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Les
systèmes de guidage (III)
Quand
on parle d'astrophotographie, il y a deux types d'applications :
l'imagerie planétaire et l'imagerie du ciel profond. Si la première peut
facilement gérer des images instantanées prises avec des installations
relatives légères, la seconde requiert de longs temps d'intégrations (d'expositions)
et donc une monture robuste et précise. Explications.
La taille minuscule des pixels
des CCD étant minuscule, entre 2.9 et 24 microns, et sachant que le chip
complet est jusqu'à 10 fois plus petit que l'image du format 35 mm, cette
simple relation explique pourquoi une monture équatoriale robuste et un
système de mise au point précis sont indispensables pour obtenir de bonnes
images, tout spécialement en imagerie du ciel profond. On reviendra usur
la monture un peu plus loin.
Dans
ces conditions, l'amateur doit être assisté par un système de guidage
précis. Les systèmes de guidage existent sous différentes formes et
configurations, de la lunette-guide fixée en parallèle (piggyback) à
l'autoguideur équipé d'une caméra CCD dédiée.
Le
principal inconvénient des petites caméras CCD comme les webcams fixées
sur les lunettes-guides est leur faible sensibilité et leur capacité à
ne rien pouvoir détecter d'autre que des étoiles brillantes. Aussi,
choisir la bonne combinaison Optique-CCD peut faire la différence entre
réussir et râter ses photographies des objets pâles ou du ciel
profond.
Beaucoup d'accessoires peuvent assurer cette
fonction que nous pouvons rassembler dans les trois catégories suivantes :
1.
La lunette guide en parallèle sur l'instrument principal
2.
Le système de guidage hors-axe avec ou sans ordinateur
3.
La caméra CCD combinant l'(auto)guide et l'imageur.
Passons
en revue chacune de ces solutions.
1.
La lunette guide
La
première solution est la lunette guide (au sens général car il peut
s'agir d'un télescope) fixée en parallèle sur l'instrument principal
et équipée d'une caméra CCD reliée à un ordinateur, lui-même connecté
à la monture de l'instrument comme on le voit ci-dessous.
Les
avantages de cette configuration sont aussi nombreux que ses
inconvénients. En effet, parmi ses avantages, la fixation en parallèle
ne requiert qu'une seule monture et est plus souple que les autres
solutions en ce sens que l'utilisateur peut orienter la lunette guide
indépendamment de l'instrument principal vers n'importe quelle cible,
même en dehors de l'axe principal. De plus, les deux instruments étant
physiquement séparés, le faisceau lumineux de la lunette guide n'affecte
pas celui de l'instrument principal. Ainsi, l'utilisateur peut
utiliser la lunette guide sans filtre ou miroir basculant (flip-mirror) et
peut donc faire l'acquisition d'une étoile guide jusqu'à 30 % plus pâle
qu'à travers un filtre, un sérieux avantage quand on connaît la
difficulté de cette tâche à travers un filtre qui limite son
utilisation aux étoiles brillantes.
Mais
il y a également des inconvénients à utiliser une lunette guide en parallèle.
Une telle configuration fonctionne très bien lorsque les
instruments sont fixés à demeure ou l'installation rigide. Dans les
autres cas, oubliez-la ! Pourquoi ? Parce que son premier inconvénient
est la charge totale des deux instruments et leurs accessoires qui peut
être à la limite des spécifications de la monture sans parler de
l'éventuel couple de torsion (torque) sur les petites montures. Une petite
monture Vixen Super Polaris EQ-4
par exemple supporte une charge de 4 kg maximum et il n'est donc pas
envisageable de lui fixer une lunette guide traditionnelle et une caméra
CCD pesant plusieurs kilos. De toute façon la monture EQ-4
n'est pas prévue pour être pilotée par un ordinateur (elle peut juste
recevoir en option un moteur d'entraînement et une raquette de commande
pour les corrections manuelles).
Si
on peut se contenter d'une monture légère pour l'observation visuelle du
ciel, en astrophotographie il n'y a pas de compromis. Mieux vaut garder
une marge de sécurité en surdimensionnant la monture plutôt que d'utiliser
un système sous-dimensionné. La marge de sécurité est très importante sur
les petites montures et doit être de plusieurs kilos, sinon l'utilisation
d'une lunette guide, d'une caméra CCD ou d'un train-optique lourd risque
d'être pratiquement impossible. Le seul inconvénient est qu'une monture
surdimensionnée est lourde.
