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Hommage aux Voyager et autres sondes spatiales

L'Aventure continue (II)

En 2015, Voyager 1 était à une distance de 19.5 milliards de kilomètres soit 130 UA du Soleil et suivait une trajectoire inclinée à +35° par rapport au plan de l'écliptique et grosso-modo en direction du nord et de l'Apex. Il parcourt environ 3.4 UA par an. Voyager 2 se trouvait à une distance de 16 milliards de kilomètres soit 107 UA et suivait une trajectoire inclinée à -48° sur le plan de l'écliptique et dirigée vers le sud.

En 2021, Voyager 1 se trouvait à plus de 22.7 milliards de kilomètres soit plus de 152 UA du Soleil et continuait d'envoyer des données vers la Terre. Selon un article publié dans la revue "Nature" le 4 mai 2021 (en PDF sur arXiv) par l'équipe de Stella Koch Ocker de l'Université de Cornell, les données de l'instrument PWS (Plasma Wave System) qui renseignent tous les 3 jours ou 0.03 UA (soit ~4.5 millions de kilomètres) sur la densité du plasma indiquent que la sonde spatiale évolue dans un milieu plus stable composé d'émissions du plasma interstellaire. Il y a quelques perturbations temporaires liées aux éruptions solaires. Selon James M. Cordes, coauteur de cette étude, "Le milieu interstellaire est comme une pluie douce et calme. Au moment de l'éruption solaire, cela fait comme un éclair durant un orage. Puis c'est de nouveau une pluie douce." Les chercheurs ne pensaient pas que la sonde spatiale détecterait ce bruit électrique à cette distance.

Telles des aventuriers rapportant les images du monde qui les entoure, les cheveux métalliques sous le vent stellaire, la peau dorée burinée par le Soleil et le chapeau parabolique porté bas sur le front pour éviter la lumière et les poussières, les sondes spatiales Voyager 1 et 2 s'enfoncent dans l'océan cosmique pour un voyage sans retour. Document JPL Photojournal et NASA/JPL-Caltech.

Voyager 1 a également enregistré des fluctuations de densité typiques de la turbulence régnant dans le milieu interstellaire entre des épisodes ordinaires d'oscillations du plasma. Selon les auteurs, "les mécanismes possibles pour l'émission à bande étroite incluent les oscillations de plasma excitées thermiquement et le bruit quasi-thermique" que d'autres missions pourraient confirmer et approfondir.

Mi-2022, les ingénieurs du JPL constatèrent une anomalie avec le système de contrôle d'attitude ou AACS (Attitude and Articulation Control Subsystem) de Voyager 1 qui assure assure le contrôle d'attitude de la sonde (son orientation), gère la plate-forme ainsi que l'orientation de l'antenne vers la Terre depuis 45 ans. Le problème n'a déclenché aucun système de protection contre les pannes survenues à bord, qui est conçu pour mettre le vaisseau spatial en "safe mode" (mode sans échec), un état dans lequel seules les opérations essentielles sont effectuées, ce qui donne aux ingénieurs le temps de diagnostiquer un problème. Le signal de Voyager 1 ne s'est pas affaibli non plus, ce qui suggère que l'antenne à gain élevé reste orientée vers la Terre. Selon le JPL, "Tout porte à croire que l'AACS fonctionne toujours, mais que les données télémétriques qu'il renvoie ne sont pas valides."

Après trois mois de recherche, les ingénieurs trouvèrent l'explication. Selon le JPL, "L'AACS avait commencé à envoyer les données de télémétrie par le biais d'un ordinateur de bord qui avait cessé de fonctionner il y a des années, et l'ordinateur a corrompu les informations." La solution consista à ordonner à l'AACS de basculer sur un autre ordinateur pour envoyer les données.

