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Traces d'eau à la surface de Mars

Des lacs de saumures souterrains près du pôle Sud ? (IV)

La présence d'eau liquide à la base des calottes polaires martiennes a longtemps été suspectée mais non prouvée. Dans un article publié en 2018 dans la revue "Science" (et sur le site de l'ESA), Roberto Orosei de l'Institut d'Astrophysique de l'Université de Bologne III et ses collègues ont présenté les résultats de l'analyse de la région de Planum Australe au moyen du radar MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding) à basse fréquence embarqué à bord de la sonde spatiale Mars Express de l'ESA.

Les signaux radar peuvent pénétrer dans la roche et dans la glace et réfléchissent un signal dont la signature dépend de la nature des matériaux. Les relevés radars furent effectués entre mai 2012 et décembre 2015 et indiquent l'existence de zones brillantes près du pôle Sud comme on le voit ci-dessous. Selon les auteurs, un lac d'eau salée serait enfoui sous les couches de glace d'Ultima Scopuli. La possibilité d'un environnement potentiellement habitable pour des microbes a soulevé l'enthousiasme des chercheurs.

A gauche, localisation de la zone d'Ultimi Scopuli située par 81°S et 193°E prospectée par le radar MARSIS de l'orbiter Mars Express de l'ESA entre mai 2012 et décembre 2015. Au centre, la puissance de l'écho reflété. A droite, les relevés radars indiquent que vers 1.5 km de profondeur près du pôle Sud de Mars il existerait (c'est au conditionnel) de l'eau liquide sous la couche stratifiée de glace et de sédiments. Les résultats d'une modélisation (cf. C.Grima et al., 2022) ont montré qu'il ne s'agit pas d'un lac souterrain mais plus vraisemblablement de réflexions sur des roches d'origine volcanique. Documents ESA/NASA/PJL/ASI/U.Rome/R.Orosei et al. (2018) adaptés par l'auteur.

L'analyse de ces signaux montre que cette caractéristique lumineuse présente une permittivité diélectrique relative (une réponse à un champ électrique comparée à celle du vide) relativement élevée (> 15), correspondant à celle des matériaux aquifères. Rappelons que la permittivité relative des matériaux à 0°C et pression normale varie entre εr = 1 pour le vide et 88 pour l'eau pure (voir le tableau ci-dessous ainsi que cet article) et à tendance à s'atténuer en présence de sels (cf. cette thèse). Bien entendu sur Mars, la pression dans le sol est plus élevée et l'eau est loin d'être pure mais elle peut être salée et donc la comparaison directe n'est pas possible.

Si nous comparons ces données à celles recueillies en Antarctique (l'environnement le plus proche de celui de Mars en terme de froid, sécheresse et force du vent) et au Groenland, une permittivité supérieure à 15 est indicatrice de la présence d'eau liquide sous les dépôts de surface. Les chercheurs en déduisent que les échos relevés sur Mars ne peuvent correspondre qu'à de l'eau liquide qui est piégée à 1.5 km sous la glace, en-dessous des dépôts stratifiés.

Les réflexions souterraines - ou plutôt sous-martiennes - anormalement brillantes apparaissent dans une zone bien délimitée mesurant ~20 km de large sur les 1100 km que couvre Ultima Scopuli centrée sur 81°S et 193°E (en bleu ci-dessus). Autrement dit, il s'agirait d'un lac sous-glaciaire (comme on en trouve sur Terre avec le lac Vostok par exemple) avec tous les sous-entendus que cela suggère en terme d'exobiologie. Si cela se confirme, on peut envisager l'existence d'autres nappes souterraines sur Mars, ce qui faciliterait grandement la vie des futurs explorateurs de la planète Rouge.

Matériau

Constante

diélectrique

Matériau

Constante

diélectrique

Vide

1

Calcaire

4,0

Air sec

1,0006

Quartz

4,5

Eau (vapeur)

1,00785

Talc

5,3

Acétone

1,0159

Basaltes / Andésites

 5 - 7

Butane à -1°C

1,4

Mica blanc

9,6

Cendre (volante)

1,7 - 2,0

Argiles (humides - sèches)

8 - 12

Papier

2,3

Bois humide

10 - 30

Benzène à 20°C

2,3

Eau à 100°C

55,7

Pétrole lourd

3,0

Eau de mer (sal. 32%)

77

Sel

3,0 - 15,0

Eau douce

81

Sable (humide - sec)

3,0 - 5,0

Eau pure

87,7

Glace

3,2

Oxyde de titane

100

Marbre

4,0

Acide cyanhydrique (HCN)

158

Valeurs de la constante diélectrique de quelques milieux et matériaux à 0°C et pression normale sauf autre mention. Extrait des constantes diélectriques de Clipper Controls, de la thèse de L.Comparon et de "Géophysique de gisement et de génie civil" (1998, p349) de Jean-Luc Mari et al.

