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Les météorites

Nature des météorites (II)

Que nous apporte l'étude des météorites ? Selon le Dr John A. Wood[3], géologue spécialiste des météorites au Centre d'Astrophysique de Harvard, "les météorites ont été formées dans la nébuleuse protosolaire par un processus à haute température qui forma les chondres et fit fondre le fer. Mais la nature exacte de cette nébuleuse et les processus qui s'y sont développés restent encore très mal connus".

L'étude des météorites permet aux spécialistes de déterminer l'histoire de leur évolution et l'origine de l'objet hôte qui les abrita. En corollaire, ils peuvent étudier en direct les reliquats d'une époque lointaine où le système solaire était à peine façonné, dans lequel le gaz et les minéraux ainsi que la poussière et les planétésimaux et autres débris étaient encore cours de condensation ou d'accrétion.

Les origines des météorites. L'analyse des météorites, comme celle des comètes et des astéroïdes, permet de mieux comprendre la genèse du système solaire, d'où l'intérêt que tous les échantillons récoltés passent d'abord entre les mains des experts car une roche de nature inconnue peut toujours être découverte. Notez que la théorie de formation des pallasites a été revue en 2020 (cf. page 4). Documents adaptés par l'auteur.

On lit souvent dans la littérature que l'analyse de telle météorite indique que la roche s'est formée dans un corps parent différencié. Comme illustré ci-dessus, il s'agit d'une (proto)planète ou un astéroïde hôte au moins partiellement fondu qui s'est différencié en un noyau, un manteau et une croûte. Cette différenciation se produit sous l'effet de gravité qui sépare les matériaux en couches selon leur densité mais également suite à une collision avec un astre de composition différente, par exemple riche en métaux, en silicates (olivine) ou en eau.

Les magmas à l'origine des futures météorites peuvent par exemple se former dans le noyau riche en nickel et en fer, dans une zone de transition entre le noyau et le manteau plus riche en silicates, dans le manteau ou plus près de la croûte silicatée (cf. E.Scott, 2010).

Comme nous allons le découvrir, certaines météorites récoltées sur Terre ont séjourné plusieurs milliards d'années dans l'espace. Durant cette longue période d'errance, les éléments composants ces roches furent parfois irradiés par des rayons cosmiques - ce qu'on appelle les nucléides cosmogéniques - ou, plus rarement encore, par l'explosion d'une supernova. Dans ce cas, les météorites contiennent des traces de radioisotopes généralement formés par spallation (10Be, 14C, 26Al, 32Si, 39Ar, 41Ca,56Fe, 83Kr, etc) qui apportent de précieux renseignements aux planétologues sur l'évolution chimique de la nébuleuse protosolaire et notamment la contamination des planètes en isotopes d'éléments lourds. Certaines météorites furent même éjectées de la Lune et de Mars dans un lointain passé. On y reviendra.

Le qualificatif "non groupé" (ung) associé à certaines météorites signifie que la météorite n'a pas été suffisamment caractérisée ou il fut impossible de déterminer le groupe auquel elle appartient (voir plus bas). C'est par exemple le cas de la météorite Erg Cherch 002, la plus ancienne météorite connue.

La plus ancienne météorite

Les météorites sont généralement très âgées, en particulier les rocheuses (chondrites et achondrites, voir plus bas). Si les plus jeunes ont moins d'un million d'années, il n'est pas rare de découvrir des météorites âgées de plus de 4 milliards d'années, donc plus anciennes que la majorité des roches terrestres, raison pour laquelle elles passionnent beaucoup de spécialistes.

La plus ancienne météorite découverte à ce jour est Erg Chech 002 (EC 002), une achondrite non groupée, c'est-à-dire une météorite pierreuse dépourvue de chondres (des grains cristallisés en forme de sphérules composés de minéraux) et provenant d'un corps parent différencié.

Un fragment de 549 g de la météorite de Erg Chech 002 datée de 4.565 milliards d'années de la collection de Marcin Cimala (voir aussi la vidéo).

Cette météorite présentée ci-joint fut découverte en mai 2020 dans le champ de dunes de Erg Chech, dans le sud-ouest de Algérie, dans lequel on récolta environ 32 kg de météorites.

