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La technique du masque flou

Introduction (I)

Cet article a été rédigé au siècle dernier (!), à une époque où la photo argentique régnait encore en maître.

Progrès oblige, les logiciels de traitement d'image ont remplacé beaucoup de processus analogiques par leur équivalent numérique. L'article a donc légèrement été mis à jour il y a quelques années mais il est surtout présenté pour mémoire.

Avant de commencer, j'aimerais rendre hommage à deux amateurs qui n'hésitèrent pas à faire connaître cette technique du masque dans notre petite communauté. Joseph Cocozza, auteur du livret "Astrophotography near city lights" utilisa déjà la technique dite "unsharp masking" en 1977. En 1982 l'amateur américain Dale Lightfoot qui compta parmi les premiers à découvrir Nova Cygni 1975 (V1500) publia à son tour ses images retouchées dans le magazine "Astronomy" et me communiqua à l'époque ses premiers résultats.

L'accroissement du contraste des photographies et les techniques de masques flous en photographie argentique traditionnelle furent développés il y a quelques dizaines d'années à l'instigation des astronomes professionnels dont les techniques furent aussitôt relayées par des photographes amateurs qui partagèrent leur savoir-faire avec d'autres amateurs passionnés d'astrophotographie.

Dès 1979, l'astrophotographe australien David Malin alors à l'Anglo-Australian Observatory de Coonabarabran développa cette technique avec succès pour tirer le maximum de ses négatifs du ciel profond et publia ses premières images dans les revues d'astronomie amateurs "Astronomy", "Sky & Telescope" ainsi que dans les périodiques japonais tel "Man & Stars" de notre ami Akira Fujii.

Nous allons décrire cette méthode de traitement d'image qui requiert non pas une installation complexe et des moyens professionnels comme on a l'habitude de rencontrer dans ce genre d'application, mais simplement la chambre noire d'amateur et des négatifs de 35 mm. Ce traitement argentique particulier offrira de nouvelles opportunités au laborantin amateur passionné de techniques nouvelles.

Progès oblige, nous évoquerons également sommairement le traitement d'image numérique sur ordinateur.

Tirage classique

Par une belle nuit étoilée vous avez vérifié votre installation, chargé votre film dans sa cassette et peut-être avez-vous passé le restant de la nuit dans le froid et l'obscurité, l'oeil rivé au diviseur optique dans l'espoir de quelques clichés révélateurs de votre habileté d'astrophotographe.

Comme vous le présagiez, après le développement, l'analyse de ces négatifs a révélé que le pointage était optimal, les images sont nettes, le contraste correct, en bref le cliché est réussi.

Alors qu'il est vrai que vous ne pouvez tirer de bonnes photographies à partir de négatifs de mauvaise qualité, l'utilisation d'un matériel d'agrandissement non adapté à vos applications ne pourra pas non plus vous donner les résultats que vous escomptiez.

En outre, comme expliqué dans la page consacrée aux bases de la photographie, un négatif astronomique ne pourra pas vous dévoiler plus que ne lui permet le papier d'impression en dépit des efforts que vous avez consentis.

Lorsque vous sélectionnez un papier il y a deux choses à considérer :

- Le type de surface

- Le contraste du papier.

Le type de surface exprime la structure du papier sensible, qui peut être mate, semi-mate ou brillante. Le papier brillant donnera, compte tenu de son fort pouvoir réfléchissant, toujours de plus belles images que le papier mat qui diffuse la lumière et donne l'impression d'une perte de contraste.

Le contraste du papier

De gauche à droite: gamma de 0.5, 2.2 et 10.0

La gradation du papier s'échelonne entre la 1, la moins contrastée, également appelé papier doux et extra-doux, jusqu'à la valeur 5 parfois 6 pour le papier dur et extra-dur. Ce dernier présente un contraste très élevé, vous n'y trouverez normalement pas de gris intermédiaires.

