Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

Le supervolcan de Yellowstone

Etude géologique de Yellowstone (II)

A partir du millieu des années 1960, les scientifiques ont réexaminé de près la géologie de Yellowstone, mais ils ne s'attendaient nullement à ce qu'ils allaient découvrir. Jusqu'à présent, on pensait qu'il s'agissait d'un site hydrothermal comme il y en avait en Islande mais qu'il n'était pas associé à un volcan.

Quelques souvenirs de Yellowstone National Park et son emplacement dans Google Maps. Ouvert au public toute l'année de l'aube au crépuscule (21h en hiver), il est tout aussi attirant quand il est encore engourdi dans les brumes matinales, lorsqu'il feint de s'assoupir au coucher du Soleil ou même en plein midi éclairé de milles feux. Les boues sont seulement un peu plus sèches en été. Comme tous les parcs nationaux américains, c'est un merveilleux site à visiter en toute saison tant pour ceux qui aiment les geysers et les lacs bouillonnants que ceux épris de nature, de grand lac, de paysages montagneux et même de vie sauvage et de biodiversité. Un bon conseil : visitez-le au printemps dès le matin en profitant d'une journée ensoleillée ou en plein hiver lorsque le parc fume de partout sous les rayons rasants du Soleil levant. De haut en bas et de gauche à droite, le Morning Glory, le Grand Prismatic Spring (les couleurs n'ont pas été accentuées, voici son emplacement dans Google Maps), Whale eye, Mammoth Hot Spring (Minerva), The Old Faithful, Evening Primrose Spring et le lac de Yellowstone. Documents NPS.

Le géologue Bob Christiansen et son équipe examinèrent le sous-sol de Yellowstone et mirent en évidence d’importantes traces de cendres compactes qui s'étendaient sur une épaisseur de 30 cm. Pour Christiansen, elles pouvaient être le produit de l’activité d’un volcan aujourd'hui disparu car il n'y avait a priori aucun volcan éteint ni de caldera de cratère visible, aucune dépression. Pourtant Christiansen était convaincu que Yellowstone faisait partie d'un ancien système volcanique, mais lui et ses collègues ignoraient où pouvait se trouver la caldera et tout spécialement quelles pouvaient être ses dimensions.

Alors que nos géologues cherchaient des traces à travers le parc, par chance la NASA choisit le Yellowstone pour tester une nouvelle caméra aérienne infarouge destinée à l'exploration de la Lune. Pour la première fois, on vit le Yellowstone sous un nouvel angle très révélateur. Plus tard, des images furent prises par les satellites Landsat ainsi que depuis la navette spatiale.

Si du sol Christiansen n'était pas parvenu à localiser la caldera, c'est parce qu'elle englobait pratiquement tout le parc. Et cela sautait aux yeux vu d'altitude. La caldera forme une dépression entre les chaînes de montagnes et s'étend sur une superficie gigantesque de 70 x 30 km du NE au SO à travers le Yellowstone. Tellement étendue, vue du sol la caldera est invisible, si ce n'est quelques contreforts montagneux de 30m d'élévation, et personne n'avait imaginé que cet endroit devenu une réserve naturelle abritait en réalité l'un des derniers supervolcan en activité sur Terre. En fait les visiteurs marchent actuellement dans un volcan actif !

A gauche et au centre, deux images satellites du supervolcan de Yellowstone dont voici une vue dans Google map. L'image de gauche délimite l'extension des deux précédentes éruptions. A droite, une vue générale de la caldera du côté nord de la rivière Yellowstone et de la vallée Hayden, en direction des montagnes de Washburn culminant à 3122m. Cette chaîne n'a rien à voir avec le supervolcan. Documents USGS, NASA/Landsat7 et Ski Mountaineer.

En analysant les carottes prélevées à travers le parc, Christiansen arriva à la conclusion que la dernière éruption de Yellowstone s'était produite il y a environ 630000 ans et aurait couvert de cendres la moitié de la surface actuelle des Etats-Unis. Il s'agissait donc d'un supervolcan. On découvrit également que ce supervolcan que l'on croyait éteint avait connu trois éruptions à des intervalles réguliers de 600000 ans : il y eu une deuxième éruption il y a 1.2 million d'années et une troisième voici 1.8 million d'années. Mais ce cycle signifie également que nous sommes aujourd'hui juste à l'époque où devrait avoir lieu l'explosion suivante, et même un peu en retard !