La datation de la cristallisation du rapport dit canonique des isotopes Al-26/Mg-26 (cf. N.T. Kita et al., 2013) lui donne un âge de 4.565 milliards d'années. C'est aussi la plus ancienne roche magnétique découverte à ce jour (cf. J-A.Barrat et al., 2021). Elle bat le précédent record détenu par NWA 11119, une achondrite découverte en 2016 en Mauritanie âgée d'environ 4.5648 milliards d'années et dont la composition est intermédiaire entre celle des andésites et des dacites terrestres.

Ces deux météorites sont contemporaines de la formation de la Terre et donc beaucoup plus anciennes que les premières laves terrestres connues (celles d'Inukjuak datées de 3.825 milliards d'années).

Pour rappel, les premières CAI (inclusions riches en calcium et aluminium) et chondres se sont formées il y a 4.56730 ±0.00016 milliards d'années (cf. la datation des premiers matériaux). Autrement dit, c'est à cette date que débuta l'histoire du système solaire.

La composition minéralogique de Erg Cherch 002 est proche des andésites terrestres, c'est-à-dire une roche ignée (produite par l'action de la chaleur) composée de cristaux de plagioclases (oligoclase et/ou andésine), de pyroxène (augite, hypersthène), de biotite, de hornblende et d'un peu d'oxydes métalliques (comprenant des métaux comme Mg, Si, Cr, Mn, Fe, Ni, etc.), enveloppés dans une matrice vitreuse. Elle est intermédiaire entre les eucrites et les angrites mais en diffère notablement par la forte abondance de plagioclase sodique (feldspath) et un faible rapport FeO/MnO dans les pyroxènes.

Sur le plan pétrologique, l'analyse de Erg Chech 002 révéla qu'il s'agit non seulement du plus ancien fragment de croûte ignée du système solaire mais cette roche se forma dans un réservoir de magma partiellement fondu (25%) porté à 1220°C dans la croûte d'une protoplanète chondritique non carbonée aujourd'hui disparue (soit fusionnée avec un astéroïde ou incorporée à une autre protoplanète lors d'une collision). Il fallut environ 100000 ans pour qu'elle se refroidisse et se solidifie.

Le fait que les chercheurs n'ont rien trouvé qui permette de la distinguer d'autres achondrites suggère que ses matériaux étaient probablement courants dans les protoplanètes lors de la formation du système solaire. Cependant, ce spécimen est très rare et même unique.

Pour information, si on regroupe tous les échantillons mis en vente, sachant que 1 g de cette météorite est proposé entre 50 et 100$ pour les fragments bruts et jusqu'à  500$ pour les lames minces, sa valeur marchande totale théorique représente entre 1.5 et plus de 15 millions de dollars ! C'est équivalent au prix de l'or (46000 € le lingot de 1 kg) et aussi cher qu'une pallasite (cf. eBay) considérée comme le joyau des météorites !

A voir : Meteorite Erg Chech 002 - Fragment de 10.6 g - Fragment de 549 g

Microphotographies de lames minces de Erg Chech 002, Meteorite Times

Deux échantillons de la météorite de Erg Chech 002. A gauche, une lame épaisse de 3x2x0.3 cm pesant 3.2 g. A droite, une lame mince en lumière polarisée. On distingue clairement les mégacrystes (les gros cristaux) et les grains prismatiques de pyroxène noyés dans la masse feldspathique de pyroxène/plagioclase. Echantillons préparés par Top Meteorite et Mirko Graul Meteorites.

Mais il existe des fragments minéraux bien plus anciens. Ainsi, on a découvert dans la météorite carbonée de Murchison des grains de poussière de carbure de silicium qui se sont formés il y a 7.5 milliards d'années, un record absolu.

Classification et composition des météorites

Avant de décrire en détails les différentes familles de météorites (cf. page 3 et page 4), dressons leur portrait général.

Les statistiques sur les météorites ne sont pas en faveur des collectionneurs. Le recensement des astéroïdes indique que plus de 70% d'entre eux sont de type carboné alors que seulement 17% sont des silicates (type spectral S). Cependant, plus de 80% des météorites récoltées proviennent d'astéroïdes de type S pour un pourcentage minimum de type C. On suppose que cette différence est liée à leur composition, les météorites carbonées étant plus fragiles que les silicatées et se consument dans l'atmopshère avant d'arriver au sol. On y reviendra.