En 2022, les générateurs au plutonium de Voyager 1 développaient encore 417 watts (contre 474 watts lors du lancement) et disposait encore d'une puissance d'émission de 22 watts. Tant que Voyager 1 est capable de fonctionner et d'émettre, les chercheurs ont décidé de continuer à enregistrer le bruit du plasma interstellaire et éventuellement détecter des variations qui les renseigneront sur sa densité et sa distribution spatiale.

En théorie, Voyager 1 peut encore émettre jusqu'en 2025 environ. Ensuite, la sonde spatiale poursuivra son vol en silence jusqu'à sa prochaine éventuelle rencontre avec on ne sait quoi ou on ne sait qui... puisque tel est l'objectif du disque multimédia fixé sur la paroi extérieure de la sonde spatiale.

Structure schématique de l'héliosphère. Document Adler Planetarium adaptés par l'auteur.

Quant à Voyager 2, le 30 août 2007 la sonde spatiale atteignit l'enveloppe de l'onde de choc terminale et entra dans l'héliogaine (heliosheath). Outre les données sur le plasma, les membres de l'équipe scientifique de Voyager ont également recueilli des informations grâce à trois autres instruments embarqués : le sous-système à rayons cosmiques, l'instrument à particules de faible énergie et le magnétomètre qui ont bien confirmé que Voyager 2 était dans l'héliogaine large d'environ 36 UA qu'il mit plus de 11 ans à traverser.

Etant donné que le PLS (Plasma Science Experiment) est tombé en panne sur Voyager 1 dès 1980, donc 32 ans avant qu'il ne quitte l'héliosphère, tout ce que détecte dorénavant Voyager 2 est nouveau et les scientifiques sont aujourd'hui comme des aventuriers explorant un nouveau monde, en particulier Ed Stone de Caltech qui est responsable du projet.

Toutefois les scientifiques ne comprennent pas pourquoi il existe une asymétrie entre les flux de rayons cosmiques galactiques détectés aux mêmes endroits par Voyager 1 et 2. En effet, dans l'héliogaine où se trouvait Voyager 2 le nombre de rayons cosmiques diminua dans toutes les directions autour de la sonde spatiale. En revanche, selon Voyager 1 située en dehors du système solaire, seuls les rayons cosmiques galactiques se propageant perpendiculairement au champ magnétique local ont diminué. Cette asymétrie suggère que quelque chose se produit lorsque les rayons cosmiques traversent l'héliosphère. Les chercheurs dont Jamie S. Rankin de l'Université de Princeton essayent donc de comprendre pourquoi les rayons cosmiques se comportent différemment à l'intérieur et à l'extérieur de l'héliogaine.

Vers le 5 novembre 2017, Voyager 2 se trouvait à 116.167 UA du Soleil soit environ 17.4 milliards de kilomètres de la Terre.

Finalement, le 5 novembre 2018 Voyager 2 entra dans le milieu interstellaire. Grâce au PLS, Voyager 2 mesura le courant électrique du plasma et mesura la vitesse, la densité, la température, la pression et le flux du vent solaire. Jusqu'à présent, l'espace entourant Voyager 2 était principalement rempli de plasma constitué par le vent solaire. Depuis cette date, le PLS n'a plus détecté aucun flux de vent solaire. La sonde spatiale passa d'un plasma chaud à faible densité à un plasma froid de haute densité, typique du milieu interstellaire. Les caractéristiques physico-chimique de cette frontière sont identiques à celles mesurées par Voyager 1. Voyager 2 était alors à 119.7 UA du Soleil soit 17.9 milliards de kilomètres de la Terre.

Bien qu'il soit à plus de 122 UA soit plus de 18 milliards de kilomètres de la Terre, Voyager 2 peut toujours communiquer avec le réseau DSN (cf. le Tracking Schedule) mais il faut environ 17 heures (122 UA x 499s = ~16.9 hrs) pour que les informations parviennent au centre de poursuite. C'est aussi un défi technique car le signal de Voyager 2 a une puissance de 22 watts à l'émission mais les antennes du réseau DSN le captent avec une puissance très affaiblie qui est aujourd'hui tombée en dessous de -245 dBm (1 dBm = 1 mW).

