Le
problème OVNI
L'influence
pseudoscientifique (VII)
Crédulité
accréditée
Malgré
le fait que tous les scientifiques revendiquant ce titre aient
conscience des limites de la science et de leurs compétences,
plusieurs chercheurs se sont cependant laissés piéger par leur
naïveté au point de croire contre vents et marées dans des
canulars ou des théories qui n'ont jamais dépassé le stade des
hypothèses ou dans les prétendus pouvoirs extraordinaires de certains
mythomanes et autres
illusionnistes.
Sans
vouloir insister sur leur attitude qui mérite peu d'attention, nous
pouvons citer Jacques Vallée, Jean-Pierre Petit et Peter Kolosimo. Avec le recul
des années, ils ont probablement dû reconnaître qu'ils étaient à des
années-lumière de la réalité, si jamais ils ont été capables de faire
leur autocritique. Citons également Uri Geller et ses prétendues
facultés extrasensorielles ainsi que Cyril Hoskins mieux connu sous le
nom de T.Lobsang Rampa et son fameux "troisième oeil".
1.
Jacques Vallée
Dans son livre "Le Collège
Invisible" publié en 1975, l'astrophysicien Jacques Vallée
évoqua des théories pour le moins fantasques pour tenter de valider
l'hypothèse extraterrestre a priori, mélangeant sans vergogne les
activités paranormales d'Uri Geller, les Umnites de J.-P.Petit les
miracles de Fatima dans une théorie pseudoscientifique !
En
fait, seuls les Français n'ont pas critiqué son oeuvre et quelques
ufologues ne voient toujours rien à redire à ses recherches ufologiques tels qu'il les
décrit notamment dans ses livres "Autres
dimensions : Chronique des contacts avec un autre monde"
(1988), "Confrontations
: Un scientifique à la recherche du contact avec un autre monde"
(1991) ou encore "Révélations
: Contact avec un autre monde ou manipulation humaine ?"
(1992), dans lesquels on trouve un mélange disparate de compte-rendus
historiques devenus des classiques de l'ufologie et de notifications
farfelues analysées sans grande rigueur. Vallée évoque sous le convert d'être un
"scientifique" l'existence de mondes parallèles sans
même y croire pour asseoir la thèse extraterrestre sans avoir la moindre preuve à
présenter. Cela en dit long sur son objectivité et sa méthode de travail.
En fait,
Jacques Vallée était indécis sur la question OVNI mais avoue implicitement
que la thèse extraterrestre est plausible sans en
assumer les conséquences en terme d'évolution biologique et de technologie.
A force d'avancer des hypothèses sans preuve, c'est ainsi qu'on perd toute
crédibilité. Vallée n'a pas hésité non plus à s'intéresser aux rites
sataniques comme ceux de "L'Eglise de Satan", ce qui lui
assure une bonne place dans le monde des pseudoscientifiques !
Jacques
Vallée publia toutefois quelques études statistiques et sociologiques intéressantes mais manquait foncièrement
de rigueur jusqu'à croire aux Ummites, et cela n’a pas renforcé l’ufologie.
Au lieu de simplement avouer que la science manquait d'outil et à
l'époque souvent de volonté pour étudier cette problématique, Vallée a
cherché à tout prix une explication plus ou moins rationnelle à
des comptes-rendus souvent incomplets qui ne pouvaient pas être
reproduits. Ce n'est pas de la bonne science. Bien qu'il collabora
au CUFOS fondé par J.Allen Hynek, il n'a jamais été pris au sérieux
par la communauté scientifique, juste à l'occasion par Steven
Spielberg.
Mais
depuis les années 2000, vers l'âge de 60 ans, face à un public
mieux informé et plus critique que l'ancienne génération, il
s'est détourné de l'ufologie pour s'impliquer dans les nouvelles
technologies, un sujet certainement plus terre-à-terre et
valorisant.
2. Jean-Pierre Petit et les Ummites
A
partir de 1965, des Espagnols puis des gens habitant en France,
en Italie et un peu partout en Europe, qui ne se connaissaient pas,
reçurent du courrier des fameux Ummites, les habitants d'une
soi-disant planète Ummo capable de voyager dans le temps. Les
lettres rédigées en langue indigène furent traduites grâce à la
perspicacité d'un certain J.Pollion...
Ces lettres étaient postées des quatre coins du monde et
contenaient des documents à connotation scientifique mais également politique,
expliquant à leurs contacts le système politique des Ummites, leur
philosophie, etc.
La CIA n'y était vraisemblablement pour rien et
il faut s'attendre un jour à ce que ce canular d'étudiant soit
divulgué, au grand dam de J.-P.
