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De météore à météorite

Les effets magnétiques (II)

Si une roche de quelques dizaines de mètres de diamètre entre en collision avec la Terre, des indices semblent confirmer qu'un tel évènement pourrait interagir avec le champ magnétique terrestre qui, rappelons-le est induit par les mouvements différentiels du noyau externe en fusion et le manteau de magma. 

Au moment de l'impact une météorite de quelques dizaines de mètres de diamètre, d'une énergie de 1030 ergs soit environ 10 MT produit un cataclysme à l'échelle locale. 

Selon, le Dr Edward Teller du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) contrairement à une opinion répandue, les effets directs de l'impact ne conduisent pas nécessairement à une modification des courants dans le manteau de la Terre. Car en s'enfonçant dans le manteau terrestre l'onde de choc se transforme en vibration sonore. Que l'onde se rapproche ou s'éloigne, ses effets sur le magma sont très similaires et n'induisent pratiquement aucune modification des courants. En revanche, environ un pourcent de l'énergie du dipôle magnétique est piégé dans l'atmosphère et jusqu'à deux rayons de la Terre. Ce champ magnétique peut donc déjà être altéré par l'approche d'un météoroïde de taille respectable à moins de 10000 km. 

Le champ magnétique terrestre peut-être emprisonné dans les flots de lave. Tant que la lave est liquide les dipôles magnétiques sont orientés en fonction des forces du géomagnétisme. Mais une fois solidifiée, la lave fige l'orientation du champ magnétique. 

Ainsi que nous le verrons en étudiant la Terre, nous avons des preuves montrant que le champ magnétique terrestre change d'orientation tous les quelque cent mille ans, le changement s'effectuant en quelques milliers d'années.

Selon le Dr Edward Teller du LLNL, l'énergie de la ceinture intérieure de Van Allen pourrait temporairement être altérée par l'arrivée de météoroïdes de grandes tailles. Document NOAA/SWPC.

Le Dr Teller rapporta lors d'un atelier sur la défense spatiale avoir examiné un flot de lave de l'Oregon ayant subit un tel changement en quelques jours. Si ce changement avait été induit par le noyau de la Terre il aurait dû traverser le manteau. Sa conductivité étant assez faible, le changement ne serait apparu en surface qu'au bout de dix mille ans (la progression est fonction de la racine carrée du temps). Etant donné qu'aucun phénomène terrestre ne peut conduire à des modifications géomagnétiques en l'espace d'une semaine, un changement aussi soudain n'a pu être induit que par une météorite. Selon le Dr Teller un impact de forte énergie peut modifier le champ géomagnétique en l'espace d'une heure.

A-t-on d'autres indices pour valider cette hypothèse ? Il y a bien sûr l'évènement de la Tunguska qui fut associé à des perturbations magnétiques.

Plus près de nous, le fait qu'un météore ionise les atomes de l'atmosphère est connu. Les radioamateurs par exemple savent qu'en traversant l'ionosphère les traces d'ionisation laissées par les météores leur permettent d'assurer des communications longues distances dites "Meteor Scatter", parfois durant plusieurs minutes sur 28 MHz s'il s'agit d'un bolide.

On sait également que des bolides volant à des vitesses hypersoniques et explosant en altitude peuvent générer des impulsions magnétiques dans les couches D ou E de l'ionosphère (80-120 km d'altitude). Cette énergie peut se coupler à divers flots d'électrons générés par les champs électriques ambiants (cables aériens, lignes à haute tension, antennes radio, etc).

Les aurores enfin dissipent dans l'ionosphère des dizaines de gigawatts d'énergie provenant du vent solaire et sont à l'origine des ruptures de l'ionosphère sur les bandes décamétriques et hautes-fréquences. Ces bandes radios peuvent devenir totalement silencieuses et très parasitées durant plusieurs jours. Il est par ailleurs arrivé que des villes soient coupées d'électricité ou qu'il y ait eu des dégats sur les gazoducs suite à la manifestation d'aurores particulièrement puissantes. Le plasma mériterait un dossier tellement il est omniprésent.

