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La théorie de la Relativité

Un principe général

La relativité générale (IV)

Vers la fin de 1913, Lorentz envoie à Zurich son jeune assistant Adriaan Fokker travailler avec Einstein. De leur courte collaboration, un semestre, sortira une merveilleuse petite expression relativiste de la courbure scalaire déduite du tenseur de Ricci :

gμνRμν = Const. T

en tout points semblable après ajustement de la constante à la deuxième équation de champ qu’avait trouvé Nordström, dans laquelle on retrouve le d’alembertien et le champ Y :

- Ψ ☐Ψ = κ T

Grâce à cette relation et la divergence du tenseur d’énergie-impulsion pour une particule de masse non nulle au repos, Einstein parvint finalement à rendre la théorie de Lorentz invariante et à satisfaire les lois de conservation sous la forme :

équation dans laquelle tμν est le tenseur d’énergie-impulsion du champ gravitationnel.

C’est ainsi qu’il trouva les “équations du mouvement”, ou “équations de conservation” de la relativité générale qui obéissent à la relation :

Tμν;μ = 0

Ce tenseur permet d’attribuer une signification précise aux variables de densité de matière et de pression d’un corps fluide dans un champ de quadri-vitesses et en corollaire de connaître la distribution de la matière et des champs dans l’espace-temps.

Einstein voyait à présent concrètement l’importance du tenseur de Riemann-Christoffel dans ses travaux et savait qu’il pouvait trouver les équations du champ de gravitation sans chercher de correspondances “physiques”.

En 1914, Einstein parvient à déduire l’équation des géodésiques, faisant intervenir pour la première fois le temps propre τ :

avec dτ = ( -gμν dxυdxν).

Il publiera cette formule dans un long article[19] en octobre 1914, dans lequel il discute également du “champ centrifuge” du champ de gravitation qui lui semble identique au champ gravitationnel et du problème de la covariance généralisée. Il pense devoir la restreindre, argument ”physique” à l’appui : dans son esprit le tenseur métrique gμν fμν(x), implique qu’il est impossible d’obtenir des équations de champ vérifiant la covariance générale. Pourtant tout bon tensorien sait qu’il s’agit d’une relation tensorielle on ne peut plus logique. En fait, à cette époque Einstein ne maîtrise pas encore les concepts fondamentaux du calcul tensoriel. Il démontre également que l’intégrale d’action gravitationnelle, le Lagrangien gravitationnel, est déterminé par cette covariance restreinte sous certaines conditions. Ce n’est que fin 1915 qu’il comprendra que “cette détermination de la fonction de Lagrange est totalement illusoire puisqu’on peut la modifier...[20].

Après une année 1914 difficile sur le plan affectif, où il se sépara après 11 ans de mariage de sa femme Mileva Maric et de ses enfants non sans chagrin, Einstein accepta une nomination à l’Académie des Sciences de Prusse à Berlin qui le réjouit. Il avait 35 ans. Déjà célèbre, il publiera le 26 avril 1914 son premier article de vulgarisation dans le journal allemand Vossische Zeitung dans lequel il développe dans un langage clair les principes de la relativité restreinte, posant une question en guise de conclusion : “la théorie de la relativité restreinte est-elle essentiellement achevée ou n’est-elle qu’une étape vers un développement plus général ?”. Il penche vers la deuxième solution mais reconnaît que les physiciens émettent encore des divergences à cet égard.

Début 1915, il entame une correspondance avec Tullio Levi-Civita le brillant élève de Ricci, tous deux auteurs du célèbre recueil sur les différentiations absolues et autres calculs tensoriels. Levi-Civita releva quelques erreurs techniques dans l’article d’Einstein d’octobre 1914. Einstein lui en fut reconnaissant et fut heureux de trouver enfin un spécialiste comprenant le sens profond de sa théorie, se désolant du peu d’intérêt qu’il suscitait auprès de ses confrères.

