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Quel télescope acheter et pour quel usage ?

La région de Rho Ophiuchi photographiée par Tony and Daphne Hallas avec une lunette Astro-Physics  de 100 mm f/6 sur film Kodak PPF400 au format 120 avec un boîtier Pentax 6x7..

La région de Rho Ophiuchi. Document Tony and Daphne Hallas.

La couleur du ciel (VI)

Le fait d’observer la couleur d’une étoile dépend de plusieurs facteurs. Outre la classe spectrale de l'étoile, le plus important et qui conditionne tous les autres est l’ouverture du télescope car il détermine la quantité de lumière reçue. C'est pourquoi seules les étoiles les plus brillantes sont colorées.

Mais peut-on véritablement discerner la couleur des planètes, des comètes, des nébuleuses ou des galaxies avec un instrument amateur ?

Le système solaire

Dans le système solaire, du fait de leur haut contraste, les planètes et le Soleil apparaissent dans leurs vraies colorations : Vénus, Jupiter et Saturne sont jaune-crème, Mars est franchement orange, Uranus verdâtre, Neptune bleutée.

La Lune est d'un gris éclatant bien que la photographie ou la vidéo couleur révèle parfois des zones brunâtres ou bleutées mais qui sont provoquées par la courbe de réponse spectrale du capteur photosensible.

Pour le Soleil c'est différent car à part au lever ou au coucher où il prend une couleur rouge flamboyante, dans un télescope on l'observe toujours à travers un filtre dense, la plupart du temps de couleur neutre. En hydrogène-alpha il prend une couleur rouge rubis.

Certaines comètes sont colorées. Hale-Bopp en 2000, Machholtz en 2005 ou Lovejoy en 2014 par exemple étaient clairement vertes. Reste la question des objets du ciel profond.

Les nébuleuses

Parmi les objets du ciel profond, M42 reste la nébuleuse la plus colorée visuellement. Mais il faut tout de même utiliser un télescope de grand diamètre.

Dans un newtonien de 300 mm situé à 1000 m d'altitude, sans pollution lumineuse, M42 ou M57 présente de nombreux niveaux de gris donnant une impression de profondeur. Dans un endroit propice, au ciel bien sombre, on peut discerner dans un 300 mm f/6 une couleur verdâtre, avec parfois un peu de rose pâle sur "l'aile droite de l'Albatros", couleur typique de l'hydrogène-alpha qui baigne toute la nébuleuse.

Même dans un 200 mm, à condition de bénéficier d'une météo clémente et d'un site bien sombre, on aperçoit des nuances bleues-vertes produites par les raies O-III (et un peu de Hβ). Dans M42, certains ont vu des franges rougeâtres près du Trapèze en regardant avec attention. D'autres, utilisant un Maksutov-Cassegrain de 250 mm avec un oculaire Leitz offrant un champ apparent de 88° ont observé des nuances vertes, roses pastels et des nuages gris/pourpres.

Mais certains ont rapporté que le cœur de M42 était bien vert dans une lunette Mizar de 68 mm f/11, ainsi que dans un télescope d'initiation de 70 mm d'ouverture.

En principe de telles observations sont possibles à condition d'observer dans des sites plongés dans l'obscurité quasi totale, une situation qu'on ne trouve plus guère qu'en altitude, sur les îles isolées ou dans les lieux semi-désertiques.

En revanche, la majorité des amateurs n'ont jamais observé la couleur des nébuleuses, qu'ils aient utilisé un newtonien de 300 mm f/5, un Schmidt de 300 mm f/10, un 200 mm f/6.3, un 114/910 ou une lunette à verre fluorite de 102 mm f/5... juste disent-ils, une impression de couleur verte sur M42 avec une paire de jumelle 9x60.

Ceci confirme malgré tout que beaucoup d'amateurs disent observer une lueur verdâtre même dans de très petits instruments inférieurs à 200 mm d'ouverture.