A consulter:

Statut temps-réel et prévision de l'activité géomagnétique et des aurores

L'USAF s'intéresse à tous les objets qui explosent dans l'atmosphère. Au 1er janv 2000, le Space Command de l'USAF (reprit fin 2019 par l'Air Force Space Command, USSF), avait recensé 132 explosions atmosphériques dont l'énergie était au moins équivalente à la bombe d'Hiroshima ! Un peu plus de 25% de ces explosions ont eu lieu au-dessus des terres, pour la plupart peu peuplées, sans autre effet que de faire la manchette des journaux locaux. Ces phénomènes sont donc courants. Voici quelques-uns d'entre eux.

Le 18 janvier 2000, un astéroïde de 200 tonnes explosa au-dessus du lac Tagesh à Atlin en Colombie Britannique. Celui-ci percuta le sol et on récupéra quelque 200 fragment représentant une masse totale d'à peine 10 kg.

En 2001, l'évènement fut plus violent. On enregistra une explosion au-dessus du Pacifique qui atteignit l'équivalent de 40 tonnes de TNT et en 2002 un autre bolide explosa au-dessus de la Méditerranée.

En 2013, une météoroïde de 17 mètres et pesant 10000 tonnes explosa au-dessus de Tchéliabinsk, dans l'Oural, libérant une énergie équivalent à 30 fois celle de la bombe d'Hiroshima ! Elle fut accompagné de la chute de nombreux météorites qui tombèrent dans une zone inhabitée. 

Et la série continue...

A gauche, "Flash, boom, bye" titrait le journal local du 25 novembre 1995. Ce jour là, au petit matin un bolide explosa dans une déflagration au-dessus de la base aérienne de Peterson au Colorado. L'évènement qui dura plus de 5 secondes fut enregistré par une caméra de surveillance en reflets sur les objets publics et le capot de la voiture stationnée à gauche. On discerne clairement l'évolution du bolide et trois explosions. Cliquer sur l'image pour lancer le film (fichier AVI de 2 MB). A droite, le spectaculaire météoroïde de 17 m de diamètre pesant 10000 tonnes qui explosa au-dessus de Tchéliabinsk, dans l'Oural, le 15 février 2013. On récupéra plusieurs météorites dont un fragment pesant 570 kg.

Actuellement, seul le NORAD, la NASA et les observatoires sont informés de l'occurrence d'une tempête magnétique mais il n'existe aucun service d'alerte relatif aux météores induisant de tels effets. Et pour cause, un tel objet ne percute la Terre qu'une fois tous les cent mille ans en moyenne ! Il est cependant suffisamment puissant, énergétiquement parlant, pour affecter toute l'atmosphère, l'ioniser en grande partie et modifier l'orientation du champ magnétique terrestre, entraînant une décroissance de son intensité durant quelques milliers d'années.

Simulations

Le phénomène de fragmentation est également à l'ordre du jour des programmes de simulations (A.P. Golub, C.Jacobs, V.M. Hazins,...). En analysant les rentrées atmosphériques et la fragmentation de plusieurs bolides qui se sont produites entre 1988 et 1995 et en comparant ces données avec celles des explosions atomiques réalisées dans la stratosphère (S.Glasstone et P.Dolan), on peut estimer avec une précision de l'ordre de 10% l'altitude à laquelle un météoroïde se fragmentera en fonction de sa vitesse initiale.

Résultats de simulations numériques. Ci-desus à gauche, altitude de fragmentation et intensité maximale d'un météoroïde en fonction de sa vitesse. A droite, rapport entre l'énergie dissipée et l'énergie cinétique initiale d'un météoroïde. Documents ORC adaptés par l'auteur. Ci-dessous, un corps (en rouge) de faible densité (0.1 g/cm3) constitué de débris et de gaz, de 50 m de rayon lancé à 5500 m d'altitude à 15 km/s prend la forme d'un long cylindre d'1.5 km de longueur en l'espace de 0.45 seconde. Les premiers projectiles arrivent au sol en 1.5 seconde. Durant leur chute les débris accuseront une forte décélération qui dissipera dans un premier temps jusqu'à 10% de leur énergie cinétique. L'onde de choc (turquoise) devançant l'ensemble des projectiles, elle arriva au sol en l'espace d'une seconde. Après réflexion l'onde se propagera sur la surface de la Terre et sera déjà à 1 km de distance quand les premiers débris toucheront le sol. Dessin de l'auteur basé sur un document du LLNL.

