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Les cas de recontamination par le Covid-19

Document InvivoGen adapté par l'auteur.

Analyse et enquête

En théorie, comme le SARS et le MERS, le Covid-19 ne frappe pas deux fois la même personne. Que le lecteur qui eut deux fois la même maladie comprenne bien qu'on peut observer des rechutes (relapses) après plus de 10 ou 15 ans sans symptôme. Les coloniaux qui ont eu la malaria (paludisme) connaissent très bien ce problème. Même après être revenus en Europe depuis plus de dix ans, certains peuvent encore présenter des crises de malaria. Même chose pour la rubéole, les oreillons (tous deux appartenant au groupe V de la classification Baltimore) et d'autres maladies virales.

Mais les spécialistes connaissent encore mal le fonctionnement du Covid-19, tous les signes cliniques associés à la maladie et quand exactement un patient est définitivement guéri.

Pour être considéré comme un cas de recontamination (ou de réinfection), un patient doit présenter un test PCR positif au Covid-19 à 2 reprises séparé d'au moins un mois sans symptôme. Le deuxième test peut être positif si le patient a un résidu d'ARN viral non réplicatif datant de sa primo-infection dans ses voies respiratoires et donc avoir deux virus en même temps ou ne jamais avoir complètement éliminé le premier virus (voir plus bas).

En février 2020, un cas de recontamination par le Covid-19 fut signalé chez une touriste à Osaka au Japon (cf. Reuters).

Le même mois, on rapporta que jusqu'à 10% d'un groupe de 147 patients Covid soignés à Wuhan sortis "guéris" d'un centre de soins, ne présentant aucune trace du virus dans leur organisme, furent recontaminés une semaine après être rentrés chez eux. Deux autres cas furent signalés dont l'un à Xuzhou (cf. LATimes).

Plus étonnant, fin février 2020 on signala 14% de recontaminations chez des anciens patients de la province de Guangdong. Toutefois le virologue Jin Dong-yan n'excluait pas la possibilité d'une erreur de diagnostic (cf. SCMP). De ce fait, jusqu'alors on considérait ces cas comme anecdotiques voire comme des rumeurs.

Mais au fil du temps, d'autres cas furent signalés dans divers pays, avec des effets parfois contradictoires.

Le 24 mars 2020, un cas de recontamination fut signalé chez une maman de 28 ans vivant à la Réunion (cf. France Info). Elle rechuta moins de 2 semaines après sa guérison et après un séjour à Paris.

En Corée du Sud, les chercheurs ont déclaré officieusement le premier cas suspect de récontamination en mars 2020 chez un homme de 33 ans qui avait été traité dans un hôpital de Hong Kong pour un cas bénin (cf. Science). Mais ce n'est que le 24 août 2020 que la Corée du Sud déclara officiellement ce cas de recontamination (cf. The Korea Times). En effet, l'homme fut contaminé le 26 mars 2020, puis testé négatif à deux reprises quelque temps après et resta asymptomatique. Mais le 15 août 2020 alors qu'il revenait d'un voyage en Espagne, il fut de nouveau testé positif à l'aéroport de Hong Kong, soit plus de quatre mois (142 jours) après sa guérison (cf. IDSA, 2020). Cela laisse supposer que son système immunitaire l'a protégé contre la maladie mais pas de la contamination. Son cas fit l'objet d'une étude clinique et d'un article scientifique (voir plus bas).

Le 8 avril 2020, on dénombra officieusement 63 recontaminations en Corée du Sud (cf. South China Morning Post, Yonhap News) puis 116 autres cas le 14 avril 2020 (cf. Yonhap News) et encore 163 cas le 24 avril 2020 (cf. NPR).

Dans la majorité des cas, la réinfection n'affectait que les voies respiratoires supérieures avec des symptômes mineurs. Jeong Eun-kyeong, directeur général du KCDC, l'équivalent coréen du CDC américain, confirma que les rechutes furent détectées en moyenne 13.5 jours après la guérison. Cependant, l'intervalle le plus long signalé à cette époque fut de 35 jours (cf. NPR). Mais nous verrons que ce délai peut être beaucoup plus long.

Patient Covid hospitalisé aux soins intensifs au Royaume-Uni. Document Jonny Weeks/The Guardian.

