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La Franc-maçonnerie, faits et rumeurs

Les symboles maçonniques des obédiences libérales, adogmatiques.

Des libertés d'association et de conscience (I)

Les libertés sont des droits fondamentaux en démocratie. Les constituer en droits et les respecter sont deux choses différentes, comme approuver une loi et ne pas en respecter l'esprit.

Malgré les garde-fous mis en place dans nos sociétés démocratiques et notamment en Europe pour protéger les libertés d'association et de conscience, il existe encore des îlots de résistance où l'on trouve des personnes gardant des préjugés voire éprouvant de l'animosité envers tout qui ne pense pas comme elles. L'une des victimes de cet état d'esprit est la Franc-maçonnerie.

Ainsi, pour ne citer qu'un exemple révélateur, dans un article publié en 2007 dans le quotidien français "Libération" (cf. Hiram), un journaliste se sentit obligé de préciser la qualité maçonnique d'un élu français nommé à la tête de la Fédération Socialiste de Seine Saint Denis.

Bien que les mentalités évoluent, cela n'avait rien d'étonnant de la part d'un journal français, de gauche et socialisant, qui fut même d'extrême-gauche à une époque. Ce faisant l'avocat du diable, Jiri Pragman, responsable du blog Hiram, se demandait pourquoi se devait-on préciser cette qualité alors qu'on ne citait jamais la qualité des autres élus. Pourtant, à ce que l'on sache, il n'y a rien de déshonorant à être membre d'un club de pétanque, de plongée ou de l'association Mensa ! A moins que le "problème" ne soit ailleurs, évidemment.

Trêve de plaisanterie, il faut bien constater que certaines personnes (certains journalistes, magistrats, employeurs, nationalistes, évêques, etc) dans certains pays européens (France, Belgique, Italie notamment) conservent donc des préjugés envers certaines sociétés civiles. A se demander ce que ces journalistes et autres magistrats extrémistes ont retenu de leur cours de droit et de déontologie et s'ils n'ont pas obtenu leur diplôme par procuration ! De nos jours, cette intolérance devient intolérable et mérite quelques commentaires.

Ce fait d'actualité nous offre l'occasion de recentrer le débat sur la Franc-maçonnerie, de définir ce qu'elle est réellement comme ce qu'elle n'est pas, et quels sont ses objectifs, avant d'aborder les questions "chaudes" d'actualité et son avenir.

La manière dont un certain public considère la Franc-maçonnerie est représentative de l'intolérance qui subsiste encore dans nos pays. Il faut en effet reconnaître, et nous nous expliquerons sur le sujet, que les raisons invoquées par ces personnes parfois influentes, sont rarement fondées et propagent ainsi de fausses allégations ou sentiments à l'égard des membres de la Franc-maçonnerie. Dans ce milieu fertile à toutes les interprétations et allégations, nous allons donc devoir séparer le bon grain de l'ivraie car un sérieux tri s'impose si nous voulons rétablir la vérité.

Pour bien comprendre la Franc-maçonnerie, sa raison d'être, sa philosophie, son rituel et ses pratiques, nous devons d'abord décrire ses origines et les principes qui gouvernent cet Ordre. En effet, toutes ses caractéristiques reposent sur des traditions, des principes directeurs qui ont été maintenus et respectés à travers le temps, gage de continuité et de fidélité de l'engagement du Maçon.

Ce n'est qu'une fois que nous aurons bien compris son mode de fonctionnement, que nous pourrons nous interroger sur les qualités du Franc-Maçon et sa raison d'être.

Cet article est divisé en trois parties :

- Les origines de la Franc-maçonnerie : son histoire et ses textes fondateurs (pp.1-2)

- Les définitions de la Franc-maçonnerie : l'Ordre, les symboles et les rites (pp.3-4)

- La Franc-maçonnerie et le Franc-Maçon : les préjugés, les affaires, la vie en Loge, devenir ou non Franc-Maçon (pp.5-6).

