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A la recherche des exoplanètes

Une mini-Neptune d'hélium dont le noyau est probablement rocheux escortée d'une lune rocheuse. Document T.Lombry.

Les mini-Neptunes (V)

La vallée du rayon et l'effet de l'hélium

Pourquoi les exoplanètes de la classe des mini-Neptunes (ou sous-Neptunes) se divisent grosso-modo en deux catégories, d'un côté celles ayant un rayon de 1.4 R, de l'autre celles ayant 2.5 R ? Comme expliqué précédemment, on constate une pénurie d'exoplanètes ayant des rayons compris entre 1.5 et 2.2 R, formant ce qu'on appelle la "vallée du rayon". Ce phénomène semble refléter quelque chose de fondamental sur la nature, la formation et l'évolution des planètes, des conditions que les scientifiques ont réussi à reproduire grâce à des simulations.

Beaucoup d'exoplanètes sont des mondes géants mais contrairement à ce qu'on observe dans le système solaire de nos jours, certaines se situent très près de leur étoile avec des périodes orbitales de quelques jours seulement.

 Pour expliquer ce mystérieux écart de taille, à l'image des super-Terres qui s'entourent d'une épaisse atmosphère de vapeur d'eau en migrant vers leur étoile, dans le cas des mini-Neptunes, l'hélium pourrait constituer près de la moitié de la masse de l'atmosphère des exoplanètes géantes qui ont migré près de leur étoile (cf. la migration planétaire).

Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2023, le doctorant Isaac Malsky de l'Université du Michigan et ses collègues proposent une nouvelle interprétation de la "vallée du rayon" : cet écart de taille suggère qu'il pourrait signaler une abondance croissante d'hélium dans l'atmosphère des mini-Neptunes de 2.5 R. Si leur noyau est rocheux, il est enfoui sous une épaisse atmosphère.

Nous avons décrit quelques exemple d'exoplanètes géantes évoluant si près de leur étoile que leur surface est portée à plus de 3000°C. Leur atmosphère est littéralement arrachée par l'intensité du vent stellaire (surtout par les rayons X et UV) qui peut dépasser 50 km/s, développant une queue de gaz dans leur sillage, mettant leur noyau rocheux à nu. Il existe aussi quelques mini-Neptunes dans cette catégorie. Ces exoplanètes furent classées dans la catégorie des planètes chthoniennes (voir plus bas).

L'atmosphère de ces exoplanètes est composée (en volume) de 90% d'hydrogène et 10% d'hélium, un rapport proche de celui de Jupiter et du Soleil. Cependant, l'hydrogène étant plus léger que l'hélium, il peut s'évader plus facilement dans l'espace.

Malsky et ses collègues ont développé un modèle informatique simulant 70000 exoplanètes de tailles différentes, en orbite autour d'étoiles de classes et de températures différentes, pour déterminer quel effet produit la chaleur de leur étoile sur l'atmosphère planétaire. Comme prévu, ils ont découvert que l'hydrogène était éliminé plus rapidement que l'hélium, ce qui entraînait une diminution de l'abondance de l'hydrogène par rapport à la quantité d'hélium présente.

Dans les conditions les plus extrêmes, certaines des exoploanètes simulées avaient des atmosphères contenant plus de 40% d'hélium en masse. Ces "planètes d'hélium" occupaient l'extrémité inférieure de la plage de taille supérieure de 2.5 R soit des rayons compris entre 1.6 et 2.5 R. Qu'elles aient une atmosphère riche en hydrogène ou en hélium, la chaleur de leur étoile proche provoquait toujours le gonflement et l'expansion de l'atmosphère, augmentant le rayon de l'exoplanète. Selon les simulations, ces exoplanètes peuvent obtenir des fractions massiques d'hélium atmosphérique supérieures à 40% au terme de plusieurs milliards d'années de photoévaporation.

Les mini-Neptunes plus petites, situées de l'autre côté de la "vallée du rayon", présentant des rayons voisins de 1.4 R, perdaient tout leur hydrogène et leur hélium et ne présentaient pas d'atmosphère significative, limitant leur rayon à celui de leur noyau rocheux. Il est possible qu'ayant perdu leur atmosphère primordiale, ces astres puissent alors dégazer une nouvelle atmosphère plus fine semblable à celle de la Terre et se transformeraient en planètes rocheuses. Mais si elles évoluent beaucoup plus près de leur étoile que la Terre ne l'est du Soleil, il leur sera difficile de conserver cette nouvelle atmosphère, à moins qu'une ou plusieurs planètes géantes les attirent vers l'extérieur du système. Sans cette assistance gravitationnelle, on imagine que la plupart d'entre elles finiront comme Mercure ou pire encore.

A gauche, l'espace des paramètres masse-rayon-flux pour les exoplanètes riches en hélium en orbite autour d'étoiles G avec les positions de quelques exoplanètes connues. Au centre, la composition atmosphérique (métallicité et fraction du nombre d'hélium) des exoplanètes évolue avec une perte de masse fractionnée aux âges de 2.5, 5.0, 7.5 et 10.0 milliards d'années. Toutes les exoplanètes ont évolué autour d'une étoile hôte de classe G de 6000 K et commencé leur évolution avec des compositions solaires (X=0.74,Y=0.24,Z=0.02). Les lignes grises représentent des lignes de fractions massiques d'hélium constantes. La répartition des compositions de l'enveloppe à chaque âge de l'exoplanète reflète les différences de perte de masse cumulée de chaque modèle. Les modèles débutant avec une métallicité d'enveloppe plus élevée déplacent les compositions d'enveloppe finales vers des métallicités plus élevées. A droite, évolution des compositions atmosphériques (métallicité Fe/H et rapport He/H) exprimées en nombre de fractions d'exoplanètes ayant des températures d'homopause de 3000 K évoluant pendant 10 milliards d'années autour d'une étoile hôte de classe G. NB. L'homopause marque la limite où la diffusion moléculaire et la diffusion turbulente sont égales (en-dessous les composants non condensables/ non dissociés par le rayonnement sont uniformément mélangés). Sur Terre elle se situe à 1150 km au-dessus du niveau 1013 HpPa et est à 200 K. Sur Uranus et Neptune, au-dessus de l'homopause, l'hydrogène domine. Documents I.Malsky et al. (2023).

Dans un communiqué, Leslie Rogers de l'Université de Chicago et coautrice de cet article déclara : "Il y a tellement de types d'exoplanètes étranges et merveilleux là-haut. Cette découverte ajoute non seulement un nouveau type, mais peut avoir des implications pour comprendre l'évolution et la formation des planètes en général. Une meilleure compréhension de cette population pourrait nous en dire beaucoup sur les origines et l'évolution des planètes de taille inférieure à Neptune, qui sont clairement un résultat commun du processus de formation des planètes."

