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La théorie de la Relativité

La relativité restreinte : des exemples concrets

Le rayonnement synchrotron (IV)

La relativité restreinte prédit que les ondes électromagnétiques animées d'une vitesse relativiste ne se propagent plus dans les trois dimensions mais se concentrent dans un étroit faisceau dirigé dans le sens de son mouvement. C’est l’étude du rayonnement des quasars qui permit de découvrir ce phénomène qui est aujourd’hui étudié dans les accélérateurs circulaires (en particulier dans les anneaux de stockage, cf. la présentation de l'IN2P).

En 1876, Henry Rowland démontra qu'une particule chargée en mouvement émettait un champ magnétique. Maxwell démontra qu'il s'agissait d'une onde sphérique. Dès lors, un électron se comporte comme une onde électromagnétique. Lorsqu'un électron se déplace rapidement autour d'une étoile (un pulsar par exemple), son énergie devient très élevée et la mécanique classique stipule que sa fréquence devrait augmenter en fonction inverse de la longueur d'onde qu'il émet. Or les effets relativistes viennent modifier ces valeurs.

Le rayonnement synchrotron

Le rayonnement synchrotron se produit lorsqu’une particule chargée (par ex. un électron) relativiste rencontre un champ magnétique qui la force à suivre une trajectoire en spirale. Ce rayonnement aujourd’hui étudié en laboratoire fut découvert grâce à l’étude des quasars.

Animé d'une vitesse proche de celle de la lumière, l'électron émet un rayonnement non plus isotrope mais concentré dans un étroit faisceau qui est dirigé dans le sens de son déplacement. Si l'axe de rotation du faisceau d'électrons est proche de l'axe de rotation de l'étoile, l'observateur devra se situer juste dans le plan de l'orbite de l'étoile pour le détecter. L'observateur ne percevra ce phare tournoyant ou ce faisceau pulsé qu'à l'instant où le faisceau croisera sa direction. Le faisceau passant devant les détecteurs en une fraction de seconde, sa fréquence sera très élevée. Sa longueur d'onde sera une fonction directe de la circonférence de son orbite. Cette fréquence est d'autant plus élevée qu'elle est augmentée de deux facteurs relativistes :

- Le facteur de dilatation γ ordinaire, qui correspond à l'augmentation de la vitesse d'un corps animé d'une vitesse proche de c. Dans l'exemple du rayonnement synchrotron des pulsars, γ peut dépasser 1000 si la vitesse des particules frôle celle de la lumière (v > 299778 km/s).

- Un facteur voisin de γ2, car à cette vitesse il y a également une contraction du temps. Le rayonnement semble nous atteindre plus rapidement que le temps normal de propagation.

En théorie le rayonnement synchrotron concerne tout type de rayonnement corpusculaire émis par des particules chargées de haute énergie (donc pas seulement les électrons) dont le mouvement n'est pas rectiligne et uniforme sous l'emprise d'un puissant champ magnétique.

C'est l'effet Doppler relativiste très important qui permet au rayonnement synchrotron d'atteindre les longueurs d'ondes des rayons X et même gamma. En effet, l'intense champ magnétique qui règne autour des pulsars ou dans le coeur des quasars dont les blazars provoque une augmentation de la fréquence du rayonnement qu'ils émettent, fréquence qui sera donc augmentée du cube de son énergie par effet synchrotron. Les particules chargées sont accélérées jusqu'à des vitesses relativistes et émettent un rayonnement d'abord radioélectrique qui va ensuite se décaler en fréquence vers les plus courtes longeurs d'ondes.

L'énergie de ce rayonnement s'étend généralement des rayons X durs (entre hν ≥ 1 keV soit λ ≤ 1 nm ou 10 Å jusqu'à > 100 keV soit λ = 0.013 nm) aux UV (200 nm ≤  λ ≤ 400 nm) et quelquefois jusqu'en infrarouge (1000 nm ≤  λ ≤ 1 mm) mais à ces longueurs d'ondes les sources classiques (par ex. M87) brillent plus faiblement.

Une poignée de pulsars et blazars émettent également un rayonnement synchrotron gamma. Les blazars les plus lumineux dits TeV atteignent des niveaux d'énergie dépassant 100 GeV, il s'agit des EHBL (Extreme High synchrotron peak BL Lacs) parmi lesquels la source 1ES 0229+200 qui atteint 580 GeV qui en fait "l'accélérateur de particules" le plus puissant de l'univers !

