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Le recyclage du plastique

Un leithmotiv : recyclez pour éviter de polluer !

Pour une société plus responsable

Pour atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto, la Commission européenne a imposé à chaque État membre des normes et des "contre-mesures" pour protéger l'environnement. Concrètement, chaque gouvernement est dorénavant contraint de trouver les moyens pour lutter contre la pollution et plus généralement pour réduire notre empreinte anthropique dans l'environnement. S'il n'y parvient pas, il sera taxé à la hauteur de la pollution.

Parmi les mesures visant à protéger l'environnement, il y a le recyclage des déchets. L'un des plus grands défis environnementaux est l'augmentation alarmante des déchets en plastique depuis les années 1970 et qu'on retrouve aujourd'hui abandonnés partout dans la nature, et en particulier dans les océans (cf. La mer, dépotoir ou refuge ?).

Selon le WWF, en 2030 il pourrait y avoir 300 millions de tonnes de plastique dans les océans. On estime qu'en 2050, la production mondiale de plastique sera d'environ 6.5 milliards de tonnes, contre 1.7 milliard de tonnes en 2015.

Que pouvons-nous faire pour réduire ces déchets pratiquement indestructibles ? On peut agir à petite et à grande échelle afin de les éliminer ou les rendre utiles. A grande échelle on peut par exemple interdire le plastique à usage unique comme celui destiné aux emballages ou décider de nettoyer les océans de tout le plastique flottant à leur surface. Mais il est pratiquement impossible de retirer le plastique présent entre deux eaux et encore moins les déchets présents jusqu'à 2000 m de profondeur ainsi que les nanoparticules de plastique omniprésentes dans l'environnement. De plus ce travail fastidieux de nettoyage qui n'en finira jamais coûterait une fortune qu'aucun pays ne peut réellement supporter sans faire appel au mécénat. En revanche, on peut agir à la source.

A petite échelle tout le monde est concerné par cette pollution, le secteur public, privé et la société civile. Chacun peut donc à sa mesure participer au recyclage du plastique dont le schéma suivant reprend quelques transformations.

L'envers du recyclage du plastique : la grande arnaque

En 2019, des journalistes d'investigation belges ont révélé à la télévision l'envers du processus du recyclage du plastique. Depuis des années les fabricants, les industriels du recyclage comme les politiciens dont les écologistes nous assurent que nos déchets en plastique sont recyclés. Certains acteurs majeurs de ce secteur prétendent même dans les médias que la Belgique est le meilleur élève européen, recyclant plus de 60% des déchets en plastique. Que constate-t-on en réalité ?

D'abord quand les industriels prétendent qu'ils recyclent 60% du plastique, il ne faut pas les croire car ils mentent par omission et nous cachent la vérité ! En effet, après investigation les journalistes ont démontré chiffres l'appui que sur l'ensemble des déchets en plastique que les citoyens sont obligés de trier dans une poubelle dédiée sous peine d'amende, seulement 30% étaient recyclés ! En fait, tous les plastiques mélangés ou contenant des motifs imprimés à l'encre par exemple sont rejetés de même que beaucoup de dérivés plastifiés (films, pièces préformées, etc). Que deviennent-ils ? Tous ces déchets partent en fumée dans des incinérateurs qui émettent du gaz carbonique dans l'atmosphère ! Or ce sont ces mêmes fabricants et ces mêmes industriels qui se prétendent plus "verts" que leurs concurrents !

Des ouvriers déchargent des déchets plastiques non recyclables dans le port de Klang, en Malaisie, le 28 mai 2019. Document Sipa Press.

Ensuite, les journalistes ont démontré que la plupart des pays européens exportaient leurs déchets vers d'autres pays européens (par exemple la Belgique vers la France, la France vers l'Italie, etc) où des usines spécialisées les recyclent, du moins en théorie. Car en pratique bien souvent seuls quelques PET (polytéréphtalate d'éthylène) et PP (polypropylène) sont recyclés à condition qu'ils ne soient pas colorés ni recouverts d'encre. S'ils sont colorés dans la masse, ils peuvent subir une deuxième tri et servir éventuellement à fabriquer des accessoires colorés.

