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La gestion des couleurs sur ordinateur

Principes de la calibration (II)

Pour la plupart d'entre nous, le concept de "gestion des couleurs" est presque surréaliste. En effet, nous travaillons tous avec des écrans d'ordinateurs plus ou moins déréglés. Nous savons qu'ils peuvent présenter une température de couleur légèrement trop chaude (4500 K) ou trop froide (7000 K) et lorsque la lumière ambiante est trop intense, nous devons parfois ajuster leur luminosité et parfois leur contraste pour distinguer tous les détails dans une image dont la résolution spatiale (dynamique) est importante.

Il en est de même des imprimantes. Tous les utilisateurs ne réalisent pas la calibration lorsque le programme l'exige, ils ne vérifient pas toujours le niveau des encres, la qualité du papier ou la fidélité des couleurs. Résultat, il arrive que les impressions présentent des bandes décolorées, des pertes de détails dans les ombres, bref de mauvaises couleurs.

Même chose avec les appareils photos numériques. Chacun assume qu'un APN présente la même sensibilité que l'oeil et que l'appareil n'apporte aucune modification aux couleurs ou au contraste. C'est plus ou moins vrai si on écarte le vieillissement des composants, si on interprète correctement les modes d'expositions (dont la réponse linéaire du mode RAW et la température de couleurs) et quelques problèmes chromatiques ou mécaniques aléatoires. Bref, de temps en temps l'image numérique présente des défauts qu'un amateur peut très bien ignorer mais qui choqueront un professionnel qui garde à l'esprit la réalisation d'une image parfaite, en commençant par la fidélité des couleurs.

La calibration de ces périphériques paraît donc sinon inutile puisqu'on "peut vivre avec" et l'ajuster, du moins secondaire et facultative pour notre usage quotidien. Cette remarque est exacte si la qualité des images ne vous intéresse pas. En revanche, cette fidélité vous préoccupera si vous êtes sensibilisé à la qualité des images et devez les manipuler dans des logiciels graphiques où généralement vous recherchez le rendu optimal.

Il en découle que tout photographe adepte du numérique ou infographiste expérimenté doit changer ses habitudes et adopter en cette matière une discipline digne des recommendations professionnelles s'il souhaite que ses images soient reproduites dans toutes leurs nuances avec la plus grande exactitude possible quel que soit le support.

Cela commence par la calibration ou étalonnage des différents périphériques que vous utilisez, le plus important étant l'écran. Vient ensuite leur caractérisation afin de pouvoir ajuster toute dérive éventuelle par rapport à des valeurs de référence. Nous allons voir en détail chacune de ces étapes et comment les appliquer aux différents types de périphériques car si le principe reste toujours le même, les méthodes sont différentes. Nous passerons en revue la calibration et la caractérisation d'un écran, d'une imprimante, d'un scanner et d'un APN.

La caractérisation : paramètres chromatiques et profils ICC

En aucun cas les ajustements d'un écran réalisés à "l'oeil" ne constituent une caractérisation, une mesure des paramètres physiques du chromatisme de l'écran car vous ne faites jamais qu'une comparaison entre différentes plages. Cette soi-disant calibration est valable pour le travail quotidien d'un amateur mais ne convient pas aux exigences d'un professionnel.

Malgré votre meilleure bonne volonté, vous devez savoir qu'il est impossible de caractériser un écran avec toute la précision requise et dans des conditions normalisées sur une base empirique, à l'oeil nu. Jusqu'à nouvel ordre, si notre cerveau est peut-être un calculateur à la mémoire prodigieuse capable de discriminer et d'analyser beaucoup de choses, ce n'est pas un outil de mesure et il n'est ni stable ni objectif. Par ailleurs, les conditions d'éclairage changent constamment au cours de la journée et viennent ajouter un effet difficilement contrôlable.

Nous devons donc utiliser une méthode rigoureuse et des outils neutres, fiables, qui n'affectent d'aucune manière l'image affichée à l'écran et qui ne soit pas influencée par des facteurs extérieurs. Ce principe s'applique bien sûr de la même manière à la caractérisation des autres périphériques. On y reviendra.

Premier test : mon écran restitue-t-il correctement les couleurs ? Voici une mire dont le fond est un gris neutre à 18% (normalisé). Cette image ne doit présenter aucune dominante et le contraste doit être étendu à toute la gamme. Sinon, vous avez des problèmes ! Vous pouvez déjà effectuer un réglage sommaire de votre écran via l'applet Adobe Gamma installé par Photoshop dans le Control Panel mais il est préférable de faire l'acquisition d'une sonde de calibration pour obtenir des valeurs objectives.