La constante de Hubble

Nous avons vu suite à la mission Planck que la constante de Hubble qui permet de déterminer la distance des galaxies et l'âge de l'Univers a été estimée à 67.74 km/s par Mpc. Mais lorsque le décalage vers le rouge z est supérieur ou égal à l'unité, la vitesse de cette galaxie serait égale à "c", valeur inaccessible car selon la loi d'Einstein elle devrait convertir toute sa masse en énergie. La constante de Hubble n'est donc pas linéaire et une correction relativiste de l'effet Doppler s'impose pour rétablir cette concordance :

Il est donc tout à fait normal de relever des grandeurs de z > 1 pour les objets extragalactiques les plus éloignés.

Le décalage Doppler

A gauche du tableau présenté à gauche, les valeurs du décalage Doppler brut (z') et corrigées de l'effet relativiste (z). A droite du tableau, l'âge relatif de l'Univers. Pour z'=0.6, z=1.0, le facteur d'échelle vaut 1/(z+1). L'Univers avait donc la moitié de sa taille et de son âge actuels. L'image de droite illustre la progression de z par rapport à l'âge de l'Univers. Documents T.Lombry.

5°. L'influence de la vitesse sur le temps

Rappelons que si la vitesse de la lumière est une constante quel que soit le référentiel (cf. les expériences du prisme mobile d'Arago en 1810 et l'expérience d'Alväger réalisée au CERN en 1964), cela signifie que d'autres paramètres varient, notamment le temps.

En effet, si Einstein utilisa les mêmes équations que Lorentz, son interprétation des variables de vitesse et de temps introduisit des concepts totalement originaux. Deux exemples concrets permettent de saisir la relation qui les relie : l'expérience du voyageur de Langevin (le paradoxe des jumeaux) et le battement des horloges relativistes.

L'expérience des muons

Il existe dans le rayonnement cosmique une particule intermédiaire du point de vue de la masse entre le proton et l'électron, le muon (un lepton anciennement appelé méson-μ). Si l'électron est pris comme unité, le proton "pèse" 1840 me et le muon 207 me.

La durée de vie du muon est très courte, c'est une particule instable. Elle vit 1.56 microseconde environ, après quoi elle se désintègre[6]. Cette particule se déplace à une vitesse voisine de celle de la lumière (> 0.98c) mais on peut la ralentir jusqu'à quelques mètres par seconde lorsqu'elle est associée à un atome d'hydrogène muonique (cela intéresse les physiciens dans le cadre de la fusion à basse température). Dans ces conditions, par rapport à la vitesse de la lumière on dit que le muon est au repos, mais c'est un abus de langage.

Si même cette particule se déplaçait à la vitesse de la lumière, selon Newton elle ne parcourrait que 450 mètres durant sa courte vie. En effet, 300000 x 1.5x10-6 = 0.45 km. Or ce n'est pas ce que nous observons en réalité.

Bruno Rossi et David B.Hall de l'Université de Chicago ont réalisé la première expérience en 1941 (cf. "Physical Review", 59, p223-228). Ils ont mesuré le flux des muons (alors appelés mésotrons) au sommet du mont Washington dans l'Etat du New Hampshire aux Etats-Unis, à environ 2000 m d'altitude ainsi qu'à la base de la montagne. En considérant une demi-vie de 1.56 microseconde, ils ont observé qu'il y avait 1.4 fois plus de muons au sommet du mont Washington que dans la vallée alors que les lois classiques prédisent qu'il devrait y en avoir 22.3 fois plus en altitude.

En d'autres circonstances, on constate que malgré les nombreuses décroissances, au bout de 10 km on en détecte des milliers de fois plus que la théorie classique le prévoit (49000 contre 0.3 par million) et en fonction de leur énergie (1-10 GeV) ils parcourent une distance 7 à 63 fois plus longue que la théorie le prévoit avant de se désintégrer. Autrement dit, on les détecte non pas uniquement en haute altitude mais même au sol voire sous la mer ! Si on applique les lois newtoniennes, les muons semblent se déplacer à 2 millions de km/s ! C'est absurde me direz-vous, car aucun objet ne peut se déplacer plus rapidement que la lumière dans le vide ! Exact. Si nos données sont justes, notre façon d'interpréter les mesures est alors fausse.

