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En hommage à Newton

Portrait de Newton. C'est une copie de celui réalisé par Kneller en 1702. Document Monnaie Royale de Londres.

Simultanéité et principe de causalité (IV)

Newton comprend que la loi de la gravitation qu'il vient de découvrir ne peut qu'imparfaitement expliquer les mouvements d'accélération des corps célestes. Quel est donc ce référentiel absolu ? Cette théorie n'est pas satisfaisante. Notre plan de rotation devient la Terre, elle-même orbitant autour du Soleil, qui nous l'apprendrons plus tard, tourne autour de la Voie Lactée, qui fait partie de l'Amas local, du Superamas Virgo, etc.

Tous les mouvements, liés à des systèmes de référence en mouvements non uniformes empêchent de déterminer la position des objets à un instant donné du temps. La position sera toujours décrite relativement à quelque chose, par rapport à un système de coordonnées non inertiel, entachant la mesure d'une erreur.

Nous savons qu'un référentiel est dit inertiel lorsqu'il ne "tourne" pas. Deux observateurs en mouvement inertiel uniforme sont tous deux des systèmes d'inertie; leur point de vue respectifs du mouvement des corps sont équivalents. Il en est tout autrement pour un observateur en rotation par rapport à un système inertiel. La vitesse des corps dans son voisinage varie en fonction de l'éloignement.

La loi de la gravitation de Newton dépend de la position des corps, de leur distance. Nous verrons que plus tard Einstein rejettera cette conception cinématique. Seule la dynamique peut apporter des éléments de solution. Pour l’heure, Newton a besoin d’un référentiel d'inertie absolu, physique, pour expliquer avec précision la variation des distances entre les points et leur inertie.

Newton considère que l'espace absolu agit sur les objets : l'inertie, où l'absence de force d'interaction prouve que cet environnement est homogène et isotrope, puisqu'il ne privilégie aucune direction et conserve le mouvement des corps.

Dans son esprit, l'espace absolu explique également l'accélération des corps animés d'un mouvement de rotation, sur lesquels il agit sous la forme d'une force d'inertie. Mais depuis, nous savons que celle qu'on dénomme à tord la force ou l'effet "centrifuge" n'existe pas, car il n'existe pas de deuxième corps en interaction pour équilibrer cette soi-disant force, tout au plus est-elle un effet de l'entraînement du référentiel. C'est donc bien la seule force d'inertie qui contrecarre les corps animés d'un mouvement de rotation.

Enfin, pour Newton, espace et matière ne sont pas liés : tous les évènements concourent à démontrer que l'espace existe préalablement à la matière, cet environnement physique est donc vide. Quant au temps, il n’a pas d’emprise sur la dimension spatiale des objets; il est absolu, indépendant. Un autre génie nous démontrera qu'au contraire, espace et temps ne forment qu'un continuum espace-temps à quatre dimensions. Mais ceci est une autre histoire.

Depuis longtemps Newton cherchait à expliquer l'expérience bien connue du seau. En faisant tourner un seau plein d'eau au bout d'une corde, la surface de l'eau prend une forme concave. Cette concavité n'est pas liée à la rotation de l'eau par rapport au seau, puisque juste après avoir lâché la corde la surface de l'eau est plate, alors que les vitesses relatives du seau et de l'eau sont maximales; à l'inverse, le mouvement du seau entraînant l'eau progressivement, la concavité est maximale lorsque les vitesses relatives du seau et de l'eau sont nulles. Si la "force motrice" n'est pas située dans le référentiel du seau, Newton conclut que ce phénomène est lié à la rotation de l'eau par rapport à l'espace absolu. Mais comment l'eau "sait-elle” que son référentiel n'est pas le seau mais l'espace ? Aujourd'hui encore, la réponse reste incertaine. 

Isaac Newton. Document WallpaperHD.

