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La théorie de la Relativité

L'électrodynamique des corps en mouvement

La naissance de la Relativité restreinte (I)

Nous voilà parvenu au cœur du sujet, la théorie de la relativité, tout d’abord restreinte aux mouvements uniformes non accélérés.

Quelques événement clés ont marqué l’enfance d’Einstein et détermineront son avenir. Résumons cette période en quelques faits.

Albert Einstein est né le 14 mars 1879 à Ulm en Allemagne. C'est à l’âge de quatre ou cinq ans que naquit sa curiosité scientifique[1]. Son père lui avait offert une boussole et il fut tant intrigué par le mouvement de l'aiguille, qu'il voulut connaître le secret se dissimulant derrière ce mystère.

Fait particulier, à l’âge de neuf ans, il s’exprimait encore difficilement. Il préparait ses phrases longuement, en remuant silencieusement les lèvres, retardait autant que possible l’instant où il devait s’exprimer à haute voix. Bien plus tard, Einstein s’expliqua sur son rapport au verbe dans un courrier qu'il adressa au mathématicien français Jacques Hadamard, dans lequel il écrivit ceci : "Les mots et le langage écrit ou parlé ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée. Les entités psychiques qui servent d’éléments à la pensée sont certains signes ou des images plus ou moins "claires" qui peuvent "à volonté" être reproduits ou combinés. Les éléments que je viens de mentionner sont, dans mon cas, de type visuel et parfois moteur. Il arrive même que ma pensée soit de type musculaire".

Signe de son génie, à 12 ans, Einstein démontra le théorème de Pythagore qui ne présentait à ses yeux aucune difficulté conceptuelle.

A 13 ans, Max Talmud (Talmey), un étudiant en médecine de 21 ans qui dînait régulièrement chez ses parents lui conseilla de lire entre autres choses Force et matière d'Aaron Bernstein ainsi que les ouvrages de philosophie de Kant. Talmud se rappela plus tard qu’il ne vit jamais Einstein lire un ouvrage facile.

Entre 12 et 16 ans, Einstein se familiarisa avec le calcul différentiel et intégral, une matière généralement enseignée au terme de l'enseignement général ou la première année d'université. Il était difficile pour ses copains de classe de suivre un génie qui était intellectuellement au moins cinq ans en avance sur eux.

C'est à cette époque, vers 1895 qu'Einstein rédigea un essai “Sur l’examen de l’état de l’éther dans un champ magnétique” qu’il enverra à son oncle Caesar Koch, en Belgique. A la même époque Einstein trouva les démonstrations des Eléments d’Euclide pleines de clarté et de certitude.

Déjà très concerné par la physique, il s'amusa à confronter les théories scientifiques, cherchant "à savoir s'il aurait pu construire l'univers d'une autre manière que celle choisie par Dieu". Du point de vue historique, on note déjà la subjectivité d'Einstein, le fait qu'il élaborait ses conceptions intuitivement, sur fond philosophique voire religieux, sans référence à l'expérience. Il échoua toutefois à son examen d’entrée à l’Institut fédéral de technologie, l’école polytechnique de Zurich.

Dans une rédaction qu’il rédigea en 1895 dans un français imparfait, on lui demanda de s’exprimer sur ses projets d’avenir. Il confirma qu’il veut entrer à l’école polytechnique "pour y étudier les mathématiques et la physique [...] en choisissant la partie théorique de ces sciences [...] du fait de ma disposition pour les pensées abstraites et mathématiques [...] il est tout naturel [...] de toujours faire les choses pour lesquelles on a du talent [...]. Puis c’est aussi une certaine indépendance de la profession de scientifique qui me plaît beaucoup"[2].

En 1896, diplômé d’Aarau, il peut entrer sans examen à l’école polytechnique où il rencontrera sa future épouse Mileva Maric, et ses deux amis Michele Besso et Marcel Grossmann.

Diplômé de polytechnique en 1900 avec son ami Grossmann, Einstein y demanda un poste d’assistant mais en vain. C’est alors que mettant le pied sur la scène du XXe siècle, il commença à faire parler de lui.