Petit qui devrait tout de même se dire que J.Pollion est un
bien curieux nom...
En 2002, J.-P. Petit faisait encore de la
publicité sur son site pour les Ummites, activité qu'il abandonna
semble-t-il durant 4 ans avant de remettre le dossier Ummite
sur la table, prétendant toujours y trouver son inspiration... Il
justifia ce revirement temporaire par une "auto-censure" suite aux nouvelles
dispositions légales de la loi française concernant toute atteinte
à la sécurité nationale ! (sic). En fait, Jean-Pierre Petit confond
naïveté et liberté d'expression dans un Etat de droit.
Comme quoi celui qui parle sur son site Internet de "la connerie des
autres" et voit la paille dans l'oeil de son voisin ne voit pas la
poutre dans le sien et les conneries qu'il transmet cette fois
lui-même inconsciemment à la jeune génération. Sa naïveté prête à
sourire et ne renforce pas sa crédibilité.
3. Peter Kolosimo et l’Atlantide
On
retrouve une démarche ambiguë analogue chez l'auteur italien Peter Kolosimo
un journaliste et écrivain disposant d'une érudition scientifique certaine, qui témoigne dans
"La Planète Inconnue"
publiée en 1974 de l'existence de l'Atlantide dont parle Platon dans "Critias"
et "Timée", que Kolosimo situe au milieu de l'océan Atlantique Nord. Mais l'étude des fonds
sous-marins infirme l'existence de toute île dans cette région du
fait qu'à cet endroit se trouve la dorsale médio-atlantique. De
plus si une île pouvait (par magie) exister à cet endroit, elle
devrait avoir une taille gigantesque pour émerger du fond puiqu'il
se situe à plus de 1000 m, à l'exception de quelques monts
sous-marins.
Il y a quelques années on a bien découvert de grandes allées pavées dans
les eaux des Bahamas et des reliefs sous-marines que certains ont
interprété comme étant les restes de la cité engloutie mais
on n'y retrouva pas les descriptions de Platon. De toute façon, à
l'époque de la Grèce Antique, le monde se limitait aux terres
entourant la Méditerranée, et tout au plus vers l'Est jusqu'à la
Mer Caspienne et la Mer Rouge. Rares étaient les navigateurs qui
s'étaient aventurés en Atlantique et seul Pythias osa s'aventurer
jusqu'en Islande en l'an 330 avant notre ère mais personne ne le
crut.
A
lire : Timée
- Critias
ou l'Atlantide, Platon
|
|
A
gauche, une caldera engloutie dont les falaises culminent à
300 m, c'est tout ce qu'il reste de l'île de Santorin située
en mer Egée suite à l'explosion du volcan Théra en 1650 avant
notre ère. Les résultats des recherches pluridisciplinaires indiquent
qu'il s'agirait vraisemblablement de l'ancienne Atlantide. A droite,
une fresque minoenne illustrant la ville d'Akrotiri érigée sur les
versans du volcan de Théra. La ville était alors ceinturé par un fleuve
situé dans la caldéra du volcan. |
|
Kolosimo raconte qu'avant l'engloutissement de l'Atlantide, des pilotes
atlantes auraient décollé à bord de "fusées scintillantes".
Historiquement parlant, si le Grec Solon a bien recueilli certaines
légendes auprès des chroniqueurs égyptiens, ceux-ci n'ont jamais fait
état de "fusées scintillantes". Si cela avait existé, les
scribes l'auraient certainement consigné sous une forme ou une autre.
Or, il n'existe aucune trace de tels objets. Tout ceci n'est qu'une
rumeur colportée par des auteurs à sensation en mal de renommée.
Nous
verrons dans les articles consacrés aux explosions de Santorin et du
Krakatoa que les recherches archéologiques, géologiques
et océanographiques notamment ont permis d'élucider le mystère qui a longtemps
entouré Santorin et établit un lien entre l'explosion du volcan Théra et le
déclin de la civilisation Minoenne (l'Empire Crétois) et le début d'une légende, celle de l'Atlantide.
A
sa décharge, à l'époque de Kolosimo on ignorait ces détails, mais
cela n'excuse pas ses divagations.
L'art des civilisations disparues, l'étude des langues conceptuelles
mortes et la culture des premiers hommes posent suffisamment d'énigmes
aux spécialistes sans qu'il faille "en rajouter" avec des
récits naïfs relatant la construction des statues de l'île de Pâques,
révélant le mystère des Pyramides ou des "pistes" de Nasca.
A
lire : Hérétiques
Les
découvertes impossibles (conservez votre sens critique !)
