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Les tubes photoamplificateurs et la vision de nuit

Principe de base

Dans son principe, un tube photoamplificateur d'image ou tube MCP pour "Micro-Channel Plate amplifier" est une chambre sous vide contenant une ou plusieurs photocathodes qui exploitent le phénomène de l'émission secondaire : un photon en entrée produit en sortie des milliers de photons en cascade. Le gain varie entre 50 et 90000 fois ! Autrement dit, dans le premier cas le sujet se fond dans l'obscurité, dans le second cas, l'appareil vous permet d'observer des détails du sujet !

Ce dispositif permet d'obtenir des images visibles dans l'obscurité qui peuvent être directement observées ou photographiées derrière un écran phosphorescent.

Principe de base d'un appareil photomultiplicateur destiné à la vision de nuit.

Les tubes de 1re génération

Il s'agit d'un tube à vide dont la photocathode présente une sensibilité de 120 à 250 μA/lm. L'amplification lumineuse en sortie oscille entre 129-900x pour une résolution centrale de 25 à 35 l/mm soit plutôt faible. Ce type d'appareil est surtout intéressant lorsque la lumière ambiante est déjà importante (proche des villes, éclat de la lune, etc). A titre de comparaison, les émulsions rapides noir et blanc et couleur traditionnelles présentent une résolution de 80 à 175 paires de lignes/mm et même de 320 paires de lignes/mm pour le Kodak TP2415 dont la commercialisation est aujourd'hui abandonnée.

Ces appareils sont populaires et souvent utilisés par les amateurs car leurs prix sont aujourd'hui accessibles (sous 300$). On les retrouve dans la sacoche des chasseurs et des observateurs du ciel qui s'hésitent pas à s'équiper de jumelles infrarouges jusqu'à 5x90 mm. Si la magnitude limite de cet objectif est en théorie voisine de 11.5, l'amplification de la lumière permet d'atteindre la magnitude 13 dans de bonnes conditions météorologiques.

En plaçant l'oeil à l'oculaire de ces mono ou binoculaires, on constate que si l'image est claire au centre du champ, la qualité se dégrade quelque peu en périphérie, où l'image présente également des distorsions dont la courbure de champ n'est pas la moindre ainsi que je l'explique dans une page anglaise consacrée aux aberrations. Par ailleurs, toutes les sources brillantes (lampadaires, feux de voiture, flamme, etc) sont très amplifiées et saturent le tube en inondant le champ de vue de lumière.

Le prix d'un appareil de qualité

Tous les tubes MCP de 1re génération ne présentent pas les mêmes performances. Leur prix dépend non seulement du contrôle qualité effectué en usine mais aussi de la sensibilité des photocathodes utilisées. C'est la raison pour laquelle un appareil comme le petit monoculaire Dedal-Handy de 3.6x58 mm du fabricant russe Night Vision (à ne pas confondre avec le fabricant Night Vision d'ITT Industries) est près de 2 fois plus cher que les modèles proposés par ses concurrents japonais, américains ou australiens. Pourtant toutes les marques proposent soi-disant des modèles présentant le même facteur d'amplification lumineuse, la même résolution ou la même clarté du champ. Mais là où certains fabricants tolèrent de petites taches ou specks sur les écrans - à l'instar des premiers écrans plasma couleur sur les ordinateurs portables - certains fabricants les mettent au rebut. Ceci est certainement vrai si ces taches forment des images brillantes dans le champ de vision. Dans ce cas la plaque ou l'écran phosphorique sera éliminé. Pour l'amateur toutefois, si ces défauts sont mineurs ils ne détériorent pas les observations nocturnes.

