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La physique quantique

Une énergie quantifiée (II)

En 1900, Max Planck rédacteur en chef de l'édition allemande des "Annales de Physique" découvre des contradictions en étudiant le rayonnement d'un point de vue ondulatoire, sur base de la mécanique de Maxwell et des travaux de Hertz. Nous savons tous que le fer chauffé à blanc rayonne dans le visible entre 600 et 2000°C. Mais la théorie ondulatoire du rayonnement qui prévalait depuis les démonstrations de Fresnel, Fizeau et Foucault ne pouvait pas à la fois rendre compte des observations dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge. La formule ondulatoire impliquait que l'énergie du rayonnement ultraviolet devait être infinie.

Tous les savants savaient que le Soleil n’émettait pas une énergie de plus en plus intense à mesure que la fréquence du rayonnement augmentait, tout comme un tisonnier ne rayonnait pas de plus en plus fort à mesure que son éclat augmentait; il existait un maximum au-delà duquel l’intensité du rayonnement chutait. La formule fonctionnant pour toutes les fréquences plus basses, le physicien viennois Paul Ehrenfest parla bientôt de "catastrophe ultraviolette". Une autre formule développée par Lord J. Rayleigh et James Jeans[9] expliqua bientôt le rayonnement ultraviolet mais ne s'appliquait plus aux basses fréquences ! Quel lien y avait-il entre la fréquence et le niveau d'énergie ?

La loi d'équipartition

La loi exponentielle de Wien s'applique aux basses fréquences :

ρ = αν3eν/T avec α, β constantes

La loi de Rayleigh s'applique aux hautes fréquences :

ρ(ν,T) = c1ν2T exp(c2ν/T)

L'énergie d'équilibre U suit la relation :

U = kBT, kB étant la constante de Boltzmann

La loi d'équipartition ne peut expliquer de façon rigoureuse le lien qui existe entre la fréquence et le niveau d'énergie. Il faudra attendre les explications de Planck et d'Einstein basées sur la théorie quantique.

Les signes avant-coureurs d'une erreur de formulation dans la loi d'équipartition aux hautes fréquences arrivèrent dans les laboratoires de physique[10]. A Berlin, Planck essaya de trouver une formule hybride qui réunirait les deux précédentes. Il finit par découvrir expérimentalement que l'action (produit de l'énergie par le temps) ne pouvait varier que par quantité finie en fonction de la fréquence, obéissant à une constante de proportionnalité, h=6.626 x 10-34 J.s[11].

Planck créa le concept du quantum d'action, la particule d'action élémentaire. En 1926, le chimiste américain Gilbert N. Lewis de l'Université de Berkeley écrit dans le magazine Nature : "Je prends la liberté de proposer pour cet hypothétique nouvel atome, qui n’est pas de la lumière mais joue un rôle essentiel dans tout processus de rayonnement, le nom de photon". Einstein compléta cette définition en découvrant que l'énergie d'une onde de fréquence ν est donnée par la formule E = hν. Les quantités d'énergie devenaient discontinues !

L'introduction de quantités discrètes dans un phénomène jugé continu bouleversa tout le monde de la physique et M.Planck lui-même, qui tenta un certain temps de rejeter sa propre théorie. Bien que cette "constante de Planck", h (et non pas sa valeur réduite) progresse par pas infime, on peut comprendre la révolution qu'elle allait entraîner. 1 joule représente l'énergie acquise par une masse de 1 kg tombant de 10 cm. Infiniment plus faible, 1 eV représente l’énergie acquise par un électron au repos porté à la vitesse de 600 km/s. Insignifiante dans le monde qui nous entoure, la constante de Planck apparaît dans toute sa réalité dans les processus à l'échelle de "h", c'est-à-dire dans toutes les interactions nucléaires. Le phénomène était si contrariant qu'il fallut attendre 17 ans pour que Max Planck accède au prix Nobel pour cette découverte fondamentale et ses travaux ultérieurs. Aujourd'hui, l'aspect quantique du rayonnement est reconnu mais sa formulation reste encore largement discutée.