Cette nouvelle découverte soutient une étude antérieure (cf. A.Izodoro et al., 2022) qui postule que non seulement les planètes perdent leur épaisse atmosphère primordiale lorsqu'elles se rapprochent de leur étoile, mais que cette migration vers l'intérieur du système de plusieurs planètes pourrait les enfermer dans des chaînes de résonances gravitationnelles, comme des "pois piégés dans une cosse".

Comme l'était le HST avant lui, le télescope spatial James Webb (JWST) est d'une aide précieuse dans cette recherche. En effet, il est équipé de l'instrument NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) spécialisé pour détecter les gaz atmosphériques sur les exoplanètes. Le JWST a déjà à son actif la découverte de vapeur d'eau, de nuages et de brume sur l'exoplanète géante gazeuse WASP 96 b. Si la "vallée du rayon" est vraiment le résultat de planètes errant trop près de leur étoile et dont l'atmosphère est chauffée par choc, le JWST pourrait fournir des preuves spectroscopiques de l'abondance de l'hélium dans les mini-Neptunes d'environ 2.5 R.

Exoplanètes d'hélium

Rappelons que l'hélium, bien qu'il soit le deuxième élément le plus abondant dans l'univers et représente jusqu'à 28% du nombre d'atomes des vieilles étoiles (cf. l'abondance des éléments), n'a été détecté que sur une poignée d'exoplanètes.

La première est WASP 107 b découverte en 2018. C'est une super-Hot Neptune de 38 M et 0.94 Rj. Elle gravite à 0.055 UA ou 8.2 millions de kilomètres de son étoile de classe K soit sept fois plus près de son étoile que Mercure du Soleil (0.38 UA) et effectue sa révolution en seulement 5.7 jours. Sa température superficielle est de 500°C et constitue l'une des plus chaudes exoplanètes connues.

De l'hélium fut également détecté en 2022 dans l'atmosphère de la mini-Neptune TOI 560 c alias HD 73583 c d'environ 2.8 R ou 0.24 Rj soit 68% de la taille de Neptune (0.35 Rj) évoluant à 0.12 UA de son étoile naine de classe K située à 103 années-lumière du Soleil. De l'hélium s'échappe également de l'exoplanète la plus interne, TOI 560b alias TOI 560.01, une mini-Neptune de 0.95 MNep (cf. M.Zhang et al., 2022 et cette vidéo de la NASA).

Enfin, des émissions d'hélium métastable ont été détectées dans l'atmosphère de la mini-Neptune Gliese 3470 b décrite ci-dessous de 0.039 Mj évoluant à 0.036 UA de son étoile de classe M, indiquant que son atmosphère d'hydrogène et d'hélium s'échappe actuellement au taux très rapide de 30000 à 100000 tonnes par seconde, soit 0.16 à 0.53 masses terrestres par milliard d'années (cf. J.P. Nina et al., 2020 et ESAHubble).

En revanche, seul de l'hydrogène fut détecté sur TOI 1726 c alias HD 63433 c d'environ 0.24 Rj évoluant à 0.146 UA de son étoile de classe G située à 73 années-lumière du Soleil. La deuxième exoplanète HD 63433 b située à seulement 0.072 UA de son étoile ne révèle aucune émission de ce type, signifiant qu'elle a peut-être déjà perdu son atmosphère (cf. M.Zhang et al., 2022).

A gauche, une lune principalement constituée d'hydrogène (en brun) en orbite autour d'une planète gazeuse géante d'hydrogène riche en méthane et en ammoniac qui lui donnent sa couleur bleue-verdâtre. A droite, une mini-Neptune chaude hycéane dont l'atmosphère est riche en hydrogène et la surface en grande partie couverte d'eau liquide. Documents T.Lombry.

Gliese 3470 b

L'exoplanète GJ 3470 b est située à 97 années-lumière. Initialement classée parmi les Neptunes chaudes de faible masse (0.039 Mj ou 12.6 M et 4.3 R), il s'agit en fait d'une mini-Neptune gravitant autour d'une étoile naine de classe M.

En 2013, des chercheurs de l'Université de Tokyo estimaient que l'atmosphère de GJ 3470 b se compose d'hydrogène et d'hélium, la masse atmosphérique représentant entre 5 et 20% de la masse totale de la planète  (cf. A.Fukui et al., 2013) ! Par comparaison, la masse de l'atmosphère terrestre représente à peine un dix millième de pourcent (0.0001%) de la masse totale de la Terre. Le reste est constitué par le noyau qui serait rocheux ou glacé.

Illustration de la mini-Neptune GJ 3470 b située à 97 a.l. et son sillage d'hydrogène entouré de son nuage de gaz dissipé par son atmosphère. Document NASA/ESA/D.Player (STScI).

Des études ultérieures confirmèrent le fait que l'atmosphère de cette mini-Neptune contient majoritairement de l'hydrogène mélangé à un peu d'hélium et affiche une diffusion de Rayleigh, typique d'une atmosphère riche en particules en suspension pouvant être des nuages ou de la brume (cf. D.Dragomir et al., 2015).

Par la suite, on découvrit dans son atmosphère des traces d'une faible métallicité globale, du méthane appauvri, des traces d'eau ainsi qu'une diffusion de Mie, qui s'explique normalement par la présence de nuages ou de brume (cf. G.Chen et al., 2017; B.Benneke et al., 2019).

Enfin, les mesures indiquent que GJ 3470 b perd son atmosphère dont son hélium (voir plus haut). Le nuage de gaz remplit probablement tout un lobe de Roche de la planète.

Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2018, des astronomes de l'Université de Genève ont présenté les résultats de l'étude de l'atmosphère supérieure de GJ 3470 b. Selon l'astronome Vincent Bourrier du CNRS, coauteur de cet article et membre du projet européen FOUR ACES, "cette exoplanète perd l'hydrogène de son atmosphère supérieure 100 fois plus vite que GJ 436 b. C'est la première fois qu'on observe une évaporation aussi rapide et elle pourrait affecter son évolution."

Les astronomes estiment que GJ 3470 b a déjà perdu plus d'un tiers de sa masse. Jusqu'à présent, les astronomes n'étaient pas certains du rôle joué par l'évaporation des atmosphères dans la formation des Hot Neptunes qui sont finalement très peu nombreuses comparativement au nombre de super-Terres et de Hot Jupiters. La découverte de plusieurs Neptunes chaudes perdant leur atmosphère conforte l'idée que la phase la plus chaude de ces exoplanètes est de courte durée. Les "Neptunes chaudes" seraient destinées à devenir des "mini-Neptunes" ou finiraient par complètement s'évaporer pour ne laisser que leur noyau rocheux. Certaines d'entre elles éviteraient de se consumer totalement et deviendraient des super-Terres. Selon David Ehrenreich, coauteur de cet article, "cela pourrait expliquer l'abondance des super-Terres chaudes qui ont été découvertes."

