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Terraforming de Mars

L'un des aspects possible que pourrait avoir Valles Marineris quelques dizaines de milliers d'années après le terraforming. On se croirait en Alaska ou dans les fjords de Norvège ! Trop beau pour être vrai ? En l'état actuel de nos connaissances et des situations géopolitiques et socio-économiques des puissances spatiales, c'est utopique. Document T.Lombry.

Quand l'herbe est plus verte ailleurs (III)

Et l'avenir ? A quoi pourrait ressembler Mars dans un lointain avenir lorsque le processus de terraforming sera terminé et l'atmosphère en équilibre, riche en azote et en oxygène ?

Sur base des réserves de gaz carbonique emprisonnées dans la glace et dans le sol de Mars, on estime que tout le gaz peut être libéré en l'espace d'un siècle. Les plus optimistes considèrent que Mars sera viable 500 ans plus tard. Mais à ce moment là l'atmosphère sera toujours toxique pour l'homme.

Pour rendre l'atmosphère respirable, entre-temps nous devrons déverser sur Mars des quantités astronomiques de cyanobactéries pour produire de l'oxygène à partir du gaz carbonique. Une alternative déjà évoquée serait de construire des usines qui produiraient de l'oxygène à partir du gaz carbonique puisé dans l'atmosphère.

En fonction du rendement, on estime qu'un siècle plus tard des colons pourraient déjà y vivre en portant un masque à oxygène et s’y déplaceraient sans combinaison spatiale.

Finalement, lorsque le sol sera redevenu fertile, des cyanobactéries comme les Chroococcidiopsis présentées ci-dessous à gauche pourraient se développer sur Mars. En effet, beaucoup plus résistances que leurs consoeurs, elles peuvent survivre sous des climats désertiques glacés, dans des milieux hypersalins et en présence d'une quantité de gaz carbonique toxique pour l'homme. Elles pourraient survivre sous les roches martiennes, à l'abri des rayons nocifs du Soleil et assurer la photosynthèse.

Des lichens, des plantes rustiques puis des algues vertes dès qu'il y aura un peu d'eau pourraient également se développer sur Mars en présence de dioxyde de carbone et produiraient l’oxygène manquant ce qui permettrait aux habitants de se débarrasser définitivement de leur masque à oxygène après quelques milliers d'années d'oxygénation.

Lorsque ce processus sera terminé, la vie devrait émerger spontanément. Mars, planète désertique et froide se transformerait ainsi en une seconde Terre, chaude, humide où il ferait bon vivre. Ce jour là l'expression "l'herbe est plus verte ailleurs" prendra tout son sens...

A gauche, une colonie de cyanobactéries Chroococcidiopsis grossies 100x. Ces bactéries mesurent environ 3x4 microns. A droite, des algues vertes Chlorosarcinopsis. Ces deux genres d'organismes eucaryotes ont déjà survécu 450 jours aux conditions de l'espace à bord de la station ISS (expérience BIOMEX 2015-2016), pratiquement dans le vide et sous des températures comprises entre -20°C et +47°C. Documents Stéphanie Dojani/TUK et NIEH.

A quoi ressemblera alors Mars ? Aujourd'hui nous ne savons pas exactement comment se formera la couche d'ozone si Mars avait une atmosphère plus épaisse. Cette question doit être étudiée car l'ozone est un élément critique. En imaginant que Mars soit chaude et humide, oxygénée et couverte d'eau, elle ne ressemblera pas tout à fait à la Terre.

Tous les océans par exemple seront situés dans l'hémisphère nord, plus accidenté et plus profond par rapport au niveau moyen et les "continents" ne seront pas délicatement distribués comme sur Terre de part et d'autre de l'équateur. Mars présentera une hémisphère océanique dans sa partie nord et une hémisphère continentale au sud. Les modèles climatiques devront être réécrits pour tenir compte de cette particularité.

