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Fission et fusion nucléaires

Les réfrigérants de la centrale nucléaire de Tihange (3.5 GWe) près de Liège.

Applications civiles de la fission nucléaire (III)

Suite à l'explosion démographique et au progrès continu, notre société consomme de plus en plus d'énergie. En 2003, notre production énergétique mondiale était d'environ 16.5 trillions de kWh soit 1021 watts par an pour une consommation (2008) atteignant à 1.5 x 1013 watts par an !

Point de vue rendement, 1 gramme de matière fissile permet de produire 24 GWh, soit l’équivalent de 2 tonnes de pétrole. Selon le CEA, à titre indicatif, un Français consomme en moyenne 4.2 tonnes équivalent pétrole (tep) par an, contre 8.3 tep pour un Américain alors que la moyenne de la population occidentale consomme environ 1.4 tep. Dans ce contexte, l'intérêt de l'énergie nucléaire est donc évident.

Le nucléaire à usage civil est relativement bien implanté en Europe, beaucoup plus en tous cas que dans les autres pays. C'est la France qui produit actuellement le plus d'électricité à partir des centrales nucléaires avec 78% de la production publique de courant, contre 55% en Belgique et 33% en Allemagne. Cela représente une moyenne de 35% pour l'ensemble de l'Europe mais 14% seulement de la production totale d'énergie.

La consommation mondiale d'énergie

En 2003, la production mondiale d'énergie atteignait 16.5 trillions de kWh (1.65 x 1014 kWh). Exprimée en d'autres unités cela représente 1021 watts par an, soit 600 milliards de milliards de joules (600 milliards de Gj) ou encore 14.2 gigatep.

NB. 1 MWh électrique = 3.6 Gj = 0.086 tep, 1 tep = 41.6 Gj. Ces valeurs sont absolues, ce sont celles retenues sur le plan international, mais elles ne tiennent pas compte du rendement réel des installations qui peut faire chuter la quantité d'énergie produite de 50%.

A l'échelle mondiale seuls 6% de l'électricité sont d'origine nucléaire et sont produits par 442 centrales nucléaires (2011) dans 31 pays. 65 réacteurs nucléaires sont en construction dans le monde. Même si on construit encore de nouvelles centrales, globalement la production d'électricité par cette technologie a tendance à diminuer au profit des sources d'énergies alternatives et renouvelables : énergie éolienne, solaire, biogaz et même les piles à combustible (O-H) dans un avenir plus lointain.

Centrales thermiques

Parmi les différents types de centrales nucléaires retenons les centrales thermiques qui sont également les plus nombreuses, les centrales rapides et les surgénérateurs. Leur conception est également variable tirant par exemple profit de double coque, de combustible (U-235, U-239, MOX, ...) ou d'élément modérateur (eau légère, eau lourde, graphite, sodium,...) différent, autant de sujets assez complexes qu'on ne peut pas décrire dans cet article.

Précisons aussi que toutes les centrales thermiques ne sont pas nucléaires. Certaines, dites à flamme utilisent une chaudière tout à fait classique dans laquelle est brûlé du combustible fossile afin de produire de l'électricité : charbon, gaz ou pétrole, d'où la présence de plusieurs grandes cheminées accolées à ce type d'installation qui évacuent les gaz polluants. Leur principal désavantage est bien sûr de polluer l'atmosphère en consommant des énergies fossiles.

Les centrales nucléaires thermiques tirent également profit de la chaleur dégagée par une "chaudière" mais cette fois elle cache un réacteur nucléaire. Elles utilisent un système d'échangeur de chaleur à eau sous pression (PER) ou à eau bouillante (BER). Les grandes tours fumantes que l'on voit autour de ce type de centrale (Tihange, Cattenom, etc) sont des systèmes de refroidissement (échangeurs thermiques) qui permettent à la chaleur de l'eau de s'échapper sous forme de vapeur au contact de l'air. Dans certaines centrales (BR1 de Mol) ces cheminées permettent de refroidir le réacteur par convection forcée à l'aide d'un ventilateur, l'air chaud s'évacuant par la cheminée.