Sur l'ensemble des recontaminations observées en Corée du Sud au 19 avril 2020 soit 179 personnes, les plus nombreuses soit 22.9% des cas concernaient des personnes âgées d'une vingtaine d'années, 17.9% avaient une cinquantaine d'années et seulement 5 cas concernaient des enfants de moins de 10 ans (cf. Yonhap News).

Finalement, au moins 24 autres cas de recontamination furent officiellement confirmés en Corée du Sud mais les estimations officielles restent sous-estimées (cf. BNO News).

Le 17 avril 2020, l'infirmière médicale Sanne de Jong âgée de 22 ans contracta le Covid-19 et présenta des symptômes bénins durant 2 semaines. Elle fut testée négative le 2 mai 2020 et retourna travailler dans un hôpital de Rotterdam, aux Pays-Bas. Mais fin juin 2020, elle se plaignit de nausées, d'un essoufflement, de douleurs musculaires, du nez qui coule et perdit le sens de l'odorat. Son médecin lui suggéra de se faire tester. Le 3 juillet 2020, elle apprit qu'elle avait été recontaminée par le Covid-19 (cf. Science).

Le 26 août 2020, on signala également des cas de recontamination en Belgique (cf. Le Soir/VTM), au Luxembourg (cf. Wort) et en Allemagne. Pour ce qui concerne l'Europe, les autorités nationales et européennes n'ont pas souhaité s'exprimer sur ces cas et leur nombre. On peut supposer qu'ils les considèrent comme anecdotiques en espérant qu'ils les gardent à l'oeil.

Toutefois, Maria Van Kerkhove de l'OMS déclara le 24 août 2020, "L'Organisation doit examiner la possibilité d'une réinfection au niveau de la population. Le problème est que l'on sait peu de choses sur l'immunité au nouveau coronavirus dont bénéficient les personnes qui ont déjà été infectées, et qu'il n'y a toujours pas assez de temps ou d'études scientifiques pour parvenir à des conclusions spécifiques".

Le 12 octobre 2020, l'équipe du Pr Mark Pandori, révéla un nouveau cas de recontamination aux Etats-Unis que la presse locale avait déjà évoqué au mois d'août (cf. The Lancet; Nevada Today). Un Américain de 25 ans vivant au Nevada contracta une deuxième fois le Covid-19 à seulement 48 jours d'intervalle (le 18 avril puis le 15 juin 2020). La deuxième infection fut plus sévère que la première. Selon Pandori, "Il y a toujours de nombreuses inconnues sur les infections au SARS-CoV-2 et la réponse du système immunitaire, mais nos travaux montrent qu'une infection antérieure pourrait ne pas nécessairement protéger contre une infection future". Par conséquent poursuit-il, puisqu'une recontamination est possible, "les gens qui ont été testés positifs au SARS-CoV-2 devraient continuer de prendre des précautions, dont la distanciation physique, le port du masque et le lavage des mains".

Le 9 novembre 2020, on signala une recontamination en Belgique chez une jeune femme du secteur médical, un cas qui fit l'objet d'une étude clinique. Elle avait contracté le Covid-19 lors de la première vague et avait donc constitué des anticorps neutralisants contre la maladie mais fut recontaminée en septembre 2020, après 185 jours. Malgré une réponse immunitaire humorale (adaptative) efficace après la primo-infection symptomatique, lors du deuxième épisode les symptômes furent plus légers et caractérisés par une augmentation rapide des IgG et des anticorps neutralisants. Bien que la recherche des contacts et la culture du virus ne soient pas concluantes, l'agent de santé forma un groupe de transmission avec 3 patients et montra des preuves de réplication du virus mais pas d'anticorps neutralisants dans ses prélèvements nasopharyngés.

Conclusion, si ce cas est représentatif de la plupart des patients Covid, une immunité protectrice de longue durée contre ce virus pourrait ne jamais être atteinte (cf. K..Ariën et al., 2020). Mais cette affirmation conditionnelle n'est qu'une hypothèse car il faut définir ce qu'on entend par "longue durée".

La réponse immunitaire

Dans une étude publiée dans le journal "JAMA" le 11 septembre 2020, David S. Stephens de l'École de Médecine de l'Université Emory, en Géorgie (USA), et M. Juliana McElrath ont établi un modèle global présenté ci-dessous des réponses immunitaires des lymphocytes T et B (plasmablaste et anticorps) suite à la contamination par le Covid-19 projeté sur 1 an après le début de l'infection.