Pour illustrer l'aspect coloré des objets décrits par les observateurs, voici trois images de grande qualité. Elles sont bien sûr très saturées et loin de refléter leur faible contraste et le peu de détails qu'on discerne l'oeil à l'oculaire d' un télescope. Mais leurs délicates nuances de couleurs se dévoilent sur les photographies à longue pose. A gauche, la comète Ikeya-Zhang photographiée le 4 novembre 2002 par Stephen Pitt avec une lunette Stellarvue de 102 mm f/6.1 EDT. Pose de 20 minutes sur film Fuji Super HQ hypersensibilisé. Au centre, une mosaïque de la région de M42-M43 photographié par Herm Perez avec un télescope Vixen newtonien R200SS de 200 mm f/4. Pose de 8x 30 min sur film Kodak E200 Pro. A droite, NGC 6543, l'oeil de chat, photographiée par le télescope Subaru avec une caméra CCD en 1.5 seconde d'exposition. Voici une image prise par le Télescope Spatial Hubble.

Au mieux, dans des endroits privilégiés comme l'île de la Réunion (Observatoire des Makes) il est même possible d'observer des nuances vertes dans le cœur de la nébuleuse d'Orion avec une paire de jumelles 12x50 tout à fait ordinaire ! Mais le site lui, est extraordinaire, car les étoiles brillent comme des diamants sur le velours noir du ciel et même près de l'horizon les étoiles ne scintillent presque pas.

On peut également observer des nuances de couleurs dans certaines nébuleuses planétaires brillantes, comme par exemple NGC 7009 ou NGC 6543, "l'oeil de chat". Cette dernière est la plus impressionnante, surtout observée dans un télescope dobsonien Obsession de... 750 mm. A plus de 500x, la nébuleuse apparaît bien verte avec une structure qui ressemble à celle de l'image prise par le HST présentée ci-dessous (en moins détaillée évidemment). D'autres planétaires de Hercule, d'Andromède ou du Cygne présentent aussi des couleurs dans un 300 mm

Bande passante du filtre Lumicon OIII.

La nébuleuse de l'Emeraude NGC 7562 présente également une jolie teinte bleu-verdâtre dans un newtonien de 150 mm f/5, tandis que NGC6826 dans le Cygne apparaît légèrement bleutée.

De nombreuses nébuleuses planétaires sont bleu-vertes, même dans un réfracteur de 70 mm. Mais pour observer des nébuleuses aux couleurs contrastées ou multiples dans un site moyennement pollué par l'éclairage public, il faut en général un télescope de 300 mm, par exemple un dobsonien de très bonne facture équipé d'un miroir Zambuto taillé à l/30 (P-V). Le polissage ne va pas apporter la couleur mais il peut améliorer la netteté des détails et globalement augmenter le contraste de l'image et donc faire apparaître certaines tonalités.

La couleur rouge est beaucoup plus difficile à discerner mais on peut apercevoir des traînées rouges dans certaines parties de M8 et de M42 en utilisant un filtre à bande passante étroite de type Lumicon OIII dans un télescope de 250 mm d'ouverture.

La plupart du temps, c'est la couleur bleuâtre ou bleu-verdâtre qui est la seule apparente. Le seul objet qui présente une véritable couleur rouge dans les instruments de moyenne à grande ouverture est la petite nébuleuse planétaire IC418 Lepus (la nébuleuse du spirographe). Dans un 250 mm elle apparaît rosée avec un petit anneau bleuâtre à 101x et 141x. Dans des plus grands télescopes l'anneau extérieur rouge est plus frappant encore.

M27 est également un bon sujet et on peut apercevoir des traces de bleu, vert et bleu-vert dans un dobsonien Odyssey de 333 mm. Un dobsonien Obsession de 500 mm montre aussi une auréole orangée autour de l'amas globulaire M2 et à fort grossissement on peut observer la couleur de certaines étoiles brillantes individuelles.

Un amateur de 67 ans disait qu'il voyait plus de couleurs lorsqu'il était jeune alors qu'il observait avec un 150 mm Star-liner bas de gamme qu'avec le 333 mm qu'il possède aujourd'hui.

