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Des robots-insectes dans le ciel

Robot-insecte volant comme une mouche développé par Robert Wood à l'Université d'Harvard. Bzz, bzz.

Une observation insolite

Vanessa Alarcon et des amis venus assister en septembre 2007 à un meeting anti-guerre à Washington ont observé de drôles d'insectes voler au dessus de l'assistance. "J'ai entendu quelqu'un dire, 'Oh mon dieu, regardez ça'", se rappelle la senior du collège de New York. "J'ai regardé et je me suis dit, 'Bon sang, qu'est-ce que c'est' ? Ca ressemblait à des sortes de libellules ou de petits hélicoptères. Mais je veux dire que ce n'était pas des insectes."

A l'écart de la foule, Bernard Crane, un avocat de Washington les vit également. "Je n'ai jamais rien vu de tel de ma vie. Elles étaient grandes pour des libellules. Je me suis demandé, 'Est-ce mécanique, ou est-ce vivant ?'."

Avec ces observations insolites, l'idée que le gouvernement américain utilise des robots-insectes pour espionner les manifestants attise un peu plus la paranoïa parmi les adeptes de la conspiration.

Visiblement, le public n'a pas été victime d'une allucination collective. Ces témoins ont donc bien vu des objets volants inconnus - des OVNI au sens strict - évoluer dans le ciel.

Maintenant il faut essayer de déterminer s'il s'agissait de jouets téléguidés ou d'autre chose. Essayons de relier ces observations à ce que nous savons sur les recherches en cours et notamment sur certains projets civils et militaires pour tenter de les identifier.

Les robots-insectes et les gnats

Nous savons à travers les publications scientifiques que les chercheurs des universités américaines dont David Erickson et Jane Wang de l'Université de Cornell étudient la façon dont volent les insectes et notamment les libellules. On sait par exemple que les insectes volant utilisent des moyens biomécaniques pour voler, un procédé longtemps jugé "théoriquement impossible."

Affiche du symposium "Flying Insects and Robots" (FIR).

Nous savons également que la CIA fut l'une des premières agences à étudier le sujet dès les années 1970. Son département R&D a développé un "insectothoptère" qui ressemblait à une libellule et qui contenait un minuscule moteur à essence pour actionner ses quatre ailes. Il vola mais il fut considéré comme un échec car il ne pouvait pas résister au vent de travers.

George Little, porte-parole de la CIA, a déclaré qu'il ne pouvait rien dire sur ce qu'avait fait la CIA depuis cette époque. La direction de l'Office of National Intelligence, le Department of Homeland Security et les Services Secrets ont également refusé d'aborder la question.

Nous savons aussi que depuis 1987, A.M.FLynn du MIT et ses collègues experts en intelligence artificielle ont étudié la faisabilité de fabriquer des robots-insectes alors appelés des "gnats" (moucherons en anglais) ainsi que le révèle ce rapport d'étude (PDF de 1 MB).

Il existe également les drones dont le MQ-5B/C Hunter a récemment fait l'actualité en tuant pour la première fois en Irak. Leur dimension vont de la maquette pour enfant au petit avion. 

A titre privé, il est notoirement connu que l'association Ornithopter développe également des robots volants allant de la taille d'un oiseau à celui d'un insecte.

On sait également que des bestioles similaires furent déjà utilisées au cours de la Seconde guerre mondiale et que les technologies actuelles les ont rendu très sophistiquées.

Un danger potentiel pour le trafic aérien

A titre militaire, en consultant les archives du Département de la Défense (DoD), on découvre les descriptions de près de 100 modèles différents de robots-insectes (robobugs) qui sont aujourd'hui opérationnels, certains aussi petits que des oiseaux, les autres de la taille d'un petit avion. Bref, on est bien là à l'échelle du drone et cela n'est pas du ressort de la science-fiction !

Le drone MQ-5B Hunter de l'USAF. Télécommandé et muni d'une caméra, il peut porter des bombes et est utilisé en Irak.