Sa durée de vie de cinq ans s’étend à présent sur plus de 41 ans, faisant de Voyager 2 la mission spatiale la plus longue de la NASA.

A voir : NASA’s Voyager 2 Enters Interstellar Space, JPL, 2018

A consulter : La musique de Saturne (sur le blog)

Les émissions radio héliosphériques

capturées entre 1982 et 2003

Variation de la fréquence d'émission

du plasma en fonction de la distance

A gauche, les émissions radio héliosphériques enregistrées par la sonde spatiale Voyager 1 à 2-3 kHz produites lors de l'interaction de l'onde de choc interplanétaire avec l'héliopause, cette dernière représentant la limite entre le vent solaire et le plasma interstellaire. On reconnaît les deux sursauts produits lors du maximum d'intensité des cycles solaires de 11 ans. Cliquer sur l'image pour l'agrandir et cliquer ici pour écouter le son (.wav de 353 KB). A droite, variation de la fréquence d'émission du plasma interplanétaire en fonction de la distance (UA).

Ecoutez Junon traversant l'arc de choc de Jupiter (24/6/2016)

et pénétrant dans la magnétosphère (25/6/2016)

Le bruit de la magnétosphère de Jupiter (1979)

 Ci-dessus, deux enregistrements audio réalisés par le détecteur de plasma des sondes Voyager 1 et 2. A gauche, Voyager 1 traversant le front de choc de Jupiter (.wav de 1.2 MB). A droite, Voyager 2 traversant la magnétosphère externe de Jupiter (.wav de 900 KB). Vous trouverez des explications détaillées sur le site américain de l'Université d'Iowa ainsi que d'autres fichiers audio sur cette page.

Au cours de leur mission, la vitesse des deux sondes Voyager est passée d'une vitesse héliocentrique de 35 km/s lors de leur lancement à environ 15.4 km/s soit 55440 km/h (Voyager 2 en 2017). Elles parcourent plus de 3.3 UA par an et continuent de voir le Soleil mais manquent d'hydrazine pour modifier leur trajectoire. Si l'oxyde de plutonium de leur générateur RTG va tenir jusqu'aux environ de 2064, les thermocouples qui convertissent la chaleur en électricité vont se dégrader beaucoup plus rapidement jusqu'à ce que le signal émis tombe sous le seuil de sensibilité des instruments.

En 2019, les instruments de Voyager 2 étaient toujours alimentés par les trois mêmes RTG. Mais ces générateurs produisant moins de puissance chaque année, la sonde spatiale a commencé à se mettre en drapeau comme l'on dit et les instruments qui sont mal refroidis risquent de tomber en panne à tout moment.

Les contrôleurs de la mission ont donc dû choisir les instruments à prioriser. Comme l'annonça la NASA, en juillet 2019, après de longues discussions avec l'équipe scientifique, les responsables de mission ont décidé de désactiver le radiateur du détecteur de rayons cosmiques (CRS) de Voyager 2 dans le cadre du plan de gestion de l'alimentation.

Localisation du CRS sur Voyager 2. Document NASA.

Les scientifiques ont confirmé que l'instrument renvoie toujours des données bien qu'il soit tombé à une température glaciale de -59°C, inférieure aux -45°C à laquelle il fut testé et validé en 1977. Mais a posteriori ces instruments sont robustes car un autre instrument de Voyager continua également de fonctionner pendant des années après être tombé en dessous des températures auxquelles il fut testé.

Voyager 2 dispose encore de 5 instruments en état de marche qu'il utilise toujours pour recueillir des données et les renvoyer sur Terre. D'autres ont déjà été volontairement désactivés comme les caméras par exemple qui ne sont pas utiles car il n'y a rien à photographier ou les objets sont dans l'ombre du Soleil.