Cette modification apparente de l'écoulement du temps ou des distances ne pouvait s'expliquer que si les muons voyageaient à la vitesse de 0.994c. En 1977 et 1979, l'équipe de Bailey réalisa une expérience similaire au CERN en propulsant des muons à 0.9994c. Ils découvrirent que leur durée de vie était 29.3 fois supérieure à leur durée de vie normale dans un laboratoire ! Comment peut-on réconcilier la théorie avec l'expérience ? En faisant appel à la théorie d'Einstein. Explications.

Les lignes d’univers

A gauche, à l’arrêt l’émetteur (en bleu) envoie des signaux espacés d’une longueur d’onde fixe λ, tant vers l’avant que vers l’arrière. A droite, au repos les feux avant et arrière d’un objet étendu parviennent en même temps (tA=tB) à l’observateur.

A gauche, une fois en mouvement le récepteur (en rouge) rencontre les signaux à une fréquence plus élevée que la fréquence émise, les intervalles sont plus rapprochés que lorsque l’émetteur (en bleu) était au repos. A droite, en mouvement les deux feux arrivent à des moments différents chez l’observateur, tA s’est produit avant tB.

En fait on ne peut pas expliquer cette anomalie en appliquant les lois de la mécanique classique. Les formules relativistes énoncées par Einstein nous permettent de résoudre ce paradoxe. En appelant τ' la vie moyenne d'un muon (sa période ou demi-vie) à la vitesse considérée, τ sa vie moyenne en laboratoire, c'est-à-dire1.5x10-6 s, connaissant sa vitesse propre voisine de 299778 km/s, légèrement inférieure à c, on obtient :

τ' = γ τ = 100 τ

Nous observons donc que le muon vit en réalité 100 fois plus longtemps à la vitesse de 299778 km/s. Autrement dit, dans le même "temps" relatif il aura parcouru une distance 100 fois plus grande que celle prédite par la mécanique classique, soit environ 45 km ! Son rythme de vie ne s'est pas modifié, c'est en quelque sorte le temps qui s'est ralenti dans son référentiel, lui permettant de parcourir une plus grande distance. Autrement dit, à cette vitesse les distances se sont considérablement raccourcies. C'est ce phénomène relativiste qui explique pourquoi les muons accélérés au CERN vivent au moins 30 fois plus longtemps que les "muons de laboratoire" témoins.

Faites l'expérience des Muons

Un document d'HyperPhysics

Le voyageur de Langevin

Une question séduisante vient alors tout naturellement à notre esprit : que se passerait-il au niveau humain, notre corps étant composé d'atomes et d'électrons en mouvements, qu'adviendrait-il de notre "durée de vie" ainsi lancé dans l'espace à une telle vitesse proche de celle de la lumière ?

C'est à cette question que Paul Langevin [8], professeur au Collège de France, répondit lors d'un exposé au congrès de Bologne en 1911. Il imagina un voyageur qui quitterait la Terre à une vitesse constante de 299778 km/s, emportant une horloge avec lui et voyageant un an de son temps propre avant de revenir sur Terre. L'horloge embarquée à bord et celle restée sur Terre ont été étalonnées et synchronisées avant le départ. A bord, l'horloge indiquerait deux ans, le temps de l'aller-retour, le facteur γ vaut 100. Cela signifie qu'à son atterrissage, il trouverait la Terre vieillie de deux siècles : les particules qui constituent son corps se seraient comportées comme les muons !

Mais Langevin nota une contradiction dans ce raisonnement. Pour un observateur voyageant avec notre jumeau, le point de vue serait différent. Il considère n'avoir jamais quitté sa place, c'est plutôt la Terre qui s'est éloignée de lui à une vitesse relativiste. A ses yeux, sa durée de vie n'a donc pas changé, c'est l'horloge attachée à la Terre qui a décompté le temps plus lentement, comme le précise Einstein ! Et du coup on constaterait que le frère jumeau resté à Terre a vieilli moins vite que son frère astronaute. Les deux points de vue ne pouvant pas être équivalents, il y a donc un problème de logique dans cette analyse. Ce comportement paradoxal des horloges en mouvements est connu sous le nom du "paradoxe du voyageur de Langevin" ou "paradoxe des jumeaux".