Les Hot Neptunes

Les Hot Neptunes (ou Warm Neptunes) c'est-à-dire les Neptunes chaudes sont des exoplanètes gazeuses similaires à Uranus ou Neptune mais dont la température de la haute atmosphère peut dépasser 1000°C. Elles s'évaporent donc à un taux très élevé.

Plusieurs "Neptunes chaudes" présentent une activité spectaculaire dont voici un bref aperçu.

Un nuage cométaire dans le sillage de Gliese 436 b

L'équipe de l'astrophysicien Alfred Vidal-Madjar du CNRS annonça en 2015 dans la revue "Nature" la découverte grâce au Télescope Spatial Hubble et l'observatoire orbital rayons X Chandra d'un nuage d'hydrogène dans le sillage de l'exoplanète Gliese 436 b (GJ 436 b) alias "Béhémoth", une "Neptune chaude" de 23 R orbitant à seulement 0.029 UA d'une étoile naine rouge (M2.5) de magnitude 11 située à 33 années-lumière. Ce système abrite 3 exoplanètes.

La pression de radiation du rayonnement UV de l'étoile proche qui atteint une vitesse de 460 km/s (cf. V.Bourrier et al., 2016; C.Villarreal D'Angelo et al., 2020) dissipe l'hydrogène de l'atmosphère de l'exoplanète qui forme une longue traînée bleue en spirale dans son sillage ressemblant à celui d'une comète. La combinaison d'une relative petite exoplanète et d'un nuage d'hydrogène aussi massif rend Gliese 436b spectaculaire et unique en son genre.

Simulations du nuage exosphérique s'échappant de l'exoplanète GJ 436 b surnommée "Béhémoth". A gauche, aspect du nuage cométaire tel qu'on peut l'observer depuis la Terre (HST). L'exopanète est le petit point noir à mi-transit à 0.8521 R* du centre de l'étoile représenté par le grand cercle noir. Le cercle en pointillé représente la limite de Roche tandis que les couleurs représentent la densité logarithmique du nuage d'hydrogène. Celui-ci s'échappe à plus de 26 km/s. Au centre, une vue polaire de la simulation tridimentionnelle. Les flèches représentent la vitesse et la direction des atomes d'hydrogène. A droite, une représentation artistique du phénomène. Le nuage présente une forte absorption dans la partie bleue du spectre (raie Lyman-alpha). Documents David Ehrenreich et al. et T.Lombry.

Selon David Ehrenreich de l'Observatoire Astronomique de l'Université de Genève (UNIGE) et auteur principal de cet article, bien que cette évaporation ne menace pas l'exoplanète, l'étoile naine était plus active dans le passé. Cela signifie que le taux d'évaporation de l'atmosphère de cette exoplanète était plus élevé durant les premiers milliards d'années de son existence. Selon les scientifiques, GJ 436 b aurait ainsi perdu jusqu'à 10% de son atmosphère.

Les scientifiques pensent que cette queue cométaire est pratiquement restée intacte durant tout ce temps car l'étoile naine rouge est relativement froide et n'émet pas suffisamment de rayonnements pour disperser le nuage.

Les calculs indiquent que l'exoplanète libère 1000 tonnes d'hydrogène par seconde, ce qui représente 0.1% de sa masse totale tous les milliards d'années. On peut donc estimer que d'autres explanètes dans le même cas mais évoluant autour d'étoiles plus chaudes libèrent des gaz à un taux bien plus élevé.

Ce type d'exoplanète est peu commun mais peut indirectement confirmer les théories de la formation des planètes rocheuses et permettre d'affiner le modèle des exoplanètes de la taille de Neptune.

Mieux encore qu'une étoile en orbite autour d'un astre effondré, ces quelques découvertes permettent d'observer directement une évasion hydrodynamique de matière.

Selon Vidal-Madjar, on a spéculé sur le fait que Vénus, la Terre et Mars auraient perdu leur atmosphère primitive au début de leur formation. Leur atmosphère actuelle aurait été reconstituée suite aux impacts des astéroïdes et des comètes ainsi qu'au dégazage du sol. Ces découvertes apportent une nouvelle bouffée d'oxygène... aux astronomes.

Notons que plus de 80% des exoplanètes découvertes à ce jour sont des "soleils ratés", des Hot Jupiters. L'observation de l'évaporation de quelques Hot Neptunes est encourageante, mais il faut étudier davantage d'exoplanètes de ce type pour créer un modèle et confirmer les prévisions. De plus, les télescopes sont trop peu puissants pour détecter les Hot Neptunes au-delà de 150 années-lumière car au-delà de cette distance l'hydrogène est caché par le gaz interstellaire. Les chercheurs envisagent donc de réserver le Télescope Spatial Hubble à la recherche d'autres traces de "fuite atmosphérique", car l'hydrogène pourrait entraîner des éléments plus lourds comme le carbone. La solution pourrait également provenir de l'hélium, dont le rayonnement infrarouge n’est pas bloqué par le milieu interstellaire. Comme nous l'avons epxliqué, c'est ici que le JWST est d'une grand utilité car il permet de détecter l'hélium s'échappant des "mini-Neptunes". Affaire à suivre.

Les exoplanètes hycéanes

Depuis 2021, les Hot-Neptunes contiennent une nouvelle sous-catégorie, les hycéanes, contraction d'hydrogène et océan (mais que certains traduisent par hycéennes). Ce sont des mini-Neptunes chaudes jusqu'à 2.6 fois plus grandes et jusqu'à 10 fois plus massives que la Terre. La température maximale de leur atmosphère est d'environ 200°C pour une pression atmosphérique qui peut être 1000 fois supérieure à celle de la Terre. Elles sont recouvertes d'un océan et d'une atmosphère riche en hydrogène. On y reviendra dans l'article consacré à la recherche de planètes habitables.

Les Ultra-Hot Neptunes

L'exoplanète LTT 9779 b fut découverte en 2019 par le télescope spatial TESS de la NASA lors d'une éclipse par son étoile hôte et fut caractérisée en détails par le spectrographe HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) installé le télescope de 3.60 m de l'ESO à La Silla et par le télescope spatial CHEOPS de l'ESA.

Le système exoplanétaire se situe à 264 années-lumière dans la constellation du Sculpteur. L'étoile hôte est de classe spectrale G7 V et est âgée d'environ 1.9 milliard d'années. Elle ressemble très fort au Soleil (1 M et 0.9 R pour une température effective de 5443 K).

L'exoplanète LTT 9779 b présente un albedo géométrique (sur toute l'étendue du spectre) record de ~0.80 contre 0.434 pour la Terre et 0.689 pour Vénus. Il est compatible avec les estimations des modèles radiatifs-convectifs. LTT 9779 b doit sa forte réflectivité à une couverture nuageuse principalement constituée de silicate (à base de silice) mélangés à des métaux comme le titane (cf. S. Hoyer et al., 2023). L'exoplanète présente un rayon de 4.7 R ou 1.7 fois celui de Neptune et la température de son atmosphère atteint 2000°C sur la face exposée à l'étoile hôte; c'est donc bien une Neptune ultra-chaude.