NB. La permittivité diélectrique ou constante diélectrique décrit la réponse d'un milieu ou d'un matériau soumis à un champ électrique. Elle caractérise sa capacité à emmagasiner de l'énergie électrostatique. Cette propriété intervient dans la propagation des ondes électromagnétiques et est exploitée par l'industrie pour fabriquer des instruments de mesures (radars, sondes RF, etc) et des matériaux offrant des propriétés spéciales (verres, céramiques, etc).

Mais certains chercheurs ne sont pas du même avis. Certains membres de l'équipe MARSIS estiment que cette permittivité n'est pas suffisamment importante pour correspondre à de l'eau et suggèrent qu'il s'agirait plutôt de roche. Toutefois, il est rare que des roches présentent une telle permittivé (elle oscille généralement entre 2 et 10. L'oxyde de titane peut atteindre 100).

Certains estiment qu'il s'agirait de glace. Mais si la pression est élevée, elle est liquide et vraisemblablement très salée. Dans la perspective d'une exobiologie, ce serait donc un milieu hypersalin très hostile et même mortel pour les micro-organismes, du moins si on se base sur les critères terrestres. Mais ceci est purement spéculatif et devra être confirmé par une future mission in situ.

En 2020, les mêmes chercheurs italiens ont confirmé leurs résultats de 2018 dans une nouvelle étude publiée dans la revue "Nature". Selon les chercheurs, ces résultats "renforcent l'annonce de la détection d'un corps d’eau liquide à Ultimi Scopuli, et indiquent la présence d'autres zones humides aux alentours." Autrement dit, les chercheurs confirment leur première découverte et affirment même avoir découvert plusieurs autres lacs de saumures.

Cartographie de la région martienne de Ultimi Scopuli située près du pôle Sud de Mars sondée par le radar MARSIS de Mars Express. La zone couvre une superficie de 120 km x 90 km. Les zones en bleu pourraient représenter des lacs de saumures souterrains. Document d’eau liquide. S.E. Lauro et al. (2020) adapté par l'auteur.

Selon les chercheurs, la combinaison des conditions climatiques, physiques, géologiques et topographiques martiennes pourrait favoriser la formation d'eau liquide et sa subsistance dans des lacs souterrains. Ce sont les mêmes processus qui ont permis l'accumulation de perchlorates dans le sol (voir plus haut) qui absorbent l'eau présente dans l'atmosphère, formant des saumures par déliquescence (un solide absorbe l'humidité ambiante et passe ensuite à l’état liquide ou semi-liquide).

Bien que le milieu soit hypersalin, glacé et toxique, les exobiologistes nous rappellent que sur Terre des bactéries extrêmophiles et des organismes anaérobies (vivant sans oxygène) sont adaptés à de tels environnements (cf. la faculté d'adaptation). Même si ces conditions stressantes ne sont pas très favorables à la vie, on ne peut pas exclure que des organismes similaires puissent survivre sur Mars, une hypothèse qui reste à prouver.

Controverse autour des lacs sous-glaciaires d'Ultima Scopuli

Trois études publiées mi-2021 et une quatrième publiée en 2022 ont jeté le doute sur l'existence de supposés lacs sous-glaciaires près du pôle Sud de Mars découverts par l'équipe de Roberto Orosei décrite ci-dessus.

Peu de temps après la publication de l'article sur les lacs de saumures, environ 80 planétologues spécialistes de Mars se sont réunis à Ushuaia, en Argentine, pour la Conférence internationale sur la science et l'exploration polaires de Mars. Beaucoup de discussions ont porté sur les lacs souterrains. Combien de chaleur faudrait-il pour garder l'eau liquide sous toute cette glace ? La saumure pourrait-elle abaisser suffisamment le point de congélation de l'eau pour la garder liquide ?, etc.