Modèle généralisé des réponses immunitaires des lymphocytes T et B (plasmablaste et anticorps) suite à la contamination par le Covid-19 projeté sur 1 an après le début de l'infection. Il s'applique uniquement aux formes bénignes ou modérées de la maladie. On constate que les défenses immunitaires peuvent se réactiver plus d'un an après la primo-infection. Document D.Stephens etJ.McElrath (2020).

Selon les chercheurs, "Les anticorps neutralisants, les lymphocytes B mémoires et les lymphocytes T mémoires CD4+ et CD8+ contre le SARS-CoV-2, qui sont fabriqués [suite à ] une contamination, une vaccination ou après une réexposition, sont la clé du chemin vers l'immunité".

Si la réponse produite par les anticorps neutralisant empêche toute nouvelle infection, la réponse immunitaire des lymphocytes B et T n'empêche pas une nouvelle infection car ces cellules ne sont pas stérilisantes pour le Covid-19. Au fil du temps, les IgG vont progressivement diminuer pour atteindre une concentration très faible environ 5 à 6 mois après la primo-infection. Ces agents défensifs entrent alors en sommeil et en principe ne se réveilleront que lors d'une recontamination par le même virus, même s'ils doivent attendre 1 ou 2 ans. En théorie, leur action sera aussi efficace qu'un an plus tôt. Or en pratique, il semble que ce n'est pas toujours ce qu'on observe.

Les cas de recontamination touchent généralement des patients peu affectés par la maladie. Le modèle présenté ci-dessus n'est pas complet car il s'applique uniquement aux formes bénignes ou modérées de la maladie et à la réponse immunitaire adaptative. Il ne tient pas compte de la réponse innée ni celle des personnes asymptomatiques, des dysfonctionnements immunitaires, des réactions auto-immunes ni des réactions associées aux formes sévères de la maladie. Il est donc valable en général, mais n'explique pas les recontaminations.

En quête d'explications

Selon les études sur les recontaminations publiées dans la presse scientifique, dans la plupart des cas les chercheurs concluent qu'il s'agit de deux charges virales complètes et suffisamment différentes pour les distinguer. Mais dans de nombreux cas, le matériel génétique est tout simplement absent.

Le problème qui se pose est qui si l'ARN viral n'est pas détectable, la plupart des laboratoires n'ont ni le temps ni l'argent pour chercher une explication. Par conséquent, le nombre de recontaminations génétiquement prouvées est environ 10 fois inférieur à celui des recontaminations suspectées. A titre d'exemple, au 18 novembre 2020, les Pays-Bas comptaient 50 cas suspects, le Brésil 95, la Suède 150, le Mexique 285, le Qatar au moins 243 et la Corée du Sud au moins 434 cas de recontamination suspectéd pour une poignée voire parfois un seul cas officiellement déclaré. Ces chiffres sont sous-estimés puisque dans de nombreux pays seule une fraction de la population a été dépistée et rarement plus d'une fois.

Comment expliquer ces cas de recontamination ? Bien que les chercheurs manquent de recul, la réponse se trouve forcément dans le système immunitaire. Il faut donc enquêter sur les pistes microbiologiques et immunitaires. Plusieurs hypothèses ont été proposées.

Première hypothèse : le virus dormant ou non infectieux

A l'époque des premiers cas de recontamination signalés au Japon et en Chine, les spécialistes doutèrent que ces patients aient contracté deux fois le Covid-19. Le Dr Philip Tierno, microbiologiste et pathologiste à l'Ecole de Médecine de l'Université de New York pensait que "le virus restait dormant avec un minimum de symptômes" et se réactivait quand les conditions étaient proprices (cf. Reuters).

Un patient Covid aux soins intensifs placé sous ventilateur en Italie en avril 2020. Document Piero Cruciatti/AFP.

Certains spécialistes imaginaient que le second test PCR était peut être un faux négatif et dans ce cas il fallut changer de réactif ou procéder à des prises de sang. Mais il est théoriquement possible que ce virus agisse différemment des deux précédents et constituerait alors un vrai défi pour les virologues.

Dans un rapport publié le 19 mai 2020, le KCDC montra que les échantillons de patients Covid recontaminés n'ont pas de virus infectieux. Mais ce sont des cas particuliers qu'il ne faut surtout pas généraliser à tous les cas de recontamination.