Du bon usage de la constante de Planck

Si le quantum d'action est l'unité élémentaire d'énergie, la loi d'équivalence d'Einstein implique qu'il existe également une masse minimale. En fait, cette relation signifie en corollaire que la matière ne peut pas se décomposer à l'infini, de la molécule à l'atome, de l'atome au quark et à je ne sais quelle entité minimale. "h" signifie qu'il existe une énergie minimale, c'est-à-dire une masse limite, non ponctuelle, en-dessous de laquelle il n'existe rien. Nous pouvons déjà donc prédire que notre obstination réductionniste sera un jour interrompue dans sa recherche de l'infini petit, probablement entravée à l'échelle des quarks, non seulement par l'échelle de Planck mais aussi par le principe d'incertitude dont nous reparlerons.

Et si la constante de Planck était nulle, me demanderez-vous ? Dans ce cas le monde quantique ne serait plus ce qu’il est. Les interactions entre systèmes microscopiques obéiraient aux lois classiques de la mécanique newtonienne ou de la relativité et l’atome de Bohr reprendrait du service. Il tournerait autour du noyau puis… s’effondrerait !

Une autre preuve de la réalité de la constante de Planck concerne l'effet photoélectrique. Alors que Planck venait de poser le concept du quantum, le photon, et que bien peu de chercheurs le suivait dans cette démarche, Einstein lui donna une réalité tout à fait physique en expliquant de quelle façon les électrons véhiculaient l'énergie.

L'effet photoélectrique fut découvert en 1887 par le physicien allemand Heinrich Hertz[12] qui découvrit qu'en illuminant deux surfaces métalliques sous tension au moyen d'une lampe à arc il se produisit une étincelle électrique entre les plaques. Deux ans plus tard, le hongrois Philippe Lénard et M.Wolf[13] confirment son observation grâce à des expériences sur le rayonnement monochromatique et suggèrent que la lumière ultraviolette peut expulser des grains de matière des surfaces métalliques. Il faudra attendre 1899 pour que J.J.Thomson[14] comprenne que l'effet photoélectrique induit par la lumière ultraviolette était provoqué par l'émission d'électrons.

C'est Lénard en 1902 qui trouva le début de l'explication : l'énergie des électrons écrit-il "ne dépend d'aucune manière de l'intensité lumineuse"[15] Mais c'est Einstein[16] en 1905 qui trouva la bonne explication en se basant sur un principe heuristique, c'est-à-dire en dégageant des règles à partir de ses recherches et de ses découvertes. Il démontre que le quantum d'action représente une quantité d'énergie discontinue qui peut être transmise aux électrons d'un métal. Puisque cette énergie est constante à la source, la vitesse des électrons l'est aussi. Quelle que soit l'intensité initiale des photons et la nature du matériau irradié, l'amplification est linéaire; les électrons qui s'échappent de la surface métallique se propagent toujours avec la même vitesse et la même énergie.

Einstein considère que la lumière se comporte comme un flux de particules qui bombarde la surface métallique : plus la fréquence du rayonnement est élevée plus l'énergie est importante[17].

Einstein fixe également plusieurs limites à l'effet photoélectrique :

- La règle de Stokes : la fréquence du rayonnement photolumineux est toujours inférieure à celle de la lumière incidente.

- L'énergie de photo-ionisation d'un électron ne peut excéder l'énergie de la lumière incidente, hν.

- L'effet Volta et la limite de Duane-Hunt : un tube à rayons X fonctionnant à un potentiel V possède une limite supérieure de fréquence qui obéit à la relation eV = hν.

La théorie des quanta imaginée par Planck sera parfaitement appliquée par Einstein. La découverte de l'effet photoélectrique conduira à de nombreuses appareils de détection. Citons pour mémoire le compteur à gaz, le compteur à scintillations, les photomultiplicateurs d'images et les dosimètres thermoluminescents (DTL).

La formule de Planck

L'équation de la répartition du rayonnement du corps noir - de la densité spectrale ρ en équilibre thermique est uniquement fonction de la fréquence ν et de la température T. Elle est indépendante de la nature du corps. h est la constante de Planck, k la constante de Boltzmann, c la vitesse de la lumière. On retrouve la loi de Wien si hν/kT >> 1.

L'équation de l'énergie du rayonnement

E = hν - P

L'énergie E libérée par des électrons arrachés à une surface métallique irradiée par une lumière de fréquence ν explique l'effet photoélectrique.

L'équation des chaleurs spécifiques

La chaleur spécifique cv d'un atome-gramme d'un solide cristallin ne dépend que du choix de la fréquence ν. La fréquence est également appelée "température d'Einstein", TE, lorsque ζ = 1. R est la constante des gaz.