Origines de la Franc-maçonnerie

Un modèle de société idéale

Après la chute de l'Empire Romain d'Occident en 467 de l'ère commune (Rome fut conquise par Alaric et ses Goths en 410 de l'ère commune), des institutions d'obédiences chrétiennes (qui furent hostiles aux Romains) vont essayer de raviver et développer l'image du modèle impérial comme idéal de tout pouvoir politique. Encore aujourd'hui, les systèmes juridiques des pays démocratiques ne font pas autre chose que d'appliquer des règles qui trouvent leurs racines dans le Droit romain.

Peu à peu, on voit apparaître en Occident des confréries s'activant à la création de monarchies, suivies par les croisades des Eglises (Ordre des Templiers, etc). C'est dans cette mouvance politico-religieuse, qu'au cours de la Renaissance (XIV-XVIe siècle) naquit la Franc-maçonnerie opérative, c'est-à-dire basée sur le travail des maçons francs, des hommes de métier.

Faute de documents, on ignore exactement qu'elle est l'origine du nom franc-maçon. Elle pourrait remonter au XIe siècle. A l'époque, les maçons itinérants qualifiés sculptaient la meilleure pierre calcaire, celle à grain fin uniforme et suffisamment tendre pour être coupée et sculptée facilement sans se briser ni se fendre. Ce type de pierre était travaillée au ciseau et était utilisée pour les décorations les plus ouvragées et les plus fines telles que les moulures, les entrelacs et autres travaux de précision. Cette pierre était appelée la pierre franche ou freestone en anglais, qui donna le nom freestone mason et par contraction freemason d'où dérive le mot franc-maçon.

Mais étant donné que le nom français comprend le mot "franc" qui est un ancien mot signifiant "libre", selon une autre version freemason qualifie un maçon libre, qu'on l'entende au sens propre d'un Compagon bâtisseur itinérant ou au figuré dans le sens de l'individu libre de penser.

A partir du XVIIIe siècle, les Francs-Maçons avaient l'habitude d'accepter des personnages réputés dans leur loge, d'abord pour leurs connaissances en architecture puis des dignitaires locaux n'exerçant pas un métier du bâtiment, y compris des membres du clergé et de la noblesse. Ceci distingue les Freemasons des Accepted Masons mais tous deux reprenaient certaines traditions des confréries de bâtisseurs.

Toutes ces activités à la fois politique, religieuse, économique et commerciale vont se développer et s'étendre à travers l'Europe puis vers l'Est pour atteindre l'Extrême-Orient, ouvrant la voie aux échanges entre les peuples, y compris aux nouvelles idées philosophiques au sens large.

Définitions

OBEDIENCE : C'est l'organisation de tutelle des Loges maçonniques. Les Francs-Maçons appartiennent à des Loges qui sont regroupées et administrées par une obédience, également appelée "Grande Loge" ou "Grand Orient" selon leurs convictions religieuses ou philosophiques.

LOGE : Les Loges existaient avant l'Obédience. C'est le local rituel, également appelé le Temple où se réunissent les Francs-Maçons. La Loge représente aussi l'ensemble des Maçons composant un atelier.

ORDRE MACONNIQUE : groupe de Francs-Maçons appartenant à une loge ou une obédience.

TENUE : Réunion officielle de Francs-Maçons dans le temple d'une loge

ATELIER : C'est la communauté de base des Maçons. Pour travailler, les Maçons se réunissent en ateliers. Chaque atelier prend un nom distinctif selon l'activité qu'il s'assigne. Les ateliers travaillant aux 1°, 2° et 3° sont les ateliers bleus et prennent l'appellation de Loges.

PLANCHE : Travail réalisé par un Franc-Maçon sur un sujet particulier qu'il présentera ensuite à ses frères.

RITE : Désigne l'ensemble des règles et l'ordonnancement du travail en Loge. Il existe au moins 52 rites. Les obédiences peuvent en pratiquer un seul ou plusieurs différents.

INITIATION : Cérémonie rituelle par laquelle un profane est admis en Maçonnerie.

