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Les impacts psychologiques de la crise sanitaire de Covid-19

La solitude qui plonge beaucoup de nos aînés dans la dépression et le syndrome de glissement est banalisée par la société. En France, les EHPAD (des maisons de repos médicalisées) en sont la triste illustration. Document Lenaconstantin.

Impacts psychologiques dans la population (I)

En Europe de l'Ouest, tout le monde s'attendait à ce que le confinement ne dure que deux semaines. Malheureusement il a été prolongé à plusieurs reprises avec des contraintes variant d'un pays à l'autre. Finalement, le premier confinement fut partiellement levé à partir du mois d'avril ou la mi-mai 2020 selon les pays. Mais après les vacances d'été et plus encore suite au deuxième confinement de novembre 2020, nous avons constaté les inconvénients des mesures adoptées : les confinements ont laissé des séquelles psychologiques silencieuses dans la population.

La question des impacts psychologiques (psychiatriques) du confinement mérite d'être analysée car c'est la première fois que plus de 4 milliards d'habitants firent cette expérience ensemble. Malgré les épidémies antérieures, les experts et les autorités n'ont pas eu le recul suffisant pour évaluer les impacts des stratégies adoptée par leur pays pratiquement aveuglement ou en prenant exemple sur l'un ou l'autre pays à défaut d'expérience. Or comme nous allons l'expliquer, les impacts sont nombreux et pour l'essentiel ils furent sous-estimés voire ignorés par les experts.

Rappelons qu'il existe des livres sur le sujet dont l'ouvrage collectif "Psychiatry of Pandemics" de Damir Huremovic (177 pages, 2019), des revues comme "Neuropsychologie" qui aborde la question du confinement durant la crise sanitaire. On reviendra en détails sur les études qui ont analysées les impacts de la Covid-19 sur le système nerveux central et la santé mentale des patients.

Tout d'abord une pensée pour nos aînés. Les personnes âgées vivant seules, que ce soit chez elles, dans un maison de repos ou dans des centres spécialisés pour handicapés mentaux ou psychiatriques sont psychologiquement très vulnérables. C'est particulièrement vrai pour les personnes âgées vivant seules qui en temps normal ne voient personne et sont pour ainsi dire confinées chez elles parfois plus d'une semaine sans parler à personne; elles ont très mal supporté ce confinement forcé.

Le syndrome du glissement

En raison du confinement et de l'absence des visites de leurs proches, un grand nombre de personnes âgées présentent une grande déstabilisation psychique et parfois physique : elle souffrent d'ennui et de solitude, restent immobiles, se laissent aller, présentent des affections aigües, refusent consciemment ou non de continuer à vivre et glissent vers la mort. L'élément déclencheur peut aussi être le décès de leur conjoint, d'un membre de sa famille ou d'un proche, l'annonce d'une maladie (personnelle ou touchant sa famille), l'annonce d'une intervention chirurgicale ou encore la vente d'un bien immobilier précieux pour sa famille parmi d'autres raisons (cf. Seniors Magazine). A ces symptômes dépressifs s'ajoutent parfois de la maltraitance (volontaire ou non) sans parler du cas particulier des personnes seules en fin de vie qui peuvent littéralement mourir de solitude. Les gériatres appellent cela le syndrome du glissement (à ne pas confondre avec la cachexie).

Ce syndrome peut apparaître brutalement et évoluer très rapidement; on a observé chez des personnes âgées des décès dans les 4 semaines suivant un évènement traumatique. On sait par exemple que dans un couple de personnes très âgées, si l'un des deux meurt, le survivant peut mourir dans le mois qui suit (l'auteur peut en témoigner).

Sachant que chez une personne âgée le toucher est la faculté sensorielle qui reste active la plus longtemps, le manque de contact physique est aussi ressenti comme une énorme souffrance. On reviendra sur la consolation à la fin de cet article.

Document Pixabay.

En temps normal, entre 1 et 4% des personnes hospitalisées âgées de plus de 70 ans présentent le syndrome du glissement. Selon le responsable d'une maison de repos, pendant le confinement ou suite à une infection au Covid-19 nécessitant une hospitalisation, le syndrôme du glissement touche la majorité des personnes de plus de 65 ans. Ceci explique en partie le grand nombre de décès chez nos aînés, en partie seulement car il faut aussi tenir compte des comorbidités, des décès consécutifs à d'autres maladies que la pneumonie virale et non liés au syndrome du glissement.

