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Les éclipses solaires, phénomènes à grand spectacle

Document D.Hanon/T.Lombry

Introduction (I)

Pendant des millénaires l'homme a voué un culte au Soleil mais ce n'est que récemment dans la période historique qu'il a consigné ses observations. En 1948, des archéologues ont découvert une tablette d'argile dans la cité d'Ougarit (Ugarit), sur la côte Méditerranéenne de Syrie, décrivant une éclipse totale de Soleil. Selon Teije de Jong de l'Institut d'Astronomie de l'Université d'Amsterdam, il s'agirait de la description de l'éclipse du 5 mars 1222 avant notre ère (ou 5 mars 1223 du calendrier Julien). Cela fait donc plus de 3200 ans que les hommes observent et consignent les éclipses totales de Soleil.

Les cycles de Saros et d'Exeligmos

Dans l'Antiquité, les mathématiciens et les astrologues (et oui !) ont mis en évidence la régularité des éclipses, solaires et lunaires qui se répètent toutes les 223 lunaisons (ou mois synodiques). Les Grecs ont nommé ce phénomène, le cycle de Saros. Notons que le Saros fait référence au concept développé par les Anciens Grecs et non pas au saros des astronomes chaldéens.

Pour rappel, à la différence des calendriers modernes, dans les anciens calendriers grecs, le jour de la nouvelle Lune représentait le dernier jour du mois (le 29 ou le 30 du mois). Les anciens mois grecs étaient des mois synodiques de 29 ou 30 jours (la moyenne de 29.5 jours représentant le mois synodique).

Tous les 18 ans et 11 jours, un nouveau cycle de Saros recommence; il débute par une éclipse et se termine lorsque la Terre, la Lune et le Soleil se retrouvent dans le même alignement. Les astronomes grecs dont Hipparque et Ptolémée connaissaient ce cycle.

Dans son livre "Introduction aux Phénomènes" (Elementa astronomiae ou Εἰσαγωγὴ εἰς τἀ φαινόμενα), au chapitre "XVIII Sur l'Exeligmos" le philosophe et astronome grec Géminos (Geminus de Rhodes, c.80-10 avant notre ère) écrit : "L'Exeligmos correspond au plus petit temps qui contient des mois entiers, des jours entiers et des retours entiers de la Lune." Un cycle d'Exeligmos correspond à trois Saros ou 669 mois synodiques soit une période de 54 ans 33 jours et comprend 114 éclipses. Alors qu'au terme d'un Saros, les éclipses se répètent avec un décalage de 120° vers l'ouest et de 8 heures dans le temps, ce décalage se réduit à 13° au terme d'un Exeligmos. On reviendra sur le cycle de Saros/Exeligmos à propos de l'appareil d'Anticythère.

Les grands-prêtres et autres "savants" qui maîtrisaient les prévisions des éclipses jouissaient d'une grande ascendance sur le peuple; ils appartenaient à la cour des rois et des empereurs. Mais qu'ils viennent à commettre une erreur dans leurs prévisions, en Chine ils risquaient la peine de mort.

A gauche, quand le Soleil épouse la Lune. Dessin de J.Grandville publié en 1844 dans son livre "Un autre monde : transformations, visions, incarnations … et autres choses" (page 94). Au centre, les éclipses furent longtemps associées aux malheurs qui s'abattaient sur le monde. Document UCAR. A droite, la toute première photographie d'une éclipse totale de Soleil sur daguerréotype prise le 28 juillet1851 depuis l'Observatoire Royal de Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad) en Russie par Johann Julius Friedrich Berkowski. La photo fut prise au moyen d'une petite lunette de 61 mm de diamètre et de 812 mm de focale fixée en parallèle sur une lunette de Fraunhofer de 158 mm de diamètre. L'exposition est de 84 secondes peu après le début de la totalité. Sur l'original, la Lune mesure 7.85 mm de diamètre et au moins 5 protubérances sont visibles sur le limbe du Soleil. Berkowski réalisa plusieurs reproductions de ce daguerréotype dont une est conservée à l'Observatoire de l'Université de Jena et sur laquelle le diamètre de la Lune est de 8.69 mm.