L'Ordre des Francs-Maçons va se démarquer dans ce courant par les idées libertaires de nobles Maîtres, bien sûr non maçon de métier, qui vont prôner le droit de chacun à exercer son libre examen, garantissant à chaque maçon de la confrérie la liberté de penser selon sa volonté, sans le diktat d'une autorité. Si certains y voient le début de l'anarchisme, pour les Francs-Maçons, c'est au contraire le début de la sagesse et le premier pas vers la société idéale. L'avenir leur donnera raison.

C’est en effet au sein des célèbres Loges maçonniques notamment (et des nombreuses Académies qui furent fondées à cette époque) que les intellectuels et tous les adeptes de la philosophie des Lumières vont s'interroger sur les données objectives du monde, où murissent et s’exaltent les discours sur les nouvelles organisations et constitutions.

Avec le temps, la Franc-maçonnerie qui était jusqu'ici empreinte d'une idéologie sociale devint plus libérale et se voua au progrès de l'humanité. C'est dans ce cadre que les élites imaginèrent ce qui deviendra l’industrialisme (un système où la machine remplace avantageusement l'outil et l'homme) et la République, sans pour autant parvenir à créer cette cité idéale, une utopie dans le sens libertaire du terme.

Ceci étant précisé, pour bien comprendre la philosophie maçonnique, ses traditions, comment elle a pu subsister à travers les âges et participer au progrès de la société, il faut revenir en détail sur son passé, sur les textes (réglements, statuts et autres constitutions) et les motivations des pères fondateurs ainsi que sur les multiples influences qu'elle subit au cours des siècles.

Aussi je vous invite à présent à un voyage historique, tout à la fois culturel et initiatique au coeur de la Franc-maçonnerie.

Les origines historiques

L'origine de la Franc-maçonnerie reste incertaine et de nombreuses légendes flatteuses, réveillant l'égo des Maçons, courent à son sujet. On la dit héritière d'Hiram, l'architecte du Temple de Salomon, des Chevaliers Templiers, mais également de spiritualités ésotériques telles que de l'Ordre de la Rose-Croix, l'Hermétisme ou en relation avec la Kabbale (mystique juive).

Maçons du Moyen-Âge construisant un édifice féodal.

En réalité, tous les textes antérieurs au XIVe siècle ne décrivent pas précisément l'origine de l'Ordre maçonnique. Faute de traces écrites, les historiens considèrent donc qu'il n'existait pas de Franc-Maçons avant cette époque, même si beaucoup d'hommes en avaient certainement les qualités. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas eu de contacts entre ces différentes fraternités, que du contraire, ainsi que nous allons le voir.

La Franc-maçonnerie trouve son origine au Moyen-Âge, dans l'organisation corporative des tailleurs de pierre ou des ouvriers de chantiers religieux et féodaux. Elle prit naissance en Ecosse, dans la région de Glasgow et en Angleterre, à Londres.

La plus ancienne trace de cette tradition remonte à 1337, au début de la guerre de Cent Ans (opposant Anglais et Français jusqu'en 1453). L'enrolement des soldats ayant conduit à une pénurie d'ouvriers maçons sur les chantiers d'architecture gothique (religieux et profanes), les Anglais créèrent un syndicat pour fournir du travail aux maçons au chômage. 

A l'origine, cette corporation était constituée de Compagnons (des ouvriers maçons expérimentés) et de Maîtres (des architectes) et ne recevait en son sein que des Apprentis. Leur réception se faisait au cours d'un rite d'admission consistant en la lecture de l'histoire légendaire du métier, des règles morales, etc. Il n'y avait pas de transmission de secret.

Notons que les Apprentis maçons sont par définition des novices apprenant le métier. Généralement jeunes, leur apprentissage consiste notamment à observer comment travaillent les Compagnons, à réaliser le gros oeuvre, à préparer des éléments de maçonnerie ou plus simplement à servir à boire aux maçons, à nettoyer leur loge ou leurs instruments de travail. C'est également une manière de faciliter leur intégration dans le groupe et de lier plus facilement des amitiés. Le fait que les Apprentis soient nombreux sur un chantier, leur permet également de se soutenir mutuellement. Nous verrons que ces services rendus à la communauté par les "bleus" se sont perpétués jusqu'à aujourd'hui dans bien des confréries.