Il est possible d'assombrir le fond du ciel des photos astronomiques de trois façons :

- En exposant le papier sensible plus longtemps à la lumière de l'agrandisseur

- En augmentant la puissance lumineuse mise en jeu

- En prolongeant la durée de développement de votre papier (déconseillé)

Mais ce principe n'est pas efficace pour les papiers doux de gradation 1 ou 2. Car en augmentant le temps d'exposition ou la quantité de lumière, vous assombrissez le fond du ciel déjà noir mais aussi, ce qui est beaucoup moins intéressant, toutes les autres densités (le sujet lui-même). L'image sera dite plate, sans différence de contraste notable.

Pour résoudre le problème il faut choisir un papier de gradation 4 ou 5, dur. Les objets du ciel ressortiront d'autant mieux sur l'arrière-plan si le papier offre une différence de contraste importante (peu de gris intermédiaires).

L'une des émulsions les mieux adaptées à ce traitement et qui donne d'excellents résultats chez les amateurs est le papier plastique RC Unicolor F de gradation (brillant). La désignation RC (Resin Coated) signifiant rappelons-le que l'émulsion sèche à l'air sans s'enrouler, offrant un brillant naturel.

Maintenant que vous avez choisi le papier idéal, tirez une première fois votre négatif original et développez-le tel une émulsion classique selon les recommandations du fabricant.

Certains seront tentés de croire que rien n'est à présent impossible. Mais il n'y a pas de miracles. Certains objets du ciel sont malheureusement très sombres, surtout dans les instruments de faibles ouvertures, et bien que le papier RC Unicolor F vienne à notre aide, l'objet peut-être d'un contraste tellement faible qu'il ne vous donnera pas les résultats que vous escomptiez. Mais rien n'est encore perdu.

Accroître le contraste

La méthode la plus facile pour augmenter le contraste d'un cliché est d'en faire une copie sur un nouveau film, soit en retournant l'agrandisseur (projection d'une image fixée sur le plateau sur un film placé dans le porte-négatif) sinon en rephotographiant l'image positive sur papier dur. Vous mesurez alors le sujet sur une gamme de gris neutre à 18% (Kodak) et vous sous-exposez d'1 ou 1/2 diaphragme votre plus rapide vitesse. Répétez cette méthode pour les autres clichés et développez votre film. En général on utilise un film offrant un gamma de 0.7 tel le T-Max 400 ou le Plux-X par exemple. Vous obtiendrez de nouveaux négatifs où les images seront cette fois très contrastées.

Vous pouvez faire à présent un nouveau tirage de ce dernier résultat en n'oubliant pas de l'imprimer sur le même papier à haut contraste pour en tirer tout le bénéfice.

Mais qui peut le plus peut le moins; en accroissant le contraste vous avez augmenté le grain de l'émulsion en "photocopiant" votre image. Vous retirez donc les fins détails, les faibles différences de gris que vous trouviez au départ dans votre négatif. A vous maintenant de choisir le juste compromis.

Rien ne sert de pousser le traitement d'image trop loin. L'augmentation du contraste ou l'emploi répété d'un masque flou finit par produire des "yeux noirs" autour des étoiles brillantes et du grain comme sur l'image de gauche montrant la galaxie NGC 2903. L'image de droite reste une limite raisonnable.

Si cette copie ne vous satisfait pas encore, voici une autre technique qui fera ressortir les détails invisibles de votre négatif. Magie ?

Il faut savoir que les cristaux d'argent insolés de votre film original ont emmagasiné une énergie lumineuse bien que la transformation en argent métallique ne soit pas visible à l'oeil nu.

Pour cette méthode ci, en plus de l'équipement habituel d'une chambre noire, il sera nécessaire d'utiliser un verre opalin (ou dépoli) qui diffusera la lumière issue de la boîte à lumière de l'agrandisseur.