Cet
amalgame des détails ordinaires et des interprétations mystiques,
alliés à une imprudente imprécision des comptes-rendus
journalistiques ou scientifiques, desservent l'oeuvre de la science.
Du coup les meilleurs esprits doivent faire face à des énigmes qui
restèrent longtemps insolubles, tel le planétarium portable découvert près d'Anticythère qui
date du 1er
siècle avant notre ère (découverte sous-marine, Grèce, 1900) et
contenant 33 engrenages dont un différentiel (cf. cet article)
ou des énigmes qui le sont encore comme le crâne de cristal
découvert au Honduras britannique (canular) ou la découverte de piles
électriques à Ctésiphon datant de 200 ans avant notre ère (Wilhelm
Konig, 1938).
4. Uri Geller
Depuis
qu'Uri Geller a plié des cuillères face à la
télévision dans les années 1970, ses facultés paranormales et de
mentaliste ont toujours été mises en doute, en particulier par des
illusionnistes comme l'Américain James Randi et le Français
Gérard Majax ou des scientifiques qui ont toujours prétendu
pouvoir expliquer tous les "trucs" d'Uri Geller. Même son
manager en Angleterre Yasha
Katz avoua en 1978 qu'Uri Geller utilisait des trucs durant ses
shows et expliqua comment il procéda.
Critiqué,
copié et plagié, cela atteignit son paroxysme en 1992 lorsque Uri
Geller engagea des poursuites contre Randi et le CSICOP (Committee
for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal)
suite à une déclaration faite à son égard dans la presse en 1991
(cf. ce résumé)
et pour laquelle il réclama un dédommagement de 15 millions de
dollars. Mais l'action était prescrite et finalement en 1994 Geller
fut condamné à payer 70000$ à l'éditeur.
Uri
Geller ne s'est jamais venté de ses pouvoirs paranormaux
mais selon différentes enquêtes conduites par des journalistes, il
aurait mené deux vies en parallèle. En effet, si pour certaines critiques
(y compris français avec le support de Jacques Vallée), Uri Geller
est un fumiste, étant donné qu'il aurait travaillé pour des agences de renseignements (le
Mossad et la CIA notamment), ses missions sont toujours couvertes
par le secret et à de rares exceptions près (mission d'espionnage
de l'ambassade d'URSS à Mexico pour la CIA) personne ne peut donc
confirmer les rumeurs à son sujet.
En
revanche, suite à la déclassification de nombreux documents dans
les années 2010, on apprit qu'Uri Geller collabora à des études sur les perceptions
extrasensorielles au célèbre institut de recherche du SRI
en Californie. Les vidéos de ces recherches montrent, expériences
à l'appui, qu'Uri Geller présenterait des capacités paranormales
extraordinaires.
En 2013,
la BBC diffusa un documentaire réalisé par Vikram Jayanti sur le
sujet intitulé "The Secret Life of Uri Geller – Psychic Spy?"
qui fut ensuite adapté en langues étrangères et notamment
diffusé sur les chaînes francophones. La même année le
journaliste Jonathan Margolis du magazine "Time" en
collaboration avec Jayanti publia également une biographie d'Uri
Geller intitulée "The
Secret Life of Uri Geller: CIA masterspy?" basée sur des
documents officiels et privés et des témoignages de membres de la
CIA. Dans ce livre, Margolis pose notamment la question de savoir pourquoi
Uri Geller détenait des photos de contacts privés entre Al Gore
par exemple et de hauts politiciens américains ou soviétiques s'il
n'était pas accrédité ? Pour asseoir cette théorie, les
agents de la CIA et les scientifiques du SRI n'ont pas de temps à
perdre avec des fumistes. S'ils ont réellement fait appel aux services d'Uri Geller
durant des années, ce n'est pas parce qu'il pouvait plier des cuillères et détendre
l'atmosphère mais bien parce qu'il pouvait mettre ses dons au
service de la nation et participer à des missions militaires
secrètes ou d'espionnage de puissances étrangères sans éveiller
les soupçons.
Malheureusement
aucune preuve ni aucun témoin direct ne viennent étayer les soi-disant facultés extrasensorielles
d'Uri Geller, que du contraire. Aujourd'hui, la seule documentation
sur Uri Geller est sur Internet
et nous savons à quel point elle peut parfois être sujette à
caution.
5. Cyril Hoskins alias T.Lobsang Rampa
En
1956, Tuesday Lobsang Rampa,
publia son fameux livre d’aventure
tibétaine "Le Troisième oeil"
dont voici la couverture
de l'édition originale dans lequel il raconta comment il fut initié
aux pouvoirs ésotériques tibétains et la manière dont son enveloppe
charnelle reçut l'esprit de Rampa.