Selon le Lunar and Planetary Institute qui gère la base de données de la Meteoritical Society, dn 2021 plus de 65500 météorites avaient été classifiées dont près de 62000 météorites sont rassemblées dans les collections scientifiques. Plus de 39000 météorites furent découvertes en Antarctique (cf. R.L. Korotev, 2021).

Leur composition minérale est très variée. Leur classement n'est pas toujours aisé et est presque aussi complexe que la classification des minéraux terrestres. On peut toutefois regrouper les météorites dans trois grandes familles subdivisées en classes, clans, groupes et sous-groupes pétrographiques (cf. A.G. Tomkins (2020); M.K. Weibserg et al., 2006) :

- les chondrites, divisées en 3 classes : Carbonées (C), Ordinaires (O) et à Enstatites (E), elles-mêmes subdivisées. On y reviendra.

- les achondrites primitives, subdivisées en clans et groupes.

- les achondrites différenciées, subdivisées en clans et groupes.

Les chondrites se sont formées à la surface de corps parents (des astéroïdes) non différenciés, c'est-à-dire sans structure interne en couches, tandis que les achondrites se sont formées dans des corps parents différenciés, possédant en particulier un noyau chaud (pouvant aller jusqu'à la fusion). On y reviendra.

Les achondrites représentent ~8% des chutes observées et en moyenne 940 météorites récoltées chaque année.

A lire : Métamoprhisme: l'essentiel de ce qu'il faut savoir, IFÉ

Classification des météorites

Classification de M.K. Weibserg et al. (2006).

Fichier Excel (764 KB)

Document Andrew G. Tomkins (2020) mis à jour.

Document Matthew Genge.

Du fait que les achondrites contiennent des roches de nature (et d'aspect) très différentes, en général on préfère classer les météorites selon le groupe pétrographique auquel elles appartiennent, plus représentatif de leur composition et quelque part plus simple à comprendre pour le profane :

- Les aérolites (~94%) ou météorites rocheuses (pierreuses) qui comprennent les chondrites et les achondrites :

- Chondrites (85.8%) : Ordinaires, Enstatites, Kakangary, Rumurutiites, Carbonées (3.6%)

- Achondrites (8%) : Groupe HED (Howardites, Eucrites et Diogénites), Groupe SNC (Shergottite, Nakhlilite et Chassignite), Lunaires, Aubrites, Angrites, Uréilites (Urélites)

Appartenant à la grande famille des aérolites, les achondrites contiennent énormement de chondres et d'inclusions métalliques. On relève du silicium et des silicates tel l'oxyde de magnésium mais également des traces de chlore, de potassium, de scandium, de titane, de vanadium, de manganèse, etc. Quelques-unes contiennent des cristaux irradiés par le vent solaire indiquant quelles furent formées à la surface d'un astéroïde, peut-être sur Vesta qui est l'objet parent du groupe HED. Certaines peuvent contenir des inclusions de fostérite (la variété magnésienne pure de l'olivine, Mg2SiO4) et des fragments de chondrites carbonées mais la plupart sont composées d'enstatite (le silicate Mg2Si2O6), un oxyde métallique qui leur donne une couleur blanche.

- Les sidérolites (1.2%) ou météorites mixtes (fer et roches) :

- Pallasites (Fe-Ni, olivine)

- Mésosidérites (Fe, Ca, etc)

- Lodranites (Fe, olivine et pyroxène)

- Les sidérites (1.2%) ou météorites ferreuses (en excluant les roches terrestres contenant le minéral du même nom, composées de FeCO3)

- Hexahédrites (Fe, < 6% Ni)

- Octahédrites (Fe, 6-17% Ni)

- Ataxites (Fe, teneur élevée en Ni).

Certaines météorites sont bien identifiées comme appartenant à une famille mais leur structure ne permet pas de les classer dans une classe ou un groupe pétrographiques ou elles présentent des particularités uniques. Ces spécimens reçoivent un qualificatif : "ung" (non groupé), "unc" (non classifié) ou "an" (anormale). Elles peuvent être le premier exemplaire d'un nouveau clan ou groupe à définir.