Newton invente donc "l'espace absolu, en-dehors de tout lien extérieur, demeurant toujours similaire et immobile." Alors qu'il fait une monumentale erreur, cela lui permet d'envisager l'accélération des objets par rapport à un référentiel au repos, où la force agissante ne dépend pas du temps. Cette condition lui permet de déterminer si un mouvement est uniforme ou non. Le temps n'y joue aucun rôle, il est absolu, ce qui lui permet de déterminer la distance réelle entre les objets à tout instant. Mais Newton ignorait encore que la lumière se propageait à une vitesse finie... Dès lors qu'une information ou de l'énergie doit être transmise, rien dans l'univers ne se propage instantanément. Mais il faudra attendre plus de 150 ans pour en avoir la confirmation.

Mais l'idée d'un espace absolu reste paradoxale aux yeux même de Newton, lui qui posa le principe de causalité. S'il est aisé de déceler un mouvement relatif dans un espace absolu (je me déplace par rapport à quelque chose), il est tout à fait impossible de détecter son mouvement absolu. Quel serait son référentiel puisqu'il est absolu ? En fait nous pouvons calculer la différence entre deux vitesses, mais le mouvement uniforme absolu lui-même n'est pas mesurable.

En fait, et nous l'excuserons facilement, Newton ne parvient pas à expliquer l'action instantanée et à distance, action qu'il juge malgré tout absurde sans l'intervention d'un support quelconque.

Finalement il abandonna la réponse à Dieu, décrivant l'espace comme un sensorium Dei, une caractéristique de l'essence divine. Bien sûr Descartes s'y opposera. Comme d'autres cartésiens, il jugera qu'une action instantanée à distance n'était pas un concept très scientifique, et avait même une connotation mystique. Il lui suggéra de remplir l'espace de tourbillons, seul mécanisme à même d'expliquer le mouvement des planètes. 

Mais Descartes se trompait aussi car il ignorait l'ellipticité des orbites planétaires que sa théorie des tourbillons ne peut expliquer, comme elle ne peut expliquer la trajectoire des comètes. Newton vit cette faille et fut heureux de pouvoir contrer la théorie de son concurrent et ennemi, la critiquant simplement en écrivant : "La théorie des tourbillons est accablée de multiples difficultés." Dans le Livre II des Principia Newton insista sur le fait que ces mouvements n’ont pas leur origine dans des causes mécaniques.

Newton était très conscient du problème qu’il soulevait en touchant au référentiel absolu et aux mouvements soi-disant instantanés. En 1693, dans une célèbre lettre adressée au Révérend Richard Bentley, Newton écrit : "je pense qu'il est inconcevable que la matière brute inanimée, sans la médiation d'autre chose qui ne soit pas matériel, agisse sur une autre matière et l’affecte sans contact mutuel [...]. C’est pour moi une si grande absurdité, qu’à mon avis, aucun homme tant soit peu compétent en matière de philosophie ne pourra jamais tomber dans cette erreur." En d’autres termes, même si la gravité était inhérente à la matière, même dans le vide elle devait agir par un médiateur. Las des confrontations, celui qui ne faisait jamais d’hypothèses abandonnera finalement toute idée de réponse : "La gravité doit être causée par un agent agissant constamment selon certaines lois, mais que cet agent soit matériel ou immatériel est une question que j’ai laissé à l’examen de mes lecteurs."

Portrait de Newton vers 83 ans réalisé par Enich Seeman vers 1726. L'auteur des "Principia", considère que tous les objets de l'univers sont de même nature et obéissent donc aux mêmes lois. Il inventa la théorie de la gravitation universelle. Mais il y a un hiatus; il ne peut expliquer son action à distance. Document NPG.

A court d'imagination et épuisé à force de s'empêtrer dans les tourbillons, Newton jugea que sa théorie fut un échec. La mécanique de Descartes ruinait l’influence universelle de Dieu et sur le plan strictement scientifique il ne parvenait pas à expliquer la cause de la gravitation sans intervention divine : "Les lois de la gravitation écrit-il, gouvernent le mouvement des planètes et des comètes, mais ne permettent pas de déterminer leur état primitif; leur agencement si élégant ne peut être que le fruit du dessein et de la seigneurie d’un Etre intelligent et tout-puissant."