Une méta-analyse américaine publiée en février 2022 portant sur plus de 53 millions de retraités a montré que la mortalité des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer et de démences apparentées (MADA, ou ADRD en anglais) n'était pas systématiquement liée à la la prévalence du Covid-19 mais à leur déficience cognitive combinée au manque de services adaptés dans les maisons de retraite. Les personnes âgées atteintes de MADA présentaient une mortalité 24% plus élevée en 2020 par rapport à 2019, contre 14% plus élevée pour les personnes sans MADA. Dans les maisons de soins médicalisées, la mortalité était 36% plus élevée en 2020 par rapport à 2019, contre 25% plus élevée chez les résidents sans MADA. Alors que l'incidence du Covid-19 était très faible, la mortalité était 8% plus élevée chez les retraités des groupes ethniques minoritaires atteints de MADA et 14% plus élevée parmi les retraités atteints de MADA vivant en maisons de retraite.

La situation est de toute évidence similaire en Europe où les plaintes des familles confirment que la qualité des services offerts à nos aînés dans les maisons de retraite laisse parfois à désirer et doit être dénoncée (cf. les scandales des groupes privés de maisons de retraite Orpea et Korian en France et en Belgique).

De manière générale, suite à l'épidémie au Covid-19, des chercheurs chinois ont réalisé une enquête nationale en Chine sur le degré de détresse psychologique de la population. Elle reçut 52730 réponses valides de 36 provinces chinoises. Les résultats furent publiés le 6 mars 2020 dans la revue "General Psychiatry". Une semaine plus tard, la revue "The Lancet" publia les résultats d'une méta-analyse de 24 études portant sur les effets psychologiques de la quarantaine instaurée dans dix pays touchés par les épidémies précédentes de grippe et des virus du SARS et d'Ebola.

En résumé, les chercheurs ont identifié plusieurs facteurs de stress se manifestant durant une période de confinement :

- Le stress survient à partir d'une durée de confinement supérieure à 10 jours

- La présence de symptômes physiques non nécessairement liés à l'épidémie

- La peur pour les femmes enceintes de transmettre le virus à leurs bébés

- L'ennui, la frustration, le sentiment d'isolement et l'absence de contacts sociaux

- Le manque ou la réduction des biens de première nécessité

- Le manque d'informations claires et transparentes de la part des gouvernements

- L'absence de clarté sur le niveau de dangerosité de la maladie et du niveau de risques.

Mais l'étude a également montré que les effets du confinement laissent des traces psychologiques après le retour à la vie normale parmi lesquelles :

- Une détresse socio-économique, causée par une potentielle perte ou baisse de revenus, provoquant colère et anxiété

- Une perte ou une difficulté à renouer des relations professionnelles ou commerciales

- La précarité accentuée des travailleurs indépendants

- L'impossibilité d'effectuer son travail en télétravail

- Les tensions créées au sein des couples

- Le sentiment de stigmatisation pour les personnes représentant un risque de propagation.

Pour réduire ces sentiments négatifs ou morbides et ces problèmes réels ou potentiels, des mesures de soutien doivent donc être mises en place par les autorités mais également par les employeurs et les proches.

L'OMS a également recommandé de transmettre au maximum des idées positives autour de soi, de garder le contact et d'encourager les personnes fragiles ou âgées et de trouver des activités plaisantes à faire avec elles. Enfin, de garder son rythme de vie, de ne pas suivre les actualités toute la journée et se tenir au courant des actions de solidarité afin de pouvoir y participer afin de traverser cette période exceptionnelle le plus sereinement possible.

Le stress psychologique du premier confinement

Combien de temps un être humain peut-il supporter le confinement et cette situation sanitaire sans présenter de séquelles ? Nous vivons en temps de paix et pourtant les médecins spécialisés nous disent que la population est de plus en plus nombre à présenter des syndrômes de stress et d'épuisement liés aux conditions de la pandémie. Il n'a fallut que quelques mois pour que ces séquelles apparaissent avec des conséquences parfois fatales chez certaines victimes.

Selon une enquête menée en Chine durant le premier confinement début 2020, 35% des sondés (comprenant 35% d'hommes et 65% de femmes), présentent un stress psychologique modéré et ~5%, un stress sévère. Les femmes présentent une détresse psychologique plus intense que les hommes. Elle touche davantage les jeunes adultes entre 18 et 30 ans ou ceux de plus de 60 ans. Les travailleurs migrants constituent le groupe le plus exposé.

