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La physique quantique

Un atome d'or déposé sur du graphite. Document Photothèque du CNRS.

Introduction (I)

A l'heure actuelle, la théorie cadre de la physique est la gravité quantique ou mécanique quantique relativiste. Bien que liée à l'évolution générale de la physique depuis Newton à Einstein, deux raisons doivent nous pousser prudemment à distinguer l'aspect quantique de la physique et sa contrepartie relativiste, qui sera détaillée dans un autre dossier. Ces deux aspects de la théorie cadre ont des implications communes, mais chaque théorie est suffisamment complexe et adulte pour justifier une étude séparée pour en avoir une bonne compréhension.

La seconde raison est qu'il n'existe pas encore de théorie quantique relativiste au sens strict. La relativité restreinte a récemment été quantifiée, mais aucun mathématicien ni aucun physicien ne peut encore poser les bonnes équations qu'imposent sa généralisation. Si beaucoup d'amateurs soumettent à Brian Greene ou Michio Kaku des théories de leur cru stipulant par exemple qu'"il suffit de quantifier l'espace-temps pour obtenir ceci...", la question est justement de savoir comment ils y parviennent... Là-dessus la plupart des auteurs demeurent silencieux. Einstein s'en était occupé de 1916 jusqu'en 1955, l'année où il s'est éteint. Deux générations se sont écoulées depuis sans que les physiciens parviennent à établir les bonnes équations tellement la théorie est difficile à formuler.

Le terme "mécanique" qui englobe la science du mouvement et ses propriétés n'est plus du tout approprié à "la quantique" qui englobe aujourd'hui tous les domaines de la physique et dont les ramifications s'étendent jusqu’en astrophysique, en cosmologie, en optique numérique, en biochimie, jusqu'à inclure l'Homme. Malgré cette évolution, le substantif "mécanique" a gardé voix de citer et est assimilé à celui de "physique" quantique. Aussi, par tradition certains auteurs le conserve comme titre de chapitre ou l’utilisent indifféremment ci et là selon leur humeur. Personnellement j'utiliserai surtout ce terme dans les références historiques.

Pour juger objectivement les phénomènes qui obéissent aux lois de la physique quantique, un résumé de son histoire soulignera le cheminement intellectuel qui entraîna son introduction dans la physique classique et qui finira par la remplacer dans le domaine de l'atome. Arrivé à ce point, complété par les notions de Relativité, la distinction entre la physique de Newton, celle d'Einstein ou de Heisenberg ne fera plus de doute.

Pour clarifier les notions de physique quantique dont se nourrit dame Nature, quelques phénomènes en violation avec la réalité viendront conclure cette introduction, permettant à chacun d'adapter son mode de pensée à ces concepts tout à fait déconcertants. Les exemples sont éloquents : la dualité de la lumière, les relations d'incertitudes, le paradoxe EPR, les superfluides. Tous ces exemples appliquent des lois en contradiction avec la physique de Newton et sont en relation avec l'astronomie et la chimie. Certains physiciens considèrent que ces phénomènes ont une réversibilité non pas de fait, mais bien de droit. C'est ici que naissent les paradoxes car ce langage est celui de la physique classique. Or il est impossible de traiter la physique quantique comme une autre science car les explications butent encore trop souvent sur notre interprétation de la “réalité”. Nous insisterons longuement sur ce thème. Le physicien fait alors appel à la philosophie pour tenter de comprendre un monde phénoménologique qui lui échappe. Dans ce sens le monde que décrit la physique quantique nous est voilé. Mais gardons-nous de le considérer comme le seul domaine paradoxal de la nature.

Emboîtons le pas de ces chercheurs et partons à l'exploration de ce monde étrange.

Les prémices

Devant les prodigieuses avancées des sciences et des techniques au cours du XIXe siècle, le chimiste français Marcellin Berthelot s’était exclamé : “il n’y a pas un problème que la science ne puisse résoudre”.

Lord Kelvin.

Lord Kelvin (William Thomson) avait ressenti la même impression et considéra vers 1852 que : “la physique avait fourni une description cohérente et a priori complète de l’univers”. Malheureusement ces certitudes étaient basées sur une vision bien naïve du monde, un monde considéré comme stable et éternel. La Science ne se souciait guère des aspects négatifs des découvertes, elle ne posait pas de questions sur son origine, ses retombées, son éthique. Que devenait dans ce monde simple et sans mystère, les paradoxes, la conscience, la dimension transcendante du monde, le non-sens ?

Comment avons-nous appris que la théorie classique ne s’appliquait pas à toute la réalité ? La physique quantique apparut suite aux difficultés que rencontrèrent les chimistes et les physiciens du siècle dernier pour expliquer certains phénomènes naturels.

Les théories concernant les différents états de la matière, la chaleur spécifique ou la réaction des métaux photosensibles ne suivaient pas les courbes standards. Si les savants avaient bien trouvé des formules pour prédire ces événements, certains corps s'écartaient obstinément des valeurs moyennes pour des raisons qui restèrent longtemps mystérieuses. C'est la thermodynamique qui donna le coup d'envol de la résolution de ces problèmes. Mais elle-même enchâssée dans le carcan de la philosophie séculaire et contrainte par la physique classique eut de grosses difficultés pour évaluer la portée de la nouvelle mécanique quantique.

