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L'hypersensibilisation, écrit en collaboration avec David Healy

Tests et comparaisons (II)

Les progrès récents de la photographie à haute résolution ont permis aux amateurs équipés de télescopes de 300 mm d'approcher la qualité obtenue avec les grands télescopes de plusieurs mètres d'ouverture. 

La première raison fut la mise sur le marché du film TP 2415 panchromatique par Kodak, l'ancien SO-115 utilisé pour la photographie du Soleil à haute résolution. Malheureusement en 2004 Kodak abandonna sa fabrication pour raison économique, suggérant aux amateurs d'utiliser le T-MAX100 et de le développer dans un révélateur adéquat.

Lorsqu'il est hypersensibilisé le TP 2415 ou 2415H est idéal pour l'astrophotographie, n'affichant presque aucun échec à la Loi de réciprocité. En outre il a été retenu pour son extraordinaire résolution, 320 paires de lignes par millimètres pour une sensibilité nominale de 50 ISO.

A l'origine l'amateur utilisait des plaques IIa-J puis bientôt les films spectroscopiques 103a de Kodak mais ils ne dépassaient pas, dans le cas du film panchromatique 103a-F, la résolution de 200 paires de lignes/mm. Quant aux autres émulsions rapides noir et blanc et couleur, leur résolution ne dépassait pas 80 à 175 paires de lignes/mm; leur pouvoir résolvant était en fait limité par le grain de l'émulsion qui ne permettait pas de séparer les étoiles faibles, résultat que l'on obtient assez facilement avec le TP 2415 hypersensibilisé.

Cela nous permet de dire qu'en photographie stellaire nos instruments amateurs sont de suite sensibilisés par le compromis existant entre le grain de l'émulsion et la distance focale de l'instrument (une focale de 2000 mm correspond au foyer à une résolution d'environ 100"/mm). Nous voudrions pouvoir enregistrer les plus petites étoiles du champ mais ce dernier serait alors réduit à quelques secondes d'arc.

A gauche la nébuleuse NGC7000 et Pelican photographiées par Griesser de l'observatoire d'Eschenberg de Winterthur en Suisse avec un télescope Maksutov 142/200/350 mm. 30 minutes de pose sur film Kodak 103a-E sous filtre rouge W92. A droite une image réalisée par Bob Townsend en Californie avec une lunette Takahashi E-160. Pose de 90 minutes sur film Kodak TP 2415 hypersensibilisé au gaz H/N.

Rappelons que ce compromis est contrôlé par la focale et non pas, à diamètre égal, par l'ouverture du télescope. La résolution des fins détails dans un négatif dépend donc de la distance focale F et du pouvoir séparateur de l'émulsion, R. 

Exprimant F et R en paires de lignes/mm, nous trouvons une valeur FR valant par exemple : si F = 2000 mm et R = 320 paires de lignes/mm, FR = 640 paires l/mm pour un télescope de 400 mm. Un télescope différent, utilisant un film dont le pouvoir résolvant ne serait que de 200 paires de lignes/mm demandera une distance focale résultant de 3200 mm pour obtenir la même résolution. Avec un film plus rapide, la longueur focale peut approcher 8 à 10 mètres, soit un rapport f/D compris entre 20 à 25 alors que l'on sait que les meilleurs résultats s'obtiennent aux rapports f/D inférieurs à 10 !

Ainsi, un télescope de 400 mm d'ouverture à f/5.5 utilisant du film TP 2415 produit des images comparables à celles réalisées sur les anciennes émulsions IIa-J avec le télescope de 1.5 m du mont Wilson, dont la focale résultante était de 7.6 m ou sont comparables aux clichés sur film 103a-O de 200 ISO réalisés avec le télescope de 3m de Lick au milieu des années '50 ! 

Les images atteignent presque la même magnitude et seuls les détails dans les faibles nébulosités ne sont pas aussi fins sur le TP 2415. Les images stellaires sont également un peu plus larges suite à l'extension du disque d'Airy qui reste fonction du diamètre de l'instrument. Le TP 2415 peut toutefois avoir encore une meilleure résolution sur les galaxies et les nébuleuses de réflexion s'il était uniquement sensibilisé à la lumière bleue (sans y inclure de sensibilisateurs au vert et au rouge). 