Un autre évènement allait confirmer le passé volcanique du Yellowstone. En 1973, le Pr. Bob Smith, volcanologue à l'Université d'Utah, étudia le site et y passa l'essentiel de sa carrière. A partir d'une île du lac Yellowstone, il observa deux choses inhabituelles. D'une part, un ponton que l'on pouvait habituellement utiliser se trouvait sous les eaux. D'autre part, à l'extrémité sud du lac, des arbres se trouvaient également les pieds dans l'eau sur une profondeur d'environ 30 cm. Pourtant, à sa connaissance, la hauteur du lac n'avait jamais vraiment changé. A l'époque il ne comprenait pas quelle pouvait être l'origine de ce phénomène.

Formation de la caldera de Yellowstone après la dernière éruption et l'effondrement de la chambre magmatique. Les geysers actuels sont les signes avant-coureurs d'une future éruption. La superficie de la caldera est équivalente à celle de Los Angeles. Document ISU adapté par l'auteur.

Smith demanda alors à la NASA de procéder à une étude minutieuse de la région pour comprendre ce qui était en train de se produire à Yellowstone. Suite à cette étude précise au millimètre près, il démontra que depuis les premières études géologiques effectuées en 1923, la surface du parc s'était soulevée. Au milieu de la caldera le soulèvement atteignait 74 cm. Cela représentait une élévation d'un mètre en 75 ans si le taux d'expansion actuel se maintient ! Il n'y avait qu'une seule explication à ce phénomène : la chambre magmatique.

Les scientifiques ont démontré qu'il existait à 8000 m sous le Yellowstone la plus grande chambre magmatique jamais découverte. Remplie de magma et de gaz dissous à haute pression, elle pousse lentement le plateau de la caldera vers le haut. Smith découvrit également qu'à une profondeur de 5 km, la chaleur dépassait 350°C. L'écorce devenait conductrice et ressemblait à du plastique. A terme elle ne pourra jamais supporter le stress provoqué par la pression et la chaleur du magma qui, rappelons-le est à 1500°C.

En fait, les fumerolles, les sources hydrothermales et les geysers que l'on observe un peu partout à travers le parc représentent des fissures et des cheminées très localisées dans la caldera à travers lesquelles le supervolcan "fuit" et libère lentement son excès de pression. Chaque année, toute la région subit en outre des centaines de secousses séismiques dont l'intensité est très variable, mais en moyenne relativement faible.

Aujourd'hui, il est primordial que les chercheurs comprennent bien ce qui se passe à l'intérieur de la chambre magmatique parce que c'est la pression et la température du magma qui déclencheront l'éruption finale. Comme le dit Bob Smith, c'est comme si on demandait aux chercheurs de comprendre l'amorce d'une balle de fusil. C'est un projet très complexe mais qui peut tirer avantage de ce que l'on sait déjà sur les tremblements de terre. Les mesures séismiques effectuées dans le parc depuis 1973 permettent en effet de dresser la cartographie du sous-sol en analysant de quelle manière les ondes sonores se propagent dans le manteau (vitesse, déviation, accélération, etc). Les impulsions et leurs fréquences renseignent également les géologues en temps réel sur la manière dont la caldera se déforme et les failles se fracturent.

C'est ainsi qu'on a découvert que la caldera se soulève d'environ 2 cm par an et retombe de manière périodique. On constate également que le nombre de séismes ne cesse d'augmenter avec des événements majeurs toutes les décennies. La cavité magmatique mesure actuellement 40 à 50 km de longueur pour 20 à 30 km de large et présente une épaisseur d'environ 10 km. Cette chambre est tassée dans un volume qui représente un tiers ou la moitié du parc de Yellowstone. Bob Smith et Christiansen ont vraiment découvert un redoutable géant. Quand se réveillera-t-il, personne n'est en mesure de le dire mais nous avons quelques idées sur l'humeur qu'il aura à son réveil.