Paradoxalement, toute température supérieure à 100°C est trop élevée pour former des nuages d'eau et avec une température de 2000°C, son atmosphère devrait être trop chaude pour former des nuages métalliques ou de silicate. En revanche, sous cette température d'enfer, il peut pleuvoir des gouttes de titane ou de silice.

Caractéristiques du système LTT 9779 qui possède l'exoplanète ayant l'albédo le plus élevé et dont la face exposée à son étoile est portée à 2000°C. Document ESA adapté par l'auteur.

Selon Vivien Parmentier de l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA) et co-auteur de l'article référencé, "C'était vraiment un casse-tête, jusqu'à ce que nous réalisions qu'il fallait imaginer cette formation de nuages de la même manière que la condensation qui se forme dans une salle de bain après une douche chaude. Pour vaporiser une salle de bains, vous pouvez soit refroidir l'air jusqu'à ce que la vapeur d'eau se condense, soit laisser couler l'eau chaude jusqu'à ce que des nuages se forment, car l'air est tellement saturé de vapeur qu'il ne peut tout simplement plus en retenir. De même, LTT 9779 b peut former des nuages métalliques malgré sa chaleur car l'atmosphère est sursaturée en vapeurs de silicate et de métal."

LTT 9779 b boucle sa révolution en seulement 19 heures (contre 1 an pour la Terre). Notons que toutes les exoplanètes découvertes à ce jour qui orbitent autour de leur étoile en moins d'une journée sont soit des Hot Jupiters soit des planètes rocheuses inférieures à deux rayons terrestres.

Selon Vivien, la taille intermédiaire de LTT 9779 b signifie que "c'est une planète qui ne devrait pas exister". En effet, des exoplanètes comme celle-ci voient leur atmosphère s'évaporer et emportée par leur étoile, laissant derrière elles de la roche ou un noyau nu.

Selon Sergio Hoyer du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM) et auteur principal de l'article référencé, "Nous pensons que ces nuages métalliques aident la planète à survivre dans le chaud désert neptunien. Les nuages reflètent la lumière et empêchent la planète de devenir trop chaude et de s'évaporer. Pendant ce temps, être hautement métallique rend la planète et son atmosphère lourdes et plus difficiles à souffler."

Ceci dit, rappelons qu'il existe des exoplanètes beaucoup plus chaudes parmi les Hot Jupiters et les exoplanètes rocheuses décrites précédemment.

Les planètes chthoniennes

Du fait que le mécanisme d'évaporation est si distinctif, les astronomes ont proposé une nouvelle classe d'exoplanètes appelées les "planètes chthoniennes", par référence au dieu grec Khtôn, dieu des Enfers (la racine est également utilisée en français dans le mot "autochtone"), allusion au fait que son atmosphère se vide totalement de ses gaz et s'évapore dans l'espace.

Les planètes chthoniennes seraient donc constituées de noyaux contenant les résidus d'exoplanètes gazeuses géantes évaporées, y compris des mini-Neptunes, orbitant très près de leur étoile, comme Osiris. La détection d'exoplanètes similaires devrait bientôt se poursuivre au moyen de télescopes interférométriques terrestres ou placés dans l'espace.

Systèmes planétaires particuliers

WASP 103 b, l'exoplanète en forme de ballon de rugby

Il s'avère que toutes les planètes ne sont pas sphériques comme la Terre. En 2014, des astronomes ont découvert une exoplanète en forme de ballon de rugby dans la constellation d'Hercule. Cataloguée WASP 103 b, elle est déformée en raison des énormes forces de marée engendrées par son étoile hôte. C'est la première fois qu'on découvre une telle déformation sur une exoplanète (cf. S.C. Barros et al., 2021).

Illustration artistique de la protoplanète WASP 103 b. Document ESA.

Cette curieuse exoplanète fut découverte grâce au télescope spatial CHEOPS (CHaracterising ExOPlanet Satellite) de l'ESA en s'appuyant sur les données recueillies par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. Plus précisément, l'exoplanète fut détectée par la méthode du transit. En utilisant ces données, les astronomes ont pu déterminer sa déformation exacte par l'effet de marée avec une précision de 3σ ou 99.73%.

Selon Jacques Laskar, directeur de recherche au CNRS et coauteur de cette étude, bien connu pour ses simulations de la dynamique chaotique du système solaire, "C'est incroyable que CHEOPS ait pu révéler cette minuscule déformation. C'est la première fois qu'une telle analyse est faite, et nous pouvons espérer que l'observation sur un intervalle de temps plus long renforcera cette observation et conduira à une meilleure connaissance de la structure interne de la planète."

WASP 103 b évolue à seulement 0.01985 UA soit 2.96 millions de kilomètres de son étoile et boucle sa révolution en seulement 0.92 jour. Sa masse est d'environ 1.49 Mj pour un rayon de 1.528 Rj. Sa température superficielle est de 2508 K ou 2781°C; c'est une Hot Jupiter.

Depuis 2017, grâce à des analyses spectroscopiques réalisées au moyen des télescopes Gemini Nord, VLT et du télescope spatiale Hubble, plusieurs éléments ou molécules ont déjà été détectés dans son atmosphère dont le sodium, le potassium, l'eau et l'hydrogène moléculaire.

Pour déterminer sa déformation, les chercheurs ont utilisé la courbe lumineuse de son transit devant WASP 103 pour dériver les nombres de Love, des paramètres qui mesurent la répartition de la masse sur un astre (qu'on retrouve dans l'interaction Terre-Lune et l'étude des trous noirs). Leurs valeurs permettent de savoir à quel point la planète est déformée et indirectement si elle est rocheuse, gazeuse ou aqueuse. En résumé il existe 3 nombres de Love importants : h2 qui définit l'élasticité (le déplacement vertical, radial, de l'effet de marée sur le corps), k2 qui définit la rigidité et l2 qui définit le déplacement horizontal (cf.C.Z.Zhang, 1991; S.R. Dickman, 2005; thèse de S.K. Poulsen, 2009; C.Dumoulin et al., 2020).

Le nombre de Love radial pour WASP 103 b est similaire à celui de Jupiter (h2 ~1.59), ce qui suggère que la structure interne est similaire. Selon Susana Barros de l'Université de Porto, au Portugal, autrice principale de cet article et qui travailla 3 ans sur CHEOPS, "En principe, nous nous attendrions à ce qu'une planète ayant 1.5 fois la masse de Jupiter ait à peu près la même taille, donc WASP 103 b doit être très gonflée en raison du réchauffement produit par son étoile et peut-être d'autres mécanismes. Si nous pouvons confirmer les détails de sa structure interne avec de futures observations, nous pourrions peut-être mieux comprendre ce qui la rend si volumineuse. Connaître la taille du noyau de cette exoplanète sera également important pour mieux comprendre comment elle s'est formée."