Dans les deux types de centrales thermiques, quand la réaction est contrôlée, la production d'énergie est continue et permet de produire de la chaleur qui sera convertie en électricité au terme d'un processus complexe de transformations :

réaction de fission → dégagement de chaleur dans l'eau → génération de vapeur → turbine → alternateur électricité.

A voir : The World's Largest Power Plants

Base de données ICJT : Nuclear Power Plant of the World

Coupe schématique d'une centrale nucléaire thermique (Cattenom, Tihange, etc). Le lac proche des installations est souvent utilisé pour l'élevage de poissons que la température de l'eau, parfois un peu chaude, ne rebute pas (silures, tilapias, etc).

Dans une centrale nucléaire thermique le combustible le processus de capture des neutrons est différent de celui d'une centrale nucléaire de puissance alimentée par de l'uranium enrichi.

Dans une centrale nucléaire thermique, tout le processus de fission repose sur l'uranium-239. Au cours de la réaction de fission il émet très rapidement une particule b et se transforme en neptunium-239. Ce radioisotope émet lui-même une particule b et se transmute en plutonium-239 qui est relativement stable (période de 24110 ans).

Une partie des noyaux de plutonium-239 peuvent capturer chacun un neutron et se transmuter en plutonium-240, qui est plus instable (période de 6560 ans). En capturant un neutron supplémentaire il se transmute en plutonium-241. Celui-ci subit une décroissance en américium-241 (période 432.7 ans). Ce dernier élément est parfois utilisé dans les détecteurs de fumée domestiques.

En complément on dit qu'un neutron présente une énergie thermique lorsqu'il a ralentit suffisamment sa vitesse pour se trouver en équilibre thermique avec son environnement (les autres atomes). On utilise donc la réaction de fission de l'uranium-235 dans les centrales thermiques dans lesquelles on utilise le pouvoir modérateur de l'eau ordinaire pour ralentir les neutrons. On parle de réacteur à eau légère par opposition à ceux fonctionnant jadis à l'eau lourde (deutérium, D ou 2H).

Rappelons que l'accident de Tchernobyl survenu en Ukraine en 1986 concernait une centrale nucléaire thermique dans laquelle un réacteur en sous-régime et en phase de test a été accidentellement réalimenté, provoquant l'explosion du réacteur suite à différentes erreurs humaines.

Centrales rapides

On peut également utiliser des neutrons très rapides dans des centrales dites "à neutrons rapides" ou centrales rapides. Toutefois, sans modification, par conception elles réduiraient trop la modération (thermalisation) de la production des neutrons de forte énergie et le réacteur aurait toutes les chances de s'arrêter. Un réacteur à neutrons rapides doit pour cette raison être alimenté en plutonium-239, les neutrons engendrant encore plus de plutonium-239 dans l'enveloppe d'uranium-238 entourant le noyau. Le système de refroidissement du coeur est constitué d'une substance induisant une modération minimale des neutrons, tels que des liquides métalliques, du sodium ou un mélange de sodium et de potassium. Ces liquides sont toutefois corrosifs. Ce type de réacteur pourrait être une solution d'avenir.

Surgénérateur

Dans le même style, un surgénérateur est un réacteur produisant plus de produits fissiles qu'il n'en consomme. Pour cela il faut trouver un procédé pour qu'une partie des neutrons brisent les noyaux de combustible tandis que d'autres fabriquent simultanément de la nouvelle matière fissile.

Pour y parvenir, généralement on utilise un mélange combustible fait de plutonium-239, fissile, et d'uranium-238, non fissile. Au cours de la réaction de fission, l'uranium se transforme en plutonium et sa concentration augmente. Un juste équilibre entre les deux radioéléments et un faible modérateur comme celui utilisé dans les centrales rapides permettent de produire jusqu'à 100 fois plus d'électricité qu'une centrale nucléaire classique. C'était notamment le cas des surgénérateurs français Phénix et SuperPhénix.