Les chercheurs ont tenté d'isoler le virus sur 108 patients en convalescence retestés positifs. Tous ces échantillons se sont révélés négatifs. Lorsque les chercheurs ont examiné 23 de ces patients à la recherche d'anticorps contre le Covid-19, presque tous avaient des anticorps neutralisants capables d'empêcher le virus de pénétrer dans les cellules. Cette réponse immunitaire peut protéger une personne contre une rechute infectueuse, au moins à court terme.

Les chercheurs ont également retrouvé 790 contacts de 285 personnes retestées positives. Parmi ces contacts, 27 furent testés positifs et 80 avaient déjà été confirmés précédemment. Aucun nouveau cas ne semble provenir de patients Covid positifs ayant rechuté, signe que ces anciens patients ne sont pas contagieux.

Les résultats suggèrent que les tests de diagnostic ont détecté le matériel génétique de virus non infectieux ou "morts", ce qu'avait déjà suggéré Jeong Eun-kyeong précité un mois plus tôt. Selon les chercheurs, cette absence de charge virale signifie que ces personnes ne sont actuellement pas infectées et ne peuvent pas transmettre le Covid-19 à d'autres. Autrement dit, ces anciens patients Covid ont été recontaminés mais sans développer d'infection car le virus ne se réactive pas. Cette explication est toutefois tirée par les cheveux.

Autre explication, la charge virale est devenue trop faible pour être détectée et pour une raison inconnue, elle s'est réactivée et la maladie est réapparue. Le fait que ces malades n'aient apparemment pas contaminé d'autres personnes renforce l'idée qu'il restait encore des virus dans leur organisme. Cette hypothèse était partagée par les experts de l'OMS (cf. Reuters) et les responsables du KCDC. Cela signifie également que la primo-infection généra une certaine immunité mais qu'elle chuta ensuite sous le seuil permettant à l'organisme de vaincre le virus (voir la deuxième hypothèse).

Une autre possibilité évoquée fut que les tests ont détecté des particules virales mortes qui ne sont plus infectieuses ou transmissibles. Jeon précité a déclaré le 17 avril 2020 que les virus collectés chez 6 patients recontaminés ne pouvaient pas être cultivés de manière isolée, ce qui signifie qu'ils sont "morts" ou trop peu nombreux. Autrement dit, concrètement dans ce cas particulier les personnes recontaminées n'étaient pas contagieuses (cf. Reuters, NPR).

Les experts de l'OMS ont suggéré que ces patients recontaminés ont expulsé des fragments de matériel viral de leurs poumons pendant la phase de récupération.

A voir : Can You Get The Coronavirus Twice?, Insider

La recontamination par un autre porteur de virus est un scénario moins probable étant donné que les patients furent retestés positifs peu de temps après avoir terminé leur traitement.

Deuxième hypothèse : la réponse en anticorps

Il y a le fait établi que la durée de l'immunité commence à diminuer environ 3 mois après la primo-infection. C'est la première raison pouvant expliquer la recontamination.

On peut aussi imaginer que le système immunitaire de ces patients recontaminés n'a plus produit suffisamment d'anticorps pour détruire la souche virale. Cette hypothèse a été appuyée par l'étude de 175 patients sortis "guéris" du Centre clinique de santé publique de Shanghai mais dont près d'un tiers (30%) présentaient "des niveaux d'anticorps étonnement bas", ce qui peut expliquer la réactivation du virus et donc les recontaminations (cf. SCMP). Il est donc essentiel de connaître tous les anticorps impliqués dans la neutralisation du virus et de ne pas se limiter aux seuls anticorps classiques, d'où l'intérêt des tests de neutralisation. On y reviendra.

Dans un article publié dans le journal "BMJ" le 11 juin 2020, des chercheurs italiens ont proposé une autre hypothèse : il est possible que "l'infection antérieure par le SARS-CoV-2 (ou par d'autres virus/coronavirus) puisse prédisposer à des formes plus sévères de la maladie en cas de réinfection". Les chercheurs faisaient allusion à un mécanisme immunologique connu sous le nom de facilitation de l'infection par des anticorps, "déjà observé lors d'infections par d'autres coronavirus (MERS et SARS) ou virus tels que le virus du Nil occidental et la dengue".

Autrement dit, la présence d'anticorps non-neutralisants augmenterait l'infectiosité virale en facilitant l'entrée du virus dans l'organisme. Selon les chercheurs italiens, "Si elle est confirmée par des études in vivo, cette hypothèse pourrait avoir d'importantes implications dans le traitement des formes sévères de la Covid-19, toutefois la possibilité de produire un vaccin efficace contre le SARS-CoV-2 pourrait être entravée".