Mais il y a pire. Les industriels recyclant le plastique sous-traitent une partie de ce recyclage à des tiers dont des sociétés sans éthique qui n'hésitent pas à exporter ces déchets vers des pays pauvres, au point qu'on retrouve nos ballots de bouteilles colorées et nos étiquettes d'emballages plastifiées jusqu'en Inde où ils sont purement et simplement abandonnés dans des dépôtoirs clandestins à l'insu des autorités et finissent par contaminer les sols. Mais sur le principe l'Europe est "clean" puisque statistiquement et sans entrer dans les détails, elle a recyclé la majorité de ses déchets en plastique ! Il faut le lire pour le croire...

Finalement, quand les journalistes ont demandé aux fabricants de ces emballages et aux industriels s'ils étaient au courant de la destination de leurs déchets en plastique, tous ont prétendu ignorer ce trafic et donc ne pas être responsable de cette situation. C'est bien connu, c'est toujours l'autre qui est responsable !

Malheureusement, chacun paye ce manque de transparence et de volonté de cette filière du recyclage. Les partis écologistes et autres ministères de l'Economie leur emboîtent le pas quand ils ventent les "mérites" de ces industriels sans même s'inquiéter des "petits détails" cachés de cette filière au point de lever de nouvelles taxes très élevées en ayant la prétention ou plutôt la naïveté de croire que la filière est écologique et leur combat "bon pour la planète" ! En réalité, c'est tout le contraire et il est grand temps de dénoncer cette arnaque !

En moyenne, en Europe, le recyclage des plastiques atteignit 42% en 2020 mais certaines estimations avancent le chiffre de seulement 30% en 2021. Dans ces conditions, à quoi cela sert-il de payer des taxes de recyclage si de toute façon 70% de nos déchets en plastique sont brûlés ou jetés dans la nature sans le moindre scrupule ? Qui s'enrichit sur le dos de la population ? L'État, les fabricants de plastique et les industriels ont-ils si peu de scrupules ou de volonté qu'ils ne prennent pas la peine de contrôler cette filière qui pue l'arnaque ? En attendant, on continue à polluer la planète !

Procédés de recyclage du plastique

Parmi les toutes premières initiatives innovantes, en 2007 un ingénieur astucieux inventa le moyen de fabriquer des textiles isolants à partir de bouteilles en plastique; cela donna naissance aux vêtements en Polar. Le produit connut un succès immédiat. Aujourd'hui le plus grand producteur de Polar est Malden Mills dépositaire de la griffe Polartec parmi d'autres textiles modernes dits "techniques" utilisés notamment par les sportifs et de plus en plus par le grand public.

En Inde, Rajagopalan Vasudevan surnommé "Plastic man" utilise les déchets en plastique pour fabriquer un bitume plus résistant. En 2015, il avait déjà construit plus de 20000 km de route.

En Angleterre, Michael Murray de la société Cynar transforme le plastique qu'il récupère dans les décharges, y compris les sachets souilllés, en carburant diesel. Il a déjà implanté plusieurs usines en Europe dont deux en Espagne. Avec 1700 tonnes de plastique, Murray fabrique 700 litres de diesel, 200 litres de carburant léger et 100 litres de kérosène. Ce diesel revient 30% moins cher que le produit équivalent issu des raffineries classiques tout en permettant à l'entreprise d'être rentable. Depuis, d'autres sociétés ont développé cette méthode dont Beston et IPEC. Plus récemment

Aux Etats-Unis, l'ingénieur chimiste Dionisios Vlachos de l'Université du Delaware et ses collègues ont trouvé une solution pour transformer sélectivement les plastiques à usage unique difficiles à recycler comme les polyoléfines (le polyéthylène basse et haute densité, le polypropylène, le polystyrène, les bouteilles et sacs en polyéthylène et les plastiques composites) en carburants liquides, essence et diesel et en lubrifiants légers.