Dans son ouvrage "L'astronomie et son histoire", Jean-René Roy[1] relate un signe du destin qui frappa les esprits : l'éclipse solaire totale de l'an 584 avant notre ère. Les Mèdes et les Lydiens s'affrontaient sur un champ de bataille quand la lumière du jour s'assombrit et disparu. Les deux armées furent si terrifiées et impressionnées par ce signe des dieux que les guerriers rompirent le combat ! Ainsi, si les éclipses solaires (et lunaires dans une moindre mesure) ont parfois été à l'origine de quelques décès ou à l'inverse à la clémence des chefs de guerre, elles ont toujours impressionné les hommes du fait que depuis l'aube des temps le Soleil a toujours été associé à la vie et au pouvoir.

Dans l'Antiquité, au moment de l'éclipse totale, on organisait de grands charivaris pour éloigner le monstre qui s'approchait du Soleil. Les Incas sacrifiaient des jeunes gens en pleine vitalité pour préserver la puissance du dieu Soleil, Inti. A cette époque, tous reconnaissaient que le Soleil était la source de toute vie. Les éclipses solaires étaient dès lors considérées comme des évènements catastrophiques.

En ce 3e millénaire, nous avons heureusement évolué sur ce plan. Mais encore aujourd'hui, en Indonésie par exemple, les Javanais redoutent les éclipses et dans leur tradition il est de coutume d'organiser une cérémonie et de faire du bruit pour éloigner le dragon en train d'avaler le Soleil. Le théâtre d'ombres ou Wayang évoque la même peur ancestrale. Et si on demande aux Javanais qui travaillent notamment dans les cultures de clous de girofle ce qu'ils pensent des éclipses de Soleil, ils les redoutent toujours et sont donc bien heureux qu'on leur apprenne que c'est un phénomène naturel inoffensif qu'ils peuvent même observer au télescope.

Tous les observateurs qui ont eu la chance d'assister à une éclipse totale vous diront qu'ils n'ont jamais rien vu de pareil. Le spectacle est réellement fascinant, il excite nos sens et relèverait effectivement du prodige si nous n'en connaissions pas l'origine !

Eclipse et Transit

Transit de Vénus devant le Soleil. Document http://www.vt-2004.org/

Il ne faut pas confondre une éclipse avec un transit. On parle d'éclipse lorsqu'un astre occulte partiellement ou totalement un autre, lorsque par exemple la Lune passe devant le Soleil ou dans l'ombre de la Terre. L'astre occulteur présente un diamètre apparent voisin de celui de l'astre occulté (la Lune et le Soleil présentent tout deux un diamètre voisin d'un demi-degré).

Pour les planètes inférieures (Mercure et Vénus) ou les satellites des planètes géantes (Jupiter principalement), on ne parle plus d'éclipse mais de transit en raison de la taille minuscule de la projection de leur disque devant leur hôte.

Mercure et Vénus n'éclipsent donc pas le Soleil mais passent en transit devant son disque, tout comme les satellites galiléens passent en transit devant le disque de Jupiter de même que les exoplanètes devant leur étoile.

A consulter : Le transit de Mercure, Le transit de Vénus, Les exoplanètes.

Configurations et terminologie

Sur le plan physique, c'est en fait une coïncidence extraordinaire qui est à l'origine du phénomène des éclipses solaires. Le Soleil est environ 400 fois plus grand que la Lune et la distance qui sépare la Lune du Soleil vaut justement à peu près 400 fois la distance de la Terre à la Lune. C'est le rapport de ces deux mesures qui explique pourquoi, de nos jours, le diamètre apparent du disque de la Lune épouse exactement celui du Soleil qui vaut 30'.

Malheureusement nos lointains descendants n'assisteront plus à ce phénomène. En effet, la Lune s'éloigne progressivement de la Terre à raison de 3.5 cm par an. Dans 600 millions d'années la Lune sera 21000 km plus loin et son ombre ne touchera plus la Terre; dans ces conditions nos éventuels descendants ne pourront observer que des éclipses annulaires et partielles.

Si les éclipses annulaires sont moins spectaculaires que les éclipses totales, elles méritent néanmoins le détour surtout quand la Lune est près du périgée. En effet au plus près de la Terre, elle couvre pratiquement le Soleil qui laisse filtrer qu'un fin liséré du plus bel effet parfois accompagné de grains de Baily. L'éclipse annulaire est encore plus spectaculaire lorsqu'elle se déroule près de l'horizon où "l'anneau de feu" ou l'arc du Soleil se déforme sous l'effet de la réfraction atmosphérique. L'anneau ou l'arc solaire se prêtant également à toutes les mises en scène derrière des silhouettes (symboles ou personnages) photographiées en gros-plan. Les images suivantes révèlent toute la beauté de ce phénomène.