Les jeunes par nature très sociales ont plus souffert du confinement que les adultes.

Tout au long de l'année 2020, on observa la même tendance en Europe.

Selon une étude universitaire flamande publiée le 21 mars 2020, la moitié des Belges souffrent du confinement et deux-tiers des 15-25 ans avouent que la situation va devenir de plus en plus difficile à vivre, l'ennui et le manque de contacts pesant sur leur moral. En revanche, seulement un tiers des 65 ans et plus souffre du confinement.

En France, durant la première vague épidémique, 59% des sondés se sont bien adaptés et trouvèrent le confinement "facile" à vivre. 52%, mais la proportion diminua, pensaient qu'il en serait de même "jusqu'à la fin du confinement" (cf. LCI). Mais c'était sans imaginer qu'il y aurait d'autres confinements. Mais cela signifie aussi que près de la moitié des sondés ont du mal à supporter ce mode de vie qui ressemble plus à de la survie pour certains.

L'obligation de rester chez soi ou chez un ami, parfois dans un espace réduit ou avec de la promiscuité pose de réels problèmes psychologiques. Selon une étude sur les impacts du confinement publiée le 30 mars 2020 par la Fondation fondamental, on observe dans toute la population française une augmentation des troubles anxieux, de l'humeur, des troubles psychotiques, schizophréniques, autistiques, certaines personnes ayant des difficultés pour respecter les règles de confinement et les gestes barrières. Si certaines personnes peuvent ressentir de la solitude, avoir une baisse de moral et déprimer, si le malaise perdure et devient un problème ingérable, la personne risque de souffrir de dépression. En France, un étudiant indien de HEC s'est même suicidé sur un campus (cf. Le Figaro).

Si la France proposa des plans d'actions pour les hôpitaux et les EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), rien n'a été fait pour la psychiatrie alors que ces patients sont fragiles et risquent d'être gravement malades si le Covid-19 les frappe (cf. Le Parisien).

En Belgique, un homme de 21 ans incapable de rester chez lui fut verbalisé à 4 reprises dont deux fois le même jour à deux heures d'intervalle jusqu'au moment où son dossier fut transmis au parquet (cf. RTL). En Corée du Sud, les récidivistes qui ne respectent pas le confinement doivent porter un bracelet de surveillance électronique (cf. KBS World). Si la personne surveillée abandonne son smartphone pour ne pas être suivie ou récidive, elle risque une amende équivalente à 7600 € et jusqu'à un an de prison. À Hong Kong, les passagers qui arrivent sur le territoire doivent également porter un bracelet de surveillance électronique durant leur quarantaine.

Durant le premier confinement, en Belgique et surtout en France, les règles furent exagérément strictes. Toute violation du confinement même pour la plus noble raison (prendre le courrier dans sa boîtes-à-lettre, prendre l'air pour se calmer, visiter un proche, aller acheter du pain, faire sa lessive ou acheter un médicament dans certains cas) exposait le citoyen à une amende plus ou moins sévère. Finalement cette mesure digne d'une dictature fut assouplie. Mais quand s'y greffe des problèmes psychologiques et socio-économiques, la situation peut vite déraper.

Vivre confiné est donc difficile à vivre pour beaucoup de personnes, même pour les animaux domestiques encore qu'eux, comme les chats, ont la chance de pouvoir sortir à leur gré. En revanche, on s'ennuie rarement avec un chat (cf. cette vidéo) et comme les autres animaux domestiques, c'est un compagnon très apprécié quand on vit seul, en particulier à l'âge de la retraite.

Même des personnes actives célibataires ou vivant en couple, pratiquant des hobbies ou du sport finissent par s'ennuyer et trouver le temps long. Il faut vraiment se concentrer sur une long projet comme la rédaction d'un article, une peinture et autre travail de longue haleine et garder des rythmes de vie (heure de lever, coucher, repas, détente, etc) pour tenir sur le long terme. Mais le confinement offre aussi des opportunités (cf. la gestion de la crise sanitaire).

Participez à une étude sur les impacts du confinement

La dure vie des confinés. Malgré les apparences, le confinement n'est pas sans conséquences psychologiques. Même le chat s'ennuie durant le confinement et a besoin de reconfort et de pouvoir se dégourdir les pattes.