La constante de Rydberg

Lorsque Rh est placée dans l'équation de Niels Bohr concernant la structure atomique, on découvre que les électrons parcourent des orbites fermées sans émettre d'énergie. On ne peut plus généraliser la loi d'équipartition.

La troisième apparition du quantum d'action concerne le problème de la chaleur spécifique[18]. Depuis 1840, les chaleurs spécifiques du carbone, du bore et du silicium à température ambiante étaient trop faibles. Ces corps solides ne satisfaisaient pas à la relation entre chaleur spécifique et poids atomique. La chaleur spécifique du diamant par exemple oscillait d'un facteur 3 entre 0 et 200°C et d'un facteur 15 entre -100 et 1000°C ! Cette différence n'était pas accidentelle[19]. Cette anomalie était encore plus étrange pour les gaz.

En novembre 1906, Einstein[20] publia un article sur les chaleurs spécifiques dans lequel il présenta le premier graphique qualitatif basé sur les expériences de H.Weber sur le diamant. Il expliqua que la chaleur spécifique æ était induite par un effet quantique qui obéissait à la relation :

Lorsque ζ =1, la valeur de la température T est baptisée "température d'Einstein", TE, et se manifeste pour TE = 1300 K ce qui est en parfait accord avec la courbe quantique de l'état solide du diamant.

Quelques années plus tard Einstein analysa les aspects dynamiques et statistiques du problème. Il généralisa le calcul des chaleurs spécifiques tout d'abord aux corps solides (1907) puis aux gaz (1913)[21]. C'est ainsi que l'on compris pourquoi des substances légères comme le diamant présentaient des effets quantiques à température ordinaire.

C'est en 1905 qu'Einstein pose la relation d'équivalence entre masse et énergie :

E = mc2

Cette équation signifie que tout corps approchant de la vitesse de la lumière verra son énergie augmenter mais également sa masse inertielle. Au voisinage de c il utilisera toute son énergie pour vaincre sa résistance. Dans de telles conditions, il faut considérer que la masse gravitationnelle du corps n’est plus une inertie à vaincre mais plutôt équivalente à une énergie qui ne cesse d’augmenter.

A consulter : La loi de conservation de l'énergie (en Relativité)

Dans d'autres conditions bien déterminées, cette particule émettra un rayonnement de fréquence ν, obéissant à la constante de Planck, tel que :

Ainsi donc Einstein offrit à Planck une confirmation de la réalité du quantum d'action, le photon et de la nature quantique de la lumière.

Du bon usage des unités d'énergie

Jusqu'à présent nous avons mélangé différentes unités d'énergie, les fréquences et les longueurs d'ondes sans donner trop d'explications. Mais pour être instructif et plus précis nous devons aller un peu plus loin et expliquer d'où viennent ces valeurs et essayer par exemple de répondre à une simple question comme : comment convertir un niveau d'énergie en longueur d'onde ? Vous allez constater que si la question paraît anodine, si par abus de langage on fait certains amalgames entre énergie cinétique et potentielle, en omettant par exemple certaines unités, on n'y comprend plus rien !

Prenons un simple exemple : quelle est la longueur d'onde de la radiation Compton à 511 keV qui apparaît par exemple durant l'annihilation de paire électron-positron avec production de deux photons ?

Nous devons traduire cette énergie...en une autre unité d'énergie, car il y en a de nombreuses en physique ! Rappelons tout d'abord que 1 électron-volt (eV) correspond à l'énergie cinétique d'un électron accélérée sous une tension de 1 volt sur une distance de 1 mètre, soit 1.6x10-19 joule (J). L'électron-volt et le joule sont des unités d'énergie que nous devons apprendre à manipuler. Une énergie cinétique exprimée en eV peut être reliée à la température électronique (qui ne correspond pas nécessairement à la température du milieu en équilibre thermodynamique, voir le milieu interstellaire) grâce à la constante de Boltzmann, k, ensuite nous pouvons convertir cette température électronique en joule pour la convertir ensuite en fréquence grâce à la constante de Planck, h, et en longueur d'onde grâce la constante de la vitesse de la lumière, c.