Dans
"La
Caverne des Anciens" publié en 1963, il décrivit
l'exploration en compagnie du Grand Lama Mingyar Dondup
d'une cité perdue dans les montagnes Himalayennes de Shan Lan
et en particulier l'exploration d'une caverne (au chapitre Cinq) où il découvrit
ses lumières irréelles qui ne nécessitaient aucun entretien et ses artefacts fabriqués
il y a des milliers d'années par une civilisation très avancée. Puis en 1975, dans
"Les
Secrets de l'Aura" il détailla son expérience ésotérique, il
raconta ses aventures astrales et son voyage sur Vénus à bord d'une soucoupe
volante. Visiblement Rampa était très inspiré !
Malgré
les critiques (voir plus bas) la série d'aventures occultes
continua. Tout le monde voulut y croire, y compris l’un de mes professeurs
Jésuites qui nous lut plusieurs pages du "Troisième
Oeil" pendant le cours de religion vers mes 12 ans, nous
demandant ce que nous en pensions !
Pris
au jeu, des journalistes iront jusqu’à questionner le Dalaï Lama sur
l'histoire de Rampa, qui avoua ne pas connaître l'homme.
Le
récit de "La Caverne des Anciens" fut soumis à la
critique d'experts américains. La moitié d'entre eux jugea le récit
authentique, l'autre moitié considéra qu'il s'agissait... d'une supercherie !
A
télécharger : Les
ouvrages de Rampa en ligne (PDF en VF ou UK)
L'opinion
des seconds fut confirmée le jour où des étudiants tibétains engagèrent le détective
Clifford Burgess pour faire toute la lumière sur cette affaire. Son enquête fut
publiée en 1958 dans le magazine "Tomorrow",
sous le titre "The Tibetan Lama Hoax", le canular du Lama Tibétain.
Quelques pages avant, l'étudiant tibétain Chen Chi Chan publia un article
introductif intitulé "Tibetan Phantasies".
Il
apparut en effet que l'auteur n'avait jamais vécu au Tibet et que
toute son histoire n'était que fabulation. De son véritable nom
Cyril Henry Hoskins, il était né dans le Devon, en Angleterre, son
père s'appelant Joseph Henry Hopkins. Cyril étudia les sciences
occultes durant ses temps libres, se rasa la tête et pris le nom de
"Dr Kuan-suo". Ses aventures étaient décidément trop belles
pour être vraies ! Une mise en garde fut à nouveau publiée en 1974
dans la revue "Tibet
Society Bulletin".
Malgré
la supercherie, "Le Troisième Oeil" et les autres livres
de "Rampa" ont servi la cause tibétaine. En effet, selon
son traducteur français Alain
Stanké, à l'époque où ces livres sont sortis beaucoup
de personnes ont entendu parlé pour la première fois du
Tibet en lisant les oeuvres de Lobsang Rampa.
Cyril
Hoskins mourut en 1981 non sans avoir publié 20 romans qui
continuent de faire rêver les lecteurs passionnés d'ésotérisme. Mais même
après sa mort il fait encore parler de lui comme en témoigne le
certificat de participation présenté ci-dessus à droite édité
par la NASA pour commémorer les missions d'exploration de Mars.
Ici nous touchons à la pataphysique d'Alfred Jarry
et à toutes les croyances qui soutiennent les doctrines
philosophiques ou religieuses. Quand les objets ou phénomènes
décrits ne sont pas imaginaires, ils manquent d'objectivité et
de preuves. Tous ces actes déforcent l'oeuvre de la
science et émoussent le sens critique des lecteurs.
Gardons-nous de poser un jugement de valeur sans plus de
considérations. Veillons également à ce que de telles idées
pseudoscientifiques ne franchissent jamais la porte des écoles sous
la bénédiction de l'enseignement public. Ainsi quand j'avais 12 ans, c'était
un père Jésuite qui meublait l'absence d'un professeur en nous lisant le
"Troisième oeil". De telles erreurs de conduite peuvent influencer les
adolescents dans un sens assez inattendu quoique prévisible...
Combien d'entre nous n'ont pas cru à toutes ces histoires étant écolier.
Il nous a fallu une bonne dose de sens critique pour les
remettre en question et certains adultes n'y sont toujours pas parvenus !
Cela nous
amène à discuter des sectes et de ces illuminés soi-disant contactés par des
extraterrestres car leur impact sur la société est loin d’être innocent.
Prochain chapitre
Une
religion de l'âge spatial
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