En A), la pyrolyse des polyoléfines et l'hydrogénolyse nécessitent des conditions de réactions difficiles et produisent de faibles quantités d'hydrocarbures de la gamme des carburants. L'approche proposée présente un rendement élevé en essence à basses températures sans solvants ni diluants. En B), les sacs en polyéthylène hachés avant la réaction et le produit liquide résultant de la réaction. Document D.Vlachos et al. (2021) adapté par l'auteur.

Le procédé se base sur l'hydrocracking pour casser les polymères en petites molécules de carbone. Il se déroule par catalyse en combinaison avec l'activation de zéolites (des minéraux principalement constitués de silicium et d'aluminium) et d'oxydes métalliques, dont le platine et le tungstène. Le rendement atteint 85% et se déroule à des températures relativement basse de 225°C (cf. D.Vlachos et al., 2021).

Des enzymes pour dégrader le plastique

Parmi les autres solutions, en 2016 des scientifiques japonais de l'Université de Kyoto ont découvert une bactérie capable de se nourrir de déchets plastiques, la Donellea skaiensis. Elle est capable de dégrader le PET (polyéthylène téréphtalate), l'un des plastiques les plus courants, en sécrétant des enzymes destructrices (cf. K.Myiamoto et al., 2016).

En 2018, des chercheurs de l'Université de Porthsmouth au Royaume-Uni en collaboration avec le Laboratoire National des Énergies Renouvelables (NREL) du Département américain de l'Énergie ont annoncé sur le site du NREL avoir également découvert par inadvertance une "super enzyme" capable de dégrader le plastique six fois plus rapidement que les processus classiques.

Pour une tortue marine, se nourrir de méduses est à la fois savoureux et nutritif. Elle ne sait pas qu'un seul morceau de plastique peut être mortel, mais elle n'a pas le choix. L'être humain, lui, à le choix d'arrêter de polluer les océans. Document CWF.

Cette découverte fait suite à celle d'une enzyme appelée PETase découverte dans une décharge japonaise qui se nourrissait de plastique PET qui entre notamment dans la fabrication des bouteilles en plastique. En étudiant son fonctionnement et en lui ajoutant des acides aminés, les chercheurs l'ont améliorée dans le sens qu'elle décompose plus rapidement le plastique (en quelques jours alors que dans la nature il faut des centaines d'années). La prochaine étape consiste à améliorer les performances de l'enzyme mutante afin de l'utiliser dans des processus industriels de destruction des plastiques à grande échelle.

En 2021, dans le cadre des projets mondiaux d'échantillonnage de l'ADN environnemental, des chercheurs de l'École polytechnique Chalmers, en Suède, ont analysé 200 millions de gènes prélevés aux quatre coins de la planète sur les terres et dans les océans. L'objectif était d'évaluer à l'échelle planétaire le potentiel de dégradation des différents déchets plastiques par des micro-organismes. Les chercheurs ont compilé plus de 30000 homologues d'enzymes "non-redondants" avec un potentiel de dégradation d'au moins 10 plastiques différents. Les "super enzymes" pourraient être une solution de recyclage.

L'étude, publiée dans la revue "Microbial Ecology" indique que la quantité d'enzymes destructrices de plastique varie selon la pollution du milieu par les plastiques. Dans les océans, selon les auteurs, "le taux d'enzymes augmente avec la profondeur, en réponse à la pollution plastique et pas seulement à la composition taxonomique".

Selon Aleksej Zelezniak, coauteur de cette étude, "Depuis 2015, plus de 6.9 milliards de tonnes de déchets plastiques ont été produites. Environ 9% ont été recyclés, 12% ont été incinérés et 79% ont été accumulés dans des décharges ou dans la nature".