Notons qu'en sous-régime, ce type de réacteur ne permet plus de consommer l'uranium-238 et on ne peut donc pas exploiter cet élément. Invectivé par les Ecologistes et bousculé par la vague anti-nucléaire, le Gouvernement français n'a finalement pas poursuivit dans cette voie.

Rappelons qu'il y eu un accident au surgénérateur japonais de Monju en 1995 avec une fuite de sodium dans le circuit secondaire. Il ne fit heureusement aucune victime. Aujourd'hui, comme d'autres pays y compris Européens, le Japon remet lui aussi en question la sureté du nucléaire et l'intérêt de son exploitation à usage civil.

Sous-marins, porte-avions et satellites

A une échelle beaucoup plus petite, une centrale nucléaire permet également de propulser les sous-marins atomiques, certains porte-avions prestigieux et quelques satellites artificiels. Le problème avec les satellites, c'est qu'ils sont instables (à basse altitude où ils subissent les effets du frottement atmosphérique, leur orbite décroît lentement) et risquent de s'écraser sur Terre en polluant l'environnement.

Nous avons ainsi connu deux crashes, celui d'un satellite américain en 1964 et celui du Cosmos 954 russe en 1978. Aujourd'hui l'ESA comme la NASA utilisent toujours des combustibles radioactifs pour alimenter leurs satellites, tel ERS-2 par exemple qui fonctionne au plutonium-238. Israël et d'autres puissances spatiales testent également ce genre de propulseur, cherchant toujours à améliorer leurs performances. Leurs expériences ne sont évidemment pas vues d'un très bon oeil par la communauté internationale, un risque d'accident au cours du décollage ou lors d'une rentrée atmosphère n'étant malheureusement jamais exclu.

Autres projets

Certains pays, y compris la Belgique eurent l'intention par le passé d'alimenter un navire à l'énergie nucléaire. Toutefois, souvent ces projets avortent faute d'avoir une assise financière suffisante et un véritable intérêt économique. Le prestige est une chose, mais il faut en supporter les frais !

Parmi les autres applications de la fission, rappelons qu'il y eut le projet de vaisseau spatial ORION élaboré par Theodore Taylor et Freeman Dyson en 1958. Il s'agissait d'un vaisseau propulsé grâce à l'explosion de bombes atomiques entraînant un effet de souffle qui permettait au vaisseau de se déplacer. Il coûta 11 millions de dollars (de 1965 soit environ 50 millions de dollars actualisés) et occupa 40 personnes à temps-plein durant 7 ans à Los Alamos avant d'être abandonné suite au moratoire sur les explosions nucléaires en atmosphère et le transport aérien de charges nucléaires. Le prototype est aujourd'hui exposé au Musée National de l'Air et de l'Espace du Smithsonian (NASM) à Washington.

Le projet ORION

Animation préparée par Rhys Taylor et partiellement réalisée avec Terragen. Fichier .MWV de 4.4 MB. Document Nuclear Space.

La fusion thermonucléaire

La fusion nucléaire consomme plus d'énergie qu'elle n'en libère car cette réaction se produit dans peu de noyaux et l'essentiel de l'énergie est emportée dans les neutrons et les produits de fission. Pour que les noyaux acquièrent une énergie cinétique suffisante pour fusionner (au total au moins 0.1 MeV), il faut recourir à une réaction thermonucléaire qui, seule, permet de libérer l'énergie contenue dans la matière. 