Pour obtenir des mesures fiables, nous devons travailler avec des sujets chromatiques aux propriétés constantes et utiliser des moyens de mesure et des protocoles standards. Cela tombe bien car c'est justement le rôle des mires de couleurs (chartes de références) et des logiciels livrés avec les sondes de calibration.

Des infographistes transfuges de la photographie traditionnelle vous diront peut-être qu'ils n'ont pas besoin de ces accessoires. Préférant en rester aux bonnes vieilles méthodes éprouvées, ils ne saisissent pas tout l'intérêt d'un traitement informatisé. Mais nous pouvons les convaincre de son utilité.

En fait, si l'oeil humain est capable de comparer des tonalités et d'évaluer des contrastes à l'oeil nu, même déterminer la température de couleur d'un écran à 100 K près, en pratique vous ne pouvez pas étalonner ces paramètres avec certitude.

Votre logiciel (par exemple Adobe Gamma installé par Photoshop) peut par exemple vous dire que vous utilisez un gamma de 2.2 alors que votre écran est déréglé et présente une image trop claire ou trop sombre. Vous devez donc utiliser une méthode fiable où les biais et l'interprétation n'ont pas leur place.

Le profil ICC

Pour obtenir des mesures objectives de chromaticité, on réalise ce qu'on appelle une caractérisation ou profiling afin de créer un profil ICC. De quoi s'agit-il ? Comme son nom l'indique, la caractérisation établit les caractéristiques physiques d'un périphérique donné. Le logiciel de caractérisation va générer un fichier, un profil ICC, contenant des valeurs chromatiques et des paramètres de réglage hardware propres au périphérique afin de décrire aussi précisément que possible son espace colorimétrique, c'est la caractérisation.

Le profil ICC est un fichier standardisé de paramètres contenant plusieurs champs descriptifs et des mesures dont le format est défini par l'International Color Consortium, ICC en abrégé. Comme le précise le Consortium, "les profils des périphériques sont utilisés pour traduire les données colorimétriques créées sur un périphérique en données natives dans l'espace colorimétrique d'un autre périphérique".

En d'autres termes, le profil ICC indique au programme graphique de quelle manière il doit convertir l'espace colorimétrique d'origine pour préserver l'aspect visuel de l'image dans l'espace colorimétrique de destination (généralement l'écran ou l'imprimante). Le but est de présenter un document (une image à l'écran ou une impression sur papier par exemple) dont les valeurs chromatiques, même si elles sont numériquement différentes, donnent visuellement l'impression d'être identiques à celles du document original.

A consulter : Effet des profils HCT et IT8 sur les images

Logiciel à télécharger : ICC Profile Inspector

A gauche, lecture du profil ICM d'un écran cathodique Compaq S710 dans l'application ICC Profile Inspector et présentation de son gamut dans l'espace CIE XYZ. Les points blancs disposés au centre représentent les différentes températures de couleur (D50, D55, D65, D75, D93). On constate que l'espace colorimétrique de cet écran jugé de bonne qualité en son temps est loin de remplir tout l'espace théorique L*a*b, celui de l'oeil. On peut donc s'attendre à des ajustements de couleurs et un perte de saturation, principalement dans le vert et le bleu ciel. Voici un autre exemple après caractérisation d'un écran Apple Cinema HD. A droite, les courbes de réponse RGB avant (à gauche, une couleur par canal) et après calibration (courbes de droite) d'une imprimante. On constate que le gamma est passé d'environ 1.8 à 2.2. Cette procédure s'appelle le profiling. Lors d'une première calibration, il n'est pas exceptionnel de gagner 10 à 20% de luminosité et autant en saturation des couleurs. Documents Computer Darkroom et AIM Digiital Imaging.

Carte graphique et CMM

Une carte graphique ou un écran ne manipule pas des couleurs à proprement dit mais un signal vidéo dont les composantes (intensité lumineuse et chromacité) sont modulées par la tension d'entrée. Ces données déterminent la définition théorique d'une couleur dont les valeurs seront converties dans un certain espace colorimétrique grâce aux données indiquées dans le profil ICC. Si vous avez deux écrans, leurs signaux vidéo seront différents ainsi que la manière dont ils vont restituer les couleurs.