Troisième hypothèse : des anticorps inefficaces

Dans un article publié sur "medRxiv" le 13 octobre 2020, des chercheurs chinois ont suggéré que les patients Covid dont la primo-infection est très grave pourraient avoir des anticorps inefficaces, ce qui pourrait les rendre plus sensibles aux réinfections sévères. Mais jusqu'à présent, il n'y a aucune preuve clinique suggérant que la réinfection fut plus sévère que la première - bien que les chercheurs ne l'aient pas non plus exclue.

Un virus dont les antigènes sont en train d'être neutralisés par des anticorps spécifiques (les Y). Document Getty Images.

La vaccination contre certaines maladies peut également déclencher une amélioration plus tardive. On connaît par exemple des cas de complication connue ou suspectée des vaccins contre la dengue et le virus respiratoire syncytial (cf. P.L. Acosta et al., 2016) chez l'homme et une maladie à coronavirus chez le chat (cf. T.Hohdatsu et al., 1998). Mais il n'y a aucune preuve que les candidats vaccins contre le Covid-19 présentent de tels effets. Selon l'infectiologue Derek Cummings de l'Université de Floride, "Ayant travaillé sur la dengue, je peux dire que la base empirique d'une maladie accrue n'est tout simplement pas là, alors qu'elle était très forte dans la dengue."

Les échantillons de virus de De Jong (voir plus haut) ont tous deux été séquencés dans le laboratoire de Reusken, avec un résultat surprenant : les séquences n'étaient pas identiques, mais ont montré une telle similitude que le virologue Harry Vennema de l'Institut national néerlandais pour la santé publique et l'environnement (RIVM) déclara que la patiente n'a probablement pas éliminé le virus en avril et qu'il recommença à se répliquer en juin.

Cela rend son cas différent d'une véritable recontamination - bien que Vennema dise qu'ils devraient peut-être être considérés comme similaires, car dans les deux cas, le système immunitaire n'a pas réussi à mettre en place une réponse protectrice. Son laboratoire a trouvé au moins un cas similaire, dit-il, suggérant que certaines recontaminations non confirmées pourraient en fait être une résurgence du virus d'origine.

D'autres coronavirus peuvent également provoquer des infections persistantes. En 2009, l'équipe de Stanley Perlman de l'Université d'Iowa montra qu'un coronavirus de souris provoquant une encéphalite peut persister dans le corps et déclencher en permanence des réponses immunitaires, même s'il ne se réplique pas. Dans un article publié sur "bioRxiv" le 5 novembre 2020, des chercheurs américains ont montré que le Covid-19 peut persister pendant des mois dans l'intestin. Les chercheurs suggèrent que des infections persistantes pourraient expliquer les symptômes extraordinairement durables qui affligent certains convalescents du Covid-19.

Quatrième hypothèse : la piste des nouveaux variants

Le variant D614G du SARS-CoV-2 améliora sa capacité à infecter les cellules humaines. De ce fait il st devenu dominant dans le monde entre mars 2020 et février 2021 où il fut progressivement remplacé par le variant Alpha puis par le variant Delta à partir de fin juin 2021. Document Radoslav Zilinsky/GettyImages.

Fin août 2020, l'immunologiste Akiko Iwasaki qui dispose de son propre laboratoire à l'École de Médecine de l'Université de Yale rapporta le cas précité de l'homme de 33 ans vivant à Hong Kong qui fut recontaminé par le Covid-19 plus de quatre mois après sa guérison (cf. IDSA, 2020). Cela suggère que son système immunitaire conserva le souvenir de sa rencontre précédente avec le virus et neutralisa avec succès les virus avant que l'infection ne se propage.

Ces cas contradictoires sont courants avec le Covid-19. Le fait qu'ils existent empêche les immunologistes de tirer des conclusions définitives sur la réponse immunitaire à long terme face au Covid-19.

A propos du cas de Hong Kong, selon le virologue Jonathan Stoye de l'Institut Francis-Crick de Londres, "Il est difficile de tirer des conclusions à partir d’un seul cas. Je ne suis pas certain que cela signifie vraiment quelque chose". Il conclut : "Il y a presque autant d’inconnues sur les recontaminations qu’il y en avait avant ce cas".