Mais il faudrait que le chef d'État commence par montrer l'exemple. Or, en France notamment on a constaté que durant ses visites en ville au contact de la foule, le président Macron n'a pas respecté ses propres mesures de distanciation sociale et ne portait pratiquement jamais de masque en public (pas plus que le président Trump) ! Dans ces conditions, les Français n'ont pas compris le sens du discours politique et l'ont interprété à leur façon, d'où le laisser-aller qu'on constata eu début des vacances de Pâques qui imposa une remise à l'ordre des autorités. Mais on constata le même "ras-le-bol" de la population dans beaucoup d'autres pays même si la majorité respecte les consignes.

État de détresse et épuisement en hausse suite au deuxième confinement

 Au fil des mois et voyant que la deuxième vague épidémique s'installait en Europe et ailleurs, la population finit par se résigner tout en supportant de moins en moins les nouvelles périodes de confinement et les consignes sanitaires. Sur ordre du gouvernement, les règles et les contrôles sanitaires ont donc été renforcés ainsi que le montant de l'amende Covid pour dissuader les récalcitrants et leur rappeler qu'il est dans l'intérêt de tout le monde de respecter les consignes.

Mais la stratégie du bâton et des amendes ne peut pas résoudre les problèmes psychologiques dont souffre la population. Car si certains jeunes continuent à se réunir sans respecter aucune consigne sanitaire ou si des adultes veulent à tout prix décompresser et sortir de chez eux et rencontrer leurs amis, c'est parce qu'il s'agit d'une nécessité vitale pour leur équilibre mental, un facteur que les gouvernements ont largement sous-estimé et dont les citoyens payent aujourd'hui les frais dans leur chair.

Le site belge Trouver du Soutien regroupe les ressources en matière de soutien psychosocial pour les citoyens et les professionnels en Région wallonne.

Suite à la deuxième vague épidémique et au reconfinement imposé à partir du 2 novembre 2020 en Belgique, Olivier Luminet, psychologue social à l'UCLouvain déclara le 6 décembre 2020 aux journalistes de la RTBF : "Lors du premier confinement il y avait un impact sur le bien-être : les gens se sentaient moins bien et les jeunes encore moins bien que les plus âgés. Mais ici, on voit apparaître des symptômes psychologiques véritablement, donc des gens qui sont dans des états de détresse majeurs et pour lesquels il faut une aide psychologique – une aide indispensable" (cf. RTBF).

Entre décembre 2020 et mars 2021, plusieurs témoignages de pédopsychiatres excerçant en Belgique confirment que suite au deuxième confinement, les jeunes ont été particulièrement affectés par la pandémie et ses contraintes dont l'isolement, le manque de perspective et de relations sociales qu'ils ne supportent plus. A défaut d'être écoutés et forcés de masquer leurs émotions, ils expriment leur malaise à travers leur corps. Ce malaise psychologique touche également les adolescents et les jeunes adultes.

Les psychiatres et pédopsychiatres ont enregistré trois fois plus de consultations et deux fois plus de prises en charge qu'avant la pandémie. Ils reçoivent des parents dont l'enfant refuse de s'alimenter ou est devenu boulimique, s'est scarifié, se mutile, s'isole, fait des crises d'angoisse, a dit clairement à ses parents qu'il voulait mourir ou fit une tentative de suicide.

Le temps psychique étant lent, les services hospitaliers pédopsychiatriques sont l'équivalent des soins intensifs pour les patients en détresse psychologique. Depuis début 2021, il y a moins de places disponibles dans les unités spécialisées, le temps de prise en charge est prolongé et les médecins doivent parfois postposer une consultation par manque de personnel ou donner la priorité à un jeune au détriment d'un autre moins affecté. Les psychologues et pédopsychiatres excerçant dans des cabinets privés doivent refuser des patients (cf. RTBF, La Libre, Le Soir).

Pour améliorer cette situation, il n'y a pas d'autre choix que de permettre aux jeunes de retourner à l'école en présentiel et de réouvrir les lieux où généralement les gens se rassemblent comme les restaurants et les lieux culturels, ce que certains pays européens ont déjà fait.

Quant aux adultes qui travaillent, les unités psychiatriques reçoivent toujours plus de personnes stressées ou épuisées et en burn-out. Selon Gérald Maes, psychologue à la clinique du stress et du burn-out Le Domaine à Braine-L'Alleud, "Leurs conditions de travail ont changé et ils n'en peuvent plus. Ils télétravaillent, ce qui s'est souvent traduit par un temps de travail plus long contrairement aux idées reçues, une gestion en parallèle des enfants par les parents ainsi qu'un brouillage de la ligne qui sépare vie professionnelle et vie privée."