Premières publications

En 1901, Einstein publia un article dans le grand périodique Annalen der Physik de Leipzig sur la thermodynamique des surfaces liquides et quelques mois plus tard sur l’électrolyse[3].

Dans son premier article on constate déjà qu’Einstein s’interrogeait sur la nature de la gravitation et de son lien éventuel avec les forces moléculaires : “Remarquons écrit-il, que les constantes c [une caractéristique des espèces de molécules fonction de la distance] augmentent en général, mais pas toujours, avec la masse, cependant cet accroissement n’est pas linéaire. Ainsi il faut pour l’instant garder totalement ouverte la question de savoir si et comment nos forces sont liées à des forces gravitationnelles”. Ceci résume tout le programme de vie.

En 1905, Einstein avait 26 ans et était déjà naturalisé suisse depuis 4 ans. Il était employé au Bureau des brevets de Berne, poste qu'il décrocha grâce au père de son ami Marcel Grossmann. C'est à cette époque qu'il s'intéressa à la philosophie d'Ernst Mach. Esprit très fécond, il profita de ses moments de liberté pour se pencher sur la nouvelle théorie des atomes et la toute jeune physique quantique.

Sans appui et sans faire référence aux chercheurs de son temps - il n'en connaissait pas - Einstein[4] proposa dans trois articles de quelques pages pour la revue Annalen der Physik, une explication du mouvement brownien, la détermination de la dimension des molécules et des arguments écrasants en faveur de la nature quantique et discontinue de la lumière. Excusez du peu ! Einstein rejoignit l'idée de Planck et celle de Newton concernant le caractère corpusculaire de la lumière. Mais il fut bien isolé et il fallut attendre une dizaine d'années pour que les physiciens acceptent l'idée même de la physique quantique.

C'est Einstein également qui résolut la question de l'éther, restée en suspens depuis Lorentz. Sa conclusion était claire : "La raison pour laquelle personne n'a été capable de prouver l'existence de l'éther c'est parce qu'il n'existe pas".

Pour l'anecdote, lorsque Einstein apprit en 1921 que Dayton Miller[5], un collègue de Michelson avait mesuré un vent d'éther non nul lors d'expériences préliminaires réalisées à l'observatoire du Mont Wilson, il fit cette célèbre remarque : "Subtil est le Seigneur, mais Il n'est point méchant". Un mois plus tard Einstein rendit visite à Miller pour discuter de ce sujet, mais ce dernier n'en démordra pas jusqu'en 1933[6].

La cinématique relativiste

C'est dans un quatrième article paru trois mois plus tard, intitulé modestement Sur l'électrodynamique des corps en mouvement[7] qu'il posa les fondements de sa théorie sur la relativité restreinte à partir des travaux de Maxwell et de Lorentz. Poincaré y contribua par ses travaux mathématiques mais il n'en déduisit pas toutes les implications, sans oublier Newton dont il fera l'éloge dans d'autres articles.

A consulter : Albert Einstein in Annalen der Physik, ECO/MPG

"Zur Elektrodynamic bewegter Körper" (Sur l'électrodynamique des corps en mouvement)", Einstein, 1905. Document T.Lombry. A droite, la première traduction en français publiée chez Gauthiers-Villars, à Paris, en 1925.

La théorie d'Einstein est caractérisée de restreinte ("special" en anglais) car elle est limitée aux mouvements uniformes les uns par rapport aux autres et ne tient pas compte des effets d’accélération, de changement de vitesse. Le principe de la relativité des mouvements, déjà montré du doigt par Galilée, est repris dans un principe plus général par Einstein.

Bien des années plus tôt, encore étudiant, il avait déjà soulevé cette difficulté à partir d'une expérience "de pensée" comme il le faisait souvent. Dans son autobiographie, il écrivit : "A l'âge de 16 ans, j'étais tombé sur un paradoxe. Si j'accompagne un rayon de lumière à la vitesse c, ce rayon m'apparaîtra comme un champ électromagnétique au repos, ondulant dans l'espace. Pourtant cela n'existe ni dans l'expérience, ni dans les équations de Maxwell". Une fois de plus cette remarque confirme qu'Einstein avait recourt à la "théorie librement inventée", à l'intuition comme base axiomatique fort appréciée des physiciens non-conformistes. Sa réflexion était pourtant tout à fait légitime car il n’existait à cette époque aucun cadre formel pouvant l’aider à y voir clair. 