25 ans plus tard cependant, dans un passage de l'Optique Newton changea d'opinion : "Il me semble d'ailleurs écrit-il, que ces particules [solides, pesantes, dures, impénétrables] n'ont pas seulement une force d'inertie, d'où résultent les lois passives du mouvement; mais qu'elles sont mues par certains principes actifs, tels que celui de la gravité [...] je considère ces principes, non comme des qualités occultes [...] mais comme des lois générales de la Nature, par lesquelles les choses mêmes sont formées." Une fois encore Newton voyait juste. En fait sa théorie n'était pas achevée.

Le génie d’Einstein fut d’avoir démontré que la vitesse maximale dans le vide est celle de la lumière et qu'il fallait accorder un certain temps aux choses pour qu'elles accomplissent leur oeuvre. Newton était sur une voie parallèle mais sans issue. Un peu de lumière lui aurait sans doute suffit pour lui monter la voie à suivre. Mais il explorait seul une "terra incognita" encore plongée dans l'obscurité de l'ignorance.

L'alchimie et ses effluves

Ainsi que nous l'expliquerons en dernière page, l'héritage de Newton, en particulier sa bibliothèque et tous ses manuscrits ont été vendus, puis revendus et finalement ont partiellement disparu. On en retrouva beaucoup sur les marchés d'antiquité et parmi ceux-ci de nombreux documents discutant de ses spéculations sur l'existence de Dieu, et plus étonnant encore, sur l'alchimie.

Vers 1670, Newton était essentiellement absorbé par deux sujets dont il poursuivra l'étude durant près de 15 ans : l'alchimie et les prophéties bibliques, jusqu'à ce que Halley le ramène aux mathématiques et à la physique en 1682. Newton travaillait entre 15 et 20 heures par jour sur ces deux thèmes, véritablement obsédé par l'alchimie et ses mystères.

Quand John Keynes publia sa biographie "Newton, the Man" en 1947 (cf. aussi la lecture à la Royal Society of London en 1946), il le dépeignit comme le dernier magicien plutôt que comme le scientifique d'un nouvel âge, n'essayant plus de sauver les phénomènes d'Aristote. Si Keynes a souvent été critiqué pour avoir surestimé les activités alchimiques et religieuses du savant, il est un fait que Newton assume implicitement avoir pour tâche essentielle de résoudre l'énigme humaine, hésitant à lui donner des facultés divines ou la virginité de la sagesse humaine. Son opinion conduisit à faire de Newton une sorte d'émanation divine plutôt qu'un homme de science recherchant les fondations du monde physique qui l'entourait. Il faudra attendre les années 1960 et la biographie de Richard Westfall pour rétablir la vérité sur Newton, tout à la fois rationnel et irrationnel mais avant tout un homme en quête de savoir, se détachant de la connaissance des Anciens pour se rapprocher de la lumière et du réalisme de la Renaissance.

En 1679, plongé dans son alchimie et la religion à plein temps, fatigué de la Philosophie, Newton écrit : "...mon intérêt pour la Philosophie étant épuisé, je suis presque aussi peu concerné par ce sujet qu'un marchant serait intéressé par les affaires d'un concurrent, ou un paysan au sujet de l'instruction..."

Par la suite il se replongea dans son "De Motu", publiera les fameux "Principia" en 1686 et poursuivra ses recherches sur la gravitation, mais il n'abandonnera jamais totalement son intérêt pour l'alchimie qu'il considérait aussi importante que notre chimie contemporaine.

Ses recherches en alchimie l'ont toutefois conduit en 1693 à souffrir de dépression. On rapporte qu'il est devenu à moitié fou. Comme on ne devient pas fou en faisant des maths ou en conduisant des expériences sur l'optique, il faut soit chercher une cause naturelle, mais Newton ne souffrit jamais de maladie héréditaire, soit une cause externe, comme un empoisonnement. Et de fait, on pense qu'il s'est vraisemblablement intoxiqué au plomb au cours de ses expériences alchimiques durant lesquelles il dut respirer des effluves de métaux lourds. Il éprouva des troubles neurologiques, heureusement temporaires.

La maison de Newton à St.Martin's Street, Leicester Square à Londres. Croquis c.1850.