A
titre d'exemple, prenons la très appréciée petite lunette Takahashi FSQ-85
dont l'OTA pèse 4 kg ou la FSQ-106ED pesant 7 kg.
Plus d'un amateur l'équipent d'une lunette guide de 60 à 80 mm
pesant 1.4 à 2 kg et d'une caméra CCD pouvant peser 3 kg. L'ensemble pèse donc moins de 12 kg.
Dans cette configuration, l'idéal est d'utiliser une monture Takahashi EM200 Temma 2M
de 15 kg (hors contre-poids) qui supporte une charge de 15 kg (charge optimale), une monture
Skywatcher NEQ6 de 16 kg qui supporte une charge de 20 kg, une monture Losmandy G11G Gemini 2 de
16 kg qui supporte une charge de 27 kg voire même une monture Astro-Physics AP900 de 25 kg
qui supporte une charge de 32 kg. En poste fixe dans un observatoire et en utilisant un pilier, un amateur
averti peut se permettre d'utiliser une monture encore plus massive, mais le prix devient
vite rédibitoire.
Pour
éviter les installation portatives trop massives, certains fabricants proposent de petites
lunettes-guides pesant entre 300-500 g parmi lesquelles le kit SBIG
comprenant un téléobjectif de 100 mm f/2.8 conçu pour la caméra d'auto-guidage ST-i,
les petites lunettes Borg
FL à deux éléments en fluorite de 35 à 90 mm de diamètre f/4.5 à f/7 pesant entre 175 g et 2 kg selon
les modèles (ou les modèles apochromatiques BORG
Oasis Studio de 50 à 125 mm de diamètre souvent utilisé avec des APN) ou encore
les petites lunettes courtes Orion
de 50 mm f/3.2 (Guide Scope Mini 50) et de 60 mm f/4 (Multi-Use Guide
Scope) acceptant par exemple les caméras CCD d'auto-guidage Orion StarShoot
dont certains modèles combinant guideur et imageur présentent une
cadence allant jusqu'à 200 fps.
Quant
aux petits télescopes catadioptriques GoTo, les Celestron NexStar par
exemple tel le NexStar
5SE de 125 mm de diamètre peut utiliser la caméra CCD d'auto-guidage
NexGuide
qui va même tenir compte de l'effet de jeu de l'axe de déclinaison
(backlash) pendant l'auto-guidage. L'idéal est toutefois de placer en
parallèle l'une des petites lunette guide décrites ci-dessus pesant
moins de 500 g (~55 mm de diamètre) équipée d'une petite caméra CCD
d'auto-guidage. Toutefois, la monture n'étant pas très robuste, ses
performances en photographie du ciel profond sont limitées.
En
revanche, lorsqu'on veut tirer profit d'une grande lunette guide (à partir de
100 mm de diamètre et présentant un poids de 3 kg pour la Takahashi FC-100
DF f/7.4 APO), soit pour guider un grand instrument soit pour l'imagerie, il
est recommandé d'utiliser la lunette guide uniquement en combinaison
avec une monture allemande robuste capable de supporter de lourdes charges
et bien entendu disposant d'un module électronique pour l'auto-guidage
qui soit au moins compatible avec la SBIG ST-4. Parmi ces modèles, citons
la Sky-Watcher
EQ-5 Pro avec l'adaptateur ST-4 USB (charge maximale de 10 kg hors contrepoids), la Takahashi EM200 Temma 2M
(18 kg), la Losmandy G11 (27 kg), la
Sky-Watcher EQ8 GOTO
(50 kg), l'Astro-Physics 1200GTO (63 kg) et autre
Software Bisque Paramount ME II
(109 kg). Selon les modèles, ces montures doivent être capables de supporter deux instruments
de 150 mm de diamètre (2 OTA de 7 kg chacun) ou de 180 mm de diamètre (2
OTA de 15 kg chacun) et leurs accessoires (plusieurs kilos). On peut
également utiliser les montures altazimutales robustes à fourche (et non
celles utilisant un monobras) supportant les catadiotriques.
L'utilisation d'une
lunette guide peut également avoir un
impact sur le système d'entraînement, ce qu'on appelle la flexion
différentielle. Ce problème potentiel est plus apparent à forts
grossissements et n'est pas directement lié au poids de la lunette guide.