Mais pour que ces données puissent être exploitées, Voyager 2 doit disposer d'un équipement de communication fonctionnel et pouvoir pointer cet équipement vers la Terre pour les transmettre. Heureusement, le système de communication est toujours fonctionnel, mais depuis 2017 les propulseurs qui permettent de pointer le vaisseau dans une direction particulière ont commencé à se dégrader.

En 2017, les ingénieurs avaient rallumé les propulseurs de Voyager 1 qui n'avaient pas été utilisés depuis 37 ans. En juillet 2019, ils firent de même avec ceux de Voyager 2 qui furent utilisés pour la dernière fois lors de sa rencontre avec Neptune en 1989.

Entre-temps, les chercheurs de l'Université de Cornell ont réexaminé les données enregistrées par Voyageur 1 et ont découvert que la sonde spatiale a détecté une très faible émission d'ondes de plasma à bande étroite qui persiste depuis 2017. Cette émission ressemble à un son faible continu. Ces données donnent une mesure de la densité du plasma interstellaire sur environ 10 UA avec une distance d'échantillonnage moyenne de 0.03 UA soit 4.5 millions de kilomètres.

L'émission indique l'existence d'une fluctuation de densité à l'échelle de l'UA qui trace la turbulence dans les ondes plasmatiques provenant du milieu interstellaire. Cette émission peut provenir des oscillations du plasma excité thermiquement et du bruit quasi thermique. Quelle que soit son origine, cette émission peut être utilisée pour cartographier la densité du plasma à mesure que les sondes Voyager se déplacent plus profondément dans l'espace interstellaire (Voyager 2 traversa l'héliopause en 2018). Elle peut également être utilisée pour mieux comprendre l'interaction entre le milieu interstellaire et le vent solaire. Nous savons qu'il y a une augmentation de la densité électronique juste de l'autre côté de l'héliopause. Connaître plus précisément la densité du milieu interstellaire peut nous aider à comprendre l'origine de ce phénomène. Cette émission persistante fera probablement partie des sujets à clarifier par la future mission spatiale Interstellar Probe planifiée pour la décennie 2030 (cf. S.K. Ocker et al., 2021).

La Terre appelle Voyager 2

Le 29 octobre 2020 et après 8 mois d'interruption, la NASA reprit contact avec Voyager 2 au moyen de l'antenne DSS43 de 70 m de Canberra. Le signal mit plus de 17.4 heures pour lui parvenir à 18.79 milliards de km ou ~126 UA de la Terre. La sonde spatiale se déplaçait à 55161 km/h, parcourant 15.3 km par seconde. 34 heures 48 minutes plus tard, Canberra reçut le "hello" de Voyager 2 qui exécuta les commandes comme prévu.

Ce contact servit à vérifier le bon fonctionnement de la mise à jour hardware installée sur la DSS43 dont deux nouveaux émetteurs (100 kW en bande S et 80 kW en bande X) en prévision du débarquement de la rover Perseverance sur Mars le 18 février 2021.

Les deux sondes Voyager disposaient de suffisamment d'énergie pour fonctionner jusqu'en 2020 où la puissance des RTG tomba en dessous de 300 W/kg. Voyager 1 était alors à 22.1 milliards de kilomètres du Soleil soit 147.7 UA et Voyager 2 à 18.7 milliards de kilomètres soit 123 UA du Soleil.

Peu après 2021, la première ressource qui manquera aux deux sondes spatiales est la lumière du Soleil. En 2012, à la distance de Voyager 1 le Soleil brillait 3800 fois moins que sur Terre avec une magnitude visuelle de -16.3 (contre -26.7 sur Terre), c'est à peine 40 fois plus que la Lune (magnitude visuelle de -12). Bientôt notre étoile sera indiscernable dans le firmament. Le JPL et les stations terriennes de poursuite perdront alors tout contact avec les Voyager et autre Pioneer.