Comme pour l'hypothèse du sable humide (les lignes de pentes récurrentes ou RSL, voir page 3), plusieurs scientifiques ont voulu tester l'hypothèse des lacs souterrains.

Photo des strates dans la calotte glaciaire du pôle Sud de Mars prise par MRO. Document NASA/MRO/U.Az.

Parmi ces scientifiques, Jeffrey Plaut du JPL et le doctorant Aditya Khuller de l'Université de l'Etat d'Arizona en stage au JPL ont analysé 44000 échos radar de la base de la calotte polaire australe étalés sur 15 ans de données MARSIS. Ils ont révélé des dizaines de reflets plus brillants similaires à ceux de l'étude de 2018. Mais dans leur article publié dans les "Geophysical Research Letters" en 2021, ils déclarent avoir trouvé beaucoup de ces signaux dans des zones proches de la surface, où il devrait faire trop froid pour que l'eau reste liquide, même lorsqu'elle est mélangée avec des perchlorates qui peuvent abaisser la température de congélation de l'eau.

Deux équipes distinctes de scientifiques ont ensuite analysé les signaux radar pour déterminer si quelque chose d'autre pouvait produire ces signaux.

Dans une étude théorique, Carver Bierson de l'ASU suggéra que plusieurs matériaux pourraient provoquer ces signaux, notamment des argiles, des minéraux métallifères et de la glace saline. Mais sachant que les smectites, un groupe d'argiles, sont présents partout sur Mars, Isaac Smith de l'Université de York à Toronto, qui organisa la conférence à Ushuaia, est allé plus loin dans un troisième article distinct en mesurant les propriétés des smectites en laboratoire.

Les smectites ressemblent à de la roche ordinaire mais ont été formées par de l'eau liquide il y a longtemps. Smith analysa la signature radar de plusieurs échantillons de smectite. Il les a également aspergés d'azote liquide, les congelant à -50°C pour simuler la température qui règne au pôle Sud de Mars.

Smith trouva que les signatures correspondaient presque parfaitement aux observations radar de MARSIS. Ensuite, lui et son équipe ont vérifié les argiles présentes sur Mars à proximité de ces observations radar. Ils se sont appuyés sur les données du spectromètre de masse CRISM de MRO. Et ils découvrirent ce qu'ils espéraient.

Alors que CRISM ne peut pas sonder à travers la glace, Smith trouva des smectites dispersées à proximité de la calotte glaciaire du pôle Sud. L'équipe de Smith démontra que la smectite congelée peut produire les mêmes réflexions sans qu'aucune quantité inhabituelle de sel ou de chaleur soit requise, et qu'elle est présente au pôle Sud. Smith conclut : "les argiles, et non l'eau, sont probablement la source des "lacs" de Mars".

Sans visite in situ et sans creuser à travers plusieurs kilomètres de glace, il n'y a aucun moyen de confirmer ce que sont les signaux radar brillants que détecta MARSIS. Mais les articles récents proposent des explications plausibles qui sont plus logiques que de conclure directement qu'il s'agit d'eau liquide.

Selon Plaut, "En science planétaire, nous nous rapprochons souvent de la vérité. L'article original ne prouvait pas que c'était de l'eau, et ces nouveaux articles ne prouvent pas que ce n'est pas le cas. Mais nous essayons de réduire autant que possible les possibilités afin de parvenir à un consensus."

Enfin, en 2022, Cyril Grima et ses collègues de l'Institut de Géophysique de l'Université du Texas publièrent dans les "Geophysical Research Letters" les résultats d'une modélisation du sous-sol de Mars sous la région du pôle Sud.

Selon Grima, "Pour que l'eau soit maintenue aussi près de la surface, il faut à la fois un environnement très salé et une forte source de chaleur générée localement, mais cela ne correspond pas à ce que nous savons de cette région."

Lorsque Grima ajouta une hypothétique calotte glaciaire globale imaginaire sur une carte radar de Mars, les chercheurs purent observer comment les terrains martiens apparaîtraient lorsqu'ils sont sondés à travers plus de 1 km de glace, leur permettant de comparer les caractéristiques de la planète entière avec celles sous la calotte du pôle Sud. Grima remarqua des reflets brillants, tout comme ceux détectés par MARSIS mais dispersés à travers toutes les latitudes. Dans la mesure où cela pu être confirmé, ils correspondaient à l'emplacement des plaines volcaniques.