Les galaxies

Pour les galaxies, c'est plus difficile mais il y a une exception. Le noyau de la galaxie d'Andromède M31 apparaît faiblement orangé, un peu comme Arcturus dans un Obsession de... 750 mm ! Il paraît très jaune dans un Obsession de 333 mm équipé d'oculaires Koening et orthoscopiques. Enfin, pour l'anecdote, un enfant de 13 ans se rappelle que la galaxie Sombrero M104 présentait une teinte rose fluo (bonbon ?!) dans un télescope de… 1 m à f/3.

Ces jugements doivent être pris pour ce qu'ils sont. Il faut les pondérer en fonction des conditions d'observation, y compris de la pollution engendrée par l'éclairage public. A ces facteurs, il faut ajouter la qualité des optiques, les accessoires utilisés (oculaire grand champ, à haut contraste, pas d'aberration chromatique, ...) et le facteur humain (l'âge de l'observateur).

Deux photographies réalisées par l'auteur. A gauche, M31 photographiée en décembre 2014 avec une lunette Orion ST-80 ED équipée d'un APN Canon EOS 6D de 20 Mpixels et fixée sur une monture iOptron SmartEQ Pro. Il s'agit d'un empilement de 38 photos couleur pour un temps d'intégration total de 19 minutes. Plus de détails dans la page consacrées aux CCD. A droite, la supernova SN 1993J dans M81 photographiée le 14 mai 1993. Elle était alors à la magnitude ~10.5. Ce fut la plus brillante  (Mv +9.91 in U) après SN 1987A. Photo LRGB exposée 4 heures (4x 60 min) au foyer d'un Celestron C8 de 200 mm f/6.3 sur monture Powerstar. Documents T.Lombry.

On ne peut donc pas affirmer avec certitude que vous verrez les nuances rougeâtres du Trapèze d'Orion avec un télescope de 200 mm car cela dépend avant tout de vos conditions d'observation.

En pratique, il est très difficile d'observer la couleur des objets du ciel profond car sous un certain seuil d'illumination les cônes comme les bâtonnets sont pratiquement insensibles et il n’y a pas suffisamment de lumière pour que le cerveau interprête les quelques signaux électriques comme étant certains types de couleurs. L'image apparaît alors tout en nuances de gris. Quant aux impressions de nuances vertes, c'est tout simplement la couleur à laquelle notre oeil est le plus sensible; le moindre photon viendra activer les cellules sensorielles et si l'intensité est suffisante, le cerveau interprétera ce signal comme une couleur verte.

La révélation de la photographie

En fait, la couleur du ciel se révèle avant tout par voie photographique ou vidéo (en combinant des frames individuelles). Le résultat dépend du temps d’exposition, de la qualité du suivi sans oublier le travail sur ordinateur qui s’avère en réalité tout aussi important que la prise de vue.

A voir : La Galerie des Chefs-d'oeuvre

A gauche, La Voie Lactée se profilant derrière le télescope dobsonien de 30" soit 760 mm de diamètre de Malcolm Park installé dans le désert d'Atacama au Chili. Il s'agit d'une seule image exposée 30 secondes. Au centre, la nébuleuse chaotique NGC 7000 du Cygne photographiée en 1997 par Mike Treacy au foyer d'une chambre Schmidt de 200 mm f/1.5. Il s'agit d'une exposition de 5 minutes sur film Kodak PJM-2 (devenu Ektapress PJ-400) non hypersensibilisé. A droite, la galaxie NGC 253 du Sculpteur. C'est une photographie LRGB réalisée en 1994 par Kunihiko Okano, l'inventeur de la technique, exposée au total 82 minutes au foyer d'un télescope Celestron C5 de 125 mm f/10 équipé d'une caméra CCD SBIG ST-7.

De manière générale, les plus beaux documents à haute résolution ont été obtenus par des amateurs combinant plusieurs centaines d'images individuelles afin d'accentuer le rapport signal/bruit. Mais en aucun cas, on ne peut transformer une image floue ou déformée du fait de la turbulence ou d'un défaut optique en document net en jouant sur cette astuce.

Rappelons qu'une caméra CCD ou un APN est environ 20000 fois plus sensible qu'une émulsion argentique. On comprend vite l’avantage de cet accessoire en astrophotographie. Nous y reviendrons.

Prochain chapitre

Les différents types de télescopes

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