Cette procédure fait appel à un système de gestion de couleur (CMS) que Photoshop fut le premier à utiliser en 2000 suite au projet de standardisation développée par l'ICC et Microsoft. Cet outil très performant tire profit d'un module de gestion de couleurs, le CMM, qui se base exclusivement sur les couleurs de l'espace L*a*b. Le rôle du CMM est de convertir les couleurs d'un espace colorimétrique dans un autre. Pour y parvenir il se base sur les couleurs d'origine qu'il traduit en fonction du profil ICC afin de transmettre au périphérique de sortie un signal RGB visuellement aussi conforme que possible à l'original. On peut donc résumé son rôle comme celui d'un convertisseur de couleurs très élaboré qui permet de déterminer de quelle manière un périphérique restitue ou perçoit les couleurs. On en reparlera à propos de la chaîne graphique.

Quel est le résultat de cette conversion en pratique ? Prenons un exemple. Une image est réalisée sur ordinateur sans référence au profil colorimétrique de l'écran, en travaillant uniquement dans l'espace Adobe 1998. Un certain bleu ciel présente les valeurs chromatiques RGB (72, -4, -43) indiquées par les flèches (moitié supérieure). A titre indicatif, Photoshop indique que dans l'espace CIE RGB ce bleu ciel correspond aux valeurs (125, 178, 255), à la tolérance près. Ce n'est plus le même bleu dans l'absolu, mais après conversion l'oeil ne voit pas la différence. 

Appliquons maintenant le profil ICC de l'écran à cette image (moitié inférieure, sans activer l'option "Préserver les valeurs chromatiques" et en mode "Perceptif". On reviendra plus loin sur ces options). Sur base des données indiquées dans le profil, l'application réalise un calcul de conversion et affiche un bleu correspondant dans ce nouvel espace à des valeurs chromatiques 18% moins saturées que dans l'espace RGB. Dans ce cas-ci la nuance correspond pratiquement à un changement de gamma de 2.2 à 1.8. Si on imprime l'image dans cet espace, elle sera donc légèrement pâle.

Grâce au profil ICC de l'écran, l'application sait dorénavant que l'écran désature légèrement l'image. Pour éviter ce problème il est conseillé d'éviter de travailler dans un espace colorimétrique attaché à  un périphérique au risque d'avoir des surprises à l'impression. Mieux vaut travailler dans l'espace Adobe 1998 par exemple ou tout autre espace théorique, neutre par définition. On y reviendra.

L'espace colorimétrique du profil ICC représente donc une mesure de la chromaticité alors qu'un espace colorimétrique théorique tel l'espace L*a*b, Adobe 1998 ou sRGB contient des valeurs de couleurs calculées, les seules que nous pouvons exploiter pour obtenir une correspondance parfaite entre les couleurs d'origine et celles reproduites sur le document final, à l'écran ou sur papier.

En effet, l'exemple précédent nous démontre que le profil associé à un périphérique peut présenter des dominantes et est en tout cas imparfait d'un point chromatique comparé aux données calculées par un espace colorimétrique théorique.

Aussi quand on utilise une application graphique, il faut bien connaître le produit et notamment le rôle joué par les différents profils qu'il est possible d'activer au risque d'obtenir des résultats inattendus et aléatoires.

Photoshop par exemple permet de choisir un profil ICC dans différents menus comme indiqué ci-dessous : dans les préférences du gestionnaire de couleurs (Edit/Color settings), dans le menu Image/Mode, Vue/Epreuve (View/Proof) ou encore à la sauvegarde du document (Save as...). Nous reviendrons en détail sur l'utilité de ces différentes options car elles sont toutes les quatre différentes.

Quatre manières de charger un profil ICC sous Photoshop. De gauche à droite, dans les préférences du gestionnaire de couleurs (Edit/Color settings), dans le menu Image/Mode, Vue/Epreuve (View/Proof) ou encore à la sauvegarde du document (Save as...). Attention, ces quatre menus n'ont pas les mêmes fonctions; ils sont présentés à titre informatif.

Le profil ICC peut être activé ou désactivé à la demande soit par le système d'exploitation soit dans une application de traitement d'image ou de gestion de profil. On y reviendra en détail dans les pages qui suivent.

 Il existe en théorie un profil ICC par modèle de périphérique et par mire de calibration. Mais cela peut aller beaucoup plus loin. En effet, dans le cas des imprimantes par exemple, le profil peut être ajusté en fonction de la résolution, de la qualité du papier, des encres, des pigments, de la charge d'encre, de l'engraissement, etc.

Il existe différentes manières d'obtenir un profil ICC : 

- le profil ICC est fournit par le fabricant. Il s'agit d'un profil générique exploitant les fonctions par défaut du périphérique

- le profil ICC est généré par un programme de calibration software (logiciel de calibration standard)

- le profil ICC est généré par un programme de calibration hardware (logiciel livré avec un écran haut de gamme)

Le profil réalisé de manière hardware est toujours plus précis que celui réalisé de manière software.