A lire : Paradoxe des Jumeaux de Langevin, G.Villemin

Le voyageur de Langevin

Les lignes d’univers dans l’espace-temps de Minkowski symbolisées par des lignes obliques représentent le trajet suivi par le voyageur relativiste tandis que le temps écoulé sur Terre est enregistré en ordonnée.

Sur l’axe des abscisses se trouve la distance parcourue par le voyageur.

La vitesse constante de la fusée jusqu'à mi-chemin lui permet d'atteindre 99.995% de la vitesse de la lumière, engendrant un facteur γ = 100.

Dans cet exemple, en 6 ans de voyage relativiste (temps propre τ en bleu), notre voyageur a parcouru 60 années-lumière, mais à son retour la Terre aura vieilli de 600 ans !

En fait, Einstein démontra en 1905 que le phénomène n'est pas réversible. On ne peut pas inverser la situation car la particule ou le frère jumeau embarqué a subi des accélérations que n'a pas subi la Terre. En fait, le voyageur n'évolue pas dans le même référentiel que son frère resté à Terre. Puisqu'il y a accélération et demi-tour, les lois du mouvement uniforme de la relativité restreinte ne s'appliquent plus et on doit appliquer les lois de la relativité générale.

Théoriquement, pour tout phénomène se déroulant dans un référentiel uniforme et non accéléré (galiléen), Einstein nous dit que le battement des horloges est minimum dans ce référentiel et plus long (le temps se dilate) dans tous les autres qui voient donc leur durée s'allonger. Concrètement, tant que la fusée avance par inertie, le frère jumeau embarqué verra tous les évènements se déroulant sur Terre se dérouler plus lentement (dilatation du temps) qu'à bord de sa fusée. Le paradoxe n'apparaît en fait que lorsque le pilote fait demi-tour (décélération et accélération qui ne se produisent plus dans un référentiel d'inertie, y compris le freinage à destination) et rentre sur Terre, où il constatera que c'est l'inverse qui s'est produit : son frère jumeau et tous ses amis ont vieilli... Pour le voyageur relativiste le temps s'est écoulé beaucoup plus rapidement sur Terre qu'à bord de la fusée. Mais à l'inverse, on peut tout aussi bien considérer que c'est le temps passé à bord de la fusée qui a "ralenti".

Notons que ce phénomène de "ralentissement" du temps fut admirablement démontré dans le film "Interstellar" de Christopher Nolan (2014) qui tient également compte des effets gravitationnels et optiques sur lequels nous reviendrons. En effet, la théorie de la relativité restreinte ne s'applique qu'à des mouvements uniformes non accélérés. Insistons bien : le calcul de gamma et autre contraction ne fonctionnent pas avec une fusée en accélération car le référentiel n'est plus inertiel. Dans ce cas, Einstein nous demande de tenir compte de la topologie de l'espace-temps où masse et énergie ont un rôle actif; la géométrie devient dynamique. Dans ce cas on doit appliquer les lois de la relativité générale. Les référentiels de la fusée et celui de la Terre ne sont donc pas équivalents; les mesures ne seront donc pas identiques. Point de vue temporel, notre voyageur ne pourrait remonter le temps à l'instar de celui de H.G.Wells[7].

A lire : Le Paradoxe de Langevin

Un texte de Michael Weiss traduit par Jacques Fric, IAP

Convertisseur d'années-lumière en kilomètres

Proxima du Centaure en 5 mois

Prenons un autre exemple. Quand on dit que l'exoplanète Proxima b du Centaure se situe à 4.24 années-lumière par exemple, c'est une valeur de durée ou de distance mesurée sur Terre. Elle n'a de sens que dans l'absolu, pour évaluer la distance intrinsèque des astres. Or un voyageur partant pour cette étoile utilisera un vaisseau animé d'une vitesse relativiste. Il ne verra donc plus la distance à parcourir de la même manière.

Dans le référentiel de la fusée animée d'un mouvement uniforme (et qui ne sera donc pas en accélération sinon il devra utiliser les lois de la relativité générale), la distance qu'il doit parcourir se contracte γ = 1/√(1-v²/c²). Ce facteur devient significatif lorsque la vitesse est proche celle de la lumière.

Le concept de vaisseau interstellaire "XCV-330 USS Enterprise" (à propulsion sans distorsion) imaginé par le designer Mark Rademaker qui a collaboré aux illustrations de "Star Trek" et qui présente également ses oeuvres sur Flickr. Maquette mise en scène par T.Lombry.

