualité du site marchand, consultez les avis des clients, notamment sur le site Trust Pilote et lisez les conditions générales de vente avant tout achat. On y reviendra dans un autre article.

Enfin, les parents doivent également informer leurs enfants sur le risque accru qu'ils soient contactés par des pédophiles ou d'autres personnes malveillantes sur les réseaux sociaux (Snapchat, Facebook, etc). Le danger ne se dévoile jamais mais il est latent, malin, patient et surnois. En résumé, comme on ne cesse de le répéter aux enfants, s'ils ne doivent jamais ouvrir la porte ni discuter avec un inconnu, ils ne doivent jamais ouvrir leur mobile à un inconnu (cf. Internet pour le meilleur et pour le pire).

Prochain chapitre

L'état de guerre sanitaire

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