La voie royale vers la lumière

Le 19 mars 1696 Newton est nommé inspecteur (Warden) de la Monnaie Royale de Londres (l'équivalent de la Banque Centrale ou de l'Hôtel de la Monnaie) et prend ses fonctions en avril avec la tâche de poursuivre la réforme du système monétaire anglais approuvée deux mois plus tôt par le Parlement. Ce nouveau travail l'oblige à déménager à Londres où il vivra jusqu'à la fin de sa vie.

Ce travail l'absorba tant qu'il n'entendit pas parler de l'énigme de Bernouilli. Cette anecdote est intéressante car elle souligne la rivalité qui existait à cette époque entre Newton et Leibniz.

Alors que Leibniz criait à qui voulait l'entendre que sa méthode de calcul différentiel était meilleure que celle inventée par Newton, le mathématicien suisse Johann Bernoulli décida de résoudre la dispute en publiant deux problèmes à l'intention des mathématiciens du monde entier. 

Au bout de six mois, Leibniz ne put résoudre que le premier problème. A la suggestion de Leibniz, Bernouilli le proposa à nouveau.

Un ami de Newton vint un jour le voir et lui parla du problème de Bernoulli. Bien qu'il rentra d'une dure journée, Newton s'attaqua aux calculs après le diner à titre de délassement et le résolut avant même d'aller coucher ! Toujours très prudent, il envoya son résultat anonymement à la Royal Society. Perspicace, Bernoulli déclara :"Je reconnais le lion à sa griffe !" L'expression traversa l'histoire.

L'un des rares portraits de Newton au naturel, sans sa perruque, réalisé en 1710 par Sir James Thornhill. Newton avait 67 ans. Doc Lord Portsmouth and the Trustees of the Portsmouth Estates.

Grâce à ce travail à la Monnaie, Newton s'ouvrit au monde extérieur et en quelque sorte "sortit de sa coquille". Il lui arriva même de donner des réceptions dans sa maison de Londres mais il demeura toujours très timide quant à publier le résultat de ses expériences.

Ses amis finirent par le convaincre d'écrire son "Optique" et ses découvertes sur la lumière. Cette fois, plutôt que de l'écrire en latin, la langue savante, il le rédigea en anglais, ce qui rendit sa lecture beaucoup plus aisée que les "Principia". 

Mais ayant appris la leçon du passé, il prit grand soin de l'introduire en précisant l'objectif qu'il voulait atteindre. Ce n'était que le compte rendu de ses expériences et il ne demandait à personne de tenir pour vrai de simples "suppositions".

C'est ainsi qu'il expliqua comment il avait découvert un été de 1666 à Woolsthorpe que la lumière blanche est composée d'un nombre infini de couleurs. Il expliqua également comment les gouttes de pluie agissent comme autant de petits prismes pour produire l'arc-en-ciel. Il expliqua aussi pourquoi une fleur rouge présente cette couleur : elle absorbe les parties bleu, verte, jaune et orange du spectre, restituant uniquement le rouge. Puis il s'attaqua à quelques cas particuliers, prenant bien soin de tirer ses exemples de la vie courante. 

Mais ce n'était qu'un début. Il décrivit ensuite la façon de tailler les miroirs métalliques afin de confectionner un télescope, pourquoi des couleurs irisées apparaissent sur les bulles de savon ou dans la mince pellicule d'air qui se forme lorsqu'on applique une lentille convexe contre une surface de verre. 

Toutes ses affirmations sont étayées au moyen de descriptions, d'expériences et de démonstrations mathématiques.

Comme il ne révéla pas à beaucoup de personnes qu'il préparait ce travail, le milieu scientifique s'étonna qu'il ait accepté ce poste d'inspecteur et une rumeur courait, s'étonnant que Newton puisse "s'abaisser à un tel travail administratif ! Il n'a rien fait depuis les Principia."

Suite à la vacance du poste de directeur de la Monnaie au décès de Thomas Neale, Newton est nommé directeur (Master) de la  Monnaie Royale le 25 décembre 1669, sa nomination étant signée le 3 février 1670. Newton occupera ce poste jusqu'en 1727 lorsqu'il remettra les clés entre les mains de John Conduitt.