Les chercheurs attendent à présent beaucoup des futures observations du télescope spatial James Webb (JWST) qui permettront de mieux comprendre la nature exacte de la déformation de cette étrange exoplanète.

TOI 3362 b, une protoplanète géante en cours de migration

La théorie de la migration planétaire fut proposée dans les années 1980 mais jusqu'ici cette hypothèse n'avait jamais été validée. Pour la première fois, des astronomes américains ont découvert une protoplanète géante qui serait en cours de migration : TOI 3362 b alias TIC 464300749 b. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans "The Astrophysical Journal Letters" en 2021 (en PDF sur arXiv) par l'équipe de Jiayin Dong de l'Université d'État de Pennsylvanie.

Illustration artistique de la protoplanète géante TOI 3362 b évoluant sur une orbite très excentrique à seulement 0.153 UA de son étoile. Document George Zhou créé avec Universe Sandbox.

L'étoile hôte HD 300730 se situe dans la constellation des Voiles (Vela) à environ 200 années-lumière du Soleil et est âgée d'environ 2.14 milliards d'années. Elle brille à une magnitude apparente de 10.9. De classe spectrale F, elle présente une température effective de 6532 K, une masse de ~1.4 M, un rayon de 1.83 R et une luminosité ~5.5 fois supérieure à celle du Soleil.

La planète TOI 3362 b fut découverte par la méthode du transit. C'est une proto-Hot Jupiter 5 fois plus massive et 1.14 fois plus grande que Jupiter qui évolue à seulement 0.153 UA soit à peine 2.23 millions de kilomètres de son étoile (contre ~0.4 UA pour Mercure). Sa période orbitale est de 18.1 jours. Elle évolue sur une orbite très elliptique (e=0.815) et très inclinée (89.1°), affichant de ce fait des températures variant entre 2000°C avec des pluies d'aluminium en été et environ 500°C en hiver.

Selon les chercheurs, "TOI 3362 b est en train de subir une migration maréale à haute excentricité [...] La valeur extrême de son excentricité pourrait s'expliquer par l'effet de la diffusion planète-planète et les interactions séculaires."

Pour rappel, il existe plusieurs manières dont une planète géante peut migrer. L'une d'elle est la migration maréale à haute excentricité qui explique pourquoi on retrouve des planètes géantes très près de leur étoile. Une planète géante qui se forme loin de son étoile (~5 UA) peut subir une perturbation gravitationnelle par une autre planète massive qui perturbe son orbite en lui donnant une forte excentricité. Au fil des révolutions orbitales, la planète subit des effets de marée gravitationnelle répétés qui finissent par dissiper son énergie orbitale, réduisant la taille de son orbite et la rendant de plus en plus circulaire.

Le même phénomène serait en train de se produire avec TOI 3362 b. Les chercheurs ont calculé qu'à terme, l'orbite de la planète devrait se réduire et présenter un demi-grand axe de ~0.051 UA quasi circulaire. Il est également possible que ce système abrite une autre exoplanète. Les chercheurs proposent donc de suivre son évolution.

De plus, la variation de la température d'équilibre de la planète et le réchauffement engendré par les forces de marée au périapse font de cette planète une cible intéressante pour la modélisation et l'observation atmosphériques. Selon les chercheurs, "Du fait que la période orbitale de la planète est proche de la limite de la sensibilité du télescope TESS, les quelques découvertes de ce type suggèrent que les proto-Hot Jupiters peuvent être assez courantes."

A gauche, l'orbite de la protoplanète géante TOI 3362 b comparée à celle de la Terre. A droite, l'excentricité orbitale en fonction du demi-grand axe de quelques planètes de moins de 13 masses joviennes gravitant à moins de 1 UA de leur étoile. La zone grisée représente le chemin de migration possible pour les demi-grands axes compris entre 0.034 et 0.1 UA délimités respectivement par la limite de Roche et le plus faible effet de marée. Documents B.Jackson/BSU et J.Dong et al. (2021) adaptés par l'auteur.

Les auteurs rappellent qu'il existe une poignée d'autres exoplanètes susceptibles de subir une migration : HD 80606b, HAT P2b et Kepler 1656 b. Tous les trois sont des proto-Hot Jupiters évoluant sur des orbites très elliptiques très près de leur étoile.

De la pluie de quartz sur WASP 17 b

L'exoplanète WASP 17 b est située à 1300 années-lumière dans la constellation du Scorpion et présente une magnitude apparente de 11.5. Elle est visible dans un télescope amateur de 115 mm de diamètre. C'est une exoplanète présentant plusieurs particularités assez rares.

WASP 17 b est l'une des plus grandes exoplanètes connues, avec un diamètre de 1.5 à 2 fois celui de Jupiter mais moitié moins massive. Elle effectue une révolution autour de son étoile sur une orbite rétrograde (elle évolue dans le sens horloger vue depuis le pôle nord de son étoile) en seulement 3.7 jours à une distance d'environ 0.05 UA soit 14% de la distance de Mercure au Soleil. C'est cette proximité de son étoile qui chauffe l'exoplanète et la fait gonfler comme un Mashmallow.

Son atmosphère présente une température d'environ 1500°C, c'est une Hot Jupiter. Elle est composée principalement d'hydrogène et d'hélium, ainsi que de petites quantités de vapeur d'eau, de dioxyde de carbone et d'autres molécules.

La pression atmosphérique est si basse et l'air si chaud que des cristaux de quartz (SiO2) solides peuvent se former directement à partir du gaz par désublimation, c'est-à-dire sans passer par une phase liquide. C'est la première fois que du quartz est identifié dans une exoplanète et la première fois que la méthode du transit permet d'identifier un type particulier de nuage sur une exoplanète.

En résumé, sur WASP 17 b, il pleut des cristaux de quartz (pour rappel, il y a probablement des pluies de diamants dans les profondeurs des atmosphères d'Uranus et de Neptune).

Techniquement, le quartz présent sur WASP 17 b est sous forme de nanocristaux, chaque cristal ne mesurant qu'environ 10 nanomètres de large soit la taille d'une nanobactérie (par comparaison un cheveux humain mesure entre 80000 et 100000 nm de diamètre ou d'épaissseur soit à peine 0.1 mm). Des observations antérieures réalisées avec le Télescope Spatial Hubble avaient suggéré qu'une brume enveloppait WASP 17 b, mais personne n'imaginait découvrir du quartz dans son atmosphère.

Le spectre de transmission de la Hot Jupiter WASP 17 b enregistré par l'instrument MIRI du JWST en 2023. Vers 8.6 microns, il affiche une bande d'absorption qui révèle la présence de quartz (SiO2) dans les nuages de l'exoplanète. Document NASA/ESA/ CSA, R. Crawford (STScI).