A voir : Éclipses annulaires de Soleil, Flickr

Simulation de l'éclipse annulaire du 26 décembre 2019

L'appareil d'Anticythère (sur ce site)

Ci-dessus, séquence de l'éclipse annulaire du 3 octobre 2005 photographiée par Pascal Chassang depuis Poble de Tous en Espagne. Photographies réalisées avec un APN Nikon D70 équipé d'un téléobjectif catadioptrique Tamron de 500 mm f/8 muni d'un filtre solaire objectif (modèle Celestron 8). Expositions individuelles de 1/500 s à 800 ISO. Ci-dessous à gauche, l'éclipse du 20 mai 2012 photographiée depuis l'Utah par Ruben Kier en hydrogène alpha à travers une lunette solaire Lunt LS60THa équipée d'un APN Canon 60Da. Au centre et à droite, deux images de l'éclipse annulaire du 10 mai 2013 photopgraphiée depuis l'ouest de l'Australie. Au centre, un photomontage réalisé par Jia Hao au moyen d'un APN Canon ESO 5D Mark II équipé d'un zoom EF70-200 mm f/4 IS USM. Il s'agit du montage de 4 photos HDR exposées 1/500 s à f/5.6, 200 ISO. Pour cette photo, l'auteur fut élu "Astrophotographe de l'Année 2013" par l'Observatoire Royal de Greenwich. A droite, une photo des grains de Bailly réalisée par Tony O'Brien au moyen d'un APN Canon EOS 550D équipé d'un zoom Sigma de 150-500 mm APO H5M fixé sur 370 mm. Exposition de 1/250 s à f/6.3, 400 ISO.

Lorsque la Lune s'interpose et s'aligne progressivement entre la Terre et le Soleil, nous pouvons assister à trois types de phénomènes :

- L'éclipse totale où nous discernons les grains de Baily, la couronne solaire et les protubérances émanant de son limbe,

- L'éclipse annulaire qui se produit lorsque la Lune, sur son orbite elliptique, est au plus loin de la Terre. Un fin liseré lumineux apparaît autour de la Lune dont le relief se découpe dans toute sa netteté. "L'anneau de feu" est le plus étroit lorsque la Lune est au périgée (au plus près de la Terre),

- L’éclipse partielle, quelquefois partie intégrante d’une éclipse annulaire ou totale.

Si une éclipse solaire totale dure au maximum 7m 58s lorsque la Lune est à l'aphélie, une éclipse solaire annulaire à l'apogée peut durer 12m 8s comme ce fut le cas le 22 décembre 178 avant notre ère (cf. l'appareil d'Anticythère). De telles durées sont toutefois extrêmement rares, même sur une période d'une centaine de Saros.

La grandeur ou magnitude d’une éclipse partielle est définie comme le pourcentage du diamètre du Soleil obscurcit au moment du maximum. Pour les éclipses totales et annulaires, la magnitude correspond au rapport entre les diamètres apparents de la Lune et du Soleil. Il est évident que la magnitude d’une éclipse totale sera au moins égale à l’unité.

La ligne d'ombre médiane projetée sur la Terre est appelée ligne de centralité. Sa largeur au sol est au maximum de 274 km et s’étend sur plus de 10000 km à travers continents et mers à la vitesse de 2850 km/h, une vitesse que seuls les avions supersoniques peuvent atteindre pour profiter du spectacle pendant une heure ou deux. Nous verrons toutefois que la prise de vue depuis un avion (comme depuis un bateau) présente quelques inconvénients.

A consulter : Solar Eclipse, NASA

Les Canons des Eclipses Solaires depuis 5000 ans, X.Jubier

A gauche, la géométrie d'une éclipse solaire (les proportions ne sont pas respectées). Au centre, l'éclipse totale du Soleil du 25 avril 2023 photographiée à 100 km d'altitude au-dessus de la surface lunaire par la sonde spatiale japonaise Hakuto-R de iSpace. A droite, l'ombre de l'éclipse totale de Soleil du 11 août 1999 photographiée depuis la station Mir. Documents T.Lombry, iSpace et Mir/CES.