Pour être certain que ces cas de recontamination sont des évènements distincts, les équipes de Hong Kong (cf. IDSA, 2020) et du Nevada (cf. SSRN, 2020) ont chacune séquencé les génomes des virus responsables de la première et de la seconde infection puis les ont comparés à ceux de la base GISAID. Elles ont toutes deux trouvé suffisamment de différences entre les génomes pour conclure que des mutations du virus étaient à l'origine de l'infection primaire et de la recontamination. Cette dernière est liée à des mutations génomiques survenues entre juillet et août 2020.

Avec le recul et la caractérisation détaillée des variants, il est prouvé que ce sont les mutations d'échappement dont E484K qui sont en grande partie à l'origine des recontaminations.

Ces données suggèrent que le Covid-19 se comporte comme les HCoV des rhumes : les recontaminations seraient davantage liées à l'évolution antigénique du SARS-CoV-2 plutôt qu'à une éventuelle perte de l'immunité acquise préalablement (cf. Vidal, 2021).

Plus étonnant, une nouvelle étude publiée le 25 mai 2021 montre que le génome du Covid-19 peut s'intégrer dans le génome de la cellule hôte par transcription inverse; les patients guéris sont alors de nouveau testés positifs (voir ci-dessous).

Des séquences du SARS-CoV-2 intégrées au génome cellulaire ?

On a toujours prétendu que le génome d'un virus ou même l'ARNm d'un vaccin ne peut pas s'intégrer au génome humain. Nous avons expliqué à propos du rôle des virus dans l'évolution que l'ADN humain contient entre 5 et 8% de séquences d'anciens virus. Les rétrovirus en particulier reposent sur l'intégration de leur génome dans l'ADN humain pour se répliquer. Le SARS-CoV-2 peut-il s'intégrer au génome humain ?

Le SARS-CoV-2 n'est pas un rétrovirus mais un virus à ARN et n'a donc pas besoin de transcription inverse pour se répliquer (cf. le cycle de vie du Covid-19). Cependant, des séquences de virus à ARN non rétroviraux ont été détectées dans les génomes de nombreuses espèces de vertébrés, y compris les humains.

Dans une étude publiée dans les "PNAS" le 25 mai 2021, Linguo Zhang de l'Institut Whitehead pour la recherche biomédicale de Cambridge, MA., et ses collègues ont découvert pourquoi certains patients peuvent être testés positifs au Covid-19 longtemps après leur guérison.

Chez ces patients, aucune charge virale active ne fut isolée de leurs échantillons, et certaines études ont considéré qu'il s'agissait de faux positifs, même en maintenant les individus en quarantaine. En outre, on a constaté que les ARN viraux avaient une durée de vie de seulement quelques minutes, ce qui suggérait qu'il était peu probable que les tests positifs soient le résultat d'ARN résiduels.

Zhang et ses collègues ont donc voulu vérifier si cette intégration virale pouvait également se produire avec le SARS-CoV-2 par transcription inverse (cf. ce schéma). Si c'est le cas, les séquences génétiques virales peuvent ensuite être lues par les ARN, pouvant potentiellement être détectés lors d'un test PCR, conduisant à une soi-disant recontamination.

Pour s'assurer que leurs résultats pouvaient être confirmés avec différentes méthodologies, les chercheurs ont utilisé trois techniques de séquençage d'ADN différentes dont la méthode par nanopores. Dans tous les échantillons séquencés, ils ont trouvé des fragments de matériel génétique viral mais heureusement, aucun des fragments intégrés n'était suffisant pour recréer un virus fonctionnel.

A gauche, schéma du chromosome X humain montrant le site d'intégration d'une partie du génome du SARS-CoV-2. Les séquences génétiques au niveau de la région de jonction montrent le site cible dupliqué lorsque l'ADNc du virus a été intégré (en jaune) et la séquence du rétrotransposon LINE1 de reconnaissance de l'endonucléase (souligné). A droite, l'alignement du Nanopore avec le génome du SARS-CoV-2 montre que l'ADN viral intégré est une copie de l'ARN sous-génomique (ARNsg ou ARNm) de la nucléocapside (NC) de pleine longueur. Les régions en cyan sont agrandies pour montrer les séquences TRS-L (I) et TRS-B (II) (soulignées, ce sont les séquences où la polymérase virale saute pour générer l'ARNsg, cf. X.Jiang et al., 2021; J.L. Moreno et al., 2008) et la fin de la séquence virale à la queue poly(A) (III). Ces séquences montrent qu'une copie ADN de l'ARNsg NC de pleine longueur a été rétro-intégrée dans le génome humain. Documents L.Zhang et al. (2021).