Autre particularité, WASP 17 b orbite si près de son étoile qu'elle subit un effet de verrouillage gravitationnel (comme la Lune vis-à-vis de la Terre), le côté éclairé restant en permanence exposé à l'étoile tandis que l'hémisphère opposée restant plongée dans l'obscurité. Cette différence de contraste engendre des vents violents soufflant à des milliers de kilomètres par heure qui font probablement circuler les grains de quartz situés du côté nocturne et le plus frais de l'exoplanète vers le côté brûlant diurne où ils se vaporisent, puis se recristallisent lorsqu'ils retournent dans l'hémisphère nocturne.

Pour rappel, les silicates ou minéraux silicatés riches en silicium et en oxygène constituent la majeure partie de la masse de la Terre, de la Lune et des planètes rocheuses du système solaire. Des silicates ont déjà été détectés dans l'atmosphère d'exoplanètes et de naines brunes ainsi que dans des météorites tombées sur Terre, mais ce matériau était constitué d'olivine et de pyroxène, riches en magnésium et en calcium, et non de silice pure comme le quartz. Les scientifiques pensent que les nanoparticules de quartz pourraient servir d'éléments de base pour former les plus gros grains de silicates existants dans les astres plus froids.

La planète orpheline

En 2012, l'ESO rapporta la découverte par une équipe internationale d'astronomes d'une planète errante nommée CFBDSIR J214947.2-040308.9, qui semble faire partie d'un courant de jeunes étoiles proches connu sous le nom de groupe en mouvement AB Doradus (ABDMG).

Les chercheurs ont découvert cet astre grâce au Télescope Canada France Hawaï (CFHT) et ont également eu recours au NTT et à la puissance du VLT de l'ESO pour étudier ses propriétés.

AB Doradus est l'amas stellaire le plus proche du système solaire. Il se situe à environ 65 années-lumière (45-100 a.l) et est constitué d'une trentaine d'étoiles se déplaçant à environ 28 km/s. Sur le plan de l'évolution stellaire, ce sont de petites étoiles jeunes (0.8 à 0.09 M) âgées entre 50 et 150 millions d'années, de classe spectrale K et M (orangée, rouge) se situant sur la pré-Séquence principale. Elles se déplacent ensemble dans l'espace et on suppose qu'elles se sont formées à la même époque. L'objet découvert se situe aux limites de cet amas, à environ 100 années-lumière.

Il subsiste toutefois une petite probabilité pour que l'association avec ce groupe en mouvement soit fortuite et liée à un effet de perspective. Si l'objet est associé à ce groupe stellaire, il est possible de déduire bien plus d'informations. D'ores et déjà les relevés effectués au télescope Keck et au NTT de l'ESO indiquent que l'astre est bien trop petit pour être une étoile naine brune. Il serait 4 à 15 plus massif que Jupiter et présenterait une température superficielle inférieure à 100°C.

A voir : Rogue Planet Has No Parent Star

A gauche, devant l'amas globulaire Terzan 5 se profile l'objet CFBDSIR J214947.2-040308.9 découvert en 2012 dans le groupe en mouvement AB Doradus (ABDMG). L'astre se situe à environ 100 a.l. et serait âgé entre 50 et 120 millions d'années. Présentant une masse comprise entre 6-15 Mj et une température superficielle inférieure à 100°C, il s'agirait d'une exoplanète orpheline (sans étoile) ou plus vraisemblablement d'une naine brune de type T associée au courant stellaire du groupe ABDMG. Son atmosphère contient du méthane et de l'eau. A droite, le système Tau Bootis situé à 49 a.l. est constitué d'une étoile blanche (F7 V) de 1.3 Ms autour de laquelle gravitent deux astres : une exoplanète de 4.3 Mj de classe Hot Jupiter gravitant à 0.046 UA seulement ainsi qu'une petite étoile naine rouge (Tau Bootis b) de 0.4 Ms gravitant à 245 UA. D'autres illustrations sont présentées dans la page "Alien worlds". Documents T.Lombry.

L'absence d'étoile brillante près de cet astre permet également aux astronomes d'étudier son atmosphère en détails. Des études de spectroscopie ont déjà permis d'identifier du méthane et de l'eau (sous forme gazeuse). On ignore encore si l'objet est réellement une planète errante ou s'il ne s'agit pas plutôt d'une naine brune de type T (Tp < 900°C), explication plus plausible. Le lien entre cet objet et le groupe en mouvement est l'élément clé qui permet aux astronomes de déterminer l'âge de cet astre estimé entre 50 et 120 millions d'années.

Il s'agit du premier objet de masse planétaire isolé au sein d'un groupe stellaire en mouvement et son association avec ce groupe en fait l'exoplanète solitaire potentielle la plus intéressante identifiée à ce jour.

Un disque moléculaire autour de l'étoile double V4046

Jusqu'à présent nous avons toujours discuté d'étoiles isolées entourées de planètes ou d'un anneau de poussière. Or ce que l'on croyait peu probable voire inexistant a été découvert en 2009 : le système binaire V4046 Sagitarii est entouré d'un disque moléculaire en rotation. En effet, comme on le voit ci-dessous à gauche, l'interféromètre SMA (Submillimeter Array) de l'Observatoire d'Astrophysique du Smithsonian (CfA/SAO) a révélé la présence d'un disque moléculaire en rotation autour du jeune système binaire dont on voit une représentation artistique ci-dessous à droite.

A gauche, image radiointerférométrique de l'anneau entourant le système V4046 Sag prise par le réseau SMA du CfA. A droite, illustration du système V4046 Sag vu depuis un hypothétique astéroïde distant. Document David A. Aguilar/CfA.

Selon l'astronome David Rodriguez aujourd'hui à l'Université du Chili et spécialisé dans l'astronomie stellaire, l'anneau entourant V4046 représente une quantité de matière d'au moins 50 masses terrestres.

Les astronomes ont déjà répertorié des anneaux protoplanétaires autour de systèmes stellaires binaires. Mais les étoiles de ces systèmes étaient très éloignées les unes des autres, de 20 à plusieurs centaines de fois la distance qui sépare la Terre du Soleil.

Dans le cas de V4016, les deux étoiles ne sont séparées que de 5983920 km, soit 1/10e de la distance qui sépare Mercure du Soleil. Pour Rodriguez, cette découverte suggère que des planètes peuvent tout aussi facilement se former autour d'étoiles doubles qu'autour d'étoiles simples comme le Soleil. En corollaire, cette nouvelle preuve augmente drastiquement le nombre potentiel de planètes pouvant exister hors de notre système solaire, sachant qu'une étoile sur deux est agencée en système binaire ou multiple, rendant les possibilités de vie ailleurs dans l'univers encore plus nombreuses.

