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Le scandale des décharges industrielles

Les hauts-fourneaux de Charleroi. Avec les incinérateurs, leurs émanations parfois toxiques seraient à l'origine des maladies chroniques des riverains. Doc C.Bruenig.

L'air anormalement pollué du Hainaut (II)

Nous nous plaignons tous que l'air des agglomérations est pollué. Les enfants se plaignent qu'il sent mauvais, d'autant plus près des zoning industriels ou en été lorsque l'air chaud s'accumule dans les basses couches de l'atmosphère. Ce problème n'est que le sommet de l'iceberg, le signe concret que la pollution a déjà envahi la région et que les émissions n'ont pas été surveillées comme il se doit.

Le Hainaut est l'une des plus anciennes provinces industrielles de Belgique. Son expansion remonte au développement des industries textile, minière et métallurgique (cokerie, hauts-fourneaux, etc). Aujourd'hui, ce temps est révolu sauf dans le secteur métallurgique (Cf Arcelor-Mitall) et la région est pratiquement sinistrée avec tous les dérapages que nous connaissons. 

Outre les problèmes socioéconomiques, cette province regroupe de nombreux zonings industriels et des dizaines de décharges et sites d'enfouissement dans les faubourgs de Mons et de Charleroi. A l'image du laisser-aller de son administration, il semble que la pollution devienne aussi commune que les malversations de certains de ses élus.

En effet, cette région bat actuellement tous les records de pollution. Une étude sur la santé des Hainuyers publiée par l'Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH) dans son "Tableau de bord 2006" et disponible en version simplifiée sur le site Citoyens de Mons conclut que 35% des habitants du Hainaut souffrent d'au moins deux maladies ou affections chroniques respiratoires, contre 30% dans la moyenne de la population belge. Parmi ces malades Hainuyers, 21% des femmes et 29% des hommes sont décédés de cancer. Les habitants du Hainaut sont également plus souvent atteints de bronchite chronique que les habitants des autres provinces belges.

Les maladies provoquées par des agents chimiques ou par inhalation sont les plus fréquentes, notamment celles imputables à la pollution rejetée par les zonings industriels de la région et la consommation de tabac.

Il faut toutefois nuancer ces conclusions. Contact pris avec les experts du Ministère de la Région Wallonne concernés par l'environnement, l'enquête réalisée par l'OSH n'est pas encore officiellement distribuée. Les données publiées sont donc soumises à toutes sortes d'interprétations journalistiques alors que les chercheurs n'ont pas encore finalisé leur étude et apporté leurs commentaires ! Il n'est donc pas surprenant que les autorités fédérales considèrent les propos publiés par "Citoyens de Mons" comme tendancieux et prématurés.

Il n'empêche que les autorités européennes tolèrent 35 dépassements des normes de pollution par an. Dans le Hainant les autorités ont relevé 87 dépassements des normes en 2005 et 94 dépassements durant les 6 premiers mois de l'année 2006 ! Les scientifiques ont établi une corrélation entre l'activité industrielle de la région et les maladies chroniques dont souffrent les habitants. Depuis 2000, le record a été de 130 jours de dépassement par an, soit près de 4 fois supérieurs aux normes européennes !

Quant aux poussières en suspension dans l'air, les émissions de CO, benzène, toluène et autre composés aromatiques (PAH), le rapport publié en 2006 par l'ISSeP précise que leur concentration est dans les limites européennes mais les dépasse parfois autour des zones industrielles comme en témoigne le tableau présenté ci-dessous.

Statistiquement, de nos jours la population belge vit en moyenne jusqu'à 78 ans. Elle retombe à 75 ans dans la province du Hainaut et l'écart augmente chaque année. Que font nos ministres de la Santé, de l'Environnement et de la Région Wallonne pour combler cet écart et enrailler cette escalade de la pollution ? Installés loin des sites pollués dans des villas cossues, sont-ils insensibles aux doléances des habitants concernés ? On peut se demander si ces élus publics n'ont pas oublié la fonction élémentaire de leur mandat : servir la population... A défaut, les journalistes continueront à mettre en lumière les carences du système et le public ne devrait plus hésiter à sanctionner les autorités régionales et fédérales aux prochaines élections.

