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Météorologie élémentaire

Prévision de l'intensité du givrage (III)

L'intensité du givrage varie en fonction de la température à la base des nuages, de la hauteur de vol au-dessus de cette base et du caractère de stabilité de ces nuages.

Sur les diagrammes suivants on constate par exemple que pour une température de 5°C à la base du nuage et pour un vol s'effectuant à 5000 pieds au-dessus de cette base, on peut s'attendre à un givrage modéré dans les nuages stables et sévère dans les nuages instables. En pratique si vous devez traverser des cumulonimbus, attendez-vous à ce que le givrage soit sévère (ainsi que la turbulence).

Aspects opérationnels

Le givrage a depuis longtemps retenu l'attention des constructeurs d'avions et des efforts considérables ont été consentis pour assurer une protection efficace par réchauffement artificiel, spécialement pour les avions rapides. L'échauffement cinétique constitue un élément important du calcul de la quantité de chaleur artificielle nécessaire pour maintenir les surfaces de l'avion à température positive.

La fréquence relativement faible d'indicents dûs à un givrage sévère signifie vraisemblablement que le but a été atteint. Toutefois, il est possible que dans certaines conditions et malgré un réchauffement artificiel, le contenu en eau anormalement élevé d'un nuage entraîne la formation de glace.

Un apport artificiel de chaleur dans des nuages composés exclusivement de cristaux de glace peut provoquer la formation de glace là où aucun givrage n'eût été observé en l'absence de chaleur artificielle. Il est probablement indiqué de ne pas utiliser le réchauffement artificiel au cours d'un vol effectué à des températures auxquelles la présence d'eau surfondue est très importante (< 40°C) à moins, évidemment, que du givrage soit ou ait été observé.

Il est indispensable que chaque pilote étudie soigneusement les instructions relatives à chaque type d'avion qui donnent les actions à prendre pour éviter, éliminer ou contrecarrer la formation de glace dont le mécanisme a été exposé dans les pages précédentes.

Gelée blanche déposée en cours de vol sur le bord d'attaque de l'aile d'un avion de ligne et sur l'aileron arrière d'un bimoteur. Documents NASAExplores et U.Illinois

Givrage du carburateur

Le givrage de l'entrée d'air et des systèmes d'alimentation des moteurs à pistons fut longtemps considéré, à juste titre, comme un incident grave et tous les efforts des fabricants tendirent à fournir suffisamment de chaleur pour le supprimer et à abriter les entrées d'air.

Du fait de la diminution de pression intervenant au cours de son accélération à travers le carburateur, l'air est refroidi adiabatiquement; ce refroidissement est amplifié par l'évaporation rapide de l'essence. Ce refroidissement peut être suffisant pour amener l'intérieur du carburateur à température négative même lorsque la température ambiante est nettement positive (le refroidissement peut atteindre 25°C) et entraîner la formation de glace pour autant que l'humidité de l'air soit suffisante.

Le givrage du carburateur peut donc intervenir en air clair et à température positive.

Ce type de givrage varie d'un moteur à l'autre et il appartient à chaque pilote de connaître exactement les conditions de givrage de son avion.

Givrage des moteurs à réaction

S'il y a des pilotes militaires parmi les lecteurs, vous n'ignorez pas que la protection contre le givrage des moteurs à réaction est plus difficile; il est en effet impossible de protéger l'entrée d'air d'une turbine comme pour les moteurs à pistons.

Document NASA IRT.

Givrage dans une turbine.

L'entrée d'air est sujette au givrage tout comme l'ensemble de l'avion et est protégée de manière similaire. Ses bords sont particulièrement susceptibles de givrage, leur rayon de courbure étant généralement très petit. Il en est de même de tout objet faisant obstacle à l'écoulement d'air à travers les entrées d'air et les guides d'entrée d'air du compresseur.

Plus loin, la température est généralement trop élevée pour que le givrage intervienne encore. La glace qui se détache de ces positions peut provoquer des dégâts à l'intérieur de la turbine.

Une autre cause de givrage dans certains moteurs résulte de la liquéfaction des cristaux de glace. 

Certaines parties des entrées d'air sont normalement très chaudes. Au cours d'un vol dans de la neige ou dans un nuage formé de cristaux de glace ces surfaces peuvent être refroidies jusqu'à 0°C du fait de la libération de chaleur latente nécessaire à la fonte de la neige ou de la glace qui les frappe.

La neige accumulée peut finalement glisser le long de la face interne des entrées d'air dans le moteur et entraîner un effet soudain d'étouffement provoquant l'arrêt du moteur (flame out). Un effet similaire peut intervenir durant une montée à travers des précipitations de neige fondue.

Si le moteur à réaction tourne à grande vitesse lorsque l'avion est immobile ou vole à faible vitesse comme par exemple en phase d'approche d'un aérodrome, il y a diminution de pression et refroidissement de l'air dans les entrées d'air. En effet, dans ce cas l'air n'est plus chassé dans le moteur mais au contraire aspiré par ce dernier. Dans des conditions d'humidité relative élevée et à température voisine de 0°C et pour des opérations prolongées dans de telles conditions, le givrage peut être suffisamment sévère pour que la glace se brise et endommage le moteur si les protections adéquates ne sont pas utilisées.

En conditions normales de vol, le moteur tend à recevoir plus d'air que nécessaire et la pression dans les entrées d'air est plus élevée qu'à l'extérieur de telle manière que le givrage ne peut intervenir.