Le tube MCP se caractérise également par son contraste. Un instrument bas de gamme sera peu lumineux et offrira une faible résolution liée à la taille des microcanaux de la plaque amplificatrice. Il sera également peu sensible bien que cette caractéristique ne puisse être appréciée que dans un laboratoire spécialement équipé. Pour les applications terrestres à courte portée en condition de faible éclairement, le sujet peut être illuminé par une source infrarouge fixée au-dessus de l'appareil. Ici également la qualité varie. Tous les produits Dedal de première génération de Night Vision par exemple disposent d'une protection de surcharge (overload flash) qui évite d'endommager le dispositif si le sujet est temporairement violemment éclairé. C'est pourquoi il est recommandé d'obturer l'objectif de ces appareils durant la journée et de ne jamais les placer en pleine lumière une fois allumé.

Ci-dessus, deux appareils de vision nocturne de 1re génération : le binoculaire TASCO NZT-22 de 1x22mm et le binoculaire Night Scout d'ATN de 5x90mm. Ci-dessous à gauche, le MO-3 de ALF Enterprises utilise un tube amplificateur de 3e génération et offre un gain de 90000x et à droite une scène nocturne photographiée avec ce matériel.

Les tubes de 1re génération multi-étages

Pour augmenter le facteur d'amplificateur lumineuse certains constructeurs montent en série deux ou trois étages d'amplification. Ceci permet d'obtenir des gains de 20 à 50000x. Cette performance se paye toutefois par une réduction de la résolution, surtout en bordure de champ. Autre inconvénient, ces appareils sont plus encombrants et plus lourds.

Aujourd'hui les appareils de Génération I+ ou II+, tel le Dedal 200 ou 220 présentent des performances similaires sans avoir les inconvénients des amplificateurs multi-étages. Les amateurs les ont adoptés.

Les tubes de 1re génération I+

Le premier pas dans l'évolution technologique du tube MCP de 1re génération a été l'ajout d'une plaque de fibre optique à l'avant ou à l'arrière du tube. Cette modification du design initial a permit d'augmenter très fortement la résolution de l'image tout en évitant les distorsions provoquées par les autres sources lumineuses dans le champ de vision. Les tubes de génération I+, parfois qualifié de Super I+, produisent une amplification lumineuse d'environ 1000x alors que la sensibilité de la photocathode n'a été porté qu'à 280 μA/lm voire un peu plus. La résolution au centre de l'image atteint au moins 45 pl/mm soit pas meilleure que celle de l'ancien film Tri-X de 400 ISO.

Les tubes de génération I+ présentent globalement de bien meilleures performances que les tubes de 1re génération : la qualité d'image s'est améliorée, ils présentent moins de distorsion et une meilleure vue à distance en mode passif ou actif (avec illumination infrarouge). Ces appareils peuvent fonctionner dans les environnements urbains moyennement éclairés. Ils peuvent tirer profit de la lumière ambiante comme la clarté de la Lune. En condition de faible éclairement, l'illumination infrarouge demeure toutefois indispensable. Cette génération d'appareils coûte nettement plus cher qu'un modèle de 1re génération, avec un prix voisin de 2000 €.

Les tubes de 2e génération

Le pas technologie significatif suivant fut la commercialisation des tubes photomultiplicateurs de 2e génération. Ils se différencient des tubes de génération I+ par l'utilisation d'un amplificateur électronique particulier, la plaque de micro-canaux. Ces appareils présentent une sensibilité de 240 μA/lm pour une résolution de 32 à 35 pl/mm. Deux types de plaque MCP sont proposées : celle de 18 et celle de 25 mm de diamètre. Certains appareils disposent d'un contrôleur de gain permettant d'adapter la brillance de l'image en fonction du bruit électronique provoqué par le sujet ou l'arrière-plan. Ces appareils sont utilisés par les amateurs, principalement dans le domaine de la surveillance et de la chasse (viseur nocturne des fusils). La durée de vie de ces tubes oscille entre 1000 et 3000 heures.Ces appareils sont en général utilisés pour assurer la photo ou vidéo surveillance en raison de leur gain élevé.

Les tubes de 2e génération II+

Les tubes photomultiplicateurs de génération II+ ou Super II+, présentent un pouvoir amplificateur oscillant entre 20000 et 35000x. Ils utilisent des photocathodes d'une sensibilité de 600 μA/lm et, nouveauté, présentent une sensibilité au rayonnement infrarouge. Leur durée de vie est également comprise entre 1000 et 3000 heures.