Ainsi, si nous prenons un vaisseau interstellaire ayant une vitesse propre de l'ordre de 0.9949c par exemple, soit 298290 km/s, notre voyageur constatera que le facteur de contraction relativiste γ = 1/√(1-v²/c²) = 9.91. Cela signifie que les 4.24 a.l. (4.0113498 x1013 km) se contractent en 0.427 a.l. qu'il parcourera en 155.7 jours ((4011349800000 km / 298290 km/s) / 86400 s), soit un peu plus de 5 mois ! L'aller-retour durera donc environ 11 mois alors que sur Terre l'humanité aura vieilli de... 8.6 ans ! On reviendra sur les effets psychologiques d'un tel voyage relativiste.

Nous pouvons ajouter que cette loi est universelle car elle s'applique également aux muons, où l'on observe un phénomène qui n'est ni mécanique ni électromagnétique. Elle unifie les lois de la mécanique de Galilée, de l'optique de Newton et de l'électromagnétisme de Maxwell.

Ce qui est remarquable dans la théorie de Langevin c'est qu'elle fut confirmée expérimentalement par l'aventure des muons que bien des années plus tard. Cela dit, jusqu'au milieu des années 1970 certains philosophes et quelques physiciens n'acceptaient pas cette dissymétrie temporelle. Le physicien Jean Charon[9] par exemple, auteur de nombreux livres de vulgarisation croyait mordicus le contraire : "Il faut, à mon avis dit-il, ne rien avoir compris au sens profond de la relativité pour soutenir une idée aussi absurde". Pourtant tout homme de bon sens et bien informé aurait pu lui prouver le contraire[10] : dans son évolution la Terre n'a jamais changé de référentiel au contraire de la fusée en effectuant son demi-tour. Nous pouvons également citer le célèbre philosophe Henri Bergson[11] qui croyait à une "illusion" qui cesserait au retour du voyageur ou le physicien Mendel Sachs[12] qui considérait en 1971 que ces retards étaient "apparents" et s'annuleraient une fois l'horloge au repos. Tout expert qu'ils fussent, ces physiciens s'étaient trompés.

D'autres phénomènes, appliquant toujours les mêmes lois physiques, apportent la preuve que le ralentissement temporel est réciproque. Dans le cas de deux observateurs circulant à une vitesse proche de celle de la lumière, l'un par rapport à l'autre, malgré un étalonnage précis des horloges et leur synchronisation avant le départ, chaque observateur noterait que l'horloge de l'autre a ralenti, alors que la sienne continue à marquer le temps "normalement" (d'accord, mais par rapport à quel référentiel ?). Vous concluez chacun que l'autre observateur est en retard, le facteur de ralentissement est proche de l'infini. Ce phénomène soi-disant absurde mais réciproque est donc une propriété du temps. Elle entraîne une dilatation apparente de la durée. Si votre collègue semble avoir ralenti, c'est parce que la distance s'est considérablement réduite. A la limite, à une vitesse quasi luminique, il semble avoir à peine démarré et pourtant il a déjà traversé l'univers !

A consulter : Space Travel Calculator, Dominik Czernia

Accélération constante à 1 g

Relativité - Gamma

Le ralentissement des horloges

Aux vitesses galiléennes, le ralentissement des horloges est insignifiant mais peut être mesuré. Il faut atteindre au moins 15% de la vitesse de la lumière (45000 km/s) pour que les déformations spatio-temporelles atteignent 1% de la valeur normale. Aussi, la plupart des phénomènes relativistes concernent-ils l'électromagnétisme (voir plus bas les effets sur les télécommunications).

Nous connaissons très peu d'objets, mis à part quelques radiosources qui sont animés de telles vitesses. Notre futur voyageur de Langevin restera pour longtemps encore sur une liste d'attente.

De nombreuses expériences ont cependant confirmé ce décalage du temps. A partir de 1971 des avions à réactions embarquèrent des horloges atomiques tandis que des horloges similaires synchronisées restaient en bordure de mer. Lorsque les avions suivaient le mouvement de la Terre, à leur retour les horloges embarquées avaient retardé de quelques milliardièmes de seconde sur les horloges restées au sol, un écart en parfait accord avec la théorie de la relativité[13]. Le décalage s'inverse si l'avion parcourt la Terre dans le sens opposé à sa rotation, la mécanique classique impliquant l'addition ou la soustraction des vitesses.