Finalement la science-fiction comme par exemple la planète Tatooine à deux soleils de "Star Wars" n'est peut-être pas très éloignée de la réalité... Disons même qu'un jour, la réalité dépassera la fiction.

Des exoplanètes en dehors de la Galaxie

Dans le quasar RXJ1131-1231

Début 2018, pour la première fois des astronomes ont découvert des exoplanètes dans une autre galaxie. L'astrophysicien Xinyu Dai de l'Université d'Oklahoma et le postdoctorant Eduardo Gerras ont annoncé dans "The Astrophysical Journal Letters" (en PDF sur arXiv) avoir détecté grâce aux données de l'observatoire spatial X Chandra de la NASA plusieurs exoplanètes dans le quasar RXJ1131-1231 grâce aux effets d'une lentille gravitationnelle produisant quatre images autour d'une galaxie dont on voit une photo ci-dessous à gauche.

Ce quasar présente un redshift z = 0.295 et se situe à 3.8 milliards d'années-lumière. Ce quasar n'est pas inconnu car en 2010, Dai et ses collègues avaient déjà étudié cet AGN et découvert qu'il abritait un trou noir supermassif d'au moins 100 millions de masses solaires mesurant ~190 millions de kilomètres de rayon soit 1.28 UA.

C'est grâce à un effet de microlensing gravitationnel que Dai et son collègue ont pu détecter ces planètes car la lentille gravitationnelle seule ne permet pas de détecter ces petits astres beaucoup plus pâles que les étoiles. A ce jour, une cinquantaine d'exoplanètes furent découvertes dans notre Galaxie par cette technique mais c'est la première fois qu'on l'applique avec succès dans une galaxie extérieure.

A gauche, photographie d'une lentille gravitationnelle générant 4 images d'un quasar distant nommé RJX1131-1231 autour d'une galaxie (en orange, au centre). A droite, après l'effondrement du nuage protoplanétaire et la formation d'une étoile, l'accrétion du gaz et des poussières en planétésimaux, ceux-ci ont fini par former un système planétaire quelque part dans cette galaxie éloignée. Documents NASA/CXC, U.Michigan, STScI et T.Lombry.

Pour réaliser cette découverte qui est avant tout une prouesse technique alliant des télescopes et des programmes d'analyses très puissants, les chercheurs ont analysé les caractéristiques du microlensing dans les images numériques (analyse des hautes fréquences des signatures) et les caractéristiques des fluctuations d'énergie des émissions FeKα (émissions X typiques d'un AGN mais fluctuant de 30% entre ~5-8 keV), signatures qu'ils ont ensuite modélisées et comparées aux caractéristiques d'autres AGN avec et sans lentilles gravitationnelles pour aboutir à la seule conclusion possible : seule la présence de corps planétaires (organisés en systèmes ou sous forme de planètes errantes) peut expliquer les hautes fréquences et les fluctuations d'énergie observées.

Les chercheurs ont pu déterminer que la masse planétaire est supérieure à 0.0001 fois celle de la masse du halo, ce qui équivaut à 2000 objets dont la masse est comprise entre celle de la Lune et de Jupiter pour chaque étoile de la Séquence principale.

Cette découverte a évidemment réjouit les astronomes et est très encourageante car elle confirme que même s'il est impossible d'observer directement (ern optique) les exoplanètes extragalactiques, on peut utiliser la technique du microlensing et détecter des exoplanètes jusqu'à plusieurs milliards d'années-lumière !

Dans la galaxie M51

En 2020, Rosanne Di Stefano du Centre d'Astrophysique Harvard-Smithsonian avec ses collègues ont annoncé la découverte d'une possible exoplanète dans la galaxie M51 située à quelque 23 millions d'années-lumière du Soleil dans la constellation des Chiens de Chasse. Cataloguée M51-ULS-1b, il s'agit probablement d'un astre ayant ~70% le rayon de Jupiter en orbite autour d'un système binaire à une distance d'environ 0.4 UA du barycentre stellaire. Selon les chercheurs, M51-ULS-1b ne peut pas être une naine blanche ou un autre type d'étoile car le système binaire est trop jeune pour qu'un tel objet ait évolué à proximité (cf. R. Di Stefano et al., 2020; NASA).

A voir : Zoom in on M51-ULS-1, SciTech Daily, 2021

A gauche, image en fausses couleurs RGB obtenu par Chandra du système M51-ULS-1b. A droite, gros-plan sur la candidate exoplanète. Documents Chandra/ACIS-S, R. Di Stefano et al. (2020) adaptés par l'auteur.

L'observation a été possible grâce à la réunion de plusieurs conditions. Le système binaire hôte se compose d'une étoile à neutrons ou d'un trou noir qui accrète l'atmosphère d'une étoile massive. L'afflux de matière libère d'énormes quantités d'énergie, faisant de ce système l'une des sources de rayons X les plus brillantes de toute la galaxie M51. En effet, sa luminosité en rayons X est environ un million de fois supérieure (> 1039 erg/s) au spectre intégral du Soleil. Il s'agit d'une source X ultralumineuse cataloguée parmi les XRBs (Bright X-ray Binaries). L'émission X fut détectée le 20 septembre 2012 par Chandra qui détecta un transit qui dura environ 3 heures mais auquel les chercheurs n'ont pas de suite prêté attention. Il est aussi possible que ce transit soit provoqué par un nuage de matière s'effondrant sur l'objet compact et obscurcissant temporairement l'étoile.

C'est la première fois que les astrophysiciens découvrent une candidate exoplanète dans une galaxie extérieure.

Enfin, pour mémoire rappelons qu'il existe au moins 13 pulsars escortés d'une ou plusieurs exoplanètes (par ex. PSR B1620-26, PSR 1257+12 et PSR 1719-14) et plusieurs systèmes exoplanétaires sont entourés d'un anneau de débris dont le progéniteur est généralement une étoile naine blanche.

Quelques exoplanètes sous la loupe

  

Le système exoplanétaire HIP 65426 se situe à 385 années-lumière dans la constellation du Centaure. L'étoile est de classe spectrale A2 V. Elle brille à la magnitude 7.01 et présente une masse d'environ 1.96 M. L'étoile ne possède pas de disque. Elle fait partie de l'association stellaire Centaurus-Crux et serait née il y a 17 millions d'années.

L'exoplanète HIP 65426 b évolue à 87 UA de son étoile, ce qui est assez inhabituel pour une exoplanète géante, et serait âgée de seulement ~14 millions d'années. C'est une Hot Jupiter dont la température effective superficielle varie entre 1027-1327°C pour un rayon compris entre 1.0-1.5 Mj et une masse d'environ 7.1 Mj. Elle disposerait d'une atmosphère épaisse composée de poussières et de nuages. La photographie présentée fut prise à 15.5 microns à l'aide de l'instrument MIRI (IR moyen) du JWST en 2022. C'est la première exoplanète qu'il photographia. Document NASA.