A gauche, l'antenne DSS43 du réseau DSN de la NASA à Canberra. A droite, aspect simulé du système solaire depuis la position de Voyager 2 le 29 octobre 2020 soit après 43 ans de voyage et parcouru ~126 UA à la vitesse d'environ 15 km/s. Document NASA/Eyes on the Solay System.

Bientôt, les deux sondes enverront leurs dernières observations sur le milieu interplanétaire et probablement leurs dernières données télémétriques. Il se peut alors que l'on découvre l'étoile Némésis ou la 9e planète qui semble perturber les trajectoires des planètes géantes.

Soulignons que bien que les deux sondes spatiales ont quitté l'héliosphère, Voyager 1 et Voyager 2 n'ont pas encore quitté le système solaire. En effet, on considère que la limite du système solaire se situe au-delà du bord extérieur du Nuage de Oort, berceau des noyaux cométaires, dont on estime qu'il commence vers 1000 UA du Soleil et s'étend jusqu'à ~100000 UA. Large de plus d'une année-lumière, les sondes Pioneer et Voyager devraient l'atteindre dans 300 ans et mettront 30000 ans pour le traverser, espérons-le sans encombre. Ensuite, Pioneer 10 passera à 3.8 années-lumière de l'étoile de Barnard, une naine rouge de type spectral M4.0 V située à 5.96 années-lumière dans la constellation d'Ophiuchus.

Où seront les sondes spatiales dans un lointain futur ?

En utilisant les données de vitesses astrométrique et radiale de la deuxième release de données de Gaia (DR2), Coryn A.L.Bailer-Jones du MPIA d'Heidelberg et Davide Farnocchia du JPL ont intégré les trajectoires de 7.4 millions d'étoiles ainsi que celles des sondes spatiales Voyager 1 et 2 et Pioneer 10 et 11 afin d'identifier les étoiles vers lesquelles elles s'approcheront. Les résultats de leur étude furent publiés dans la revue "Research Notes of the American Astronomical Society" en 2019 (en PDF sur arXiv).

Paramètres de rencontre entre les sondes spatiales et les étoiles proches situées à moins de 2 pc ou 6.5 années-lumière de chaque sonde spatiale. Voir le texte pour les explications. Document C.A.L.Bailer-Jones et D.Farnocchia (2019) adaptés par l'auteur.

Les graphiques présentés à droite indiquent les paramètres de rencontre entre les sondes spatiales et les étoiles proches situées à moins de 2 pc ou 6.5 années-lumière de chaque sonde spatiale. Chaque point indique le temps et la distance de la rencontre médiane (calculés sur les données stellaires rééchantillonnées). Les barres d'erreurs indiquent l'étendue des 5e et 95e centiles (les barres d'erreurs sont plus petites que les points dans certains cas). La couleur indique la vitesse relative au point de rencontre. Les cercles blancs ont des vitesses de rencontre médianes supérieures à 50 km/s. L'axe horizontal est le logarithme du temps de la rencontre dans le futur (la dernière donnée étant située dans 11.1 millions d'années pour Pioneer 10).

Les données de Gaia montrent que Pioneer 10 et 11 et Voyager 1 et 2 passeront à moins de 1.5 année-lumière (entre 0.2 et 0.5 pc) de quelques étoiles au cours du prochain million d'années. Avec un peu de chance, la rencontre la plus proche sera celle de Pioneer 10 qui passera à 0.23 pc ou 0.75 année-lumière de l'étoile naine HIP 117795 de type spectral K8 dans 90000 ans à une vitesse relative de 291 km/s.

D'ici là, dans 40000 ans Voyager 1 passera à 0.49 pc soit 1.6 année-lumière de l'étoile Gliese 445 (Gl 445) alias AC+79.3888 (type spectral M4.0 V) située à environ 5.2 pc soit 17 années-lumière dans la constellation de la Girafe (Camelopardalis) près de la Petite Ourse. En raison de son mouvement propre, à cette époque cette étoile sera à 3 années-lumière du Soleil et à moins d'un an de Voyager 2. La sonde Voyager 1 se dirigera ensuite vers la constellation du Serpentaire (Ophiuchus) située au sud d'Hercule.

