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Les Phénomènes Lunaires Transitoires

Photo AS15-88-12002

Aristarche (gauche), Hérodote (droite) et la vallée de Schroeter (droite) photographiés par l'équipage d'Apollo XV en 1971. Document NASA.

écrit en collaboration avec la Dr Winifred S. Cameron, NASA-GSFC

Introduction (I)

Pendant plusieurs décennies, la Dr Winifred S.Cameron (1918-2016), épouse de l'astrophysicien Alistair G. Cameron, coordonna pour le compte du Goddard Space Flight Center de la NASA le programme d'étude des Phénomènes Lunaires Transitoires (Lunar Transient Phenomena), plus connu sous l'acronyme LTP.

W.Cameron débuta cette activité en 1962 et dirigea quelques années plus tard ce projet au sein de l'ALPO (Association of Lunar and Planetary Observers) en tant que "Lunar recorder", dépouillant toute la littérature, les comptes-rendus d'observation amateurs et professionnels.

A son initiative, en 1967 la NASA publia un premier catalogue recensant toutes les observations enregistrées depuis 1500, ce qui représentait à l'époque 570 observations. Cela constitua le "NASA Technical Report R-277" présenté ci-dessous.

Dans les années qui suivirent, la NASA enregistra une centaine de phénomènes LTP chaque année. Une étude scientifique et statistique devenait alors possible.

En 1978, W.Cameron rassembla dans un nouveau catalogue toutes les observations de LTP enregistrées sur la Lune. Parmi les milliers d'évènements enregistrés, 1353 cas furent dépouillés et analysés dans le but de déterminer les causes possibles de ces phénomènes. Ce sont ces conclusions dont nous allons discuter et profiter de l'occasion pour vous proposer de participer à ce programme d'étude.

A consulter : Le rapport NASA TR R-277

Chronological Catalog of Reported Lunar Events, 1967

Que sont les LTP ?

Il s'est avéré après une longue étude des reliefs lunaires que plusieurs dizaines, jusqu'à 200 sites lunaires, présentaient à l'observation de véritables anomalies durant un lapse de temps de quelques heures à quelques jours.

Ce phénomène intriguant ne pouvait pas être dû à une erreur d'appréciation, des clichés en avaient été pris, ni plus à la chute d'une météorite sur le site observé car tous les rapports confirmaient par la suite le retour à une situation normale (pas de cratère d'impact ou dépôt sur le sol).

Bien que quelques lueurs furent mentionnées, un "feu-de-camp extraterrestre" était exclu... Comme la littérature en faisait aussi mention et que les anomalies se répétaient, les professionnels reconnurent l'existence du phénomène sans pour autant pouvoir donner quelque explication plausible.

Voici le compte-rendu de cette extraordinaire histoire.

Le 24 janvier 1956, l'amateur R.Houghton découvrit un éclair brillant émanant du cratère Cavendish qui venait juste d'émerger de l'obscurité. Un pic situé sur le rempart Est du cratère scintilla de façon répétée.

Le 26 octobre 1956, le bord gauche du cratère Alphonse (Alphonsus, colongitude 4°) s'assombrit en lumière bleu-violette. Le même phénomène s'était aussi produit en étudiant les clichés pris au télescope du mont Palomar. Le rapport concluait : "il semble qu'il y ait eu un dégagement gazeux de molécules de carbone, d'une densité de 10-9 par rapport à un échantillon de laboratoire, ce qui a pu expliquer l'effet observé en direct."

Le 7 juillet 1958, Linné (348°) disparut en lumière infrarouge et fut remplacé par une zone très brillante durant quelques heures. Le même phénomène se produisit à nouveau quelque temps plus tard dans d'autres observatoires qui en avaient fait leur principal sujet d'observation.

Quelques sites LTP célèbres

Archimède photographié par Thierry Legault avec un télescope Meade  LX200 de 300 mm et caméra CCD

Aristarchus photographié le 10 Avril 1997 avec un Celestron C14 équipé d'une caméra CCD CV04L. Document Astroarts.

Tycho photographié par Maurizio Di Sciullo avec un télescope de 150 mm équipé d'une caméra CCD. Composite RGB.

Archimède, 83 km

Aristarche, 50 km

Tycho, 85 km

Certains cratères lunaires sont connus pour manifester des phénomènes transitoires, des émissions de gaz ou des brillances. Voici six formations accessibles aux amateurs modestement équipés.

Theophile photographié le 25 Juin 1997 au moyen d'un C14+barlow 1.5x et caméra CV16L. 0,2s d'exposition. Document astroarts.

Copernic photographié par Thierry Legault avec un télescope Meade LX200 de 300 mm équipé d'une caméra CCD.

Alphonse photographié le 29 mars 2004 par Denis Joye avec un télescope meade LX200 de 200 mm équipé d'une barlow 3x et webcam Philips Vesta Pro.

Théophile, 110 km

Copernic, 107 km

Alphonse, 118 km

Dans la nuit du 2 au 3 novembre 1958, l'astronome Nikolai Kozyrev découvrit un étrange phénomène sur les spectrogrammes du cratère Alphonse, alors proche du terminateur. Bien qu'il observa la Lune à l'oculaire, le pic central du cratère s'estompa et pris une coloration rouge inhabituelle. Les spectrogrammes confirmèrent son impression : il y avait eu un phénomène volcanique. Les spectres présentaient les raies d'émission de la vapeur de carbone, le C2. Le même phénomène se produisit sur des clichés couleurs d'Aristarche (47°) réalisés par l'Observatoire Lowell qui révélèrent la présence de trois spots roses sur ses remparts qui s'avèreront être des émissions d'hydrogène.