Mathématiquement, compte tenu des mouvements orbitaux du Soleil et de la Lune par rapport à la Terre, chaque année il y a entre 2 et 7 éclipses solaires, contre 3 éclipses de Lune. Compte tenu de l’inclinaison de l’orbite lunaire, égale à 5°08', la Lune doit obligatoirement se situer en deçà de 1°34'13" dans l'axe Terre-Soleil pour qu'il y ait ne fut-ce qu'une éclipse partielle.

A ce propos, le soir près de l'équateur, l'échancrure entame le disque solaire par le bas, tandis qu’au nord du cercle polaire, lorsque l'éclipse a lieu pendant le jour solaire aux environs de minuit, l'ombre de la Lune peut se déplacer vers l'ouest sur la surface de la Terre.

Etant donné l'alignement Terre-Soleil à l'époque des éclipses totales, il y a toujours une éclipse de Lune deux semaines avant ou deux semaines après une éclipse totale de Soleil.

Les effets de bord

A l'écart de la ligne de centralité, l'éclipse dure moins longtemps (ligne noire) mais les effets de bords (ligne bleue) tels que les grains de Baily persistent plus longtemps. Ces effets connexes sont les plus longs à 95% de la distance à la ligne de centralité. A cet endroit distant de quelques kilomètres du centre, l'éclipse dure un tiers du temps qu'elle dure le long de la ligne de centralité mais les effets connexes sont beaucoup plus spectaculaires. Document Tom Van Flandern.

Parmi les effets que l'on observe au sol pendant une éclipse de Soleil, citons les ombres du feuillage en forme de croissant comme on le voit ci-dessous à gauche qui sont très étonnantes et très facile à photographier.

En revanche, les ombres volantes sont très difficiles à observer. Connues depuis plus d'un siècle comme en témoigne ce dessin réalisé durant l'éclipse du 22 décembre 1870 en Sicile, il s'agit de bandes sombres plus ou moins parallèle qui se déplacent au sol, plus facilement obserables sur une surface lisse et blanche. Comme la chaleur d'un radiateur crée des turbulences qu'on peut observer sur un mur clair, les zones de différentes densité de l'atmosphère se déplacent et peuvent occassionnellement concentrer ou diffuser la lumière du Soleil, créant des bandes très légères d'ombres et claires sur le sol ressemblant à des vagues dont voici une photo. Les photographes étant plus préoccupés par la photographie du Soleil, à ma connaissance seuls une poignée de personnes ont photographié ce phénomène. Les ombres volantes étant fugaces et de faible contraste, il est recommander de les photographier à vitesse et sensibilité élevées (par exemple 1/125 s à 200 ou 400 ISO). Ces ombres volantes furent notamment firmées durant l'éclipse du 21 août 2017 (voir la vidéo ci-dessous).

Il existe également un autre phénomène que l'on mentionne peu souvent car les observateurs ont plutôt la tête en l'air à ce moment là... Lorsque le Soleil ne forme plus qu'un fin croissant quelques minutes avant et après la totalité, les ombres projetées au sol par les objets (télescope, etc) changent d'apparence. En pleine lumière leurs contours sont relativement estompés en raison du diamètre apparent du Soleil. Mais lorsque celui-ci prend une forme similaire à celle de l'étroite fente d'un spectroscope, l'ombre qu'il porte sur les objets devient excessivement nette, comme si elle était coupée au couteau. Cela vaut la peine d'être photographié ou firmé et comparé à une situation normale.

A voir : Shadow Band, John O'Neill, 2017

A lire : The Enigma of Shadow Bands, Johanan J. Codona, AT&T, S&T 1991

Les phénomènes connexes à l'éclipse

Ci-dessus à gauche, la lumière du Soleil filtrant à travers le feuillage prenait la forme de croissants pendant la phase partielle de l'éclipse du 21 août 2017. A droite, l'anneau de diamant qui apparaît aux 2e et 3e contacts, dans ce cas-ci lors de l'éclipse du 11 juin 1998. Ci-dessous à gauche, les grains de Baily qui apparaissent également au 2 et 3e contacts lorsque les rayons du Soleil se faufilent entre les reliefs de la Lune. Photo prise durant l'éclipse du 7 juillet 1991 au Mexique. Le liséré rose est la chromosphère. A droite, les protubérances roses dans la basse couronne durant l'éclipse du 11 juillet 1991 photographiée depuis Baja au Mexique. Documents Ron Caswell, Fred Espenak, Bruce Fraser et Jerry Lodriguss.