Les chercheurs ont ensuite découvert que pour s'intégrer au génome humain, le virus a fait appel aux rétrotransposons, un mécanisme également appelé les "gènes sauteurs".

Les transposons sont des sections d'ADN qui peuvent se déplacer d'une région à l'autre du génome. Ce "saut" dans la séquence génétique se produit dans des conditions de stress, par exemple lors d'un changement environnemental, mais également lors d'un cancer ou du vieillissement, et représente un important facteur de changement génétique.

Un transposon fréquent (~20%) dans le génome humain est le rétrotransposon LINE1 (cf. R.Cordaux et M.Batze, 2009) qui est composé d'une combinaison de nucléase capable de couper l'ADN et de transcriptase inverse, une enzyme qui crée des molécules d'ADN à partir d'une matrice d'ARN (comme l'ARN du SARS-CoV-2). Comme on le voit sur la séquence génétique ci-dessus à droite, les chercheurs ont découvert la trace de l'intégration de LINE1 dans le génome humain. Elle se situe à la jonction de la séquence virale et de l'ADN cellulaire et a dupliqué 20 paires de bases.

Outre la preuve de sa duplication, une autre preuve de l'intégration médiée par LINE1 est la présence d'une séquence de reconnaissance de l'endonucléase LINE1. Les chercheurs ont identifié ces caractéristiques dans près de 70% des ADN contenant des séquences virales, les 30% manquants suggérant que l'ARN viral pourrait s'intégrer dans l'ADN cellulaire via de multiples mécanismes.

Adapté de F.H. Gage et al. (2010).

Pour dépister l'intégration virale in vivo et comprendre son mécanisme, les chercheurs ont analysé des ensembles de données de transcriptions d'ARN provenant de différents types d'échantillons, y compris provenant de patients Covid ayant fait l'objet d'études antérieures. Ils ont notamment examiné dans quelle direction les transcriptions avaient été lues.

Si les virus sont "vivants" ou plutôt s'ils ont une charge active ou si l'ARN viral existait déjà dans la cellule, les chercheurs s'attendaient à ce que la plupart des transcriptions virales aient été lues dans l'orientation correcte du séquençage, c'est-à-dire vers l'avant par rapport aux gènes hôtes; dans les cellules de culture fortement infectées, plus de 99% sont dans la bonne orientation. Si les transcrits étaient le produit d'une intégration virale aléatoire dans le génome, il y aurait une proportion voisine de 50-50 (la moitié des transcrits auraient été lus vers l'avant, l'autre moitié vers l'arrière). C'est ce second rapport que les chercheurs ont observé dans certains échantillons de patients. Selon Zhang, "Cela suggère qu'une grande partie de l'ARN viral dans certains échantillons pourrait être transcrit à partir de séquences intégrées". Toutefois, plus de données sont nécessaires pour établir exactement quel mécanisme a lieu dans la nature et quel est son impact sur la santé humaine.

Selon les chercheurs, très peu de cellules humaines connaissent une quelconque intégration virale. Dans le cas d'un virus à ARN qui s'intègre dans le génome de la cellule hôte, seule une fraction de pourcent des cellules infectées (entre 0.1 et 1%) contenait de l'ADN viral intégré. Pour le SARS-CoV-2, la fréquence d'intégration chez l'être humain est encore inconnue mais serait très faible. Mais même si ce phénomène est rare, avec près de 200 millions de cas de contamination en août 2021, 0.1% de rétro-intégrations virales représente tout de même 200000 cas potentiels.

La prochaine étude des chercheurs consistera à vérifier si les fragments génétiques du virus intégré dans le génome humain pourraient être transformés en protéines par la cellule. Selon Zhang, "S'ils le font et déclenchent des réponses immunitaires, cela peut fournir une protection continue contre le virus". Ils espèrent également déterminer si ces séquences d'ADN intégrées pourraient être en partie responsables de certaines des effets auto-immunes à long terme que subissent certains patients Covid car actuellement on ne peut que spéculer. Cette étude expliquerait en tout cas la raison pour laquelle certains patients guéris sont positifs au test PCR.

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