C'est une réaction thermonucléaire de ce type qui permet au Soleil aini qu'aux milliards d'autres étoiles de briller. Cette énergie est liée au défaut de masse qui accompagne le réarrangement des noyaux atomiques en vertu de la célèbre équation d'équivalence d'Einstein, E = mc2. C'est ici qu'on se rend compte combien la matière peut contenir d'énergie. En effet, le contenu d’énergie d’un kilogramme de matière équivaut à 1017 joules, une énergie gigantesque ! Quand vous en disposez de plusieurs dizaines de kilos, vous pouvez soit alimenter tout un pays en électricité soit l'anéantir !

Nous verrons ce qu'il en est de la fusion thermonucléaire lorsque nous discuterons des bombes H qui ne sont en fait que des bombes A auxquelles on ajoute le pouvoir explosif et exothermique d'une fusion thermonucléaire. Mais étant donné que ce procédé n'est utilisé que pour fabriquer des bombes, nous n'en parlerons pas ici.

La fusion nucléaire

A gauche, animation d'une fusion nucléaire. A droite la charge thermique du limiteur du Tore Supra. Les parois du réacteur sont capables de supporter une puissance de 10 MW/m2, proche de celle régnant à la surface du Soleil (70 MW/m2). Fichiers .QT de 368 KB et .MPG de 1.9 MB. Documents Atomic Archive et DRFC/CEA.

Rappelons qu'en 2022, le Département de l'Energie américain (DoE) en collaboration avec les chercheurs du National Ignition Facility (NIF) installé au Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) annonça avoir réalisé une réaction de fusion thermonucléaire contrôlée dont le bilan net est positif,c'est-à-dire qu'elle a produit plus d'énergie que celle utilisée par le laser pour l'obtenir (cf. les découvertes récentes en physique quantique).

La fusion magnétique

Sur le plan civil, il n'est pas question de faire exploser quoi que ce soit (si ce n'est par accident !). La production de chaleur est obtenue par une réaction thermonucléaire en mélangeant deux combustibles, du deutérium et du tritium, les deux isotopes de l´hydrogène.

La fusion magnétique est utilisé dans le laboratoire européen JET qui étudie depuis quelques années un prototype de réacteur à fusion magnétique. La température du plasma peut atteindre 300 millions de degrés ! Pour éviter que l'installation ne se liquéfie sous la chaleur, le plasma est confiné dans un tore magnétique soit grâce à de puissants électro-aimants soit grâce à des faisceaux lasers ou des particules qui compriment le plasma. Le champ magnétique au centre de l'anneau est d'environ 5-6 T.

Deux méthodes permettent de chauffer le plasma : soit le rayonnement d'un laser mégajoule (par effet Compton avec transfert d'une partie de l'énergie des photons au plasma) avec injection d'ions de deutérium ou de tritium, soit des ondes électromagnétiques de très hautes fréquences (10-200 GHz) dirigées vers le plasma. Entre 1000 et 10000 degrés le plasma prend une coloration rose qui tend vers le bleu lorsque la température s'approche de 100 millions de degrés. Entre 100 et 300 millions de degrés, le plasma devient transparent dans le rayonnement visible car il émet principalement des rayons X. Parvenu à ce stade, il libère une énergie d'environ 16 MW durant quelques secondes à l'heure actuelle, un record mondial. Actuellement cette énergie de fusion n'est pas transformée en électricité et est totalement perdue.

Schéma d'un réacteur à fusion magnétique (ITER). Document DRFC/CEA.

Le prochain défi sera la mise en service du réacteur ITER à Cadarache, près d'Aix-en-Provence, en France. Il devrait produire jusqu'à 500 MW de puissance de fusion durant 400 secondes. Vous trouverez plus d'information sur ce procédé de fusion magnétique sur le site du DRFC du CEA.