Analyse des polluants atmosphériques en Hainaut

Substance

toxique

Valeur journalière

moyenne (mg/m3)

Valeur journalière

maximale  (mg/m3)

Valeurs 

limites fixées par l'OMS ou l'Europe

Directive européenne

ou de l'OMS

Particules en suspension

14 - 75

559 rue Beaussart

En 8h: 50 mg/m3 et 35x/an; 40 mg/m3/an

1999/30/CE

Monoxyde de carbone

0.3 - 0.6

1.1 à La Docherie

10 mg/m3 (10 ppm); 87 ppm en 15 min

2000/69/CE

Benzène

7.7 - 7.9

44.1 à La Docherie

5 mg/m3; sera de 0% au 1 janv. 2010

2000/69/CE

Toluène

3.6

10.2 à La Docherie

260 mg/m3/semaine; 

1 mg/m3 en 30 min.

Air quality guideline for Europe, OMS

Métaux lourds

0.054 (Cr), 0.035 (Mn), 0.031 (Ni), 0.060 (Pb)

0.406 (Cr), 0.316 (Mn), 

0.477 (Ni), 0.869  (Pb)

Note 1

1999/30/CE 2004/107/CE

Hydrocarbures PAH (benzoapyrène)

0.05 ng/m3 37.9 ng/m3

1 ng/m3 par an au 31/12/2012

2004/107/CE

1. Pour l'OMS, les concentrations de plusieurs métaux lourds ne doivent pas être détectables (As, Cr et Ni). Au 31 décembre 2012, les normes européennes fixent la valeur limite annuelle à 0.5 mg/m3 (Pb), 6 ng/m3 (As), 5 ng/m3 (Cd) et 20 ng/m3 (Ni).

La région de la Docherie et rue Beaussart se trouvent à Marchienne-au-Pont, sous les vents dominants de la cokerie.

Les valeurs semi-horaires peuvent être 5 à 100 fois plus élevées que les valeurs journalières maximales établies sur la moyenne de 8 heures de mesures.

Source : Rapport de la campagne ISSeP du 24/02/2006 au 30/4/2006.

Il existe de nombreux instituts veillant à la qualité de l'air ou de l'environnement en Belgique dont on peut trouver la liste sur le site du Ministère de la Santé ou du portail fédéral. Parmi ceux-ci citons le portail du Ministère de la Santé publique, de la Sécurité de la chaîne alimentaire et de l'Environnement (Health). En France l'INERIS est chargée de ces questions. En fait, il y a une profusion d'instituts de contrôles; tout le monde est compétent mais... personne n'est responsable !

La mentalité des services publics doit changer

Que font donc depuis 2000 les Gouvernements régional et fédéral pour mettre fin à ces pollutions et tenir la population au courant des actions en cours ? Condamnent-ils les pollueurs, ferment-ils les unités polluantes jusqu'à résolution du problème, informent-ils le public ? Les autorités n'y prêtent aucune attention ! Comme le disait le représentant des médecins au ministre de l'Environnement, nos élus ont les mêmes responsabilités que les chefs d'entreprises. Alors, agissez !

La situation en Hainaut comme dans les autres grands zonings industriels est connue depuis des années, mais l'Etat comme les organismes de contrôle ne bougent pas. Les instituts scientifiques ont beau publier des enquêtes, les ministres ne semblent pas s'en préoccuper ! Il est évidemment plus facile de gagner sa vie en restant gentillement derrière son bureau qu'en cherchant une manière de résoudre ce problème ! Or légalement c'est le devoir des services publics d'informer et de veiller à la santé de la population. Le concept de "pollueur-payeur" ne s'applique-t-il pas en Hainaut ? Faudra-t-il encore qu'il y ait des victimes et des procès pour que la population fasse valoir son droit à l'information et au respect de la qualité de l'air ?

Ce n'est plus seulement la gestion des décharges qui est alarmante ou la qualité de l'air en Hainaut, mais l'irresponsabilité des autorités comme des pouvoirs publics en cette matière ! Certaines personnes suggèrent qu'il ne faut pas "ennuyer" nos élus et les laisser faire leur travail... Mais quel travail ? Ne faut-il pas être à ce point naïf pour leur faire confiance ! Si nous n'étions pas derrière nos élus et les services publics pour leur indiquer ce qui ne va pas en matière d'environnement et de pollution, les victimes seraient dix fois plus nombreuses et on nous cacherait bien d'autres vérités qui nous touchent de près ! Est-ce vraiment cela que vous voulez ?

Une fois de plus, il faut le répéter : ne restez pas inactif et manifestez-vous, questionnez l'administration, signez les pétitions relatives à la pollution des sols ou contre le bruit car il en va de votre santé. Et si vous jugez que les autorités communales ne vous informent pas assez voire pas du tout, qu'il n'y a aucun dialogue, escaladez la question auprès du ministère concerné, il ne peut pas fuir devant ses responsabilités. Ensuite, il sera toujours temps de prévenir les médias.