Les tubes de génération II+ sont plus compacts du fait qu'ils ne disposent pas de chambre accélératrice et dès lors présentent un facteur amplificateur inférieur aux tubes de 2e génération. En raison de leur sensibilité à l'infrarouge ils conviennent bien à l'observation de zones brumeuses qu'ils pénètrent sans aucun problème de visibilité.

Cette génération de photoamplificateur est équipée d'un contrôle automatique de gain, d'une protection contre les flashes et les distorsions engendrées par la lumière du bord de champ et ils présentent une excellente qualité d'image sur toute l'étendue du champ de vision. Ces appareils sont utilisés par les forces armées où les experts requièrent du matériel de qualité optimale

Les tubes de 3e génération

Les appareils de 3e génération se différencient de ceux de génération II+ par l'utilisation d'une photocathode d'Arsénide de Gallium dont la sensibilité a été étendue dans l'infrarouge. La photocathode présente une sensibilité comprise entre 900 et 1600 μA/lm pour une résolution qui oscille entre 32 et 64 lp/mm. Leur facteur d'amplificateur lumineuse oscille entre 30000 et 50000x. Leur durée de vie opérationnelle atteint 10000 heures, ce qui les rend 3 fois plus performants que les tubes de 2e génération. C'est la technologie la plus avancée en vision de nuit mais aussi la plus onéreuse.

Cette génération de photoamplificateur fonctionne parfaitement bien dans des environnements faiblement lumineux, y compris de nuit et notamment en astronomie. L'image est claire et présente un excellent contraste. Seul inconvénient, les tubes photoamplificateurs de 3e génération sont vulnérables aux distorsions provoquées par la lumière du bord de champ car ils ne sont pas protégés à l'avant par une plaque de fibre optique.

Jusqu'aux années 1990 les tubes des générations II+ et de 3e génération étaient exclusivement réservés à un usage militaire. Aujourd'hui ces appareils sont largement commercialisés et les amateurs peuvent en acheter sur Internet, dans les magasins d'optique ou d'accessoires de chasse.

Distance moyenne d'observation de nuit et d'identification d'objet

  Pleine Lune
0.1 lux
½ Lune
0.05 lux
¼ Lune
0.01 lux
Etoiles
0.001 lux
Couvert
0.0001 lux

Sans vision de nuit

230m 130m 45m - -

Gén. I

300m 200m 150m 100m 50m

Gén. II

630m 630m 590m 390m 145m

Gén. III

810m 810m 770m 530m 200m

A propos des jumelles et monoculaires de vision de nuit

La plupart des jumelles et monoculaires de vision de nuit utilisent un photomultiplicateur de 1re génération. Ces dispositifs sont sensibles à un large spectre de lumière, du visible à l'infrarouge. Vous ne regardez pas "à travers" des jumelles ou le binoculaire de vision de nuit, vous regardez en fait l'image électronique amplifiée et reproduite sur l'oculaire qui est un écran phosphorescent.

Ce sont bien entendu les modèles de 3e génération qui sont les plus performantes, donnant l'image la plus brillante et qui sont donc capables d'identifier les objets plus éloignés. Ainsi que le montre le tableau ci-dessus, selon les conditions d'éclairement, un système de vision nocturne de 3e génération porte à une distance 3 à 5 fois plus supérieure à celle d'un appareil de 1re génération.

Le prix des appareils de 3e génération varie entre 500-3000$ aux Etats-Unis, mais ils peuvent hélas être trois fois plus chers en Europe. Bien entendu il existe des modèles de 1re génération proposés entre 300-1800 €.

Notons qu'un monoculaire ou des jumelles utilisant un capteur CMOS (appareil à gain programmable ou PGA), permet d'obtenir une résolution qui se rapproche des appareils de 1re et 2e génération et offre des performances supérieures aux photoamplificateurs de 1re génération. C'est une solution hybride et pas trop cher (environ 400 € pour un monoculaire Bushnell)

Parmi les fabricants et revendeurs citons ATN, Bresser, Bushnell, Canon, Fujinon, Minox, Nikon, Pentax, Perret opticiens, Steiner, Vectronix et Yukon.