En 1356, suite à un conflit entre les "maçons de taille" et les "maçons de pose", les autorités de Londres publièrent un réglement municipal afin d'organiser le métier de maçon. C'est la première fois qu'un métier est organisé et obéit à des règles. Cette réglementation sera renforcée en 1481 avec la création de la "Compagnie des Maçons" à Londres qui veillera à leurs intérêts.

Ces confréries de maçons jouissaient de "franchises" qui garantissaient à leurs membres des libertés dont étaient privés la plupart des gens du peuple.

Les Anciens Devoirs (1390)

L'Ordre des Francs-Maçons repose sur le respect d'une Règle traditionnelle. Les plus anciennes transcriptions que l'on possède sont écrites en anglais médiéval et datent de 1390 (Manuscrit Regius), 1400 (Manuscrit Cooke) et 1498 (Status de Ratisbonne). Elles se trouvent dans quelque 150 documents manuscrits ou imprimés, collectivement appelés "Old Charges" (les "Anciens Devoirs" parfois également appelés les "Anciennes obligations").

Ces documents structurés sont une sorte de "dossier d'embauche" avant l'heure destiné aux maçons. Ils reprennent le mode opératoire des confréries de maçons, leur code de conduite, des explications sur leurs relations avec les Apprentis, les Compagnons et les Maître (les employeurs), l'histoire légendaire et des instructions sur le métier, y compris des représentations symboliques où figurent notamment la règle, le compas et le marteau, et même des chansons.

La Réforme Calviniste (1530)

Suite à la révolte des protestants contre le clergé catholique et le pouvoir corrompus, la Réforme Calviniste débuta vers 1530 et toucha l'Ecosse trente ans plus tard. Cette réforme de la société toucha également les confréries catholiques, au point que les Francs-Maçons devenus presbytériens ont souhaité réformer les "Anciens Devoirs" opératifs, les réorganiser pour en obtenir une nouvelle lecture, plus libérale et ouverte à l'interprétation des réformateurs.

Ces changement étaient avant tout basés sur des dialogues et des métaphores littéraires plutôt que sur les symboles graphiques des "Anciens Devoirs".

A gauche, un géomètre du Moyen-Âge. A droite, des lettres patentes (l'équivalent d'un brevet) officialisant les armoiries de la Grande Loge du Québec. Doc Public et Gouv.Ca.

Les Statuts de William Shaw (1598)

Le terme de "loge" est mentionnée pour la première fois au XIIIe siècle en Angleterre et désignait la bâtisse édifiée sur le chantier où les ouvriers maçons rangeaient leurs outils, prenaient leurs repas, se reposaient et où certains travaillaient. A partir du début du XVe siècle, la Loge désigne l'ensemble des maçons d'un chantier.

La situation est différente en Ecosse. Au XIVe siècle, apparaît une juridiction permanente qui règle l'organisation du métier. Chaque maçon obtient une "Charte d'Incorporation" (Incorporated), un acte scellé par lequel la juridiction donne autorité à un droit ou un privilège, l'équivalent du décret, du brevet ou de la lettre patente d'aujourd'hui dont voici un exemple attribué à une fondation, mais à l'époque le terme "loge" n'est pas encore utilisé.

C'est en 1598 que William Shaw, Maître des ouvrages du Roi et Surveillant général de l'Incorporation des Maçons, publie de nouveaux "Status". Désormais, il précise qu'une "Loge" (Lodge) contrôle l'admission des Apprentis, leur accès au rang de Compagnon et règle les questions morales et autre manquements au réglement.

A cette époque il existe donc deux systèmes de réglementation : l'Incorporation, pratiquée en Angleterre, et la Loge mise en place en Ecosse et qui s'étendit ensuite au Royaume-Uni. Les deux systèmes ont coexisté durant plusieurs siècles.

Prochain chapitre

L'initiation et le secret maçonnique

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