Alexandre Bégué, psychopraticien du groupe Chirec a constaté que les cas d'acouphènes (des bruits ressentis comme des bourdonnements ou des sifflements que seul le patient entend et qui ne sont pas causés par un bruit extérieur) ont augmenté ; ils sont liés au stress, au burn-out, même au port du casque fort prisé en télétravail (cf. RTBF).

Les cas de dépression en forte hausse

Des études ont montré que le bien-être émotionnel de la population baissa entre 2019 et 2020 (il baissait déjà légèrement depuis quelques années) en même temps que le risque de dépression augmentait.

En Belgique comme en France, le confinement, les cours à distance, le manque de contacts sociaux et d'activité extérieure ont plongé de nombreux jeunes dans la déprime et la dépression. Cela se manifeste par un changement de comportement, un repli sur soi et surtout par des tentatives de suicide. Ces jeunes doivent être pris en charge dans des centres psychiatriques qui début 2021 étaient débordés et devaient réorienter les patients vers d'autres structures. Mais lesquelles ?, se demandait une directrice d'un établissement belge à l'intention du ministre de la Santé.

Dans un petit pays comme le Luxembourg (660000 hab.), selon une étude de la Chambre des salariés réalisée entre juin et septembre 2020 auprès de 2364 salariés, en moyenne 32% d'entre eux présentent désormais un risque de dépression et un sur dix des signes très forts de dépression. 10% des parents affichent des risques faibles ou élevés de dépression qui trouvent leur origine suite au développement du télétravail.

Les jeunes salariés et ceux de plus de 55 ans sont 28% à présenter des risques de dépression. Un chiffre qui tombe à 12% pour les salariés proches de la pension. Ces symptômes touchent non seulement différentes classes d'âge, mais aussi les personnes vivant seules et les familles monoparentales.

L'altération de l'expression des sentiments

L'impact émotionnel de la crise sanitaire a pu être évalué à l'échelle mondiale. Dans une étude publiée dans la revue "Nature Human Behaviour" le 17 mars 2022, Siqi Zheng du MIT et ses collègues ont réalisé une méta-analyse de 654 millions de messages géolocalisés échangés sur les réseaux sociaux Twitter et Weibo entre le 1er janvier et le 31 mai 2020 dans plus de 100 pays, couvrant 74% de la population mondiale. Pour cela, ils ont utilisé des techniques de traitement du langage naturel ou NLP (analyse syntaxique et sémantique) issues de l'intelligence artificielle. Ils ont ensuite développé un ensemble d'indices des sentiments exprimés pour suivre les niveaux nationaux et infranationaux des états affectifs au quotidien.

A gauche, répartition spatiale de 650 millions de messages géolocalisés sur les réseaux sociaux Twitter et Weibo de 10.56 millions de personnes entre le 1er janvier et le 31 mai 2020. La densité des messages est plus élevée (rouge) dans les grandes villes et les régions développées et plus faible (bleu) dans villes et zones rurales en développement. A droite, a) la série chronologique du score du sentiment quotidien standardisé mondial (gris), la moyenne sur 7 jours (noir), l'indice de mobilité de Google lors des transports en commun (vert clair) et la moyenne sur 7 jours (vert). L'indice de sentiment est obtenu en appliquant des algorithmes NLP aux tweets. L'indice de mobilité provient de Google. En b) le nombre quotidien de tweets géolocalisés (noir) et la part de tweets relatifs au Covid-19 (bleu). c) La série chronologique des nouveaux cas confirmés quotidiens (violet) collectée à partir du tableau de bord Covid-19 du JHU. Documents S.Zheng et al. (2022).

Comme illustré ci-dessus, premier constat, la pandémie de Covid-19 a provoqué une forte baisse de l'expression des sentiments à l'échelle mondiale, suivie de récupérations asymétriques et plus lentes selon les régions. Deuxième constat, les effets des politiques de confinement sur l'expression des sentiments furent modérés à nuls, avec une grande hétérogénéité entre les pays.

Hausse des violences domestiques

Pour beaucoup de personnes, le confinement est également une épreuve psychologique personnelle ou pour leur couple. Ce "huit-clos" forcé peut devenir un danger car il devient par nature un endroit fermé à l'abri des regards où certains hommes profiteront de la situation.