Inconvénient, la fusion magnétique est toujours à l'étude et à l'état de prototype dans plusieurs universités et laboratoires - rappelez-vous les Tokamak - et ne sera certainement pas exploitée commercialement à l'échelle d'une ville ou d'une nation avant plusieurs générations pour la simple raison que la technologie est hors de prix et non rentable. Si JET peut produire facilement 2 MW de puissance, il en consomme 20 fois plus ! Rien que la construction de JET coûta 4 milliards d'euros. ITER coûtera 10 milliards d'euros qui seront répartis sur 30 ans ! Pour paraphraser Michael Green, c'est une technologie du XXIIe siècle qui est tombée par accident au XXe siècle.

Avantage malgré tout de la solution, le combustible est omniprésent et inépuisable : le deutérium est tout aussi abondant que l'hydrogène (1 atome de deutérium pour 6500 d'hydrogène) et dans l'absolu quelques litres de combustible produisent autant d'énergie que 300 litres de pétrole. Reste à optimiser le rendement...

Ainsi que nous l'avons évoqué, on dit également qu'il s'agit d'une énergie propre. C'est vrai pour l'essentiel. Le combustible nécessaire à la fusion thermonucléaire est le deutérium et le lithium-3, deux éléments non radioactifs et qui ne nécessitent aucune précaution durant leur transport. Le "déchet" de la réaction est de l'hélium-4 qui est un gaz inerte et non radioactif

Il y a cependant une émission importante de neutrons durant les réactions de fusions. Ils peuvent transporter une énergie jusqu'à 14 MeV, autant que certains protons émis par le Soleil ! Au cours de la réaction, le lithium se transforme en tritium et, comme les neutrons, il peut interagir à la fois avec la paroi en acier de la chambre de confinement et les composants du plasma eux-mêmes, produisant leur activation. Cette radioactivité peut être réduite en utilisant un anneau de confinement fabriqué en acier faiblement activable, des alliages de vanadium ou de chrome ou encore des céramiques composites. Selon les estimations, la radioactivité résiduelle est de courte période et ne devrait plus être toxique au bout de 100 ans. Nous en reparlerons dans quelques décennies.

Usage militaire du nucléaire civil

On ne peut pas ignorer le risque que le nucléaire civil soit détourné à des fins militaires. Le sujet revenant périodiquement à la une des médias, notamment à propos de l'Iran, de la Corée du Nord et des anciennes républiques soviétiques, un rappel de contrôle n'est pas inutile.

En effet, sachant que l'uranium U-238 n'est pas fissile, si on l'enrichit avec au moins 3% d'uranium-235 - on parle d'uranium hautement enrichi ou UHE - on peut fabriquer un combustible pour les centrales nucléaires, les centres de médecine nucléaire, les réacteurs des sous-marins, etc. Cette technologie est accessible à la plupart des pays, au besoin en sollicitant la coopération technique de pays occidentaux.

Au-dessus de 90% d'isotopes d'uranium-235 - on parle d'uranium très enrichi ou UTE - , au-dessus de la masse critique la réaction en chaîne étant certaine sans contrôle, les rares gouvernements qui fabriquent cette substance cherchent naturellement à fabriquer une bombe atomique. Encore faut-il en être capable car la technologie est très sophistiquée et fait appel à des installations complexes et des ingénieurs également très qualifiés qu'on ne trouve généralement qu'en occident.

Les états membres de l'AIEA acceptent généralement avec bienveillance les contrôles exigés par l'agence qui visent à s'assurer que les installations nucléaires sont bien conformes à ce que prétendent les états.

En revanche, avec l'Iran, nous avons un exemple historique où les contrôles ont toujours été suspects du fait que l'usage civil de l'énergie nucléaire s'est transformé en objectif stratégique militaire.

Nous savons depuis le régime du Shah d'Iran dans les années 1950, que le gouvernement iranien veut accéder à l'arme nucléaire afin de "jouer dans la cour des grands" et réglementer à sa manière la politique extérieure au Moyen-Orient. Rappelez-vous la guerre de tranchées contre l'Irak dans les années 1980 et son implication constante dans le conflit palestinien depuis les années 1990. Si l'Iran disposait de l'arme atomique, on peut supposer qu'elle s'en servirait.