Jusqu'au XXe siècle, la matière n'intéressait pas les physiciens. Cette science était réservée aux chimistes parmi lesquels nous retrouvons les célèbres Avogadro, Gay-Lussac, Boyle et tant d'autres. L'Encyclopedia Britannica publiée en 1771 considérait que les atomes étaient les plus petits corps naturels indivisibles, des minima minimorum naturae. Or depuis Démocrite on avait déjà remarqué que certains atomes ou plutôt certaines molécules étaient structurées et présentaient des formes variées et qu'aucunes d'elles ne pouvaient se transformer en une autre. L'or et le plomb pouvaient bien s'amalgamer mais il était toujours possible de les séparer par l'action de la chaleur. Cette définition était donc incomplète et suscita l'intérêt des chercheurs[1].

Vers 1774, Antoine Laurent de Lavoisier découvre que les corps composés tels que l'air ou les minéraux sont constitués d'éléments simples, mélangés dans des proportions bien déterminées. Lavoisier découvrit 23 éléments chimiques simples. Il est à juste titre considéré comme l’un des créateurs de la chimie moderne. Il faudra attendre une génération pour que John Dalton[2] propose le concept atomique en 1803 : il considère que la matière est constituée de molécules qui sont elles-mêmes composées d'atomes indivisibles.

Vers 1860, August Kekulé von Stradonitz et Butlerow démontrent grâce à la lumière polarisée que les molécules des gaz obéissent à un comportement structurel particulier, ce qui leur permettra d'échafauder les principes de l'architecture chimique. C'est également Kekulé qui précisa le sens des termes d'atomes et de molécules dans leur définition moderne.

Neuf ans plus tard Dimitri Mendéléev[3] proposa une classification des éléments selon leur masse atomique mais il ne put expliquer les relations entre classes d'éléments. Il faudra attendre quelques générations pour découvrir les propriétés électriques des atomes et leur architecture.

En 1874 Jacobus van 't Hoff et indépendamment de lui Joseph Le Bel découvraient que la stéréochimie expliquait les isomères des molécules organiques. Il proposa une classification des éléments selon leur masse atomique mais il ne put expliquer les relations entre classes d'éléments. Il faudra attendre quelques générations pour découvrir les propriétés électriques des atomes et leur architecture. En 1874, Jacobus van 't Hoff et indépendamment de lui Joseph Le Bel découvraient que la stéréochimie expliquait les isomères des molécules organiques.

En 1887, Joseph J.Thomson démontra que le courant électrique qui pouvait se propager dans un gaz était associé à des particules chargées négativement. En soumettant celles-ci à un champ magnétique et en observant les déviations des particules, il pouvait connaître leur charge et leur masse avec précision.

Les acteurs

De gauche à droite, Joseph Louis Gay-Lussac, Robert Boyle, Sir Ernest Rutherford, J.J.Thomson et Max Planck. Documents DBHS, Chemical Heritage Foundation, U.Frankfort, U.Frankfort et ULB.

La fin du XIXe siècle fut marquée la découverte des rayons X (Roentgen, 1895) ainsi que de la radioactivité naturelle (Becquerel, 1896). En 1903, les physiciens anglais Ernest Rutherford et Frederick Soddy[4] découvrirent que la radioactivité naturelle était une transmutation d'un atome dans un autre. Ainsi, les atomes radioactifs pouvaient émettre des particules positives (rayonnement α, un noyau d'hélium), négatives (rayonnement β, des électrons) ou des ondes de très courtes longueurs d'ondes (rayons γ). Mais il restait à localiser les composantes du rayonnement α et en corollaire celles du noyau.

Quatre ans plus tard, J.J.Thomson[5] proposa un modèle atomique dans lequel les charges négatives - les électrons - étaient distribués dans une matrice chargée positivement. Pour respecter la neutralité de la matière, les électrons devaient avoir exactement les mêmes valeurs que les charges positives.

Entre-temps les chimistes et les physiciens ont essayé d'évaluer la dimension des molécules et de déterminer la nature des forces qui les maintenaient ensembles. Mis à part les auteurs précités, les travaux les plus concrets et qui témoignèrent d'une ébauche de solution furent ceux de R.Brown sur le mouvement brownien datant de 1828 et de R.Clausius en 1857 qui fit la distinction entre les différents états solides, liquides et gazeux[6] en fonction de l'agitation moléculaire. Ces travaux seront souvent discutés et critiqués en termes d'entropie et de leur cohérence vis-à-vis des lois classiques. Il était évident aux yeux de Planck, Boltzmann ou Sommerfeld que les phénomènes naturels et en particulier la loi d'entropie ne pouvait être réduite à des phénomènes purement mécaniques. Ces recherches se termineront avec la célèbre thèse de doctorat d'Einstein en 1906[7].