Autre avantage non négligeable, l'étendue du champ couvert par le télescope est tributaire du rapport focal de l'instrument. Ainsi si les rapports d'ouverture et les temps d'exposition sont identiques, nous obtiendrons une image de densité équivalente quel que soit le diamètre des télescopes. Pour les petits instruments de 200 à 350mm d'ouverture, le temps d'exposition devra nécessairement être plus long pour donner une image de la même qualité.

A gauche NGC 891 photographiée avec un T.400 mm sur film de 200 ISO. Pose d'une heure. A droite une photographie réalisée au télescope de 400 mm f/5.5 de l'observatoire Chamberlin par Edgart Everhart. Pose de 30 minutes sur film kodak TP 2415 hypersensibilisé. Cette image supporte la comparaison avec des clichés réalisés vers 1950 sur plaque Kodak IIIa-J au télescope du Mt.Wilson de 1.5 m d'ouverture !

D'après les recherches faites par E.Everhart, la valeur FR de 704 paires de lignes/mm est valable pour des conditions d'observations classiques mais malgré tout propices à la haute résolution. Des valeurs plus petites révèlent que le négatif souffre alors plus du grain que de l'instrument. Les valeurs supérieures à 700 paires lignes/mm seront nécessaires si l'on cherche à profiter au maximum de conditions d'observations vraiment exceptionnelles. A titre d'information, sachez que les télescopes de 5m du mont Palomar et de 3m de Lick ont une valeur FR = 5200 paires de lignes/mm avec le TP 2415 mais qui tombe à 1300 avec le film 103a-O ! Au vu des clichés obtenus, il semble qu'en distance focale de 3 à 4m pour des instruments de 200 à 400mm d'ouverture est optimale pour le film TP 2415.

En analysant au densitomètre un sensitogramme enregistré sur un film TP 2415 hypersensibilisé, on observe immédiatement un décalage de sa courbe caractéristique vers la gauche, ce qui représente une augmentation très appréciable de sa sensibilité : pour une exposition de 20 minutes, le TP 2415 traité est 8 fois plus rapide que son homologue non traité et légèrement plus rapide qu'un film de 400 ISO non traité.

Quant au seuil de sensibilité - le plus faible éclairement susceptible de produire une différence de densité - le TP 2415 non traité perd la moitié de sa sensibilité entre 2 et 20 minutes d'exposition, qui est perdue dans le voile de l'émulsion et n'est pas récupérable (pied de la courbe). Il ne devient efficace, et c'est la ligne droit de la courbe caractéristique, qu'au-delà de 50 minutes d'exposition. Le film traité ne perd que 4 à 12% de sa sensibilité et est déjà normalement actif après 7 minutes d'exposition, tout comme un film de 400 ISO.

A gauche M31 et ses deux satellites M32 et NGC 205 Photographié par David Healy. Pose de 30 minutes sur film Kodak TP 2415 hypersensibilisé placé au foyer d'une chambre Schmidt Celestron de 200 mm f/1.5. A droite même sujet enregistré durant 1 heure à l'Observatoire Ewell de Californie.

En somme, dans la recherche d'un quelconque échec à la Loi de réciprocité pour les faibles lumières, nous pouvons annoncer que le film TP 2415 traité au gaz H/N affiche zéro !

En ce qui concerne les révélateurs, plongé dans le HC-110 à la dilution A, le TP 2415 est moitié moins rapide que dans le D-19 (Polymax). Le TP 2415 est 25% plus rapide à la dilution F. Dans le révélateur universel D-76 son gamma ne sera que de 1.2 et seulement 1.4 dans le HC-110 tandis qu'il peut atteindre un gamma de 2.0 dans le HC-110 à la dilution D et  2.4 à 2.8 dans le D-19. Le Microdol-X permet d'atteindre un gamma de 2.9 tout en préservant la finesse du grain et la haute résolution. Quant au D-19b, plongé durant 4 minutes à 20°C ou dans le MWP-2, le gamma du TP 2415 peut atteindre 4.0, le niveau de contraste d'un film lithographique ! A titre de comparaison, un film conventionnel atteint difficilement un gamma de 0.8.