La pandémie a rendu certains enfants plus vulnérables à la violence, la détresse psychosociale et aux risques de maltraitance, de négligence et d’exploitation.

Concrètement, chez certains hommes l'ennui, la lassitude, la frustration, l'anxiété, l'énervement, bref le stress ou le mal-être va se reporter sur une personne plus faible comme leur compagne ou leur enfant qu'ils vont intimider, humilier ou violenter. Ou pire, ils vont prétexter que c'est le confinement ou leur famille qui les ont conduits à se comporter violemment !

Mais ce n'est pas parce qu'on est confiné qu'il n'y a plus de lois et qu'on ne peut plus faire appel à la police ou rechercher de l'aide en cas de violence domestique. Comme le rappelle les autorités, le confinement forcé ne signifie pas qu'il est interdit de fuir.

L'UNICEF rappelle également que la stigmatisation liée au Covid-19 a rendu certains enfants plus vulnérables à la violence et à la détresse psychosociale. Ils courent également un risque accru de maltraitance, de négligence et d’exploitation.

En Chine, selon Wan Fei, officier de police à la retraite fondateur d'un organisme à but non lucratif contre la violence domestique, pendant le premier confinement les violences domestiques ont presque doublé, voire triplé lorsque les villes ont été placées en quarantaine : "Selon nos statistiques, 90% des actes de violences sont liés à l'épidémie de Covid-19" (cf. Parents).

En France, fin mars 2020, en l'espace d'une semaine la police de Paris enregistra 32% de plaintes en plus et 36% de plus pour la gendarmie (zones périurbaine et rurale). Fin avril, la proportion atteignit 99% de hausse. Depuis le début du confinement, le numéro 119 dédié à l'enfance en danger a reçu 20% d'appels en plus et même de 60% durant les trois premières semaines du confinement, entre le 18 mars et le 6 avril 2020) (cf. L'Express).

En Belgique, pendant le premier mois de confinement, le nombre d'appels au service "Écoute violences conjugales" augmenta de 70% côté néerlandanphone et tripla côté francophone (cf. Moustique). En Italie, il y eut plusieurs meurtres de femmes (féminicides).

Le 7 mai 2020, Hans Klugel, directeur de la branche Europe de l'OMS, déclara que suite au confinement "les services d'urgence à travers l'Europe ont enregistré une hausse allant jusqu'à 60% des appels d'urgence de femmes victimes de violences de la part de leur partenaire en avril cette année, par rapport à l'année dernière" (cf. ONU).

Affiche de soutien aux victimes de violences conjugales, physiques et sexuelles, dans le contexte du confinement, par l’association "Nous Toutes". Photo prise à Paris, le 25 mars 2020. Document Denis Meyer/Hans Lucas.

Selon les résultats d'un sondage en ligne réalisé par l'Université de Liège publié en février 2021, 33% des répondants de Wallonie et de Bruxelles ont été confrontés à une situation de violence physique ou psychologique avec leur conjoint durant les périodes de confinement. Le sondage concerne 1530 personnes âgées de 18 à 83 ans (moyenne d’âge de 35 ans) dont 80% de femmes. Toutes étaient confinées en couple et 46% avec enfant(s). La moitié des sondés étaient en couple depuis longtemps (plus de 10 ans), 35% étaient ensemble depuis 2 à 10 ans, 11% de six mois à 2 ans, et 2% venaient de se rencontrer (moins de six mois) lorsque le confinement fut annoncé (cf. Le Soir).

Les chercheurs ont identifié deux facteurs qui augmentent le risque de violence : la jeunesse de la relation et la taille du domicile (plus le lieu de vie était restreint, plus le risque de violence était élevé). L'étude révèle aussi que trois autres facteurs ont influencé la violence conjugale : la dépression, l'anxiété et l'incertitude. Plus une personne est mentalement fragile, plus elle aura tendance à se retrouver dans une situation de violence. 13% des hommes interrogés ont avoué avoir usé de violence physique contre 7% des femmes.

En France, les violences conjugales ont augmenté de 40% lors du premier confinement et sont passées à 60% lors du deuxième confinement ! (cf. Le Monde/AFP). Selon la ministre déléguée à la citoyenneté, l'augmentation s'expliquerait notamment par "la crise économique et sociale qui se profile".