L'expérience des muons ou des horloges embarquées confirme trois prédictions relativistes à la fois :

- La dilatation du temps (ralentissement)

- La contraction des longueurs (distance raccourcie)

- Le même comportement relativiste pour toutes les horloges.

Les limites des télécommunications en vol relativiste

Dans un article publié en 2023 (non encore validé), une équipe d'ingénieurs et d'astrophysiciens a examiné les effets que les voyages spatiaux relativistes auront sur les communications. L'équipe était composée de David Messerschmitt, professeur émérite de génie électrique et d'informatique à l'Université de Californie à Berkeley; Ian Morrison, chercheur au Centre international de recherche en radioastronomie (ICRAR) de l'Université Curtin et développeur de communications et de traitement du signal chez Astro Signal Pty Ltd; Thomas Mozdzen, chercheur scientifique à l'École d'exploration de la Terre et de l'espace de l'Université d'état d'Arizona et Philip Lubin, professeur de physique et chef du groupe de cosmologie expérimentale à l'Université de Californie à Santa Barbara (UCSB).

Pour leur étude, les auteurs ont considéré deux profils de missions : "une mission robotique (sans équipage) et une mission avec équipage, toutes deux à bord d'un vaisseau spatial subissant une auto-accélération constante pendant la première moitié de la phase de croisière et une décélération similaire pendant la seconde moitié. L'origine et la destination sont supposées être au repos dans un référentiel inertiel commun avec une large gamme de distances fixes les séparant."

Lors d'un vol interstellaire relativiste il ne sera plus possible d'établir des communications en direct avec la Terre car l'effet de la dilatation du temps et l'effet Doppler ne permettront plus de communiquer dans des temps raisonnables, ce qui a des conséquences sur la façon de gérer la mission et un impact psychologique sur l'équipage. Document T.Lombry.

La mission robotique est similaire aux projets "Breakthrough Starshot" et DEEP-In (Directed Energy Propulsion for Interstellar Exploration) alias "Starlight". Ce dernier concept est celui que Lubin et ses collègues du groupe de cosmologie expérimentale de l'UCSB développent depuis 2014 dans le cadre du programme "Innovative Advanced Concepts" (NIAC) de la NASA. Cependant, leur analyse diffère car elle considère des scénarii dans lesquels les engins spatiaux approchent de la vitesse de la lumière - plutôt que les 10 à 20% requis par les projets "Starshot" et "Starlight".

Pour les missions sans équipage, les opérations de contrôle à distance et la transmission de données nécessitent des communications fiables pendant certaines phases de vol. Toutefois, pour les missions avec équipage, le maintien de communications permanentes avec leur base est crucial pour le bien-être à long terme des astronautes. Quel que soit le profil de la mission, les communications se résument invariablement aux transmissions dans le spectre électromagnétique (ondes radio, lasers, etc.) et à leur propagation dans l'espace.

Selon les auteurs, "L'hypothèse que nous faisons est que les signaux de communication sont électromagnétiques et donc transmis via des photons. Ceci concerne la vitesse de propagation d'un signal de communication, qui est liée au délai de propagation. Les relations timing/latence sont indépendantes de la longueur d’onde et s’appliquent donc également à la radio, aux micro-ondes ou à l’optique."

Concrètement, les communications à des vitesses relativistes doivent prendre en compte les effets de la relativité restreinte, en particulier l'effet de la dilatation du temps évoqué précédemment. Une autre considération est que les communications vers et depuis le vaisseau spatial seront soumises au décalage Doppler. Si la distance entre l'émetteur et le récepteur augmente, la longueur d'onde de la lumière sera décalée vers le rouge du spectre. Ces effets auront des conséquences concrètes sur la mission et sur l'équipage.

L'analyse des auteurs montre que la situation serait plus simple pour les missions robotiques car les communications ne sont nécessaires que pendant la phase d'atterrissage.