  

Le système exoplanétaire TYC 8998-760-1 situé à environ 300 années-lumière dans la constellation de la Mouche (Musca) est âgé de seulement 17 millions d'années. Pour la première fois en 2020, des astronomes ont réussi à photographier deux exoplanètes géantes en orbite autour de la jeune jeune étoile dont la masse est voisine de celle du Soleil.

Les deux exoplanètes indiquées par les flèches ne ressemblent en rien à celles du système solaire. La planète intérieure est une géante de 14 Mj en orbite à 160 UA de l'étoile. L'exoplanète extérieure pèse 6 Mj et orbite deux fois plus loin. Documents ESO, A.J. Bohn et al., 2020.

  

Le système exoplanétaire HR 8799 situé dans Pégase à environ 129 années-lumière est constitué de 4 exoplanètes géantes gravitant autour d'une étoile variable de classe spectrale kA5 V λ Bootis appauvrie en fer. Les 4 exoplanètes (b,c,d,e) ont respectivement une masse d'environ 7 Mj, 10 Mj, 10 Mj et 9 Mj avec une incertitude de 30-40%. La plus proche gravite à 14.5 UA, la plus éloignée à 68 UA de l'étoile. Le système présente également un disque de débris vers 75 UA et un halo de poussières qui s'étend jusqu'à 1500 UA. C'est l'un des rares systèmes (avec Fomalhaut b et Bêta Pictoris b) où on a pu observer directement la révolution des exoplanètes au télescope. Voir aussi la vidéo sur YouTube réalisée grâce au télescope Keck d'Hawaï équipé d'une optique adaptative. Document Christian Marois/NRCC animé par Jason Wang/NExSS.

  

L'exoplanète HD 131399A b (près du centre) a été découverte par imagerie directe en 2016 grâce au VLT. L'astre se situe à environ 320 années-lumière dans la constellation du Centaure et appartient à un système qui ne ressemble à rien de connu. En effet, l'exoplanète évolue sur une orbite très excentrique à 80 UA de son étoile et appartient à un système comprenant 3 soleils dont voici une illustration des orbites. Le fait qu'elle subsiste malgré la forte instabilité de son orbite en fait un cas exceptionnel. L'exoplanète est âgée de 16 millions d'années seulement. Sa température de surface est d'environ 580°C et sa masse est estimée à 4 Mj. Voir aussi la vidéo HD sur YouTube. Document T.Botti et al./ESO.

  

L'étoile de type T Tauri CVSO 30 et son exoplanète de taille jovienne CVSO 30 b découverte en 2012 et photographiées en 2016 grâce au VLT de l'ESO. L'étoile de classe spectrale M3 est située à 1200 a.l. et appartient au groupe 25 Orionis proche de la Ceinture d'Orion. Ce système comprend deux exoplanètes, CVSO 30b de 6.2 Mj orbitant à 660 UA de l'étoile et CVSO 30c de 4.7 Mj gravitant à 0.008 UA. Document Schmidt et al./ESO.

  

Une image composite réalisée en septembre 2004 par l'équipe de Gael Chauvin de l'ESO avec le VLT montrant l'une des étoiles de l'association stellaire TW Hydrae située à 230 a.l. dans la constellation du Centaure autour de laquelle gravite une étoile naine brune baptisée 2M1207-39 b. Il s'agit en fait d'une Hot Jupiter dont la température effective superficielle (selon les modèles) est de 1327°C. Sa masse est d'environ 4 Mj et est âgée de 8 millions d'années. La séparation angulaire est de 800 mas, soit 0.8" ou 8.25 milliards de km, soit environ deux fois la distance de Neptune au Soleil. Document G.Chauvin et al./ESO.

  

L'étoile HR 8799 située à 129 a.l. dans la constellation de Pégase et l'une de ses 4 exoplanètes massives HR 8799 b découvertes en 2008 et photographiées ici en 2010 grâce au VLT de l'ESO. L'étoile de classe spectrale kA5 et 1.47 fois plus massive que le Soleil est sur la Séquence principale mais est encore entourée d'un disque de débris. L'exoplanète HR 8799 b est une Hot Jupiter d'une masse d'environ 10 Mj. Selon les modèles, sa température superficielle est supérieure à 800°C. Document M.Janson/ESO.

  

L'exoplanète TMR-1C (en dessous à gauche) photographiée par le Télescope Spatial Hubble. Elle fut découverte en mai 1998 dans le nuage moléculaire du Taureau par l'équipe de S.Terebey. Il s'agit d'une protoplanète d'une masse de 2 à 3 Mj gravitant à plus de 1000 UA (elle boucle son orbite en 40000 ans) d'un système protostellaire binaire situé à 450 années-lumière. Les deux étoiles TMR-1A et TMR-1B sont séparées de 6.4 milliards de kilomètres soit autant que la distance qui sépare Pluton du Soleil. Selon les modèles, la signature de la protoplanète correspond à une température effective de 2700 K et est un exemple typique de Hot Jupiter. La longue bande brillante dirigée vers la protoplanète est un filament de matière. A ce jour, les astronomes ne sont pas encore certains que TMR-1C gravite autour du système binaire. Selon B.Riaz et son équipe, il faut encore recueillir des données pendant une vingtaine d'années (soit jusqu'en 2033) pour être certain de son orbite. Document S.Terebey/NASA/ESA.

  

L'exoplanète OGLE-235/MOA-53 fut découverte le 22 juin 2003 à environ 17000 années-lumière dans la constellation du Sagittaire. C'est l'une des rares exoplanètes découverte par l'effet d'un micro-lensing gravitationnel agissant comme une loupe.

La masse de l'exoplanète est d'environ 2.6 Mj et gravite à une distance d'environ 5.1 UA de son étoile. Document I.Bond et al. Lire aussi l'article du JPL.

Pour découvrir des exoplanètes telluriques les astronomes comptent beaucoup sur les observatoires spatiaux. Car découvrir une poignée d'exoplanètes de la taille de Neptune est une proportion qui ne reflète certainement pas la réalité car nos moyens d'investigation nous limitent actuellement à la recherche de planètes géantes similaires à Jupiter, les planètes à l'image de la Terre restant une exception. En effet, ces petites exoplanètes sont inaccessibles aux télescopes terrestres actuels car leur taille réside en deçà de la résolution des instruments. Aussi le lancement d'ici quelques années de télescopes spatiaux interférométriques risque de bouleverser notre tableau. On peut également éventuellement compter sur des phénomènes de microlensing naturels qui permettraient, comme en 2003 avec OGLE-235 présentée ci-dessus de découvrir des exoplanètes sous la loupe d'une masse obscure située à l'avant-plan.

Cela nous conduit à examiner la probabilité de trouver des exoplanètes viables et de passer en revue les moyens d'observations actuels et futurs. C'est l'objet du dernier chapitre.

Dernier chapitre

Les chances de trouver des exoplanètes viables

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