Ensuite, lors des 2e et 3e contacts, environ une heure après le début de l'éclipse, un instant avant la totalité et durant celle-ci, la lumière solaire passera à travers les vallées et les échancrures dispersées sur le bord lunaire, formant une sorte de collier de perles brillantes assez spectaculaire dénommé les grains de Baily comme on le voit ci-dessus à gauche. Ils sont plus nombreuses durant les éclipses annulaires.

Un instant plus tard surviendra l'éclipse totale lorsqu'enfin la Lune cache la totalité du Soleil. Si vous êtes seul à observer l'éclipse, au milieu de la phase totale il règnera un grand silence... et dame Nature se présentera sous vos yeux auréolée de tout son éclat; c’est l’étonnant spectacle du "Soleil noir" pour utiliser l’expression consacrée. L'émotion que l'on éprouve à cet instant est un mélange d'allégresse et d'excitation. On éprouve un bonheur intense et une nervosité sans commune mesure. Ceux qui voient une éclipse totale pour la première fois la considère souvent comme une expérience "unique au monde" à ne rater sous aucun prétexte. Et ils ont tout à fait raison !

Aux tout premiers instants, on peut parfois observer (car cela dépend de l'activité solaire) des protubérances roses qui s'étendent à partir de la chromosphère dans la basse couronne comme on le voit ci-dessus à droite et ci-dessous. Mais vues à l'oeil nu, en raison de leur petite dimension elles disparaissent dans la clarté de la couronne qui va rapidement s'illuminer et briller plus fort que la pleine Lune. Ensuite les protubérances ne seront visibles qu'au télescope ou sur les photos.

Protubérances quiescentes apparues durant l'éclipse du 21 août 2017. Photo extraite d'un film réalisé par JunHo Oh depuis Warm Springs en Orégon avec un télescope Takahashi Mewlon 18C de 180 mm f/12 équipé d'un APN compact Panasonic Lumix GX85 d'une définition de 4K. La vidéo est présentée sur Vimeo par son ami ByongJun Jeong. La couleur rose est naturelle et surprend toujours les observateurs, même les astronomes.

Rappelons que la couronne que l'on voit à l'oeil nu ou dans un télescope correspond à la composante E qui est aussi la plus brillante de la couronne mais qui ne s'étend que sur 1 rayon solaire soit environ 700000 km au-dessus de la photosphère. Les autres composantes qui s'étendent jusqu'à 6 rayons solaires ne sont visibles que par photographie. Au-delà il faut d'autres moyens (spectroscope ou radiotélescope). On y reviendra.

Dans l'Antiquité, selon l'auteur Barry Hetherington, c'est l'historien byzantin Leo Diaconus qui vécut au Xe siècle qui aurait été le premier observateur à décrire la couronne solaire lors de l'éclipse totale du 22 décembre 968 à Constantinople (Istanbul). Voici comment il l'a décrit :  "On a pu voir le disque du Soleil, sombre et sans lumière, ainsi qu'une faible brillance ayant la forme d'un mince anneau encerclant le bord du disque."

C'est également au Moyen-Âge que remonterait l'observation à l'oeil nu des premières protubérances avec l'observation de l'éclipse totale du 1 mai 1185 décrite dans la "Chronique de Novgorod" : "Le premier jour de Mai, à la 10e heure de la journée, à la cloche du soir, le Soleil est devenu sombre pendant plus d'une heure et il y avait des étoiles. Ensuite il a brillé à nouveau et nous étions contents" (page 32). Dans une autre version l'auteur précise : "Le Soleil a pris l'apparence de la Lune et de ses cornes sont ressorties quelques chose ressemblant à des braises ardentes."