Durant le guidage, la lunette guide peut légèrement bouger dans ses
anneaux de fixation. De très petits mouvements (on parle d'une échelle
de l'ordre de quelques centaines de microns à quelques millimètres)
peuvent être interprétés par la CCD de guidage comme un décalage par
rapport à la position nominale et donc le système va essayer de
compenser une erreur de guidage qui n'existe pas en réalité.
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Deux
installations haut de gamme utilisées sous le ciel noir du
sud de l'Arizona. A gauche, un C14 équipé d'une caméra CCD SBIG-1301E
avec une lunette Borg 76 f/6.6 ED en parallèle. A droite, une
lunette Astro-Physics de 180 mm f/9 EDT fixée sur une monture Paramount GT-1100ME
de Software Bisque et connectées à une caméra CCD SBIG ST-10XME
refroidie par eau avec pour lunette guide une lunette apochromatique
Takahashi FSQ-106N f/5 à quadruplet fluorite équipée d'une caméra CCD
SBIG ST-237A. Documents Huachuca
Astronomy Club et Frank
Barnes. |
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Enfin,
conséquence de cette configuration, l'amateur doit acheter un second
instrument dans ce but. Si un petit téléobjectif de 100 mm peut suffire
pour les photographies de grands champs (par exemple en combinaison avec
un autoguideur SBIG ST-i ou Lodestar, voir plus bas), pour suivre avec
précision de petits objets du ciel profond au moyen d'une étoile pâle
requiert une plus grande lunette guide, habituellement de 80 à 120 mm
de diamètre et de 480 à 1000 mm de focale.
Notons
que dans tous les cas, cette solution requiert un contrôle extérieur,
d'ordinaire via un ordinateur portable relié par câbles à la caméra
CCD et à la monture.
Bien
que performante, cette solution peut être chère. Elle se démode
également ou devient obsolète en raison de l'invention du système de
guidage hors-axe et plus encore des caméras CCD intégrant le guideur et
l'imageur.
2.
Le système de guidage hors axe avec ou sans ordinateur
Tous les amateurs ne
pouvant pas s'offrir plusieurs lunettes ou télescopes, comme au bon vieux temps,
l'alternative est de ne pas utiliser de lunette guide mais d'attacher la caméra
CCD de guidage sur un diviseur optique hors axe ("off-axis guider" ou
OAG) comme on le voit ci-dessous qui pilotera seul les moteurs de la monture
pendant que l'amateur enregistrera les photographies avec la caméra CCD principale.
Dans ce cas, l'amateur a également besoin d'un ordinateur extérieur pour contrôler le système.
Plus
récemment, certains fabricants ont imaginé une solution éliminant
l'ordinateur : la caméra CCD auto-guide (par ex. la SBIG SG-4, la NexGuide
de Celestron, la StarShoot d'Orion, les modèles de Starlight Xpress, Lodestar, etc.)
qui effectue les fonctions de guidage seule, sans ordinateur extérieur. Bien
sûr, le système est alimenté et connecté à la monture motorisée du
télescope.
Mais
comment attacher tout cela ensemble ? La solution la plus simple est
d'utiliser un système de guidage hors axe tel celui présenté ci-dessous
au centre. L'alternative est d''utiliser un second petit instrument en
parallèle sur le principal comme on le voit ci-dessous à droite avec les
contraintes décrites plus haut.
A
voir : On-Axis Guiding for Astrophotography
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La caméra SBIG ST-7
de Pedro Ré
avec
miroir basculant True Technology
(2650$
+ 175$) |
Celestron
C8 CPC équipé du système
Orion StarShoot Autoguider et d'un APN
(280 € +
adaptateur et diviseur optique) |
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La
solution la plus élégante et la plus pratique est l''utilisation d'un miroir amovible ou "flip-mirror"
que l'on insert dans l'axe entre l'OTA et la caméra CCD. Si par le passé
cet accessoire était encombrant et l'est encore parfois, aujourd'hui
il existe des modèles étroits. Parmi ces OAG citons le SBIG OAG-8300,
le ONAG-XT d'Innovations
Foresight, le Giant Easy Guider de Lumicon,
l'OAG de Celestron, l'OAG de Meade et
le "thin off-axis guider" d'Orion ainsi que des modèles
plus anciens comme l'OAG de True Technology
parmi d'autres.
