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La théorie de la Relativité

La relativité générale : des exemples concrets

La déviation des rayons lumineux (II)

En 1911, Einstein reprit l’équation relativiste de l’effet Doppler introduite dans l’article de juin 1905 et découvrit que dans un champ gravitationnel, le facteur gh était équivalent au potentiel de gravitation φ.

Ainsi sur Terre, le décalage vers le rouge de la lumière du Solei Δv/v ≈ 10-6 et φ est négatif, ce qui n’est valable que sur de petites distances. C’est alors qu’Einstein se demanda comment était-il possible que du Soleil à la Terre, la fréquence de la lumière subisse une variation ? Que signifiait cette équation ? Le nombre de crêtes de la lumière devait être indépendant du temps.

Vue superficiellement écrit-il, [cette équation] semble énoncer quelque chose d’absurde [...]. La réponse est pourtant simple”. En effet tout s’explique lorsqu’on développe la notion de battement des horloges relativistes.

L’effet Doppler relativiste

avec

υo, la fréquence de la lumière incidente

υs, la fréquence de la lumière reçue par l’observateur

γ, le facteur de contraction des longueurs

L’équation de l’effet Doppler est équivalente à celle décrivant le potentiel de gravitation φ :

dans laquelle φ = φs - φo

Comme nous l’avons déjà évoqué à propos du principe de relativité, si nous synchronisons toutes nos horloges, le fait de mesurer localement la fréquence d’une raie spectrale “est indépendant des positions de la source lumineuse et de l’horloge”. Mais en mesurant la fréquence d’une raie spectrale dans une autre région de l’espace “rien ne nous contraint d’admettre l’hypothèse que les horloges situées en des potentiels gravitationnels différents doivent battre au même rythme”. Einstein découvre alors une conséquence fondamentale. Puisque les horloges sont ralenties d’un facteur (1 + φ/c2), le fait de les transporter en d’autres lieux, où siège un champ gravitationnel différent, laisse supposer que “le principe de la constante de la lumière ne s’applique que dans des espaces au potentiel gravitationnel constant[3].

Einstein termine son article en faisant un appel aux astronomes : “Il serait de toute urgence souhaitable que les astronomes se penchent sur le problème soulevé ici, même si les considérations précédentes peuvent paraître insuffisamment fondées, voire aventureuses”. Avant de terminer son article, Einstein propose une nouvelle équation qui permet de mesurer la déviation des rayons lumineux dans un champ gravitationnel ponctuel se déplaçant :

avec

G, la constante de la gravitation,

M, la masse de la source déviante,

R, la distance au centre de l’astre

Cette valeur doit être multipliée par (360/2π).3600 pour obtenir la déviation en seconde d'arc.

Dans l’environnement du Soleil α = 0.87" et c’est exactement la déviation prédite par la théorie de Newton lorsque la vitesse de la lumière est égale à "c". Or, la relativité restreinte ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de mesurer des effets sur de grandes distances, où la champ gravitationnel n'est pas constant. Les 10 équations de champ impliquent que l'énergie se caractérise par sa masse et sa quantité de mouvement. Pour un photon dont la vitesse est celle de la lumière, le rapport v/c = 1; son énergie est égale à sa quantité de mouvement puisqu'il n'est composé que d'énergie cinétique et ne présente pas d'énergie potentielle. Quatre ans plus tard, la relativité générale imposa à Einstein de doubler la valeur newtonienne.

La déviation de la lumière

avec g, la force d’accélération ou de gravité et d, la distance parcourue par la lumière dans le champ gravitationnel.

En 1784, le révérend John Michell avait déjà prédit que la lumière était déviée près d’un corps massif mais c’est Soldner en 1801 qui démontra par le calcul que la déviation formait un angle égal à la valeur Newtonienne. La relativité générale prédit toutefois un angle deux fois plus grand que l’on interprète comme un effet de la courbure de l’espace-temps. Sur Terre, α = 10-10 seconde d’arc sur une distance d’un mètre. Près du Soleil, α = 1.745" pour un rayon lumineux issu de l’infini et tombant sur la Terre.

Einstein voulut absolument que les astronomes vérifient cet effet pour valider sa théorie. En 1919, une éclipse solaire totale servit de support à cette expérience. L'éclipse du 29 mai 1919 était exceptionnelle car elle occultait l'amas brillant des Hyades de la constellation du Taureau. En accord avec la relativité générale, le rayonnement des étoiles devait être dévié de leur position habituelle, par un effet de perspective les étoiles devant s'écarter légèrement du Soleil. Un comité de la Royal Society et de la Royal Astronomical Society organisa une expédition à Sobral dans le nord du Brésil et sur l’île de Principe dans le Golfe de Guinée pour vérifier cette prédiction.

La déviation des rayons lumineux près du Soleil fut confirmée par Arthur Eddington qui releva la position des étoiles durant l'éclipse de 1919. A droite, la version retraitée par l'ESO en 2019 à partir de copies scannées des plaques de verres de l'époque qui furent distribuées à divers observatoires autour du monde. Ci-dessous à droite, le "New York Time" du 10 novembre 1919 titrait "Les lumières vont tout de travers dans les cieux" (cliquer sur l'image pour télécharger l'article en PDF).