Convertisseurs d'unité : Convert World - TranslatorsCafé

Valeurs des constantes universelles : CODATA

Ce que l'on sait :

1 eV = 1.602176462 x10-19 J

Constante de Boltzmann  k = 1.3806503 × 10-23 m2 kg s-2 K-1

Vitesse de la lumière, c = 2.99792458x108 m/s

Constante de Planck, h = 6.626x10-34 J.s

Relation entre l'énergie et la température électronique : Tk = E/k

Relation entre l'énergie et la fréquence : ν = E/h

Relation entre la fréquence et la longueur d'onde : λ = c/ν

Conversion de 511 keV enλ:

La température électronique équivalent à 1 eV est : 1.602 x10-19 J / 1.38x10-23 J.K-1 = 11609 K

Une radiation de 511 keV est équivalente à une température de : 5.11x105 eV * 11609 K= 5.93x109 K

Convertissons cette température en Joule en utilisant "k" : 5.93x109 * 1.38x10-23 = 8.19x10-14 J

Convertissons cette énergie en fréquence en utilisant "h" : 8.19x10-14 / 6.626x10-34 = 1.24x1020 s-1 ou 1.24x1015 GHz

Convertissons cette fréquence en longueur d'onde en utilisant "c" : 3.108 / 1.24x1020 = 2.42x10-12 m ou 2.42 pm.

511 keV est une longueur d'onde de 2.4 picomètres, très petite mais de haute énergie; il s'agit de rayons gamma.

Si une telle conversion est encore simple, voyons maintenant la confusion possible dans un cas bien particulier, mais très commun.

Ce rayonnement à 511 keV consiste en deux photons g, chacun présentant une énergie équivalente à la masse d'un électron. En effet, à partir de la relation d'équivalence d'Einstein (E = mc2), si nous convertissons 1 eV d'énergie cinétique en matière (énergie de masse), sa masse au repos vaut : 1 eV/c2 » 10-30 kg ou... 511 keV/c2. Oops ! Egalement 511 keV me direz-vous ? Ce n'est pas pour rien que j'ai choisi cette valeur...

Effectivement, dans ces deux cas l'énergie de radiation (l'énergie cinétique des photons) à 511 keV et l'énergie de masse potentielle de 511 keV/c2 sont deux choses bien distinctes; notez leur signification propre et leurs unités différentes... Malheureusement, par abus de langage en physique des particules, en supprimant la référence à c2, en posant pour condition que c=1, on peut facilement confondre les deux unités. Nous reviendrons sur l'utilité de ces constantes plus tard. En fait, la véritable unité (d'énergie) de masse de repos à laquelle on se réfère, c'est le keV/c2 car, s'il fallait encore le démontrer, l'énergie est équivalente à la masse multipliée par le c2, CQFD.

Venons-en à présent à la théorie atomique de Bohr, la fameuse théorie de "l'atome planétaire", une idée bien pratique, même si elle est trompeuse, pour représenter la structure élémentaire de l'atome.

Prochain chapitre

La conception atomique de Bohr

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[9] J.Rayleigh, Philosophical Magazine, 49,1900, p539 - J.Rayleigh, Nature, 72, 1905, p54 - J.Jeans, Philosophical Magazine, 10, 1905, p91.

[10] A.Einstein, Annalen der Physik, 17, 1905, p132.

[11] Exprimé dans l’ancien système CGS, la constante de Planck h=1.0546x10-27 g.cm2.s ou encore 4.135x10-15 eV.s, sachant que 1 eV = 1.6x10-19 joule. Noter la variété d’unités pour exprimer l’énergie…

[12] H.Hertz, Annalen der Physik, 33, 1887, p983.

[13] P.Lénard et M.Wolf, Annalen der Physik, 37, 1889, p443.

[14] J.Thomson, Philosophical Magazine, 48, 1899, p547.

[15] P.Lénard, Annalen der Physik, 8, 1902, p149.

[16] A.Einstein, Annalen der Physik, 17, 1905, p132.

[17] R.Ladenburg, Jahrbuch der radioaktivität und Elektriciteït, 17, 93, 1909, p273 - R.Millikan, Physical Review, 6, 1915, p55 - W.Duane et F.Hunt, Physical Review, 6, 1915, p166.

[18] La chaleur spécifique ou chaleur massique est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1°C la température d’un corps ayant une masse égale à l’unité.

[19] J.Dewar, Philosophical Magazine, 44, 1872, p461 - H.Weber, Annalen der Physik, 154, 1875, p367 et p533 - A.Wigand, Annalen der Physik, 27, 1907, p99.

[20] A.Einstein, Annalen der Physik, 22, 1907, p180.

[21] A.Einstein, Annalen der Physik, 22, 1907, p800 - A.Einstein et O.Stern, Annalen der Physik, 40, 1913, p551.


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