Le Soleil noir

Pendant une éclipse de Soleil, la clarté du jour diminuera déjà sensiblement (5%) 10 minutes après le début de la phase partielle. Ensuite, au bout d'une heure environ, durant le court lapse de temps que dure l'éclipse totale, la luminosité aura chuté de 88000 à 350 Lux. La "nuit" sera tombée sur votre région dans un cercle large de 274 km maximum et de ce fait l'horizon restera étonnament lumineux et généralement jaunâtre comme on le voit ci-dessous voire orangé si l'observation se fait peu après l'aube ou avant le crépsucule.

Atmosphère d'ambiance

Ci-dessus, deux photographies de l'éclipse totale de Soleil du 20 mars 2015 photographiée au Svalbard. A gauche, photo prise par Stan Honda de l'AFP. A droite, un filé très original réalisé par Thanakrit Santikunaporn avec un APN Nikon D800 équipé d'une optique de 50 mm f/1.4 à 400 ISO. Ci-dessous, l'aspect du ciel à l'approche de l'ombre projetée sur la Terre lors d'une éclipse totale. Ces deux images ont été prise au Montana (USA) lors de l'éclipse totale du 26 février 1979 avec un boîtier Minolta SRT-101 équipé d'un objectif de 16 mm f/2.8. A gauche, 65 secondes avant la totalité, pose de 1/15 s à 100 ISO. A droite, 10 secondes avant la totalité, pose de 1/4 s à f/4. Documents Eclipsechaser.

Les étoiles brillantes et les principales planètes apparaîtront. Ainsi en 2017, Mercure, Mars, Vénus et Jupiter étaient visibles à quelques degrés du "Soleil noir" ainsi que l'étoile Régulus tout près de la couronne.

La température chutera de plus de 15° et l’humidité relative peut passer de 40 à 80%. Le vent peut tomber et malheureusement, si le ciel est nuageux, un gros nuage peut transiter au moment de l'éclipse et s'arrêter juste devant le Soleil... au moment de la totalité ! C'est ce qui arrive régulièrement à plus d'un observateur, y compris à des astrophotographes avertis mais malchanceux ou imprévoyants n'ayant pas considéré le facteur météo comme primordial.

La phase de totalité

La phase de totalité dure vraiment peu de temps, tout au plus 7m 58s si la Lune est à l'aphélie, l'ombre passant par l’équateur. Mais cela n'est encore jamais arrivé depuis dix mille ans[2]. En général, nous sommes gratifiés de seulement 2 à 3 minutes de totalité.

Comme évoqué, les États-Unis connurent leur dernière éclipse totale de Soleil le 21 août 2017, la première depuis 1963 mais qui avait seulement touché le Maine situé à l'extrême nord-est des États-Unis. Cette fois l'éclipse traversa tout les Etats-Unis d'ouest en est et fut probablement l'éclipse la plus médiatisée du monde notamment en raison de sa diffusion en direct sur les réseaux sociaux. La phase de totalité dura 1m 51s en Oregon et 2m 40s près de Carbondale en Illinois.

A voir : Eclipse 2017, NASA

Modélisation de l'éclipse totale de Soleil du 21 août 2017

par Predictive Science avec le support du superordinateur Pléiades de la NASA

L'éclipse du 21 août 2017

A gauche, simulation de l'éclipse totale de Soleil du 21 août 2017 établie le 14 août par Predictive Science avec le support du superordinateur Pléiades de la NASA. Au centre, une photo composite prise par Alan Dyer depuis Teton Valley près de Driggs en Idaho avec une lunette Astro-Physics de 106 mm équipée d'un réducteur focal de 0.85x (soit 500mm ou f/5) et d'un APN Canon EOS 6D Mark II. Expositions entre 1/1600 et 1 s à 100 ISO. Il s'agit du compositage de 7 images. On distingue des jets s'étendant jusqu'à plus de 3.5 millions de kilomètres. L'étoile en dessous à gauche est Régulus (α Leo, Mv. 1.35), celle plus pâle au-dessus à droite est v Leo (27 Leo, Mv. 5.25). A droite, une photo prise par Brian Baughman depuis Salem en Oregon avec un APN hybride Sony ICLE-6000 équipé d'un zoom Sony FE 70-300 f/4.5-5.6G fixé sur 300 mm. Exposition de 1/8 s à f/5.6, 100 ISO. Ci-dessous à gauche, une photo prise par Joshua Snow depuis l'Idaho. Au centre, une photo générale prise par Aubrey Gemignani de la NASA depuis Madras en Orégon avec un Nikon D5 équipé d'un zoom de 17-35 mm f/2.8 fixé sur 19 mm (champ de 97° en format FX). Il s'agit de photos multiples exposées 1/500 s à f/8 et juxtaposées à intervalle d'environ 8 minutes puis 1/2 s d'exposition pour phase de totalité à 640 ISO. A droite, une photo prise par Aubrey Gemignani de la NASA depuis Madras en Orégon à 13h20m40s locale avec un Nikon D800 équipé d'un téléobjectif de 600 mm f/4. Exposition de 1/8s à f/10, 125 ISO.