Une décharge en Wallonie. Que se passe-t-il quand il pleut ou qu'il a trop de vent ? Les déchets polluent l'environnement. Qui s'en préoccupe. Personne !

Devant autant de scandales touchant le parti socialiste de Charleroi depuis quelques années, il serait temps que les technocrates descendent de leur piédestal pour aller sur le terrain et s'intéressent de plus près aux activités industrielles et aux inquiétudes de la population ! Nous ne payons pas nos élus et les administrations publiques pour discuter au coin d'une table mais pour agir sur le terrain !

Il est urgent que les élus politiques et les autorités judiciaires sortent de leur bureau pour contrôler toutes ces activités clandestines et criminelles !

Le public est saturé des querelles de pouvoir et des attitudes de ces potentats, indignes d'élus publics. Il est grand temps que ces acteurs indélicats soient sanctionnés et que ces pertes d'énergie se transforment en service réel à la population. Comme l'on dit, on attend des gestes forts des présidents de partis et des ministres en charge de ces dossiers (Région Wallonne, Environnement, Santé, etc). L'espoir fait vivre dit-on, encore faut-il qu'il y ait des survivants.

Le public attend depuis des années que les autorités prennent des mesures sévères et rapidement pour résoudre ces questions. Il faudrait notamment qu'elles contrôlent un peu plus sérieusement tout ce qui passe dans les administrations, surtout auprès des intercommunales et qu'elles fassent respecter les décrets et les normes concernant les déchets et les rejets polluants dans l'atmosphère par les exploitants industriels ! Mais une fois de plus ce sont les organismes privés ou les riverains qui doivent alerter les autorités !

Aujourd'hui cette décharge de Couillet est toxique pour la population tout autant que l'incinérateur de Pont-de-Loup; cela signifie donc que les contrôles sanitaires sont quasi inexistants ! Des riverains présentant des photographies à l'appui ainsi que Roland Marchal sous-entendent que la situation serait similaire dans d'autres décharges... Cela ne fait que confirmer les états économique, social et sanitaire déplorables du Hainaut, emblématiques de l'état général de la Wallonie...

Affaire à suivre comme l'on dit car il est évident que les pouvoirs publics ne peuvent pas restés inactifs devant ces situations alarmantes. Espérons que les partis dans l'opposition sensibilisés à ces questions ne manqueront pas de rappeler les ministres concernés à leur devoir.

Derniers échos

Venons-en à la question ultime de savoir si les décharges sont toxiques ou non pour les riverains ? Si de nombreux indices semblent le confirmer, scientifiquement parlant nul ne le sait, pas même les médecins de la région ou les toxicologues. En effet, entre 2000 et 2003, une enquête épidémiologique belge a notamment été conduite chez les riverains habitants dans un rayon de 500 m autour de la décharge de Mont-Saint-Guibert et cinq autres grands sites d'enfouissement en exploitation ou en voie de réhabiliation. 34000 rapports cliniques ont été rédigés mais sont restés en souffrance dans les tiroirs des toxicologues de l'ISSeP par manque d'argent pour les analyser. Aussi, les résultats se font attendre, ce qui explique pourquoi on ne peut pas répondre en toute certitude à cette question.

En 2006, suite aux articles publiés dans la presse et les reportages télévisés, le ministre de l'Environnement Benoit Lutgen libéra finalement les 25000 euros nécessaires à l'analyse de ces données. 

Les toxicologues de l'Université de Liège comme les médecins soignant les habitants souffrant des effets de la pollution n'ont pas attendu les résultats de ces analyses pour reconnaître qu'il existait un risque avéré de toxicité dans les quartiers jouxtant les décharges et les sites industriels pollués. Mais leur avis est consultatif et les autorités l'ont ignoré jusqu'à présent. Même le principe de précaution n'a pas été pris en considération par les ministres de l'Environnement et de la Santé. Il a fallu que les médias et les victimes concernées fassent pression pour que les autorités changent d'attitude, publient leurs données et se décident à réagir.

Mais sachant combien les autorités fédérales, régionales et locales cultivent le culte du secret, les journalistes continuent leurs enquêtes et font le travail qu'aurait dû faire les Régions et les autorités locales. Les journalistes publient donc des reportages[1] accablants accusant les autorités de laxisme et informent la population des risques qu'elle encourt...

Rappelons qu'un décret du 13 juin 1991 sur la liberté d'accès des citoyens à l'information concernant l'environnement (dont voici une critique rédigée par l'UVCW) oblige dans son article 9 §1er les sociétés publiques à communiquer les résultats qui concernent la santé publique (mais nullement les mesures non interprétées, les communications internes ou les informations relevant de négociations internationales privées ou secrètes). 