Finalement les chercheurs sont arrivés à la conclusion que les réflexions ne sont pas dues à la présence d'un lac souterrain mais plus vraisemblablement à la présence de basaltes, de roches d'origine volcanique.

Selon le géophysicien Isaac B. Smith de l'Institut des Sciences Planétaires (PSI) et de l'Université de York qui n'a participé à aucune de ces quatre études, les signatures radar lumineuses pourraient correspondre à une sorte d'argile formée lorsque la roche s'érode dans l'eau. En 2021, Smith découvrit que les argiles terrestres reflétaient fortement les ondes radars, tout comme les points lumineux relevés sur Mars par les chercheurs italiens en 2018.

Selon Smith, "Je pense que la beauté de la découverte de Grima est que, bien qu'elle réfute l'idée qu'il pourrait y avoir de l'eau liquide sous le pôle sud de la planète aujourd'hui, elle nous donne également des endroits très précis où chercher des preuves d'anciens lacs et lits de rivières et tester des hypothèses sur l'assèchement plus large du climat de Mars au cours des milliards d'années."

Pour Smith, cette étude est une leçon qui donne à réfléchir sur le processus scientifique qui est aussi pertinent pour la Terre que pour Mars : "La science n'est pas infaillible du premier coup. C'est particulièrement vrai en science planétaire où nous regardons des endroits que personne n'a jamais visités et nous nous appuyons sur des instruments qui détectent tout à distance."

Mais une nouvelle étude soutient toujours l'idée qu'il y a localement de l'eau sous la glace près du pôle Sud de Mars.

Preuves indépendantes de lacs sous-glaciaires sous Ultimi Scopuli

Selon une étude publiée dans la revue "Nature Astronomy" en 2022 par Neil Arnold du Scott Polar Research Institute de Cambridge, les chercheurs ont apporté la première preuve indépendante qu'il y a de l'eau liquide sous la calotte glaciaire du pôle Sud de Mars.

Les chercheurs ont utilisé l'altimètre laser de la sonde spatiale MARSIS de la NASA pour mesurer la forme de la surface supérieure de la calotte glaciaire australe afin d'identifier des changements subtils dans sa hauteur. Ils ont ensuite comparé ces mesures à des modèles informatiques et confirment qu'elles correspondent aux prédictions sur la façon dont une masse d'eau sous la calotte glaciaire affecterait la surface.

Leurs résultats concordent avec les mesures radar antérieures qui conduisirent les chercheurs à affirmer que de l'eau liquide existe sous la glace. Bien qu'il y eut une controverse à ce sujet (voir ci-dessus), Arnold et ses collèges soutiennent à leur tour qu'il y a de l'eau liquide.

Selon Arnold, "La combinaison des nouvelles preuves topographiques, des résultats de notre modèle informatique et des données radar rend beaucoup plus probable qu'au moins une zone d'eau liquide sous-glaciaire existe sur Mars aujourd'hui, et que Mars doit encore être géothermiquement active afin de garder l'eau liquide sous la calotte glaciaire."

Contrairement aux calottes glaciaires de la Terre qui reposent sur des canaux remplis d'eau et même de grands lacs sous-glaciaires, on pensait encore récemment que les calottes glaciaires polaires de Mars étaient gelées jusqu'à leurs lits en raison du climat glacial.

Sur Terre, les lacs sous-glaciaires affectent la forme de la calotte glaciaire qui les recouvre, sa topographie de surface. L'eau des lacs sous-glaciaires réduit la friction entre la calotte glaciaire et son lit, affectant la vitesse d'écoulement de la glace sous l'effet de la gravité. Cela affecte à son tour la forme de la surface de la calotte glaciaire au-dessus du lac, créant souvent une dépression dans la surface de la glace suivie d'une zone surélevée plus en aval.

A consulter : Carte d'Ultimi Scopuli, Google Mars

A gauche, image composite de la calotte polaire australe de Mars (longitude de 211°) photographiée par la sonde orbitale MGS mi-mai 2005. Au centre, la zone d'Ultimi Scopuli (le carré vert) proche du pôle Sud étudiée par N.Arnold et ses collègues. Les analyses indiquent que cette région contient de l'eau glacée mélangée à 10% de poussière. A droite, la zone mesurée par l'altimètre laser révèle des déplacements verticaux de la surface glacée de plusieurs mètres. Comme sur Terre, l'explication la plus probable est l'existence de lacs sous-glaciaires. Documents NASA/JPL/MSSS et N.Arnold et al. (2022).