Personne ne sait non plus si ce système est stable à long terme ni combien de temps il pourrait le rester. On suppose qu'il restera en équilibre une dizaine d'années au moins, mais il peut tout aussi "survivre" cent millions d'années, nous ne le savons pas vraiment et c'est pourquoi il sera intéressant de le modéliser. Un jour peut-être nos descendants liront des prévisions à 5 jours pour les colonies martiennes !

Pendant le terraforming, des bactéries extrêmophiles protégées des UV et des mousses de type arctique (gauche) et ensuite les premiers arbustes rustiques (droite) apparaissent sur les rives des premières rivières coulant sur Mars. Documents T.Lombry.

Mais ce système ne peut pas s'auto-entretenir. Point positif, le système atmosphérique martien fonctionne à l'identique depuis plus de 4 milliards d'années. A partir du moment où la biosphère martienne est en équilibre, lorsque l'oxygène permet à l'homme de respirer librement et que la végétation a colonisé les lagons, on estime que sans "entretien" il faudra environ cent millions d'années pour que Mars reperde son atmosphère et redevienne stérile. C'est un très long délai.

L'espérance de vie de la Terre n'est pas beaucoup plus longue astronomiquement parlant; la limite supérieure est fixée à 40 fois cette durée. Dans 4 milliards d'années en effet le Soleil deviendra une géante rouge et grillera toute vie sur Terre. Mais d'ici un milliard d'année déjà la Terre deviendra une serre dans laquelle la température s'emballera. C'est seulement à peine dix fois l'espérance de vie sur Mars. Nous devons donc relativiser la dimension de telles nombres.

Le prix du terraforming

Quand on discute de terraforming en termes d'antimatière ou d'hyperdrive comme dans "Star Trek" ou plus raisonnablement en injectant du gaz carbonique dans l'atmosphère de Mars, en déversant des tonnes de cyanobactéries, en construisant des dizaines de centrales minières, des usines à oxygène ou en plaçant sur orbite des miroirs de la taille de la France (100 km de rayon, 200 kT), on parle d'un projet qui revient à des milliards de dollars. C'est un projet passionnant mais vu sa complexité et son prix, il ne faut pas le prendre au sérieux tout de suite.

Terraforming dans Valles Marineris. Documents T.Lombry.

Si on vous dit qu'il est possible de rendre Mars habitable, chaude et respirable, on s'imagine immédiatement qu'elle pourrait un jour abriter une vie végétale et peut-être animale et qu'il serait possible d'y effectuer les mêmes activités que celles que nous pratiquons sur Terre. Et cela devrait être réalisé dans l'enveloppe budgétaire actuelle des agences spartiales et sur une échelle de temps raisonnable, inférieure à cent ans... Est-ce vraiment réaliste ?

La NASA a à peine deux fois l'âge de ses programmes spatiaux. Les commanditaires de tels projets veulent bien investir quelques dollars, mais certainement pas des millions de dollars sans être certain du résultat. Il faut avant tout que le projet soit réalisable et qu'il ait des retombées économiques car on joue ici avec l'argent des contribuables.

A l'heure actuelle un projet de terraforming doit être une mission à court terme qui puisse être intégrée dans les programmes en cours. La résurrection de Mars est donc possible mais c'est une vision à long terme qui se fera en étapes et à condition que les problèmes socio-économiques, financiers et politiques mondiaux ne s'aggravent pas, car dans cette éventualité ce projet risque d'être abandonné au profit de programmes humanitaires plus utiles à la communauté, comme nous l'avons déjà connu dans le passé.

Dessins à consulter : Terraforming - Astro Boys

A gauche, réchauffement de Mars au moyen de miroirs statiques de Zubrin. A droite, après terraforming, les rives de Valles Marineris se couvrent de mousses et de buissons rustiques, capables de supporter un climat sec et froid. Documents D.R. et T.Lombry.