Pour trouver le gain de sensibilité S, le Dr John Riter nous propose une formule empirique :

S = 1.56 x 1011 x t (-8592/T)

où t est le nombre d'heures stocké dans le mélange gazeux H/N et T la température du mélange en degrés Kelvin (1K = -273.15°C).

Bien que la sensibilité augmente avec la durée de stockage dans le mélange gazeux H/N, il y a toutefois une limite dans le temps au-delà delaquelle un voile apparaît dans les régions non exposées du film après développement, surtout en couleur. Un séjour de 10 jours à 30°C est un maximum. A titre indicatif, le voile apparaît à la densité Df selon la relation,

Df = 0.2 + 0.033 S, où S est le gain de sensibilité

Enfin, lorsque le TP 2415 hypersensibilisé est conservé à l'air, même froid durant plusieurs semaines avant l'exposition, il apparaît une chute du facteur de gain d'environ 20%,  le voile passant de 0.57 à 0.62. Le stockage dans l'azote et dans le froid jusqu'à l'exposition est donc recommandé et aucune détérioration n'est attendue.

D'ordinaire une heure d'exposition pour un télescope de 400mm f/5.5 est suffisante pour enregistrer la plupart des objets du ciel profond en haute résolution. Mais lorsqu'on souhaite travailler au seuil du pouvoir séparateur de l'instrument et profiter au mieux de conditions d'observations exceptionnelles, des temps de pose de 1h30 à 2h ne sont pas rares avec ce film hypersensibilisé. 

M8, la nébuleuse de la Lagune enregistrée sur film Kodak TP 2415 hypersensibilisé. A gauche une photographie prise au foyer d'un SC Meade de 200 mm f/6.3. Pose de 65 minutes par Leo Henzl. A droite une photographie prise au foyer d'un SC Celestron de 350 mm f/7 équipé d'un télécompresseur Lumicon. Pose de 24 minutes par David Healy.

Une fois encore, il s'agit d'une limite dans des conditions optimales, au-delà de laquelle le voile du négatif couvre les plus fins détails enregistrés et commence donc à détruire votre patient travail (Il est à noter que les fins détails des galaxies faibles apparaîtront mieux sur papier brillant si le négatif est plus dense).

Pour terminer, il faut bien préciser que l'ouverture d'un télescope conditionne malgré tout la résolution des images comme en témoigne les deux images de la nébuleuse de la Lagune, M8, présentée ci-dessous, l'une obtenue avec un télescope Schmidt-Cassegrain de 200 mm , la seconde avec un 350 mm.

Si nous comparons un télescope de 400 mm f/5.5 tirant profit du TP 2415 et un 620 mm de 3.5m de focale utilisant le film IIIa-J, comme indiqué plus haut, les deux instruments ont la même valeur FR de 704 paires de lignes/mm. Comme en outre les rapports focaux et la vitesse des films sont les mêmes, nous devrions nous attendre à obtenir les mêmes clichés si nous utilisons des temps d'exposition équivalents.

Cependant le plus petit télescope n'accepte que 40% de la lumière du plus grand. C'est ce qui explique la différence de résolution entre les deux télescopes. C'est un facteur à considérer si vous désirez enregistrer les petits détails d'un objet à faible contraste et diffus comme une nébuleuse.

 Reconnaissons là que les photographies amateurs réalisées sur film TP 2415 rivalisent avec ceux du mont Palomar sur 103a-O sans néanmoins les égaler, mais nos performances restent tout de même exceptionnelles comme en témoignent les quelques images présentées dans cet article.

Je remercie David Healy pour sa collaboration à cet article. 

Pour plus d'informations

AAS Photo-Bulletin N° 24 en 1980

Astrophotographie, hypersensibilisation des films

Hypercamera (vendait des films hypersensibilisés mais production arrêtée en 2000)

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