En revanche, pour les missions avec équipage, une communication permanente est souhaitable pendant toutes les phases de la mission, y compris la phase de croisière (lorsque le vaisseau spatial aura accéléré jusqu'à une vitesse relativiste). Selon les auteurs, dans ce cas des problèmes apparaissent : "Les principaux effets considérés sont les grands délais de propagation ainsi que la dilatation du temps des horloges se déplaçant à grande vitesse. L'analyse se fait du point de vue d'un voyageur à vitesse relativiste plutôt que d'un observateur inertiel (comme dans un observatoire d'astronomie), ce qui, à notre connaissance, n'a pas été envisagé auparavant dans la littérature. Les résultats montrent que les latences des messages aller-retour peuvent être extrêmement élevées, les débits de streaming multimédia peuvent être considérablement ralentis et, dans certaines circonstances, les communications deviennent impossibles. Les vaisseaux spatiaux relativistes et leurs astronautes doivent fonctionner de manière largement autonome."

Ces résultats ont de sérieuses implications pour la faisabilité des missions interstellaires. L'incapacité de maintenir le contact avec la Terre à certaines périodes de la mission, la difficulté de transmettre des informations et le besoin d'autonomie présentent tous des défis importants. Dans ces circonstances, les générations futures pourraient choisir de réserver les missions interstellaires aux vaisseaux robotiques. Alternativement, si la technologie le permet, ils peuvent choisir de placer les équipages en hibernation ou en suspension cryogénique afin qu'aucune communication ne soit nécessaire pendant la phase de croisière.

En résumé, selon les auteurs, "La conception de toute future mission interstellaire impliquant des astronautes, en particulier à de plus grandes distances, sera considérablement affectée par les limites des communications imposées par les grandes distances et les vitesses des engins spatiaux proches de la vitesse de la lumière. [...] Ces vitesses ne sont peut-être pas nécessaires pour voyager vers les étoiles les plus proches, mais permettraient de parcourir des distances beaucoup plus grandes au cours d'une vie humaine typique."

Autrement dit, le jour où les vols interstellaires habités seront une réalité (cf. la colonisation de l'espace), sans innovations technologiques majeures, les équipages devront s'habituer aux effets psychologiques des vols relativistes parfois très pénibles à supporter. S'ils ne le supportent pas, ils devront céder leur place et rester au sol.

Mais restons optimistes. Si ces contraintes constituent aujourd'hui des obstacles à une mission interstellaire habitée à vitesse relativiste, on peut imaginer que dans un lointain futur l'astronautique aura résolu ces problèmes, rendant de telles missions envisageables.

Ceci résume en quelques mots les effets de la relativité restreinte aux mouvements uniformes.

Nous verrons que la théorie de la relativité générale nuance toutefois ces observations du fait de l'influence des champs gravitationnels qui viennent également accentuer la dilatation du temps, créant une distorsion temporelle à laquelle il est impossible d'échapper et donc d'annuler. On y reviendra en détails dans l'article sur la colonisation de l'espace (cf. le chapitre Gérer les risques) et dont on peut avoir une illustration dans le film "Interstellar" de Christopher Nolan (2014).

Pour le lecteur que cela intéresse, les questions de savoir ce qui pourrait se passer à des vitesses superluminiques et ce qui adviendrait si la vitesse de la lumière était plus lente sont développées dans cet article. Ensuite n'oubliez de revenir ici, ou presque, puisqu'entre-temps la Terre se sera déplacée sur son orbite ;-).

Avant d'aborder le chapitre théorique suivant consacré à la relativité générale, si ce n'est déjà fait, consultez les quelques pages consacrées aux concepts fondamentaux, histoire d'avoir les idées claires avant de continuer.

Prochain chapitre

La relativité générale

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[6] Selon sa charge, le muon se décompose en électron (ou positron) et neutrino.

[7] H.G.Wells, "La machine à explorer le temps"./font>

[8] P.Langevin, "La physique depuis vingt ans", Doin, 1923.

[9] J.Charon, "Vingt-cinq siècles de cosmologie", Stock+Plus, p213. Dans la dernière édition de 1980, l'éditeur n'avait toujours pas corrigé ou commenté cette erreur fondamentale.

[10] Pour ma satisfaction, j'espère que le texte vous a convaincu à votre tour !

[11] En fait, aux yeux de Bergson le temps reste invariable, la durée est une perception immédiate de la conscience. Lire H.Bergson, “Durée et simultanéité”, 1922 in “Mélanges”, 1972.

[12] M.Sachs, Physics Today, 24, p23, 1971.

[13] A.Einstein, Nature, 6, 1918, p697 - J.Hafele, Nature, 227, 1970 - J.Hafele et R.Keating, Science, 177, 1972.


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