Sachant cela, sous la pression des médias les sociétés intercommunales dont la SPAQUE et la police commencent à bouger, publient leurs chiffres, dressent des procès-verbaux et surveillent d'un peu plus près les sociétés polluantes. Mais leurs moyens sont très insuffisants puisqu'on constate toujours de nombreux dépassements des normes de pollution dans la province du Hainaut.

Suite à toutes ces affaires, ainsi que nous l'avons évoqué, Benoit Lutgen a ouvert un site Internet pour informer la population sur l'état des sols de Wallonie. En parallèle il continue à travailler sur le plan législatif, créant de nouveaux décrets ou développant de nouveaux moyens d'action et de répression. Mais il ne travaille pas seul car parfois ses bonnes intentions sont contrées par les idées plus conservatrices du ... Premier ministre !

Espérons malgré tout que bientôt les pollueurs assainiront les sites qu'ils ont dégradés et payeront leurs amendes. Ainsi au moins la morale sera sauve et la Wallonie sera en voie de rétablissement économique.

Malgré les problèmes de pollution, la province du Hainaut cache quelques curiosités qui méritent le détour. Citons notamment, de gauche à droite, les jardins suspendus de Thuin, les lacs de l'Eau d'Heure et l'ascenseur funiculaire de Strepy-Thieu, le plus grand ouvrage de ce type au monde. On peut également citer le Parc naturel du Hainaut, le barrage de la Plate-Taille, le plus grand de Belgique, et le site minier du Bois du Cazier. Documents Objectif I Hainaut.

De l'utilité des journalistes d'investigation

Sans le travail d'investigation des journalistes et la prise de conscience des associations locales, nous n'aurions jamais eu connaissance de ces graves dysfonctionnements. Même les médecins n'ont pas jugé bon d'avertir les autorités comme si le mal rongeant leurs patients était devenu ordinaire ! Une fois encore, il a fallu mettre la pression sur les responsables concernés et les ministres de tutelle pour qu'ils agissent dans l'intérêt du public et obtenir les informations auxquelles pourtant nous avons tous légalement droit. C'est à se demander si ces autorités n'ont pas un intérêt personnel à nous cacher la vérité ou se prélasser derrière leur bureau au lieu de faire leur travail ! 

Les scientifiques comme les médecins au courant de ces pollutions sont concernés par cette problématique dans la mesure où ils n'ont pas averti les ministères des risques qu'encourait la population. Et s'ils l'ont fait, tout indique qu'ils ont commis l'erreur de veiller à ce que leur étude soit tenue secrète et ne soit jamais divulguée dans les médias ! Leur attitude est tout aussi irresponsable que celle des pollueurs qui nous cachent leurs malversations ! Ce genre d'attitude est inadmissible dans un Etat de droit. Dans le secteur privé ces incompétences et ces secrets d'alcôves auraient déjà été sanctionnés.

Ainsi qu'on le constate, il y a des abus et du laxisme à tous les niveaux de pouvoir. Ce combat contre l'incurie, pour la vérité et la transparence est loin d'être terminé et se conjugue au quotidien.

Une fois de plus cela confirme qu'il ne faut jamais croire les conclusions des autorités gouvernementales... Elles jouent avec la santé du public et en voici autant de preuves supplémentaires à charge.

Votez avec intelligence et bonne santé !

Pour plus d'informations

Portail fédéral belge

Ministère de la Santé (B)

Ministère de l'Environnement Wallon (B)

WALSOLS (Etat des sites pollués de Wallonie)

ISSeP (B)

Ecolo (B)

Alter Business News (actualités)

Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH)

NEHAP (plans d'actions)

SPAQUE

ICDI

Décharge de Mont-Saint-Guibert, AHLLN

TMB et tri-compostage, FNE

INERIS (F)

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[1] En novembre 2005, dans son émission "Question à la une", le journaliste d’investigation Claude Defosset de la chaîne TV belge La Une aborda la question des décharges. Les chaînes privées dont RTL-TVI ainsi que les grands quotidiens (Le Soir, Trends-Tendances, etc) ont ensuite relayé l'information et s'intéressent à présent de près à cette question. Comme par miracle, dans les semaines et les mois qui suivirent les administrations concernées se sont intéressées d’un peu plus près à ce problème… Mieux vaut tard que jamais. Triste situation où c'est encore le public qui doit indiquer aux ministres (in)compétents quels sont les problèmes qu'ils doivent résoudre !


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