En Europe occidentale, la dernière éclipse totale sur le continent eut lieu le 11 août 1999 où nous fûmes gratifiés de 2m 27s de totalité. Exceptionnellement et pour la seule fois de ma vie je pouvais observer une éclipse totale de mon jardin ! Mais c’est le ciel de Turquie avec une couverture nuageuse inférieure à 20% en moyenne qui fut le site le plus propice à son observation.

Ensuite, il y eut l'éclipse totale de Soleil du 20 mars 2015 dans l'Atlantique nord qui se déroula notamment entre le Svalbard, les îles Feroé et l'Islande dont la totalité durant 3m 46s (voir photos page précédente).

Si vous habitez en Europe occidentale et si vous n'avez jamais vu d'éclipse totale de Soleil, la prochaine éclipse totale visible en Europe aura lieu le 12 août 2026 (voici un résumé des conditions et la calculatrice solaire) où le nord de l'Espagne jusqu'aux îles Baléares seront gratifiés jusqu'à 2 min 18s de totalité à 19h45 locale (le maximum aura lieu à l'ouest de l'Islande par 65°13.5'N, 25°13.7'O). Le Soleil sera alors au sud-ouest (248° d'azimut) à 25.8° d'élévation. Si vous avez raté l'éclipse de 1999, ce sera une occasion à ne pas manquer. Vous en garderez une souvenir inoubliable.

Un conseil : vérifiez les conditions météos locales avant de vous installer dans un endroit précis. Il serait décevant que le ciel soit nuageux juste au moment de l'éclipse. Mais n'attendez pas 2026 car il y a pratiquement tous les deux ans l'occasion d'observer une éclipse totale quelque part sur la Terre.

L'éclipse du 11 août 1999

A gauche, image prise depuis la Turquie par Haruki Kamiyama avec un téléobjectif de 125 mm f/3.8. Au centre, une image composite prise par Fred Espenak depuis le lac Hazar en Turquie au moyen d'une lunette Vixen de 90 mm f/9 Fluorite équipée d'un appareil photo muni d'une pellicule Kodak Royal Gold 100. Il s'agit du compositage de 22 images. A droite, une image composite prise depuis la France par Luc Viatour au moyen d'une lunette Vixen de 100 mm f/10 équipée d'un boîtier Nikon FE2 muni d'un film Fuji Velvia 50.

Malgré les apparences, toutes les éclipses totales de Soleil ne sont pas identiques pour la simple raison que l'activité solaire varie au cours du temps et d'un cycle solaire à l'autre. Ainsi, comme on le voit sur les photos présentées ci-dessus, la forme de la couronne est quasiment symétrique aux alentours du maximum du cycle solaire (durant les 2-3 ans avant et après le maximum) et présente relativement peu de grands jets équatoriaux avec des brosses ou plumes polaires assez nombreuses et étendues. Ce sera vraisemblablement le cas durant l'éclipse de 2026 qui coïncide avec un maximum solaire où on peut s'attendre à observer une couronne symétrique, assez similaire à celle de l'éclipse de 1999.

En revanche, lors du minimum du cycle solaire, c'est-à-dire 5-6 ans après le maximum, l'activité solaire faiblissant, la couronne devient asymétrique avec de grands jets ou courants émis à partir de la région équatoriale et relativement moins de jets aux latitudes solaires plus élevées avec une coupure près des pôles où ne subsiste que quelques plumes polaires caractéristiques.

Deuxième partie

Photographie

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[1] J.R.Roy, “L’astronomie et son histoire”, Masson, 1982, p59.

[2] On atteignit tout de même les 7 minutes lors de l’éclipse totale du 11 juillet 1991 (basse Californie-Hawaii).


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