En 1963, Z.Kopal et T.Rackham au Pic-du-Midi photographièrent une brillance autour des cratères Copernic, Kepler et Aristarche. Kopal suggéra qu'il s'agissait d'un effet de fluorescence suite au bombardement de la surface lunaire par le vent solaire.

Enfin, il y a les comptes rendus effectués par les équipages des missions Apollo entre 1969 et 1972 et étayés par des enregistrements physiques.

Le 19 juillet 1969, le module de commande d'Apollo XI achevait son orbite autour de la Lune, lorsque le Centre de Contrôle de Houston le prévint que deux amateurs allemands, MM.Pruss et Witte venaient d'observer à 18h45m TU un phénomène transitoire dans les environs d'Aristarche. Une brillance exceptionnelle était apparue sur le mur NO durant 5 à 7 secondes, d'une magnitude plus brillante que l'arrière-plan. Et en effet, à 18h46m TU les astronautes Armstrong, Collins et Aldin virent le mur NO d'un cratère qui se trouvait proche de l'horizon (probablement Aristarche) d'une éclatante brillance. Il s'agissait de la première confirmation en groupe, séparée par 380000 km dont voici le compte-rendu :

Communication entre l'équipage d'Apollo XI et la NASA

- Armstrong : Hé, Houston ! - Je regarde le Nord, vers Aristarchus, et à cette distance je ne suis pas certain que ce soit bien Aristarchus, mais il y a là une région considérablement plus lumineuse que la zone qui l'entoure. Il est... on dirait qu'elle est légèrement fluorescente.

- Houston : Roger, Onze. Nous notons.

- Aldrin : Je regarde vers la même zone... Il semble en tout cas qu'une des parois du cratère soit plus claire que les autres... Je ne suis pas certain qu'il y ait fluorescence, mais c'est nettement plus lumineux que ce qui l'entoure.

Photo AS15-88-12005

La région d'Aristarche photographiée

depuis le module de commande d'Apollo XV en 1971.

- Houston : Pouvez-vous percevoir une différence de couleur dans l'éclairage et s'agit-il d'une paroi intérieure ou extérieure du cratère ? Terminé.

- Aldrin : Je pense que c'est une paroi intérieure.

- Collins : Non Bruce, je ne pense pas que la couleur joue un rôle.

- Houston : Roger, Onze. Nous notons.

Apollo XI au Mission Control le 19 juillet 1969 alors qu'ils survolaient un site LTP à environ 110 km d'altitude à 13h45m heure de Houston (18h45m TU). Extrait de la bande son d'Apollo XI reproduite dans le log maintenu par la NASA.

Et jusqu'au 20 juillet 1969 à 00h35m TU puis à nouveau de 05h30m à 23h45m TU, Aristarche apparut à nouveau plus brillants aux observateurs terrestres ainsi qu'à l'équipage d'Apollo XI. Ces deux groupes d'observateurs ainsi que d'autres dispersés aux quatre coins du monde observèrent le même jour des zones brillantes ou rougeâtres autour de Proclus, Théophile, Eudoxus, Grimaldi, Maskelyne, Mare Crisium, Moretus, Alphonse, Cauchy, Atlas et bien sûr à nouveau sur Aristarche à partir du 23 juillet 1969 jusqu'au 2 août. De semblables apparitions se produisirent également sur Tycho, autour de Mare Crisium, Mare Imbrium et Mare Serenitatis.

Par la suite, alors que l'équipage d'Apollo XIV (22 février et 20 mars 1971) se trouvait dans le site Fra Mauro (231-238°), le détecteur d'ions ALSEP enregistra des phénomènes gazeux intenses suivis par deux petits phénomènes sismiques. Le premier phénomène gazeux dura 13 heures ! De 14 à 20 molécules d'eau ont été enregistrées mais peut-être également du néon, de la fluorine et de l'oxygène. Le second phénomène dura 19 minutes et la quantité de gaz expulsé pendant ce temps augmenta d'un facteur 100.

Peu après, le spectromètre de particules alpha embarqué à bord du module de commande d'Apollo XV détecta des émissions de radon par le cratère Aristarche dont l'étude fit l'objet d'une publication dans la revue "Science" en février 1973. Ce gaz aurait diffusé à travers le régolite et se serait dissipé dans la faible atmosphère lunaire.

L'année suivante, l'astronaute Matingly d'Apollo XVI (21 avril 1972) observa un flash brillant sur l'horizon durant plus de 30 minutes.

Quelques mois plus tard, l'équipage d'Apollo XVII (10-11 décembre 1972) observa un flash sur Grimaldi (321°) qui sera confirmé par des observateurs sur Terre et le lendemain Cernan observa dans une fracture située à l'Est de Mare Orientale (345°, coord. sélén. 88°O, 20°S) un flash brillant.

Grâce à ces enregistrements, la seule explication avancée à l'époque était liée à la présence de gaz peu dense, ionisé par le rayonnement solaire qui, au sortir du sol lunaire produisait un effet lumineux qui s'était accentué aux courtes longueurs d'ondes. Le phénomène était donc pris au sérieux.

Prochain chapitre

Analyse des sites LTP

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