Pendant la phase de totalité, Eddington et Dyson[4] prirent plusieurs clichés du fond étoilé qui s'était progressivement illuminé. Douze étoiles furent enregistrées et présentaient une magnitude visuelle comprise entre 4.5 et 6.0 tandis que l’étoile la plus proche du Soleil se trouvait tout de même à un peu plus de 10" du limbe. En comparant ces clichés à ceux de la même région stellaire pris à six mois d'intervalles en l'absence du Soleil, Eddington[5] parvint à déceler une infime déviation des rayons lumineux. Près du limbe solaire la déviation variait entre 1.98" ±0.12" au Brésil et 1.61" ±0.30" à Principe, tombant juste autour de la valeur théorique de 1.745", tandis que l’écart enregistré pour les étoiles plus éloignées du limbe Soleil suivaient parfaitement la courbe prédite par Einstein jusqu'à plus de 10 rayons solaires.

Cette valeur mesurée in situ était deux fois plus importante que la déviation de 0.87" prédite par Newton et confirma avec éclat la validité de la loi d’Einstein. Eddington lui confirma immédiatement la bonne nouvelle, mais Einstein[6] manifesta cette fois moins d'émotion : "Je savais que la théorie était juste", devait-il dire. Présente auprès d'Einstein, son élève Isle Rosenthal-Schneider lui demanda ce qu'il aurait fait si l'expérience avait été négative : "J'en aurais été navré pour le Bon Dieu, car la théorie est exacte"[7] lui répondit-il ! Un peu plus tard il écrivit[8] : “Je ne considère d’aucune manière que la signification essentielle de la théorie de la relativité générale soit le fait qu’elle ait prédit des évènements observables durant quelques minutes, mais plutôt la simplicité de ses fondements et sa consistance logique”.

Einstein[9] précisa que “s’il avait été prouvé que l’effet ne devait pas exister dans la nature, alors toute la théorie aurait dû être abandonnée”. Cette expression sera citée par Karl Popper pour expliquer l’origine de son célèbre critère de falsification.

Dans l’excitation initiale engendrée par l’annonce des résultats de l’éclipse, quelques scientifiques ont eu des propos pour le moins extravagants, disant par exemple que l’on pouvait dorénavant considérer favorablement la relativité générale parce qu’Einstein avait prédit le résultat à l’avance. Parmi eux se trouvaient cinq physiciens comptant parmi les plus influents savants d’Allemagne, d’Angleterre, de France et des Pays-bas.

La déviation de la lumière est très marquée autour des corps compacts et massifs. Voici l'aspect simulé du ciel aux alentours de la constellation d'Orion (gauche), puis sous l'emprise d'un trou noir (centre) et d'une étoile à neutrons (à droite, en l'occurrence de la Terre si elle offrait la densité d'une telle étoile). Noter la forte déviation de la lumière par rapport à la première image. Noter sur l'image centrale la double image d'Orion (juste à gauche du trou noir et à l'extrême droite). Document Robert J. Nemiroff.

J.J.Thomson[10], l'inventeur de l'électron et alors président de la Royal Society confirma les propos d’Einstein : “Bien qu’il existe des centaines de théories de la gravitation, celle d’Einstein est la seule qui ait prédit un résultat qui ait été vérifié par l’expérience [...]. C’est le plus important résultat lié à la théorie de la gravitation obtenu depuis l’époque de Newton [...]. Ce résultat est l’un des plus grands accomplissements réalisés dans l’histoire de la pensée humaine”. Une semaine plus tard il ajouta : “La déviation de la lumière par la matière, suggérée par Newton dans la première de ses Questions, aurait été elle-même un résultat d’une importance scientifique considérable; elle acquiert une importance d’autant plus grande que sa valeur conforte la loi de la gravitation avancée par Einstein”.

Paul Langevin[11] partagea également son sentiment : “Cette théorie est la seule qui permette actuellement de représenter l’ensemble des faits expérimentaux connus et qui possède en outre la remarquable puissance de prévision confirmée de manière si éclatante par la déviation de rayons lumineux et le déplacement des raies spectrales dans le champ de gravitation du Soleil”.

A présent que les scientifiques cautionnaient pratiquement tous l’exactitude des prédictions de la théorie de la relativité, Einstein connut dès ce jour une notoriété internationale.

Voyons à présent les effets les plus représentatifs de cette théorie généralisée, parmi lesquels :

- la courbure de l'espace-temps

- le retard de Shapiro

- l’expansion de l’Univers

- la récession des galaxies

- le rougissement gravitationnel

- les lentilles gravitationnelles

- les ondes gravitationnelles (dont celles produites par les pulsars binaires)

- les trous noirs.

Prochain chapitre

La courbure de l'espace-temps

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[3] Lettre d’Einstein à J.Laub datée du 10 août 1911.

[4] F.Dyson, A.Eddington et C.Davison, Philosophical Transactions of the Royal Society, 220, 1920, p291.

[5] A.Eddington, Observatory, 42, 1919, p393 - A.Eddington, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 80, 1919, p96 - A.Eddington, “Space, Time and Gravitation”, Cambridge University Press, 1920/1995, p110-122

[6] A.Einstein, Naturwissenschaften, 7, 1919, p776.

[7] I.Rosenthal-Schneider, "Reality and Scientific truth", Wayne State University Press, 1980, p74.

[8] A. Einstein, Forum Philosophicum, 1, 1930, p173 et p183 - A.Pais, “Albert Einstein : la vie et l’oeuvre”, InterEditions, 1993.

[9] Lettre adressée à A.Eddington le 15 décembre 1919 citée in, A.Douglas, “The Life of Arthur Stanley Eddington”, Nelson, London, 1956, p41.

[10] J.J.Thomson, Proceedings of the Royal Society of London, 96, 1919, p311.

[11] P.Langevin, Compte rendu de l’Académie des Sciences, 173, 1921, p831.


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