Observations de givrage 

Conclusions de l'analyse faites par la NASA de 3200 cas de givrage observés par des avions civils de transport.

- Le givrage n'est pas continu à travers un nuage, il peut être entrecoupé de périodes sans givrage de longueurs variables.

- La distance parcourue en conditions de givrage fut supérieure à :

   42 km dans 33% des cas,

   85 km dans 10% des cas;

 193 km dands 1% de scas.

L'épaisseur de la couche givrante fut supérieure à :

  1500 pieds dans 33% des cas,

  2700 pieds dans 10% des cas,

  4700 pieds dans 1 % des cas.

Les températures auxquelles le givrage fut observé, furent inférieures à:

  -12°C dans 33% des cas,

  -20°C dans 10% des cas

  -32°C dans 1% des cas.

Parmi 600 observations de givrage effectuées par l'USAF, il ressort que :

 - 50% des conditions de givrage sont intermittentes,

 - 90% s'observent sur une distance inférieure à 200 km,

 - 90% des conditions de givrage ininterrompu s'étendent sur une distance inférieure à 90 km,

 - Dans 90% des cas l'épaisseur de la couche givrante est inférieure à 4500 pieds,

 - Dans 93% des cas l'épaisseur de glace formée est inférieure à 5 cm

 - La plus grande épaisseur de glace formée fut de 15 cm

 - 90% des températures où le givrage fut observé sont supérieures à -15°C

 - Le plus long trajet en conditions de givrage fut de plus de 700 km.

Incidents ou accidents dûs au givrage

Pour les jeunes pilotes qui douteraient encore des conséquences que peut entraîner le givrage voici trois comptes-rendus qui en disent long sur le danger que représente ce phénomène.

Gelée blanche et neige

En 1953, un Beechcraft tenta de décoller les ailes couvertes de neige fondante. Cette dernière gela lorsque l'avion prit de la vitesse; il parvint péniblement à décoller mais le pilote dut garder l'avion en ligne droite très près du sol sur une distance de plus de 3 km afin d'acquérir une vitesse suffisante pour grimper à une altitude lui permettant de tourner et de revenir à l'aérodrome.

A l'atterrissage le pilote dut maintenir une vitesse double de la vitesse normale; à cette vitesse, l'avion frôlait encore le décrochage.

L'avion fut amené au hangar, les ailes chauffées et nettoyées et l'avion décolla une heure plus tard sans aucun incident.

Givre dur transparent

- Un avion ayant à son bord onze étudiants de Yale essaya de décoller de Seattle en janvier 1949, les ailes couvertes de glace transparente.

Après une longue course, l'avion parvint à décoller mais s'écrasa aussitôt. Il n'y eut aucun survivant.

La couche de glace transparente qui recouvrait les ailes provenait d'une couche rugueuse de neige gelée qu'on avait essayé d'enlever en projetant de l'eau sous pression.

- Au cours d'une approche, un appareil dont les ailes étaient couvertes de glace tomba en vrille et s'écrasa au sol.

Givrage d'avion à réaction

- Huit "Thunderjet " F-84 en formation s'écrasèrent aux Etats-Unis en juin 1951 suite à l'obturation des écrans-filtres des entrées d'air qui étouffa les moteurs en quelques secondes. Ce fut la première catastrophe grave de tels appareils.

Les deux rapports qui suivent ont été rédigés par deux pilotes de F-84 qui traversèrent la même zone de givrage.

- En vol de formation, je me trouvais en montée quelque part entre 11000 et 13000 pieds. A ce moment, mon indicateur de vitesse renseignait environ 215 mph. J'ai contrôlé la température de l'extrémité de la tuyère et j'ai noté qu'elle augmentait de façon lente et régulière. J'ai réduis la puissance jusqu'à environ 80%, j'ai poussé sur le stick et  regagné la vitesse de 300 en essayant de maintenir le cap. Je suis sortis du nuage à environ 15000 pieds; j'ai regagné ma vitesse et augmenté la puissance jusqu'à 90%. La température de l'extrémité de la tuyère était trop élevée; elle était montée entre 775° et 800°C avant que je réduise la puissance. Je n'ai rencontré aucun autre fait anormal et j'ai regagné ma base.

- A peine étions-nous entrés dans le nuage que je perdis contact avec mon flight leader qui me précédait. Immédiatement après, mon moteur s'arrêta, l'avertisseur d'incendie s'éclaira et la température de l'extrémité de la tuyère atteignit son maximum. En même temps, il se produisit une sorte d'explosion (semblable au bruit que l'on entend lorsqu'on passe du système d'alimentation normal au système de secours). Je réduisis ma vitesse jusqu'à environ 240 mph. Lorsque le nombre de tours-minute atteignit approximativement 18% j'actionnai plusieurs fois le système de mise en marche afin de faire "reprendre" mon moteur, en l'air. Dès que je donnai des gaz, l'avertisseur d'incendie s'alluma de nouveau et la température de la tuyère monta à 1000°C. Ce pilote fut obligé de s'éjecter.

Bien que ces comptes-rendus remontent à quelques décennies, ne croyez surtout pas qu'ils ne sont plus d'actualité. Le givrage reste un danger que tout pilote peut rencontrer à chacune de ses sorties et qu'il faut apprendre à maîtriser. Il ne faut surtout pas sous-estimer ses effets et comme on dit "connais ton ennemi pour pouvoir le vaincre" (Sun Tzu).

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Les traînées de condensation

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