Plus intéressé par l’expérimentation qu’auparavant, Einstein étudia pendant le printemps 1915 la rotation induite par aimantation avec le physicien hollandais Wander de Haas dont l’effet porte aujourd’hui leur nom. Il faut toutefois savoir que la théorie du gyromagnétisme ne sera correctement formulée qu’après la découverte du spin des électrons par Uhlenbeck et Goudsmit qui travaillaient pour Ehrenfest. Ce spin est considéré par analogie comme un mouvement de rotation des particules sur elles-mêmes.

Bien qu’Einstein étudia ce phénomène antérieurement à cette découverte, son résultat fut qualitativement correct. Sa théorie du ferromagnétisme induisait l’existence d’un moment magnétique (charge x masse) du corps aimanté dont l’équation comportait ce facteur de Landé g > 0 pour les substances para et ferromagnétiques. Dans un premier temps, Einstein et de Haas déduisirent de leur équation que g = 1 mais rapidement d’autres expériences conduites par des collègues américains indiquèrent une valeur deux fois plus grande, comprise entre 1.87 £ g < 2.

Ce facteur de Landé est à l’origine de ce qu’on appelle aujourd’hui “l’anomalie gyromagnétique” qui explique l’élargissement ou le dédoublement des raies spectrales que l’on constate dans l’effet Zeeman. g interviendra dans le calcul tensoriel qui conduira à la formulation finale des équations de champ. Einstein avait en effet découvert qu’après la transformation unimodulaire :

g ≡ - det gμν

(- det gμν) = 1, que l’on écrit sous forme abrégée √g = 1, se comportait comme un scalaire. Einstein utilisait cette relation dans la divergence covariante du tenseur θν≡ Tμν et celle de son symétrique que l’on retrouve dans le cadre de la conservation de l’énergie et de l’impulsion.

A n’en pas douter, ce scalaire était un gros poisson. Il faisait disparaître toute distinction entre tenseur et densité tensorielle (la quadri-densité T) et permettait de redéfinir le traitement des différentielles covariantes (en ∂μ) pour les tenseurs d’ordre 2 et supérieur. Einstein peut ainsi simplifier le tenseur de Ricci. Partant de ses deux composantes :

Rμν = rμν + sμν

il détermine que

avec le plus important,

Puisque g est un scalaire, nous avons vu dans le corpus théorique que la différentiation de l’expression ci-dessus implique que νμ est un vecteur, sμν est la dérivée covariante de νμ. Le tenseur de Ricci se décompose ainsi en deux termes, rμν et  sμν qui sont chacun des tenseurs.

Pendant l‘été de 1915, grosso modo entre juillet et octobre, Einstein se rendit compte que les équations de la gravitation ne lui donnaient pas encore entière satisfaction. Il perdait ses illusions et s‘épuisait en vain calculs. Parmi les résultats à venir mais qui s’obstinaient à ne pas vouloir passer dans son stylo, il y avait en particulier ce fameux “membre de droite”, la covariance qui ne tenait pas compte de l’effet gyromagnétique et l’avance du périhélie de Mercure alliée à la déviation de la lumière, dernier effet qu’il connaissait déjà depuis 1907, mais tous deux restant sans solution exacte.

Einstein eut peu de contacts avec ses confrères mais ceux qu’il noua confirmèrent ses idées. Durant le mois de juillet, il rendra visite durant une semaine au célèbre mathématicien David Hilbert à Göttingen en Allemagne, où il donnera six conférences de deux heures sur la relativité générale. Mais Hilbert, plus théoricien et avant tout passionné par la théorie atomique ne put sur l’instant l’aider à résoudre ses difficultés. Il tâchera toutefois de progresser dans la théorie d’Einstein, domaine dans lequel tous deux avaient des vues assez rapprochées, bien qu’Hilbert recherchait une axiomatique holistique, une sorte d’équation de l’univers. Mais ils ne se reverront qu’au mois de novembre sur l’île de Rügen, sur la mer Baltique.

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[19] A.Einstein, Sitzungsberichte, 1914, p1030.

[20] Lettre à Hendrik Lorentz du 1 janvier 1916.


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