Selon les chiffres de Plastics Europe, certains plastiques sont difficiles à recycler, d'où un taux de recyclage en Europe qui se situe entre 26 et 52% en 2021 qui dépend des différences de collecte, des infrastructures disponibles mais aussi du comportement des consommateurs.

La question économique reste l'enjeu principal. Selon Zelezniak, "une manière efficace de lutter contre les déchets plastiques, c’est de recycler ce plastique pour en faire un autre. Mais c’est toujours plus cher à faire que de l'obtenir simplement du pétrole. Les usines ne se soucient pas d'où il vient, il doit juste être bon marché. Les forces économiques sont vraiment puissantes, mais [...] je pense que c'est un scénario possible".

Une autre équipe de chercheurs de l'Université de Berkeley (UCB) a également développé une méthode pour dépolymériser les polyesters grâce à des enzymes nanométriques qui dégradent le plastique et le transforme en acide lactique. Enveloppées dans des polymères, les enzymes sont placées à l'intérieur des fibres plastiques, et lorsqu'elles sont exposées à l'eau et à la chaleur (6 jours à 50°C), le plastique se décompose (cf. C.DelRe et al., 2021).

A voir : Cynar Plc - from plastic waste to precious fuel, 2015

A lire : Comet: Transformer les déchets en carburant (sur le blog, 2013)

A gauche, grâce au procédé développé par des chercheurs de l'Université de Berkeley, un plastique modifié se décompose après seulement trois jours dans un compost standard chauffé à 40°C et est totalement dégradé après deux semaines. Document C.DelRe et al. (2021). A droite, les différentes étapes de la préparation, de la colonisation et de la digestion du plastique en quelques semaines par une colonie de champignon mutarium. Le réceptacle couvert de champignons peut ensuite être consommé. Document Livin Studio adapté par l'auteur.

Les chercheurs de l'Université de Stanford étudient également le moyen de détruire le plastique mis en décharge grâce à la collaboration des vers de farine et travaillent sur une solution équivalente pour les plastiques polluant les mers.

Plus étonnant, les chercheurs de l'entreprise Livin Studio en collaboration avec l'Université d'Utrecht ont mis au point une méthode pour recycler le plastique en produit comestible grâce au champignon fungi mutarium.

Comme on le voit ci-dessus à droite, la méthode consiste tout d'abord à exposer les déchets en plastiques aux UV pour briser les longues chaînes de polymères. Ensuite, les morceaux de plastique sont déposés dans des réceptacles (pods) fabriqués en agar, un produit alimentaire gelifiant également utilisé en biologie moléculaire connu sous le code E408 combiné à du glucose pour assurer sa rigidité. Enfin, on y ajoute quelques gouttes d'une solution contenant des champignons mutarium capables de digérer le plastique. Il suffit d'attendre quelques semaines pour que les champignons aient consommé tout le plastique et colonisé tout le réceptacle. On peut ensuite le manger, éventuellement accompagné d'autres aliments et d'épices. Seul inconvénient de cette méthode, elle exige un environnement contrôlé et ne fonctionne donc qu'à petite échelle.

Ces différentes initiatives peuvent être reproduites partout où un industriel, un chercheur ou le pouvoir politique à l'esprit d'entreprise et la volonté d'agir pour le bien de la planète et de nous tous.

Pour plus d'informations

Le Protocole de Kyoto (sur ce site)

Le recyclage des déchets (sur ce site)

Le développement durable (sur ce site)

La mer, dépotoir ou refuge ? (sur ce site)

Le Protocole de Kyoto, Europa

IPCC (GIEC)

Bilan de la collecte des déchets électroniques (PDF US), rapport de l'U.NU pour la C.E., 2007

Conversion de litres de carburant en kilos et volume de CO2 (calculette).

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