A partir de l'analyse isotopique on peut dire avec certitude que certaines météorites proviennent de la Lune car elles présentent une composition similaire aux roches ramenées par les missions Apollo entre 1969 et 1972. A ce jour, les scientifiques ont découvert 153 météorites lunaires sans compter les fragments qui triplent leur nombre (cf. AntMet/NASA-JSC; R.F. Korotev, 2021; MetSoc, 2021).

Les collections contiennent également 292 achondrites provenant de Mars (cf. MetSoc, 2021; A.Udry et al., 2021), ce sont les "SNC" dont la fameuse ALH84001. On y reviendra (cf. page 5).

La majorité des milliers d'autres fragments recueillis à travers le monde sont vraisemblablement des éclats d'astéroïdes et quelquefois de noyaux cométaires.

Grille du faciès métamorphique des aérolites selon A.G. Tomkins et al. (2020) et adapté par l'auteur.

Comme le montre le diagramme présenté à droite, on peut également classer les météorites en fonction de leur faciès métamorphique (cf. A.G. Tomkins et al., 2020). En effet, il existe une transition entre les chondrites et les achondrites, y compris les achondrites primitives.

Ce nouveau modèle thermodynamique peut être établi pour la température de fusion initiale du silicate (plutôt que la fusion métal-troilite dans l'ancien modèle) et la fusion progressive pour presque toute la gamme des états d'oxydation connus. Ce modèle explique l'évolution texturale et minéralogique des aérolites en fonction de la température.

La croûte qui recouvre les météorites est généralement lisse et fait penser qu'une météorite est un corps chaud. D'autres la croit froide. Qu'en est-il exactement ? Une météorite qui tombe sur Terre subit un intense frottement aérodynamique dans les couches denses de l'atmosphère. Cette friction fait fondre ou vitrifie la croûte de la météorite sur une profondeur qui ne dépasse jamais quelques dixièmes de millimètre.

L'intérieur de la météorite reste donc à l'abri de toute altération et demeure d'un froid glacial suite à son errance dans le milieu interplanétaire où la température moyenne près de la Terre est proche de -200°C dans l'ombre et peut descendre jusqu'en dessous de -250°C dans la région de Pluton ou des KBO. Mais cela ne veut pas dire qu'une météorite trouvée sur Terre est glaciale. Comme toute roche ou tout métal, elle est juste plus froide que vos mains mais jamais aussi froide que dans votre frigo !

En pénétrant dans l'atmosphère terrestre la partie externe de la météorite se volatilise, emportant avec elle la chaleur, tandis que l'incandescence ne dure que le temps de traverser les couches denses de l'atmosphère, tout au plus quelques minutes si sa trajectoire est très oblique, un délai insuffisant pour que la chaleur diffuse jusqu'au coeur de la météorite. C'est pour ces raisons qu'une météorite reste froide et garde intact les traces de ses origines.

 C'est la nature inviolée du coeur des météorites qui les rendent également très intéressantes sur le plan de l'exobiologie car il n'est pas impossible qu'elles renferment éventuellement des micro-organismes extraterrestres. Nous verrons à propos de la faculté d'adaptation qu'en laboratoire des microbes résistent sans problème à des impacts au cours desquels ils subissent des pressions de plusieurs millions de g. Ils pourraient donc parfaitement survivre à un l'impact d'une météorite sur Terre. On y reviendra.

Des fragments d'astéroïdes

Les différents aspects d'une météorite métallique (composée de fer ou nickel-fer) ou sidérite. A gauche, en 1960 une météorite tomba en Australie dont ce fragment de 631 g et d'un peu moins de 10 cm de côté. Très sombre, lisse et cratelée, sa croûte présente les signes typique d'une fusion. Après analyse on découvrit qu'elle était presque totalement composée de pyroxène, un composant typique de la lave. Par ailleurs sa structure interne granuleuse et l'abondance de ses isotopes de l'oxygène n'avaient rien de commun avec les roches terrestres ou lunaires. Sa signature spectrale était en fait identique à celle de l'écorce de l'astéroïde Vesta etr elle fut classée parmi les météorites de type V. La plupart des fragments sont aujourd'hui exposés au Western Australian Museum. Au centre, le 6 janvier 2005, au cours du 339e sol, la sonde Opportunity découvrit cette magnifique météorite sur le sol de Mars. De la taille d'un ballon de basquet, selon les mesures du spectromètre, l'objet baptisé "Heat Shield Rock" est principalement constitué de fer et de nickel. A droite, un autre exemple de météorite ferreuse appelée "Egg Rock" découverte au 1507e sol le 27 octobre 2015 par Curiosity. Depuis, plusieurs autres spécimens ont été découverts sur la surface de Mars. Documents New England Meteoritical Services, NASA/JPL et NASA/JPL.