A consulter : Séismogrammes de la région de Yellowstone (UUSS)

Rapports sur l'activité actuelle du Yellowstone (USGS)

 Quake-Catcher Network sous BOINC

Collaborer avec les séismologues

A gauche, distribution des 23 sondes séismiques réparties dans le parc de Yellowstone. Elles font en réalité partie d'un complexe de surveillance beaucoup plus vaste couvrant toute la région de fractures entre Yellowstone et Teton. Au centre, l'ensemble des séismes enregistrés entre 1973 et 1994. Le périmètre jaune représente la caldera, les traits noirs les failles du quaternaire. La majorité des séismes importants (magnitude 4 et sup.) se manifestent au-dessus de sites formés après l'effondrement de la caldera. La plupart des séismes sont de faibles magnitudes (0-3) mais il y eut déjà un séisme de magnitude 7.5 en 1959 dans le lac Hebgen. A droite, histogramme des déplacements de la caldera entre 1973 ert 1998. Documents Bob Smith et carte séismique avec incrustation géologique de l'UUSS adaptée par l'auteur.

Simuler un supervolcan

Que se passerait-il si le Yellowstone explose ? Du fait que la chambre magmatique est gigantesque, l'éruption sera dévastatrice. Nous avons pour seule référence l'éruption du Santorin qui se produisit en mer Egée il y a 3650 ans. Bien qu'il ne s'agissait pas d'une VEI 8, les indices relevés par le spécialiste du Santorin le prof. Steve Sparks de l'Université de Bristol indiquent qu'un changement géochimique dramatique s'est produit à cette époque.

Il y a 3650 ans à Santorin, à l'apogée de la civilisation Crétoise, la puissance du volcan s'est soudainement accrue. Au lieu d'entrer gentillement en éruption en crachant beaucoup de fumée, cette fois d'immenses blocs d'environ 2 mètres de diamètre ont été propulsés hors du volcan jusqu'à 7 km d'altitude et se sont écrasés sur le sol. Pour atteindre cette altitude, leur vitesse dû atteindre plusieurs centaines de mètres par seconde, environ 1000 km/h ! A cette vitesse, les impacts devaient être catastrophiques et inimaginables.

Des simulations ont été réalisées par Steve Sparks à une échelle un trillion de fois plus petite avec des fluides emprisonnés dans une vasque en verre. De la résine de sapin simulait l'épaisseur du magma et de l'acétone simulait les gaz piégés dans le magma. L'acétone étant capable de dissoudre la résine, le système représentait relativement bien le cas de Yellowstone.

A gauche, modélisation de la plume magmatique qui s'accumule dans la chambre souterraine par Bob Smith de l'Université d'Utah. A droite, modélisation (Grand, 1999) du manteau sous le Yellowstone (triangle jaune entre 110-111° de longitude ouest) préparé par le Dr Ken Duecker de l'Université du Wyoming. L'échelle verticale s'étend sur 2500 km de profondeur. La couleur bleue représente les déplacements lents, la rouge les déplacements rapides. On observe d'une part un point chaud entre 660 et 1200 km sous le Yellowstone s'étendant sur environ 30° de longitude et une grande zone de mouvements lents anormaux entre 700-1300 km de profondeur couvrant toute la partie ouest des Etats-Unis.

Sparks créa le vide au-dessus de la vasque pour simuler la dépression qui se produit dans la chambre magmatique au moment où le volcan entre en éruption et lorsque les gaz volcaniques dissous se détendent.

Lorsque le vide atteignit le liquide, il provoqua un changement drastique d'état du mélange. L'acétone dissout se transforma soudainement en gaz. Cela permit à la résine de se détendre, provoquant une explosion violente tandis qu'un immense nuage blanchâtre s'échappa de la vasque durant plusieurs dizaines de minutes. Ces expériences ont permis de découvrir que les gaz émergant de la solution contenaient une énorme puissance capable de canaliser ces flots explosifs.

A l'inverse des supervolcans, les volcans ordinaires n'ont pas de réservoir magmatique aussi vaste et les gaz piégés n'ont pas le potentiel de générer des éruptions aussi puissantes. Mais aucune expérience ne pourra jamais nous aider à répondre à la question la plus importante concernant le Yellowstone : quand aura lieu la prochaine éruption ?

Pour y répondre, nous devrions observer des supervolcans en activité pour valider les modèles car actuellement les scientifiques travaillent dans l'inconnu et ne savent pas vraiment quels paramètres choisir et pour quelle raison. On aimerait bien pouvoir le faire mais personne non plus n'a vraiment envie d'assister à un désastre global pour le savoir ! Tout ce que l'on sait c'est que ces simulations tendent à démontrer qu'à terme la chambre magmatique de Yellowstone va entrer en éruption en provoquant l'une des plus grandes catastrophes naturelles depuis l'extinction des dinosaures...

Dernier chapitre

Les effets d'un supervolcan

Page 1 - 2 - 3 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