Portrait de Newton vers 82 ans réalisé par John Vanderbank. Il existe trois versions légèrement différentes conservées à la Royal Society et au Trinity College. Doc Caltech.

Devenu un homme riche et célèbre, d'aucun disent que Newton aurait pu considérer cet emploi comme une récompense pour ses découvertes scientifiques, mais il ne l'entendit pas ainsi et travailla durement pour remettre de l'ordre dans les comptes de Thomas Neale et imposer une nouvelle façon de travailler : rigoureuse et incorruptible. Entre-temps il préfèra abandonner sa chaire à l'Université de Cambridge et son poste de Fellow à Trinity qui pourtant lui rapportaient des rentrées substantielles, mais il voulait avant tout être certain de poursuivre son séjour à Londres. 

Bien que Newton n'était pas un économiste ni un financier mais un scientifique et un praticien, avec le recul il apparaît qu'il réforma bien plus qu'un système monétaire vagabond, fragile et en proie à la contrefaçon. La gestion de la Monnaie telle que réalisée par Newton marqua le point de départ d'une nouvelle vision de l'administration, instaurant les bases de la future fonction publique anglaise.

En mars 1703, son ennemi de toujours Robert Hooke, autorité intellectuelle de la Royal Society meurt, libérant la place de directeur. Ayant eu des déboires avec des directeurs politisés, la Society souhaitait qu'un scientifique occupe dorénavant ce poste.

Il allait de soi que cette fonction revenait à Newton. Il sera nommé directeur de la Royal Society le 30 novembre 1703 et reconduit à ce poste chaque année "jusqu'à ce que mort s'en suive" pourrait-on dire puisque qu'il assura ce poste jusqu'à son décès.

Pressé par le temps et ses responsabilités à la Monnaie, Newton arrête temporairement la rédaction de son ouvrage sans aborder la véritable question : "Qu'est-ce que la lumière" qu'il réserve à plus tard. L'"Optique" parut en 1704 et les ragots prirent un tout autre ton : le génie de Newton avait à nouveau fait des découvertes !

Il y expliquait non seulement les propriétés de la lumière mais il ajouta une nouvelle formulation des Lois du mouvement, une définition de l'inertie et exposait sa Méthode des fluxions. Cette fois la Royal Society jugera bon de traduire ce véritable trésor scientifique en... latin à l'intention des savants étrangers qui ne lisaient pas l'anglais. Newton confia ce travail à un autre sociétaire, le Professeur Samuel Clarke.

Les Principia II et III

20 ans après la publication des "Principia", Newton s'occupa de sa deuxième édition. A la fin du Livre II et au début du Livre III, Newton avait en effet définit des hypothèses sur les lois gouvernant les phénomènes naturels mais il voulait à présent les confirmer sous forme de lois.

La seconde édition corrigée des "Principia". Document Cambridge University Library.

Newton commença par modifier ses propos originaux, les développant graduellement pour aboutir à un ensemble de règles à respecter pour pratiquer la philosophie naturelle.

Ces principes étaient supposés étayer l'interprétation d'un ensemble de phénomènes qu'il avait lui-même introduit dans la première édition. Il barra donc le titre du document et d'Hypothèse il écrivit à la place "Règles de philosophie" comme en témoigne le document présenté à gauche, que nous traduirons en langage moderne par "Lois physiques".

Les corrections seront incorporées aux "Principia" en 1708, complétées par quelques notes de Gregory. Toutefois Newton ne fera toujours pas amende honorable en citant les travaux des astronomes qui l'avaient aidés à définir ses lois, en particulier Flamsteed qui méritait bien ses remerciements.

Quelques-unes des idées les plus spéculatives de Newton seront incluses sous forme d'une nouvelle "General Scholium" à la fin du Livre III. Une quatrième "Regula Philosophandi" sera ajoutée à la troisième édition des "Principia" en 1726. Ensemble, ces "altérations" ont contribué à établir le mythe de Newton comme étant un philosophe qui "ne feint point d'hypothèse" (hypotheses non fingo). Paradoxalement, c'était exactement de cette manière qu'il avait originalement commencé son explication du système du monde.