Avant de poursuivre faisons une petite parenthèse pour discuter des pseudo météorites, ces roches que vous trouvez au détour d'un sentier ou dans un champ et dont l'aspect vous intrigue mais qui, après analyse, ne sont pas des météorites.

Des minéraux inconnus

A part les météorites contenant des minéraux présentant des phases quasicristallines - des quasicristaux - inconnus sur Terre (cf. L.Bindi et al., 2012), celles contenant des traces d'eau extraterrestre, les pallasites ainsi que les météorites d'origine lunaire et martienne, il est très rare de découvrir des minéraux extraterrestres dans une météorite et les quelques spécimens que nous possédons méritent d'être cités.

Wedderburn

En 1970, Edward R.D. Scott, cosmochimiste à l'Université d'Hawaï découvrit un minéral inconnu dans la météorite de Wedderburn, une sidérite IAB-sLH de 210 g découverte en Australie en 1951. En son honneur, le minéral fut nommé "edscottite". Scott détermina sa composition chimique, mais à l'époque il n'avait pas été en mesure de déterminer sa structure cristalline.

De l'osbornite extraterrestre sur l'île de Sky

En explorant l'île de Sky en Ecosse, les géologues ont découvert des roches magmatiques très anciennes ainsi que des ejecta provenant d'un impact météoritique survenu il y a 60 millions d'années (cf. S.M. Drake et al., 2018). C'est le premier impact de météorite décrit dans la province ignée paléogène britannique (BPIP).

A gauche, le site de la couche d'éjecta météoritiques découvert sur l'île écossaise de Sky. Le dépôt mesure 1.1 m d'épaisseur et se trouve sous une épaisse séquence de coulées de lave basaltique. A droite, vue en coupe mince  d'un échantillon de 4 mm de largeur du dépôt d'éjecta météoritiques. Notez le quartz fracturé et la matrice omniprésente. Documents Simon Drake.

L'analyse de l'échantillon au moyen d'une microsonde électronique révèle qu'il contient des minéraux rares extraterrestres : de l'osbornite riche en vanadium et en niobium. Ces formes minérales n'ont jamais été signalées sur Terre. En revanche, on en a collecté en 2004 au cours de la mission spatiale Stardust de la NASA sous forme de poussière récoltée dans le sillage de la comète Wild 2. De plus, l'osbornite n'est pas fondue, suggérant qu'il s'agit d'un morceau original de la météorite. Les chercheurs ont également identifié la reidite, une forme de zircon formé à très haute pression lors d'un impact, ainsi que du fer natif et d'autres minéraux exotiques liés à des impacts tels que la barringerite.

El Ali

En septembre 2020, des chercheurs de l'Université d'Alberta au Canada ont découvert une grande météorite près de El Ali en Somalie. La météorite d'El Ali mesure environ 1.8 m x 1.2 m x 0.9 m et pèse 15.2 tonnes, ce qui est 2 à 3 fois plus lourd qu'une roche ordinaire de même taille. C'est la neuvième plus grosse météorite jamais découverte. Sa chute est certainement très ancienne. Les villageois appellent cette pierre "Nightfall" et disent qu'on l'évoque dans des poèmes, des chansons et des danses qui remontent à cinq générations. Elle est aujourd'hui utilisée pour aiguiser les couteaux.

Les chercheurs on pu analyser un fragment de 70 grammes de la météorite. Elle contient environ 90% de fer et de nickel; c'est une sidérite IAB. Mais plus surprenant, elle contient aussi deux nouveaux minéraux inconnus sur Terre nommés "elaliite" et "elkinstantonite". Le premier tire son nom du lieu de la découverte de la météorite elle-même, tandis que le second minéral porte le nom du professeur Lindy Elkins-Tanton, chercheur principal de la mission Psyche de la NASA dont la sonde spatiale décollera le 1 octobre 2023 pour un rendez-vous prévu en 2030.