Pour limiter le risque d'une guerre nucléaire, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a voté les résolutions 1737 et 1747 en 2007 et la résolution 1803 en 2008 interdisant à certains pays peu coopératifs avec l'AIEA (Cuba, Corée du Nord, Iran, Lybie, Soudan, Syrie) de fabriquer du combustible nucléaire destiné à des fins militaires et plus clairement destiné à la fabrication d'armes de destruction massive. Tous les pays signataires sont évidemment priés de faire respecter cet embargo et notamment toutes les petites entreprises fabriquant du matériel à double emploi (un tube en acier, un rotor en carbone ou un laser destiné à un pays complaisant et livré à l'Iran peut aussi servir à fabriquer des centrifugeuses d'enrichissement d'uranium, etc). Et ce n'est pas une vue de l'esprit puisque l'Iran exploite cette filière depuis des années pour alimenter son centre de Natanz.

En résumé, malgré l'embargo sur l'exportation de matériel destiné au nucléaire militaire, après avoir longtemps joué au chat et à la souris avec les inspecteurs de l'AIEA, grâce au marché noir et des pays ainsi que des industriels étrangers complaisants, après des décennies de tâtonnements, aujourd'hui l'Iran serait capable de fabriquer une bombe atomique. Cette idée devient obscédante pour l'AIEA et les dirigeants du Moyen-Orient.

Dans ce contexte, tous les services d'espionnage (NSA, CIA, Mossad, etc.), de douane et de police ont intérêt à collaborer afin de découvrir tous les acteurs extérieurs participants à l'élaboration de cette éventuelle arme, une politique face à laquelle personne ne s'oppose puisqu'il s'agit d'une question de sécurité internationale. A cette seule condition et moyennant certains garde-fous, le rôle des service d'espionnage et le "data mining" (cf. le scandale PRISM de 2013) trouvent une raison valable d'existence au yeux de tous.

De nos jours, en raison de cet embargo respecté par tous les pays et tous les industriels, le risque qu'un pays fabrique une nouvelle bombe atomique est faible et pour ainsi dire sous contrôle. Néanmoins, il reste un faible risque lié aux petites entreprises peu scrupuleuses qui tentent le diable en vendant leurs produits aux pays sous embargo.

Un tel cas s'est manifesté en 2009. Un certain Mahmoud Yadegari, un jeune canadien d'origine iranienne de 31 ans travaillant dans l'import-export a contacté par e-mail la société allemande Pfeiffer Vacuum pour obtenir du matériel à double emploi (des transducteurs de pression ou manomètres). Après plusieurs échanges d'e-mails, dans la mesure où le client n'a pas pu prouver la destination de ce matériel, le fournisseur a informé la CIA d'une tentative d'exportation illégale de matériel destiné à la fabrication de centrifugeuses nucléaires destinées à l'Iran.

Les Etats-Unis ont ensuite informé la police montée canadienne (RCMP) ainsi que les douanes canadiennes qui ont intercepté une livraison de matériel que le client avait commandé par DHL auprès d'autres fabricants peu soucieux des lois. 

Yadegari fut arrêté par le RCMP en 2009 sous l'inculpation d'avoir violé plusieurs lois du Code criminel touchant l'embargo, les licences d'exportation et l'usage de faux. 

En 2010, Yadegari fut condamné à 35.5 mois de prison. Vous trouverez tous les détails de cette enquête dans ce rapport de la justice canadienne publié sur le site de l'institur ISIS dédié à la sécurité internationale.

Cette affaire démontre qu'un particulier n'appartenant à aucune organisation mais souhaitant simplement se faire beaucoup d'agent dans un secteur sous embargo peut toujours participer à un trafic clandestin, tout en sachant qu'il prend le risque de passer quelques années en prison.

Dernier chapitre

Les déchets nucléaires

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