Une fois généré ou téléchargé, le profil ICC doit être sauvegardé dans le répertoire par défaut du système d'exploitation :

- pour Windows XP, Vista ou Seven sous c:\windows\system32\spool\drivers\color\

- pour Windows NT sous c:\winnt\system32\spool\drivers\color\

- pour Mac OS 10 sous /System Folder/Application/Support/Adobe/Color:Profiles/

- pour Mac OS 9 sous /Library/ColorSync/Profiles/

Si vous ne respectez pas cette règle, le fichier sera inaccessible des applications, par exemple de Windows et en corollaire de Photoshop qui tourne sous cet OS. Même principe sous Mac OS.

Le fichier ICC est un fichier binaire pratiquement illisible dans un éditeur de texte. Seul un outil comme ICC Profile Inspector cité précédemment permet de l'éditer et de le traduire en clair comme on le voit ci-dessous.

A lire : Comprendre la couleur et ses profils

Un dossier préparé par Profil Couleur

Contenu d'un fichier ICC

Extrait du fichier ICC généré par MonacoOPTIX pour un écran cathodique Compaq S710 de 17" Le fichier binaire est partiellement lisible dans un éditeur texte comme on le voit ci-dessous, où je n'ai pu extraire que cette portion. A droite le même fichier mais cette fois lu par ICC Profile Inspector.

...
Mdat 'Htext Monaco Systems, Inc.
desc Monitor CRT17 Profile.icm
DESCRIPTOR "RGB View target"
CREATED "Thu Mar 16 19:40:23 2006"
MANUFACTURER "Monaco Systems, Inc"
NUMBER_OF_TARGETS 1
NUMBER_OF_FIELDS 6
NUMBER_OF_SETS 33
BEGIN_DATA_FORMAT
SAMPLE_ID RGB_R RGB_G RGB_B XYZ_X XYZ_Y XYZ_Z
END_DATA_FORMAT
BEGIN_TARGET
BEGIN_DATA
# ID R     G     B     X          Y          Z
  0  1     0     0     9.37915    4.84536    0.47175
  1  0.875 0     0     6.70101    3.4618     0.337045
  2  0.75  0     0     4.51222    2.32927    0.227626
  3  0.625 0     0     2.77672    1.43317    0.140968
 ...
 31  0.125 0.125 0.125 0.0154218  0.0116756  0.00992089

 32  0     0     0     0.00621901 0.00583778 0.00888968
END_DATA
END_TARGET

A l'intention des lecteurs qui auraient des difficultées pour retrouver leurs fichiers ICC, précisons que le nom que le constructeur ou vous-même donnez à ce fichier n'est qu'une description qui n'est pas toujours reconnue comme telle par les applications. Celles-ci vont en effet consulter le répertoire système et y lire le nom repris dans l'entête de chaque fichier ayant l'extension ICC ou ICM, ce qu'on appelle le nom interne du fichier. Ainsi Photoshop peut lister le nom d'un fichier ICC alors qu'il n'existe pas a priori dans le répertoire concerné.

A l'inverse, si l'application n'affiche pas le nom du profil ICC que vous recherchez et que rien n'y ressemble, il est probable qu'il n'a pas été sauvé dans le bon répertoire système.

C'est ainsi que le profil ICC du scanner Canon CanonScan LiDE 50 s'appelle par défaut "CNS12N.ICC". En l'éditant avec IPhoto par exemple, rien n'est indiqué dans le champ description. Il liste simplement l'acronyme du constructeur (deviceManufacture=CANO). Il faut éditer le fichier avec un éditeur de texte ordinaire (par ex.Wordpad) pour y trouver parmi les caractères illisibles en début de fichier la description "Canon CanoScan LiDE 50 Scanner", celle qui est reprise sous Photoshop.

Si cette information n'est pas indiquée ou illisible dans le fichier, essayez de la retrouver en vous basant sur la date de création ou de modification du fichier. Elle est généralement proche de la date d'installation du programme supportant ce périphérique mais ce n'est pas toujours le cas. Vous pouvez en parallèle vérifier sa taille, beaucoup de fichiers contenus dans le répertoire par défaut étant pratiquement vides (1 KB). Si vous supprimez tous les noms de fichiers explicites et les fichiers vides, il ne vous restera qu'une poignée de fichiers ICC à examiner. A défaut, il vous reste à contacter le fournisseur.

La procédure est plus simple sous Mac OS. Dans le dossier Bibliothèque/Scripts/Profiles, il existe deux scripts, "Show profile info" et "Rename profile" qui permettent respectivement d'éditer et de modifier le nom interne des fichiers ICC.

Prochain chapitre

Les sondes de calibration

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