Disons-le franchement, la plupart des ingénieurs estime que le terraforming de Mars est une utopie, le genre de projet démagogique, démesuré et pharaonique qui ne verra jamais le jour car il est tout simplement irréaliste. En revanche, une minorité de personnes reste persuadée qu'il n'est pas utopique mais ne le voyant pas se concrétiser elles se consolent en disant que ce projet n'est pas prioritaire. Qui a raison ?

Ceux qui pensent pouvoir démarrer un projet de terraforming sur Mars d'ici quelques décennies - comme le président Bush l'annonça début 2004 à la plus grande joie de la NASA - ignorent les coûts et les risques de cette aventure. En perte de vitesse dans les sondages, le président Bush voyait le projet de colonisation de Mars sous un angle purement politique, pour satisfaire son électorat; c'était de la démagogie.

Par contre si l'agence américaine se concerte avec ses alter-ego européens, russes, chinois et japonais, nous pouvons envisager une colonisation - à titre scientifique - de la Lune et de Mars à long terme, en planifiant raisonnablement ces différentes étapes sur plusieurs générations. Rien ne presse, demain Mars brillera toujours dans le ciel. Mais le terraforming c'est un projet bien plus complexe à mettre en oeuvre qu'une petite colonie spatiale. D'ailleurs aucune agence spatiale ne s'est penchée sérieusement sur ce projet. Honnêtement, soyons heureux si nos descendants mettent le dossier du terraforming sur la table des comités de sélection des agences spatiales dans quelques siècles.

Quelle éthique adopter ?

En admettant que le terraforming de Mars soit d'actualité, une question se pose : l'homme peut-il à sa guise façonner une planète ? Comment appliquer à Mars l'éthique écologique que nous essayons de mettre en place sur Terre pour préserver ce bien commun de l'humanité et comment gérer la question sensible de l'apport de la vie sur autre planète ?

Trois critères doivent être considérés, que l'on étudie Mars ou notre biocénose : le système, la durée et l'action. Quand nous observons la Terre depuis l'espace nous la voyons comme un système. Et Mars n'est pas différent. Sur Terre nous n'avons jamais vraiment fait de distinction entre la vie et la nature puisque nous sommes un produit de dame Nature.

La vie et son environnement sont étroitement entrelacés dans une histoire d'amour qui dure depuis 4 milliards d'années. Vous ne pouvez pas "effacer" un organisme de la planète sans modifier son environnement et la façon dont ce dernier réagit à ce changement. Partout dans la nature des boucles de rétroactions se sont instaurées entre niches écologiques pour assurer un juste équilibre des forces antagonistes; briser un maillon de cette chaîne et toute la pyramide s'écroulera.

L'évolution n’a jamais été graduelle sur Terre, allant du simple au complexe. Pendant la plus grande partie de son existence, la Terre n'abritait que des êtres unicellulaires. Puis soudain, il y a 540 millions d’années, il y eut l'explosion du Cambrien, une explosion biologique sans précédent qui donna naissance aux métazoaires. Ponctuée par des changements rapides et explosifs, la vie semble toutefois garder une direction déterminée sans pour autant que se dessine quelque chose de précis à l'horizon; dame Nature travaille sans plan !

A gauche, suivi du terraforming de Mars. A droite, construction d'une planète selon le scénario surréaliste de Douglas Adams (H2G2). Documents T.Lombry et H2G2/Spyglass Entertainment/Walt Disney Pictures.

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos des extinctions de masse qui sont des exemples très instructifs de la manière dont la vie évolue, au jeu de la loterie de la vie, nous aurions pu perdre cent fois et ne laisser aucune trace de notre passage ici bas. Nous avons toutes les raisons de croire qu'un phénomène similaire s'est produit sur Mars. Car il faut rappeler qu'au cours des extinctions massives qui ont ponctuées le passé de la Terre, jusqu"à 98 % des espèces existantes ont été anéanties, et de manière naturelle !