La constatation anodine d’Einstein fait penser aux questions "insensées" et soi-disant naïves que pose un enfant et qui peuvent nous rendre fou : Pourquoi la lumière est blanche, pourquoi les pommes tombent-elles ? Pourquoi la Lune ne tombe pas ?... Pour Einstein le fait de penser la nature avec simplicité et élégance allait de soi. Rien n'empêche un voyageur d'accompagner un rayon lumineux puisque sa vitesse est finie. Dans ces conditions, aux yeux de l'observateur l'onde est au repos. Or selon Newton et Maxwell ce phénomène est impossible car l'éther était le support des vibrations, comme l'eau faisait onduler les vagues. Or sans eau, pas de vagues, donc sans éther pas d'ondes stationnaires.

Le paradigme newtonien en prit pour sa pomme - je n’ai pu y résister ! -. A l'époque de Newton les ondes de choc se transmettaient instantanément. Si vous étiez à califourchon sur un obus relativiste, vous devriez entendre le "bang" du mur du son immédiatement comme tout observateur au repos le constaterait. Mais Einstein dit non. Vous n'entendriez pas le bruit immédiatement car vous vous considéreriez au repos sur votre obus et ce n’est que s’il y a un obstacle et que l'onde de choc vous revient que vous entendriez seulement le fameux “bang”. De façon analogue, les émules de Newton pensaient qu’on pouvait bien sûr suivre un rayon de lumière dans l'éther mais qu’il était absurde de pouvoir y trouver des ondes au repos. A moins que... à moins qu'il n'y ait un défaut majeur dans leur théorie !

Une brèche tellement importante qu’aucun savant ne l’aurait découverte jusqu’à Einstein ? Les scientifiques demeuraient sceptiques. En fait, l’écueil qui maintenant affleurait aux yeux de tous était le temps. Il fallait absolument introduire la notion de temps propre, relatif, et abandonner le temps universel, absolu de Newton. Seconde objection, si l'espace était également absolu on devait pouvoir dépasser la vitesse de la lumière. Alors arriva ce qui devait arriver ainsi que le dirait La Palice. De deux choses l'une, la théorie Newton était fausse ou celle de Maxwell.

Les lois de l’électromagnétisme cadraient bien et cadrent toujours avec la théorie de Maxwell. Ce sont elles qui font fonctionner votre four à micro-onde ou vous permettent de capter vos émissions préférées !

Comme le disait Einstein, "cette théorie était fascinante. Désormais, à l'idée classique de force qui fait jouer un rôle muet à l'espace, le concept de champ consiste en un processus dans lequel les corps en interaction baignent dans l'espace. Cet espace a la propriété d'interagir avec les corps". Mais les scientifiques refusaient cette idée, l'éther ayant déjà une propriété mécanique.

Deuxième partie

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[1] A.Einstein, “Autoportrait”, InterEditions, 1980, p15.

[2] A.Einstein, “Mes projets d’avenir”, dont le manuscript est aujourd’hui aux archives du canton d’Aargau.

[3] A.Einstein, Annalen der Physik, 4, 1901, p513 ; 8, 1902, p798.

[4] A.Einstein, Annalen der Physik, 17, 1905, p132 et p737.

[5] Expérience rapportée par S.McCuskey/ F.Leone/ G.Kuerti, Review of Modern Physics, 27, 1955, p167.

[6] D.Miller, Proceeding of the National Academy of Sciences of USA, 11, 1925, p306 - D.Miller, Science, 63, 1926, p433 - D.Miller, Review of Modern Physics, 5, 1933, p203.

[7] A.Einstein, Annalen der Physik, 17, 1905, p891 (juin) - Cet article historique a été repris dans l'ouvrage d'Einstein "Réflexions sur l'électrodynamique, l'éther, la géométrie et la Relativité", Gauthier-Villars, 1972 .


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