Nouvelle technologie révolutionnaire de vision nocturne

Dans un article publié en 2021 sur le site SPIE consacré à l'imagerie numérique, une équipe internationale de chercheurs a présenté une nouvelle technologie qui permet de voir clairement dans l'obscurité sans utiliser de photoamplificateur ni de système cryogénique. Cette découverte est une réponse à la demande toujours croissante de systèmes d'imagerie infrarouge.

L'étude montre pour la première fois que le rayonnement infrarouge peut être converti en image visible sur un écran ultrafin. Le secret de l'invention réside dans l'utilisation d'une métasurface composée de nanocristaux semi-conducteurs de GaAs. Le film dont l'épaisseur est des centaines de fois plus fine qu'un cheveux peut directement être appliqué sur le verre et agir tel un filtre. Un jour, il pourrait être incorporé dans les verres de lunettes et les transformer en lunettes de vision nocturne.

Schéma du processus non linéaire de second ordre SFG (sum-frequency generation ou génération de fréquence somme) exploitant une métasurface de cristaux GaAs semi-conducteurs pour convertir un signal IR en signal visible. En (a), ω1 et ω2 sont les fréquences angulaires du signal incident (ωs) et de pompe (ωp) tandis que ωSFG est la fréquence angulaire de l'émission SFG non linéaire. Les lignes noires pleines et pointillées indiquent respectivement les niveaux d'énergie réels et virtuels. En (b), schéma du concept d'imagerie IR non linéaire. Le faisceau de pompe (ωp) et celui du signal IR (ωs), codant l'image d'une cible, sont simultanément focalisés par une lentille sur une métasurface de GaAs. A la sortie de la métasurface, une image visible du sujet est obtenue grâce à l'émission SFG (ωSFG). Pour simplifier l'illustration, les faisceaux de pompe et de signal focalisés ne se chevauchent pas sur la métasurface. Document R.Camacho-Morales et al. (2021).

Le système exploite deux concepts. Le premier est l'optique non linéaire. En optique linéaire, classique, la fréquence de la lumière ne change pas lorsqu'elle interagit avec divers matériaux. En utilisant une optique non linéaire, dans ce cas ci une métasurface, une lumière d'une nouvelle fréquence peut être générée sous certaines conditions. Le deuxième concept est un processus appelé la génération de fréquence somme (SFG, sum-frequency generation) grâce auquel deux faisceaux de fréquences différentes interagissent sous certaines conditions pour produire un signal d'une nouvelle fréquence égale à la somme de celle des deux faisceaux en interactions.

Selon les chercheurs, parmi ses avantages, la technologie proposée est extrêmement légère et ultra compacte, réduisant les dimensions et le poids des appareils actuels de vision nocturne lourds et encombrants. Elle est également bon marché, facile à produire en masse, y compris sur des substrats flexibles, elle fonctionne à température ambiante et est accessible au grand public.

L'invention peut trouver des applications militaires, médicales (comme la tomographie optique), en imagerie scientifique (y compris LIDAR et en télédétection), auprès des services de sécurité (police, surveillance, etc), dans les processus de contrôle alimentaire, elle peut grandement améliorer la sécurité des conducteurs, y compris des véhicules autonomes, ou le déplacement des piétons durant la nuit. C'est une véritable révolution dans le domaine de l'optique qui permettra à tout le monde de voir dans l'obscurité aussi clairement qu'en plein jour ou qu'un animal nocturne.

Pour plus d'informations

Jumelle de vision nocturne

Vision Nocturne

ATN Corp

ALF Enterprises

Ceoptics

Dedal NV Optics

Night View Binoculars

Night Vision (ITT Industries)

Night Vision (F)

Night Vision  (Ru)

Night Vision Binoculars

Night Vision Mall

Sionyx

TASCO.

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