De la même manière on peut obtenir une bonne estimation de la quantité d'énergie qu'il dissipe au cours de son vol atmosphérique (voir tableau ci-dessus) ou évaluer la dispersion des débris après fragmentation en faisant tomber un objet pulvérisé à quelques kilomètres d'altitude.

En transposant ces données dans des modèles tenant compte des lois de la dynamique des gaz, on peut estimer le risque pour les populations et l'effet de la propagation de l'onde de choc au sol.

Avons-nous déjà connu pareil cataclysme ?

Au cours de notre Histoire très peu de récits ont relaté des cataclysmes d'ampleurs régionales et mis à part l'évènement de la Tunguska en 1908 dont l'énergie libérée équivaut à environ 1300 fois l'explosion d'Hiroshima, de mémoire d'homme aucun évènement ne fait directement référence à l'impact d'un objet tombé du ciel.

En revanche, pratiquement chaque mois nous subissons l'assaut d'au moins un corps céleste d'une énergie équivalente entre 0.07-10 kT, très rarement plus, parmi lesquels il n'y a qu'une poignée de météorites conséquents (de quelques kilos à centaines de kilos) qui jusqu'à présent n'ont fait aucune victime si ce n'est quelques blessés. A ce sujet, la NASA tient à jour les différentes explosions et chutes de météoroïdes et donne une estimation de leur niveau d'énergie dans ce rapport en ligne.

Citons toutefois pour mémoire d'autres catastrophes naturelles marquantes survenues au cours des derniers millénaires dont l'énergie libérée fut de l'ampleur de l'impact d'une météorite de quelques dizaines de mètres de diamètre et d'une énergie équivalant à celle de plusieurs bombes atomiques. Cela nous donnera une idée des dégâts que peut produire l'énergie libérée par ce type d'explosion.

Impacts dans le bassin Pacifique

En 1178 de notre ère, un étrange évènement aurait affecté la Lune, formant le grand cratère d'impact Giordano Bruno sur sa face cachée. Selon le professeur Emilio Spedicato de l'Université de Bergamo en Italie, un certain nombre d'observations suggèrent qu'à la même époque des impacts de comètes ou de météorites auraient affectés le bassin Pacifique. En effet, des légendes Maori racontent par exemple que de grands feux ont détruit les forêts et l'oiseau moa et seraient associés aux cratères de Tapanui.

A la même époque l'activité du volcan El Nino fut très intense et les régions côtières du Pérou furent inondées. La civilisation Moche locale dépérit tandis que les Aztèques émigrèrent de la côte Pacifique vers l'intérieur des terres mieux protégées des tsunamis. Les typhons furent particulièrement violents dans la Mer de Chine tandis que dans le nord de la Chine le cours du Huang Ho fut détourné. Le climat fut particulièrement froid sur le plateau de Mongolie incitant vraisemblablement ses habitants à envahir les régions avoisinantes.  Le jeune Gengis Khan vit dans le ciel des signes annonçant qu'il sera bientôt le Maître du monde tandis que les astrologues chinois enregistrèrent un nombre inhabituellement élevé de comètes dans le ciel.

Pour ne pas mélanger les sujets, nous reviendrons dans d'autres articles sur les volcans et notamment sur l'explosion des volcans de Santorin et du Krakatoa dont l'énergie libérée fut équivalente à celle produite par l'impact d'une météorite de 50 à 100 m de diamètre.

Voilà en résumé quelques exemples nous démontrant l'immense pouvoir destructif que la nature peut déchaîner. Si parfois l'évènement est imprévisible et on ne peut éviter le pire, en revanche on peut surveiller avec attention les régions à risques ainsi que l'évolution des astéroïdes proches de la Terre afin d'anticiper leur trajectoire et prendre des mesures en cas d'alerte. On y reviendra dans l'article consacré aux histoires d'impacts.

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