Selon Chris Herd, professeur au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère et conservateur de la collection de météorites de l'Université d'Alberta, "Chaque fois que vous trouvez un nouveau minéral, cela signifie que les conditions géologiques réelles, la chimie de la roche, étaient différentes de ce qu'on a trouvé auparavant. C'est ce qui rend cela passionnant : dans cette météorite particulière, vous avez deux minéraux officiellement décrits qui sont nouveaux pour la science."

La météorite de El Ali de 15.2 tonnes découverte en Somalie en 2020. il s'agit d'une sidérite IAB contenant par ailleurs au moins deux minéraux extraterrestres appelés elaliite et elkinstantonite. Une attaque de la surface à l'acide révèle le motif de Widmanstätten (cf. cette photo). Documents U.Alberta et Abdulkadir Abiikar Hussein/U.Almaas.

Fait intéressant, un troisième nouveau minéral est à l'étude mais sa présence ne peut être confirmée qu'après une analyse plus approfondie. Pour cela, les chercheurs ont besoin d'un autre fragment de cette météorite pour pouvoir poursuivre leurs recherches sur sa composition.

Malheureusement, il est peu probable que cette étude se poursuive à court terme car la météorite d'El Ali aurait depuis été expédiée en Chine pour y être vendue. Reste à savoir si un acheteur potentiel autoriserait le prélèvement d'autres échantillons à des fins scientifiques.

Les pseudo météorites

Quelques spécimens de roches découverts par des lecteurs sont présentés ci-dessous. Dans ces exemples, l'identification se base uniquement sur l'aspect visuel extérieur. Mais précisons bien que sauf en présence d'un bel éclat poli, on ne peut pratiquement jamais identifier formellement un spécimen sur base d'une photographie.

Cette galerie est volontairement réduite car la minéralogie est riche de milliers de spécimens dont la description sort du cadre de cet article. Si vous souhaitez voir d'autres échantillons, consulter les liens figurant sur cette page et notamment celui ci-dessous du WUSL.

Même si tout professeur de géologie vous dira que son métier est avant tout une science de l'observation et donc beaucoup plus facile à maîtriser que la physique par exemple, il n'en reste pas moins que certains spécimens sont difficiles à identifier si on ne peut pas les gratter ou les cliver d'un coup de marteau. L'analyse chimique et parfois microscopique sont indispensables. Bien sûr si l'objet est très beau comme le premier spécimen présenté ci-dessous, mieux vaut le laisser en l'état et tant pis pour la science !

A consulter : A photo gallery of MeteorWrongs, WUSL

Meteorite Identification - Hot rocks

Des météorites qui n'en sont pas

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Image 1: L'échantillon pèse 1.8 kg et fut découvert dans un champ agricole en France. La structure cristalline est cimentée par une matière pâle et tous les cristaux sont identiques, ce qui est déjà un indicateur de sa nature. On en trouve dans les régions volcaniques (roches magmatiques), les filons hydrothermaux (acides) et peut apparaître suite à la recristallisation de la limonite. Leur aspect est très variable. Ce spécimen est un monstrueux agglomérat de cristaux de pyrite altérés en hématite, un oxyde de fer cristallisé de façon rhomboédrique. Sa couleur est généralement grise, parfois rouille, et peu réfléchissante (26%). Elle peut contenir du Ti, Al ou Mn.

Image 2 : Mesurant 10 cm, pesant 2 kg (densité ~2.9), cette roche fut découverte dans les Alpes. En grattant la surface on distingue une matière jaune d'aspect métallique. Elle n'est pas magnétique. Il s'agirait de minerais de Cu-Ni sulfurés et serait donc un assemblage pentlandite/pyrrhotite/chalcopyrite. Mais il n'est pas exclu que ce soit de la troïlite.