Malheureusement en Belgique, en France ou ailleurs, l'État manque de moyens et n'est pas suffisamment proactif. Par conséquent, les actions nécessaires ont été reprises par des ONG et des oeuvres sociales mais dont les pouvoirs et les moyens sont limités et dont les réclamations sont rarement entendues par les pouvoirs publics.

En fait, les chiffres nationaux de l'épidémie cachent mal une réalité largement sous-estimée. En effet, tous les indices y compris les hématomes et le bouche-à-oreille suggèrent qu'il y a certainement beaucoup de femmes violentées qui préfèrent garder le silence car comment téléphoner quand vous êtes enfermée avec votre agresseur et où aller ensuite avec quelles conséquences ? Sur base des conseils de psychologues, comme en Belgique les autorités françaises ont prévu d'augmenter le nombre de centres d'accueil.

Parmi ces appels à la police, et ce tout au long de l'année, il y a des délateurs. On reviendra sur ce comportement à propos de la gestion de la crise sanitaire de Covid-19.

La précarité

Il y a également un autre problème qui couve, celui de la précarité. Le confinement imposé empêche beaucoup de personnes de travailler, en particulier toutes les personnes sans-emploi ou gagnant très peu d'argent qui travaillaient en noir pour gagner de quoi se nourrir et payer leur loyer. Même chose pour les étudiants confinés dans un kot loin de leur famille qui ont dû se débrouiller seuls et parfois avec très peu d'argent. L'État y a heureusement pensé lors du deuxième confinement en laissant les frontières ouvertes et en autorisant sans attestation les déplacements essentiels.

La situation est même stressante pour les personnes sans revenu ni aide sociale qui n'ont pas d'autre choix que d'aller frapper à la porte de leurs amis pour leur demander un peu d'aide. Si personne ne répond, comme en Italie certains n'hésitent pas à prendre un révolver et à sortir des supermarchés sans payer... D'autres, y compris en France menacent des infirmières pour obtenir des masques. La loi de la jungle n'est pas très loin de notre porte. Par ces temps de crise, la solidarité mais aussi la vigilance sont plus que jamais indispensables.

Les ruptures et divorces en augmentation

En Chine, après le déconfinement, le nombre de demandes de divorce a explosé (cf. Parents). Même scénario en Europe. Selon un sondage Ifop pour Charles.co réalisé en avril 2020, un peu plus de 10% des couples ne vont pas garder un bon souvenir du confinement et envisagent de prendre leur distances avec leur moitié, et 4% souhaitent rompre définitivement leur relation.

Selon  François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualité à l'Ifop, "On note cette tendance plutôt chez les jeunes couples, sans doute les plus fragiles. Pour eux, le confinement a été un poison et non un ciment". Comme le disait un internaute sur Twitter, "Vous vous souvenez quand on rigolait sur le fait que le confinement allait entraîner des ruptures et divorces ? Bah voilà c'est fait". Il précise aussi que son couple " était déjà bancal avant".

En Belgique, fin mai 2020 les avocats ont constaté une augmentation de 30% des demandes de divorce.

De toute évidence, certains couples n'ont pas supporté leur vie commune et le stress engendré par cette proximité forcée liée au confinement.

En revanche, aux États-Unis, selon un sondage sur les familles publié en octobre 2020, la proportion de personnes mariées déclarant que leur mariage est en difficulté est passée de 40% en 2019 à 29% en 2020. La tendance en matière de divorce baissa également en 2020 par rapport à 2019 (-19% en Floride, -9% dans le Missouri, -12% dans l'Oregon et -13% dans le Rhode Island), sauf en Arizona où les divorces ont augmenté depuis 2019. Selon les chercheurs, "la plupart des couples signalent un engagement plus fort à mesure qu'ils sortent du creuset du Covid" (cf. GlobeNewswire).

Pour le dire clairement, soit on survit au confinement et on devient plus fort, soit on crac ! Vivre confiné peut-être vécu comme une punition pour certaines personnes. On peut même la considérer comme injuste quand on pense qu'elle résulte d'une imprévoyance de l'État et d'une stratégie que certains États ont refusé d'adopter. Mais les bons élèves diront que malgré ce sentiment négatif, il faut rester positif et solidaire car si on ne respecte pas les consignes sanitaires l'épidémie repartira de plus belle et la situation deviendra catastrophique sur les plans humain et économique.

Deuxième partie

Stress dans les hôpitaux et séquelles post-traumatiques

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