Voyager 2 qui se dirige actuellement vers la constellation du Capricorne passera à 0.52 pc soit 1.7 année-lumière de l'étoile naine Ross 248 d'Andromède (HH And) de magnitude visuelle 11 située à 10.3 années-lumière de la Terre et dans ~ 296000 ans, elle passera à 1.3 pc soit 4.3 années-lumière de Sirius (située à 8.6 années-lumière), l'étoile la plus brillante du ciel proche de la constellation d'Orion.

Ensuite, parcourant 2.5 UA par an, dans deux millions d'années Pioneer 10 passera dans la banlieue de l'étoile géante rouge Aldébaran dans la constellation du Taureau et deux millions d'années plus tard, elle passera au large d'Altaïr, une belle étoile blanche située à environ 16 années-lumière dans la constellation de l’Aigle. 

Quant à Pioneer 11, il se dirige vers la constellation du Scutum (l'Écu de Sobieski situé en l'Aigle et le Sagittaire) et est actuellement le vaisseau spatial qui s'est éloigné le plus de la Terre, devançant Voyager 1. Ainsi que le confirma la NASA, Pioneer 11 croisera l'étoile λ Aquila dans quelque 4 millions d'années. Cette étoile bleue (type spectral B9 V) visible à l'oeil nu à la magnitude 3.43 se situe à ~125 années-lumière du Soleil.

Aux vitesses très lentes auxquelles se déplacent les sondes spatiales - entre 12 et 16 km/s et au maximum 291 km/s dans le futur - et malgré les centaines de milliards d'étoiles que contient la Voie Lactée, aucune capture par une étoile n'est attendue avant... 100 milliards de milliards d'années (1020 ans), une durée qui souligne la taille incommensurable de l'espace interstellaire et notre isolement dans l'Univers.

A voir : Animation des trajectoires de Voyager 1 et 2 en 3D

La mission des Voyager 1 et 2 - En route vers l'infini

A consulter : Voyager, The Interstellar Mission, JPL

Voyager 1 passant près de l'étoile AC+79.3888 dans la Girafe. Document T.Lombry.

Notons que la sonde spatiale New Horizons qui visita Pluton suit actuellement à peu près la même trajectoire que Voyager 2. Elle parcourt actuellement 3.1 UA par an à la vitesse héliocentrique de 14 km/s soit 50400 km/h. Elle atteindra l'héliopause en 2043.

Une leçon de modestie

Bien que ces sondes spatiales seront un jour à plus de 10 années-lumière de la Terre, ces distances bien qu'astronomiques sont dérisoires comparées aux dimensions de notre Galaxie dont le diamètre se chiffre à environ 120000 années-lumière. A 10 années-lumière, nous ne sommes encore nul part dans cet océan cosmique. Mais ce volume d'espace n'est pas totalement vide. Il y a localement, au détour d'une étoile comme Proxima du Centaure située à 4.37 années-lumière un système multiple abritant une exoplanète, même si nous savons qu'elle n'est pas viable (sa surface atteint 1200°C).

Bref, à l'endroit où seront parvenus nos Voyagers dans quelques dizaines de millénaires, il n'y a pas un îlot de vie à perte de vue ou de capteur. Cela nous force à reconsidérer avec humilité notre position dans l'univers et reconnaître l'insignifiance de notre existence dans ce concert démesuré des choses qui nous entourent.

Herb Lassen

Herb Lassen, ingénieur de la société TRW est le concepteur de Pioneer 10. Il peut poser fièrement devant son chef d'oeuvre. Cliquer sur l'image pour écouter son commentaire (fichier MP3 de 600 KB). Documents TRW/Northrop Grumman.

Seule consolation, ces sondes spatiales témoigneront durant des millions et peut-être des milliards d'années de notre existence quelque part là-bas dans l'univers et de notre science capable de communiquer à travers le gouffre de l'espace et du temps.