Les chercheurs ont utilisé différentes techniques pour examiner les données de la sonde spatiale MGS de la NASA sur la topographie de surface de la partie de la calotte polaire sud de Mars où le signal radar fut identifié. Leur analyse révéla une ondulation de surface de 10 à 15 km de long comprenant une dépression et une zone surélevée correspondante, qui s'écartent toutes deux de la surface de glace environnante de plusieurs mètres comme illustré ci-dessus à droite. Ce comportement est similaire en échelle aux ondulations sur les lacs sous-glaciaires terrestres.

L'équipe a ensuite vérifié si le mouvement ondulatoire observé à la surface de la glace pouvait être expliqué par de l'eau liquide au niveau du lit. Ils ont réalisé des simulations informatiques de l'écoulement de la glace, adaptées aux conditions spécifiques de Mars. Ils ont ensuite inséré du frottement dans le lit de la calotte glaciaire simulée où l'eau, si elle est présente, permettrait à la glace de glisser et d'accélérer. Ils ont également fait varier la quantité de chaleur géothermique provenant de l'intérieur de la planète. Ces simulations ont montré l'existence d'ondulations sur la surface de glace similaires en taille et en forme à celles que l'équipe observa sur la surface réelle de la calotte glaciaire.

La similitude entre l'ondulation topographique produite par le modèle et les observations réelles de MGS, ainsi que les preuves radar antérieures pénétrant dans la glace, suggèrent qu'il y a une accumulation d'eau liquide sous la calotte glaciaire polaire sud de Mars, et que l'activité magmatique s'est produite relativement récemment sous la surface de Mars pour accentuer le chauffage géothermique nécessaire pour maintenir l'eau à l'état liquide.

Selon les auteurs, "Les résultats du modèle d'écoulement glaciaire suggèrent que des anomalies topographiques comparables se forment entre 0.5 et 1.5 million d'années avec un chauffage géothermique localement élevé ou entre 2 et 5 millions d'années sans chauffage géothermique élevé. Ces résultats offrent un soutien indépendant à la présence d'eau basale sous Ultimi Scopuli et suggèrent que la topographie de surface pourrait compléter les retours radar pour aider à identifier d'autres masses d'eau sous-glaciaires potentielles."

Anorld affirme que "La qualité des données provenant de Mars, des satellites orbitaux ainsi que des atterrisseurs, est telle que nous pouvons les utiliser pour répondre à des questions vraiment difficiles sur les conditions sur, et même sous la surface de la planète, en utilisant les mêmes techniques que celles que nous utilisons sur Terre."

Traces potentielles de glace d'eau sous Medusae Fossae

Les formations de Medusae Fossae (MFF) sont un ensemble montagneux de dépôts sédimentaires qui chevauchent l'équateur martien (3.2° S, 197° E). Les reliefs sont sculptés par le vent et pourraient représenter la plus grande source de poussière sur Mars.

D'après l'analyse des images du radar MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding) de l'orbiter Mars Express de l'ESA, les MFF se révèlent être finement stratifiées et très friables – activement retravaillées/érodées par le vent – et sont âgées de plusieurs milliards d'années. L'origine de ces formations reste un mystère. Les hypothèses actuelles vont de dépôts de cendres volcaniques aux dépôts riches en glace.

Dans un article publié dans les "Geophysical Research Letters" en 2024, l'équipe de Thomas R. Watters du Centre d'études terrestres et planétaires du Musée National de l'Air et de l'Espace (NMAS) de la Smithsonian Institution présenta les résultats de l'analye d'un modèle hybride reprenant les deux scénarii.

Selon les auteurs, si les dépôts des Formations de Medusae Fossae sont potentiellement riches en glace, ils pourrait contenir le plus grand volume d'eau de la région équatoriale de Mars. Comme illustré ci-dessous, les données du radar MARSIS ont révélé des couches dans les dépôts de MFF qui sont probablement constituées des transitions entre des mélanges de poussières riches en glace et pauvres en glace, analogues à celles des dépôts polaires en couches.