Images 3/4/5 : Ce sont des marcassites, une gemme naturelle de sulfure de fer (pyrite) cristallisée de façon orthorhombique. Les cristaux ont une forme pyramidale et peuvent présenter différentes couleurs, mais souvent jaune laiton plus ou moins métallisée. Elles forment des grappes (forme botryoidale) ressemblant à des brioches ou des sphères compactes assez lourdes d'une densité de 4.8. Elles sont cassantes mais le clivage est difficile. Ces roches ne sont pas magnétiques. Elles sont généralement enchassées dans des couches sédimentaires calcaires (craies, marnes, etc). Elles ont été produites par précipitation chimique dans un milieu peu oxydant ou dans des filons hydrothermaux à basse température et acide (Marne, Normandie, Champagne, Québec, etc). La sphère éclatée (4) est un échantillon typique contenant de la pyrite. Très indicatif, la boule de marcassite peut produire des étincelles quand on la frotte contre une autre marcassite ou du silex (mais qui tend à éclater).

Image 6 : L'objet pèse 90 g. C'est probablement un boulet de broyage (on met des boules en acier dans des tambours pour réduire les minerais en grains). Notons à ce sujet que si on orpaille dans un ruisseau, on peut récolter des milliers de billes d'oxydes de fer (voir ci-dessous) qui peuvent être de nature extraterreste (sidérite) mais le plus souvent il s'agit simplement de sphérules créées dans les anciens sites métallurgiques et les centrales à charbon. C'est pour éviter cette confusion que les chasseurs de météorites prospectent en-dehors des régions industrielles.

A consulter : Meteorites.superforum.fr

lmphal Meteorite Collectors Association

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Image 7 : Cette pierre très sombre mesure 8.5 x 6.4 x 3.8 cm et pèse seulement 90 g. Vu sa taille, elle est très légère. C'est une bombe volcanique composée de basalte, de la pierre ponce d'une densité de seulement 0.4. Elle flotte sur l'eau. Certaines pierres ponces de 10 cm de diamètre pèsent 1 kg et présentent une densité de ~2. Une météorite présente une densité comprise entre 2.1 (chondrites) et 8 (sidérites) et ne présente jamais de vésicules (qu'on appelle vugs quand elles sont circulaires). A ne pas confondre avec les cavités (porosités) de certaines achrondrites d'origine magmatique qui furent soumises à l'action des gaz. C'est le cas de quelques rares angites (par ex. la météorite d'Orbigny), d'achondites non groupées (par ex. NWA 5721) et de certaines sidérites (cf. Willamette). Les vésicules sont typiques des basaltes terrestres (andésites, dacites, etc), lunaires ou martiennes. De plus, si la roche présentant des vésicules n'a pas de croûte de fusion, ce n'est sûrement pas une météorite.

Image 8 : C'est une pierre prétendûment tombée qui roula près d'une personne. Bien qu'elle ait une croûte, elle ne ressemble pas à la croûte de fusion d'une météorite; elle n'est ni vitreuse comme le serait celle d'une météorite fraîchement tombée et est trop épaisse. De plus, la croûte de fusion d'une météorite ne s'écaillerait pas si elle était tombée récemment. Mais surtout, aucune météorite ne présente un intérieur rougeâtre comme cette roche.

Image 9 : Il s'agit d'une nodule d'oxyde de fer naturelle de quelques centimètres de longueur, dans ce cas ci d'une concrétion d'hématite. Ce minéral est le plus répandu sur Terre. On trouve généralement ces billes en surface, parfois dans des champs d'hématite comme dans le grès de Navajo en Utah sous forme de petites sphères brunes ou noires de différents diamètres, et même sur Mars. Il existe également de nombreux gisements d'hématite. Sa densité varie entre 4.9 et 5.3. Réduite en poudre, l'hématite peut servir de pigment rouge et est connue à ce titre depuis la préhistoire (cf. les peintures rupestres de la grotte Chauvet).

Image 10 : Ces roches noires présentent un aspect vitreux caractéristique de l'obsidienne, une roche volcanique. Elle ne présente donc pas de structure cristalline. On ne peut pas la confondre avec la croûte sombre d'une chondrite tombée récemment ou avec une sidérite. Dans le cas de l'obsidienne, la roche est généralement noire mais peut être grise, verte, brune ou dorée. Sa densité ne dépasse pas 3.0 dans le cas du verre basaltique.

Cette mise au point étant faite, venons-en au coeur de notre sujet : comment reconnaître une météorite ? C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

Comment reconnaître une météorite ?

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[3] Communication privée avec l’auteur, 1990.


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