Le second critère à considérer est la durée du changement. S'il est temporaire et ne modifie l'astre que quelques années, son influence est toute relative et même individuellement il nous arrive de modifier la planète, bien sûr à notre échelle. Dans le cas de Mars le terraforming aura des conséquences durant cent millions d'années. Sur Terre la vie devrait se développer durant quelques milliards d'années. C'est un changement majeur qui impose que l'on édicte des règles tout aussi importantes puisqu'elles porteront leurs effets durant des milliers de générations.

Le troisième critère est la nature de l'action humaine. Nous avons tendance à penser que l'action humaine produit toujours un impact négatif sur l'environnement, et généralement c'est le cas ainsi que nous l'expliquerons dans le dossier consacré à l'écologie. Ce n'est pas pour rien que les mouvements écologiques ont vu le jour. A l'image d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, l'homme bouscule dame Nature partout où il peut pour s'accaparer ses biens; il n'a qu'une vue à court terme de ses actions et ne se préoccupe pas des générations futures. Ce n'est pas toujours un acte volontaire car l'homme est incapable de gérer ses ressources en fonction des générations futures. Il a des besoins immédiats à satisfaire et laisse le soin à ses descendants de régler les leurs. Cette vue égoïste peut néanmoins conduire à des bouleversements majeurs dans les écosystèmes car l'environnement est un système global complexe.

Le terraforming de Mars. A gauche, réchauffement de Mars au moyen de miroirs statiques de Zubrin. Ensuite, si les conditions sont réunies, ce ne serait qu'une question de temps. Une utopie aujourd'hui, peut-être une réalité dans quelques siècles. Documents NASA, Albert T.Kamajima et Venngage.

Cela dit jamais on a défini l'environnement comme étant une entité biologique. Même la théorie de Gaïa de James Lovelock n'a jamais considéré la Terre comme un organisme vivant capable de s'auto-gérer comme certains le prétendent encore. Ce sont ceux qui ont interprété sa théorie qui ont voulu y voir une hypothèse téléologique. Si nous suivons notre logique, les astrobiologistes nous disent que si l'objet est inerte biologiquement parlant, les actions que l'homme pourrait avoir sur lui n'ont aucune importance éthiquement parlant puisque qu'elles ne modifient en rien la façon de vivre d'êtres qui n'existent pas. Mars répond à ce profil. Il est biologiquement mort et toute action que nous pourrions y mener ne peut produire qu'un effet positif. C'est en ce sens que nous pouvons concevoir une éthique environnementale applicable à la Terre ou à tout autre corps céleste et la fonder sur certains principes de base.

La plupart des juristes spécialistes des problèmes d'environnement nous disent qu'en général l'éthique environnementale est fondée sur la combinaison plus ou moins heureuse de principes tels que l'utilitarisme ou les bonnes intentions. Il peut s'agir de la conservation des biotopes, de la préservation des espèces, de la notion de laisser vivre, etc. Puisque nous ne savons pas quelles sont les conséquences globales de nos actions, nous ne devrions rien modifier en bien ou en mal puisque nous sommes incapables de voir la différence entre le bien et le mal d'un point de vue écologique. Combien de fois n'avons nous pas modifié des biotopes dans un sens pour le "réparer" par la suite dans l'autre sens... Nous avons gaspillé autant si pas plus d'argent pour redonner un visage naturel à dame Nature que pour le façonner à notre guise. Un jour peut-être, à force de perdre de l'argent et parfois des vies, nous apprendrons la leçon. Finalement il apparaît une valeur encore plus précieuse, c'est la valeur intrinsèque de la vie et elle pourrait très bien s'appliquer à Mars.

Parallèlement à ces démarches, il ne faut pas oublier que les avocats devront amender le droit spatial au-delà des limites du système Terre-Lune et, si nous marchons un jour sur Mars, nous devrons alimenter un budget qui ira croissant au détriment des autres projets astronautiques.

Dernier chapitre

Les stations de recherche FMARS et MDRS de la Mars Society

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