A titre de rappel, les agrandisseurs qui utilisent de la lumière froide (bleu turquoise) augmentent le contraste des clichés; neutraliser cette couleur est primordial, de même que l'emploi d'un verre opalin pour la suite du traitement. La raison est simple. Les faisceaux de lumière parallèles issus de l'optique ont la fâcheuse habitude d'attaquer l'émulsion en profondeur en accroissant le contraste. Ainsi que nous l'avons expliqué dans l'article consacré aux bases de la photographie, ce sont les grains de surface qui contiennent tous les détails du sujet, alors que le reste de l'émulsion contient surtout le voile du fond du ciel et la lumière parasite diffusée dans l'épaisseur du film, l'emploi de cette lumière diffuse permet de faire ressortir les fines structures des objets à faible contraste (nébuleuses, galaxies pâles).

Les films dédiés aux arts graphiques sont spécialement conçus pour les copies à haut contraste et sont distribués normalement en plans-films. Pour ce travail les meilleures émulsions nous ont été fournies par Agfa, c'est le plan-film "Fo Arts Graphics", F étant la dénomination de brillant. Il n'est distribué qu'en format professionnel mais la plupart des revendeurs peuvent le commander et le découper à votre intention au format 4x5" (10x12 cm).

Si vous ne trouvez pas ce plan-film, le Kodalith vendu par Kodak offre des possibilités similaires en vous permettant de bénéficier d'une commercialisation étendue.

Pour accroître le contraste le traitement doit s'effectuer en trois étapes :

- 1re étape. Réaliser une copie positive sur film Art graphique de votre négatif original sans oublier d'utiliser un verre opalin qui devra réduire la dureté de la lumière. L'agrandissement se fera au rapport 1:1 pour éviter ultérieurement toute altération de la géométrie.

Découpez un morceau de film non exposé et copiez-le sur un support gris mat et, tel que vous le feriez avec un papier sensible, la face émulsionnée tournée vers le haut.

Bien que l'on recommande des révélateurs précis pour chaque film, vous pourrez obtenir de très bons résultats dans le Dektol que l'on a coutume d'utiliser pour ce traitement.

Les temps de pose et de développement varient compte tenu du rapport d'agrandissement, de la température du révélateur et d'autres paramètres que nous avons déjà entrevus dans les bases de la photographie. Au rapport 1:1 une exposition de 25 à 30 secondes, le diaphragme sur 11 a donné jusqu'ici d'excellents résultats.

Après le bain de fixage et le lavage, vous obtiendrez une petite image positive noir et blanc qui, complétée par la 2e étape vous offrira une première diapositive vraiment exceptionnelle.

Avant d'entamer la seconde étape retirez le verre opalin, il a servi sa cause.

- 2e étape. Réaliser par contact une nouvelle copie négative sur film Arts graphique de votre positif réalisé à la 1re étape en plaçant les faces émulsionnées l'une contre l'autre. Veillez à ce que le positif soit au-dessus.

Exposer à nouveau mais avec l'objectif de l'agrandisseur placé à environ 20 cm du plateau. Commencez par une exposition de 10 secondes à f/8.

Développer enfin ce négatif juste le temps nécessaire pour que le fond du ciel apparaisse sur tout le négatif.

- 3e étape. Après le séchage placer ce négatif dans l'agrandisseur et imprimez-le sur le papier RC à haut-contraste.

Après ce traitement le fond du ciel de votre négatif corrigé sera parfaitement noir et quantité d'autres nébulosités ressortiront, qui n'étaient que de pâles reflets sur votre premier tirage. Cette fois-ci les nébulosités enregistrées dans le négatif seront apparentes.

Il faut préciser que cette technique accroît le grain au détriment des fins détails. Elle peut aussi apporter du vignetage ou effacer les faibles tonalités et augmenter les défauts dus à la lumière diffuse, autant d'inconvénients qui limitent cette technique aux clichés originaux présentant le moins de défaut possible.

Prochain chapitre

Le masque flou

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