Poussières d’étoiles, épuisées, déviées de leur trajectoire, si elles n'entrent pas en collision avec un astéroïde égaré et ne sont pas happées par l'attraction d'une étoile, ces sondes continueront à s'enfoncer dans la Voie Lactée à 27 km/s (par rapport à la Terre, 15 km/s par rapport au Soleil), subissant une lente dégradation par le rayonnement cosmique et les poussières.

La plupart des sondes spatiales envoyées vers les planètes géantes existeront probablement encore lorsque nos descendants feront le premier pas vers les étoiles. Mais elles seront hors d'atteinte, inaudibles et invisibles.

Uniques objets construits de la main des hommes destinés au long-court galactique, pendant des éons nos vaisseaux voyageront comme les premiers aventuriers, sur de frêles embarcations perdues dans une mer infinie. Dérivants, égarées dans les cirrus interstellaires et bousculées par les vents stellaires, notre seule récompense sera d'avoir lancé dans ce vaste océan cosmique les seules oeuvres d’art du génie humain dignes d'un voyage sans fin en quête de connaissances.

A l'image des courageux pionniers des temps jadis, j'aime imaginer nos sondes spatiales comme des aventuriers aux cheveux longs fait de métal, la peau dorée burinée par le Soleil, le chapeau formé par la parabole porté bas sur le front pour éviter la lumière et les poussières, gardant dans leur mémoire de silicium le souvenir des hommes qui leur insuflèrent la vie durant quelques instants. Dans leurs yeux bleus électroniques se reflètent le Soleil, cette étoile-phare qui un jour leur servit de repère afin qu'elles ne s'égarent pas dans l'océan cosmique.

J'aimerais vous crier "Emmenez-moi vers les soleils lointains et les rivages galactiques" mais nous savons que c'est impossible. Envolez-vous ! Adieu chers aventuriers et merci. Sans regret et sans espoir de retour, vous avez réalisés un travail extaordinaire dans un esprit désintéressé, au service d'une civilisation de l'Universel. Voyagez maintenant, l’esprit libre de tout devoir, votre mission accomplie. Dans nos coeurs, votre souvenir demeurera, impérissable. Fin de transmission.

A consulter : Voyager Mission Status, NASA/JPL

Pour plus d'informations

Le système solaire (sur ce site)

L'anomalie de survol (sur ce site)

Les communications spatiales avec Mars (sur ce site)

Messages aux extraterrestres (sur ce site)

DSN Network, NASA

Animation des trajectoires de Voyager 1 et 2 en 3D, YouTube

La mission des Voyager 1 et 2, YouTube

En route vers l'infini, YouTube

Space Probes to the Outer Planets, Historic Spacecraft

Voyager 2 breaks out of the bubble, Nature, 3, 11, Nov 2019

Voyager golden record 3xLP box set

Voyager Mission Status, JPL

Voyager Weekly Report, JPL (de 1995 à aujourd'hui)

Voyager, the Interstellar Mission, JPL

Voyager Project Information, NASA/GSFC

Voyager's greetings to the universe

The spacecraft that will not die, Mark Wolverton

Flyby: The Interplanetary Odyssey of Voyager 2, Joel Davis, Atheneum, 1987

Pioneer 11, NASA

Pioneer: First to Jupiter, Saturn, and beyond, Richard O. Fimmel, NASA SP-446, 1980 (Mission Pioneer 11, en ligne)

Pioneer: First to Jupiter, Saturn, and beyond, Richard O. Fimmel, NASA SP-446, 1980 (livre)

Pioneer Odyssey, Richard O. Fimmel, NASA SP-349, 1977 (Mission Pioneer 10, en ligne)

Planetary Society (Pioneer Anomaly)

Silver Anniversary Pioneer 10, NASA/ARC

The Depths of Space: The Story of the Pioneer Planetary Probes, Mark Wolverton, Joseph Henry Press, 2004.

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