Cet
accessoire dispose de deux sorties et permet d'utiliser soit un oculaire-guide
lumineux réticulé à 90° soit une caméra CCD de guidage en même temps que la caméra CCD
principale ou de l'APN afin d'assurer les corrections de poursuite. Les
images ci-dessous présentent un gros-plan et une vue générale de
l'assemblage d'un système de guidage dans l'axe full-frame de dernière
génération adapté aux télescopes catadioptriques Schmidt-Cassegrain. A
droite, la version minimaliste "thin and slim" d'Orion.
A
lire : ZWO Off-Axis Guider for Astrophotography,
ZWO
The
ONAG from Innovations Foresight
(PDF), Dennis di Cicco, S&T, 2015
Avec
le temps, les fabricants ont développé de nouvelles solutions plus compactes
combinant dans le même boîtier la caméra CCD de guidage et
l'imageur CCD, éliminant l'utilisation du diviseur optique.
3.
CCD combinant (auto)-guide et imageur
Parmi
les premiers modèles de CCD combinant la sonde de guidage et l'imageur,
le système Star 2000 d'Astrovid (caméra MX5 ou MX9)
utilise un dispositif spécial divisant chaque pixel en deux moitiés qui
sont lues indépendamment l'une de l'autre; l'une intègre les longues
expositions tandis que l'autre choisit une étoile dans le champ jusqu'à
la magnitude 11 pour guider l'instrument.
Grâce
à une miniaturisation plus poussée, ces dernières années certains fabricants
ont développé une solution encore plus ingénieuse combinant cette fois un
double chip comprenant l'auto-guide et l'imageur. Comme on le voit ci-dessous,
les auto-guides/imageur modernes existent sous différentes formes et à tous
les prix (par ex. StarShoot G3 d'Orion, la PX-125C d'Opticstar, la SBIG ST-7EA et les séries STL
et STT, etc.).
D'autres
fabricants ont conçu des caméras CCD comprenant un petit miroir incliné qui
renvoit une partie du faisceau lumineux vers un port externe pouvant contenir
une CCD de guidage (par ex. SBIG STF-8300 avec FW5 et OAG, Quantum Scientific Imaging QSI 540wsg ou QSI
683wsg-8, etc.).
Reste
un problème, l'acquisition de l'étoile-guide à travers un éventuel
filtre que nous avons évoqué qui reste la principale faiblesse de la
plupart des systèmes d'auto-guidage. Pour résoudre ce problème,
quelques fabricants dont SBIG ont placé le capteur CCD de guidage dans la
roue à filtres plutôt que derrière les filtres. Avec un tel dispositif
à votre disposition, vous n'avez plus d'excuses pour sélectionner une
étoile-guide pâle.
A
lire : SBIG's
New STT-8300 Camera
(PDF), Dennis di Cicco, S&T, 2013
QHY
IC8300 CCD (double chip et connection Wi-Fi)
Inconvénient
de cette solution intégrée, si un modèle d'entrée de gamme est relativement
léger (~350 g) et bon marché (< 500 €), équipé d'une roue à filtres et
d'un système de refroidissement régulé, un modèle à double chip complet à
haute définition est bien sûr plus encombrant qu'une caméra CCD à faible
facteur de forme, plus lourd (~2.4 kg pour la SBIG STT-8300 avec sa roue à
filtres) et assez chère (~4550 € pour la SBIG STT-8300 en 2016 mais il existe
aussi des modèles à plus de 32000$). Ces modèles "dual-chip"
représentent actuellement la solution la plus performante proposée aux
amateurs pour l'imagerie du ciel profond.
Bien
entendu, aucune de ces solutions n'élimine l'ordinateur qui est toujours
indispensable pour le setup initial (sélection et acquisition des astres, mise
au point, etc.) et pour télécharger les images enregistrées par la caméra CCD
(principale ou combinée).
Concernant
l'avenir, certains constructeurs proposeront déjà des caméras
CCD Wi-Fi (le modèle AST-DU-4.3-A couleur de Astrel Instruments avec écran
tactile de 4.3" à 100 € en 2016, la QHY IC8300 à 2200$ en 2015, etc.).
On peut aussi imaginer qu'elles seront équipées d'une mémoire de masse flash
(carte SD) ce qui évita de perdre du temps après chaque prise de vue pour télécharger
l'image.
Prochain chapitre
Le
temps d'intégration
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