Equation d'Einstein du mouvement brownien

<x2> la valeur quadratique moyenne du déplacement par rapport à l'origine

R, la constante des gaz

a, le rayon des molécules-sphères

T, la température

η, la viscosité

N, le nombre d'Avogadro,

t , le temps écoulé depuis l'instant 0.

Ainsi pour de l'eau à 17°C et t=1 min, a = 0.001mm et √ <x2> = 6 µm.

On savait alors que le rayon de l'atome d'hydrogène oscillait entre 1 et 2x10-8 cm et l'on estima le nombre d'Avogadro N à environ 6.02 x 1023 molécules par mole. Peu de temps après la publication de cette formule, Einstein établit une correspondance entre le mouvement brownien isolé et la diffusion d'un ensemble de particules. Einstein voulait ignorer les détails des phénomènes de collisions et traita la diffusion comme un processus de Markov[8] .

Sa théorie sera appliquée avec succès dans tous les domaines exploitant les propriétés d'élasticité, de viscosité et d'écoulement de la matière, en bref la rhéologie. Son travail touchera l'industrie du bâtiment (le ciment), la météorologie (les aérosols) ainsi que les secteurs touchant à la minéralogie et la chimie alimentaire.

A côté de la détermination de la dimension des molécules, les physiciens étaient également préoccupés de savoir comment le mouvement se transmettait dans la matière. Les physiciens savaient depuis longtemps, en fait depuis qu'ils avaient observé un morceau de bois flotté à la surface de l'eau, qu'une onde ne consistait pas en un déplacement de la matière mais bien à un mouvement dans celle-ci. 

On démontre ce principe quotidiennement par de nombreux mobiles, dont celui des billes suspendues en contact les unes avec les autres présenté à droite.

En lançant la première bille sur la deuxième, quasi instantanément le choc se propage à travers les autres billes provoquant le déplacement de la dernière. Toutes les billes situées entre les deux extrémités restent immobiles. La propagation se transmet de bille à bille, en d'autres termes une certaine quantité d'énergie se propage dans la matière à une vitesse finie.

Le même phénomène explique la propagation du son dans l'air. Ainsi, qu'elles soient électromagnétiques ou élastiques, les ondes obéissent à une relation de propagation, la fonction de l'onde, qui n'est pas équivalente à une fonction d'onde. On en reparlera lorsque nous aborderons la théorie de Broglie et l'équation de Schrödinger. La fonction correspond en fait à l'équation d'une onde progressive dont voici quelques simulations que nous proposent les Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur (FUNDP).

La fonction d'une onde progessive

Une onde qui se propage dans l'espace (x,y) et dans le temps (t) suit une sinusoïde qui obéit à la relation :

y = a sin (ωtΦ)

avec a, son amplitude

ω, sa vitesse angulaire

Φ, l'angle de phase

Son intensité est égale au carré du module de son amplitude, soit |a|2.

Ainsi la lumière jaune à 500 nm présente une fréquence ν ~ 5x1015 cycles/sec ou 500 THz.

Onde : champ électrique (E) et magnétique (B) qui oscillent ensembles. L’un des champs pris isolément ne peut créer cette structure particulière d’onde. Document T.Lombry.

Au XIXe siècle grâce aux travaux de Maxwell, les physiciens connaissaient son équation généralisée aux dérivées partielles, sur laquelle nous nous attarderons en temps utile à propos de la théorie du champ. Mais à l'époque, il ne venait encore à l'idée de personne d'imaginer que l'atome puisse être représenté par une fonction d'onde.

Prochain chapitre

Une énergie quantifiée

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[1] A propos de l'aspect historique lire, M.Nye, "Molecular Reality", Elsevier, 1972 - J.Perrin, "Les Atomes", Ad.Alcan, 1913.

[2] J.Dalton, "New System of Chemical Philosophy" (2 vol.), London, Ed.Bickerstaff, 1808/1827.

[3] D.Mendéléev, "The Principles og Chemistry" (2 vol.), trad.G.Kamensky, London, Ed.Greenaway, 1891.

[4] E.Rutherford et F.Soddy, Philosophical Magazine, 49, 1900, p1 - A.Pais, Review of Modern Physics, 49, 1977, p925.

[5] J.Thomson, Philosophical Magazine, 48, 1899, p565.

[6] L’état cristallin est un cinquième état de la matière (après l’état de plasma) à mi-chemin entre l’état solide et l’état liquide. On le dénomme quelquefois “la matière molle” et il traite les particularités des cristaux liquides, des mousses, des émulsions, etc.

[7] M.Planck, Annalen der Physik, 19, 1883, p358. Lire également les mémoires de Boltzmann et Sommerfeld - R.Brown, Philosophical Magazine, 4, 1828,

p161 - R.Clausius, Annalen der Physik, 10 , 1857, p353 - W.Thomson, Nature, 1, 1870, p551 - A.Einstein, Annalen der Physik, 14, 1904, p354 - A.Einstein, Annalen der Physik, 19, 1906, p289 (sa thèse de doctorat sur le mouvement brownien) et p371.

[8] Le coefficient de diffusion est alors défini comme le moment d'ordre deux de la distribution de la probabilité.


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