Optique II et la nature de la lumière

La question de la nature de la lumière restait à l'esprit de Newton et le préoccupera durant 13 années encore après la publication de son "Optique". Ce n'est qu'en 1717 qu'il publia une seconde édition, augmentée de chapitres remarquables.

Cette fois et contrairement à sa philosophie, lui qui n'entendait jamais faire d'hypothèses, et de ce fait devait parfois rester intellectuellement frustré pour l'esprit de la chose, prit soin cette fois d'expliquer que ce qu'il avait ajouter à l'"Optique" n'était pas des "vérités", mais selon ses propres termes de simples "questions" sur la nature de la lumière. Il abordait également le problème de la vision stéréoscopique. En fait ce n'était pas vraiment des questions mais des réflexions. Il y en avait 31 dont certains longues de 30 pages... Si ses réflexions n'avaient plus la rigueur du passé, elles feront en revanche l'objet de controverses durant plusieurs siècles après sa mort.

Newton avait déjà 74 ans quand il publia ces questions et suppositions et sentait qu'il n'avait plus le temps de les prouver. Au moins, se dit-il, les questions avaient été couchées sur le papier, d'autres savants, plus jeunes auraient bien le temps de les résoudre.

Parmi celles-ci, il tenta d'expliquer la nature de la lumière : "Les rayons de lumière ne sont-ils pas des corps très petits, émis par les surfaces brillantes ? Car de tels corps traversent les milieux uniformes suivant des lignes droites, sans être déviés, ce qui est précisément la nature des rayons de lumière." Newton s'aida de démonstrations mathématiques pour appuyer sa théorie corpusculaire de la lumière. C'est cette réflexion qui soulèvera la plus grande controverse dans le milieu scientifique.

L'Optique, Question 31. Son écho retentira plus fort qu'une révolution.

Son dernier livre suscita une telle agitation qu'une fois épuisé en 1780 il ne sera plus réimprimé jusqu'en... 1930, soit 150 ans plus tard ! 

Ce n'était plus l'Inquisition cette fois mais la communauté scientifique qui jugeait ses pairs. Une intolérance qui allait à contre-courant de ses propres règles éthiques et philosophiques. Avec le recul, je peux déjà vous dire que certains directeurs d'institutions scientifiques prestigieux n'ont jamais appris la leçon...

La théorie corpusculaire de Newton considérant la lumière comme un faisceau de petites particules semblables à des projectiles était inacceptable et s'opposait radicalement à la théorie ondulaire beaucoup plus ancienne et reconnue par tous, en particulier par l'astronome hollandais Christian Huygens. Il fit remarquer que la lumière se comportait plutôt comme une onde, exactement comme le son. Une nouvelle fois Newton fut pris à partie et la polémique recommença.

Mais Newton n'avait jamais été aussi catégorique que les partisans d'Huygens le laissaient supposer. Une lecture attentive de l'"Optique" montre bien que Newton pensait que la lumière agissait parfois comme une particule, parfois comme une onde. 

A la Question 27 il propose même sa propre théorie ondulatoire : "lorsqu'un rayon lumineux tombe sur une surface translucide et s'y trouve réfléchi ou réfracté, ne se pourrait-il pas que des ondes de vibrations fussent de ce fait excitées dans le milieu réfléchissant ou réfringent ?"

Mais Newton s'opposa tout de même à la théorie d'Huygens car elle n'expliquait pas les couleurs ni la netteté des ombres portées. Les ondes sonores fit-il remarquer, peuvent tourner les coins. Pourquoi alors la lumière ne contournerait-elle pas aussi les objets qui se trouvent sur son chemin ? Les "petits corps" de Newton semblaient apporter une explication suffisante.

A la 31e et dernière question, Newton rappelle que "ne faisant qu'émettre des suppositions sur de nombreuses choses [je laisse] à ces suppositions le soin d'être examinées et améliorées par les expériences et observations plus poussées de ceux qui en auront la curiosité."

Dernier chapitre

L'héritage de Newton

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