A gauche, cartes d'épaisseur des parties suspectées d'être riches en glace des dépôts des Formations de Medusae Fossae (MFF) sculptées par le vent. Le panneau du haut indique que les dépôts sont enfouis sous une couche de 300 m de sédiments libres de glace et le panneau inférieur indique une profondeur d'enfouissement de 600 m. Au centre, carte topographique de Medusae Fossae. Selon les données du radar MARSIS de l'orbiter Mars Express, le site abrite des dépôts en couches riches en glace d’eau. Sur l'image du haut, la ligne horizontale blanche est la zone sédimentaire scannée par MARSIS. En dessous, la fenêtre contextuelle en noir et blanc représente le profil radar qui révèle la structure du sous-sol ; plus la zone est lumineuse, plus l'écho radar est fort. La ligne blanche couvre deux monticules séparés par une vallée. L'analyse des données radar suggère que sous une épaisse couche de matière sèche (probablement de la poussière ou des cendres volcaniques), les monticules sont remplis de glace d'eau. A droite, sur l'image du haut de la surface de Mars, la ligne blanche représente l'étendue de sédiments scannée par le radar MARSIS. Le graphique du bas montre le profil du terrain et la structure du sous-sol, avec la couche de sédiments secs (probablement de la poussière ou des cendres volcaniques) en marron et la couche de dépôts suspectés riches en glace en bleu. Le dépôt de glace atteint localement plus de 2 km d'épaisseur et des centaines de kilomètres de longueur. Si toute la glace d’eau présumée des MFF fondait, elle recouvrirait Mars d’un océan d’eau pouvant atteindre 2.7 m de profondeur. Documents T.R. Watters et al. (2024).

Selon Gareth A. Morgan, scientifique principal au Planetary Science Institute et coauteur de l'article, "S’il s’agit de glace, cela représenterait la glace de basse latitude la plus importante jamais détectée sur Mars. Du point de vue de la mission humaine, la glace représente une ressource précieuse pour le maintien de la vie et pour générer du carburant pour le voyage de retour. Les basses latitudes sont également très souhaitables pour plusieurs raisons, la plus importante étant la température et l’énergie solaire en raison des angles relativement élevés du Soleil. Cependant, les dépôts potentiels de glace sont enfouis sous des centaines de mètres de matière sèche et seraient très difficiles à extraire."

L'existence potentielle de cette glace fournit également des indices essentiels sur l'évolution climatique de Mars. Selon Morgan, "Nous avons compris depuis longtemps que Mars a régulièrement connu des sortes de périodes glaciaires. Pendant les périodes de forte obliquité – l’inclinaison axiale de la planète qui détermine l’étendue des saisons comme nous les connaissons sur Terre – la glace devient moins stable aux pôles et migre vers des latitudes plus basses. Si les MFF sont effectivement riches en glace, comme elles sont situées à l’équateur, cela suggère que Mars a connu des périodes d'obliquité extrême."

Prochaines missions vers Mars

Comprendre comment l'atmosphère martienne et l'environnement de surface dans son ensemble ont évolué est important pour la recherche d'une éventuelle forme de vie sur Mars, ainsi que pour notre compréhension de la façon dont la Terre a pu évoluer au début de son histoire.

De toute évidence, étudier Mars est extrêmement difficile et l'intégration de méthodologies créatives et technologiquement avancées est nécessaire.

Les prochains missions des landers et rovers d'exploration viseront à détecter des traces de vie qui auraient pu exister, ou existent peut-être encore sur Mars, notamment aux abords des gullies, dans les ruisseaux de saumures ou sous les corniches. Nous savons déjà que l'idée selon laquelle Mars fut habitable est plausible. Selon Squyres, "si cette interprétation est correcte, la région de la Corniche d'Opportunity pourrait même avoir préservé quelques traces d'organismes vivants."

Les découvertes d'Opportunity font de Meridiani Planum un lieu privilégié où pourraient être conduites les futures recherches exobiologiques in situ. Les sites des saumures et les régions bordant les calottes polaires sont également des lieux tout indiqués, en particulier leur sous-sol abrité des rayons UV. L'avenir reste passionnant.

Pour plus d'informations

La survie des microbes et des spores sur Mars (sur ce site)

NASA Mars Exploration

Mars Curiosity

Dirty ice on Mars, IGP Hawaï, PSDR, 2002

Mars contamination fear could divert Curiosity rover, Nature, 2016

Preventing the forward contamination of Mars, Governing Board of the National Research Council, 2006.

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