Ces documents disent que cette flotte de robots d'un nouveau type comptabilisait déjà plus de 160000 heures de vol en 2006, quatre fois plus qu'en 2003. Un rapport récent de l'U.S. Army Command and General Staff College (CGSC) prévient que si les règles de trafic ne sont pas rapidement clarifiées, l'encombrement provoqué par ces véhicules autoguidés "pourrait rendre l'espace aérien militaire chaotique et potentiellement dangereux."

Seul problème, aucune agence n'a admis avoir envoyé cette escadrille de micro-drones espionner la population. Toutefois, un certain nombre d'agences gouvernementales et de sociétés privées reconnaissent qu'elles essayent d'en fabriquer. Certains groupes ont financé des équipes qui élèvent des insectes porteurs d'une ordinateur sur le dos (on va pas dire qu'ils portent une puce!) dans le but de les utiliser comme agent espion. Les mouvements de leurs ailes seraient contrôlés à distance. Ces "robobugs" pourraient suivre des suspects ou survoler des zones sinistrées à la recherche de survivants.

Le journaliste prétend même qu'ils pourraient suivre des missiles guidés jusqu'à leur objectif ! Mais dans ce cas, on ne parle plus de robots-insectes mais de drones. Rappelons qu'un missile Yakont ou Milan vole à 2.5 fois la vitesse du son, soit 860 m/s. Costaux le robot-insecte ! Et plus encore quand on sait que l'USAF pourrait élaborer des missiles à propulsion électromagnétique capables de voler à Mach 10 soit 12000 km/h (3350 m/s) et espère mettre au point des missiles volant à 7560 km/h soit 2100 m/s en 2015.

La technologie existe

Si certains amateurs prétendent que la technologie pour élaborer ces micro-drones "n'est pas encore au point", c'est mal connaître les activités du DARPA, le département R&D du DoD, qui a toujours une longueur d'avance.

"Rappelez-vous de Gandalf, le sympatique magicien du film "Le Seigneur des Anneaux" qui utilisait un papillon de nuit pour appeler à l'aide", faisait remarquer Amit Lal, program manager au DARPA, au cours du symposium international "Flying Insects and Robots" (FIR) qui s'est tenu en août 2007 en Suisse. "Cette vision de science-fiction fait partie du royaume de la réalité."

Et de fait, à l'image de ce qu'a fait l'Université de Cornell, le DARPA a déjà monté un système informatique sur un papillon de nuit au stade pupa (stade intermédiaire entre la chenille et l'adulte volant), le transformant littéralement en cyborg.

Cette étude fait partie des projets "Hybrid Insect Micro-Electro-Mechanical Systems" du DARPA dont la finalité vise à élaborer des insectes artificiels porteurs de microchips. Ils ont également étudié des coléoptères cyborgs. Le DARPA a toutefois refusé que les journalistes interviewent Lal sur ces projets.

Mais ces créatures artificielles étant pourvues d'ailerons ne peuvent pas être confondues avec de véritables insectes.

A consulter : RoboBees: Autonomous Flying Microrobots, Wyss Institute

A gauche, un gnat. Ce robot miniature est basé sur des études faites par A.M. Flynn au MIT remontant à 1987. Au centre, l'ornithoptère développé par Pete Valentine. Il est grand comme un oiseau et bat des ailes. A droite, un papillon de nuit cyborg... Il s'agit d'un Manduca Sexta après le stade pupa équipé d'un implant de silicium. Documents David Darling et David Erickson, Université de Cornell.

Toutefois, en juillet 2007, Robert Wood et son équipe de roboticiens de l'Université d'Harvard ont réussi à fabriquer un robot-insecte volant comme une mouche (cf. début de page) dont les ailes synthétiques effectuent 120 battements par seconde.

Reste le problème de la taille. Les experts considèrent qu'étant donné la taille réduite des "appareils" observés par les témoins à Washington, la qualité des données récoltées serait inférieure à celle obtenue par les caméras et les microphones bas de gamme installés sur des appareils télécommandés que vous pouvez acheter dans un magasin d'électronique grand public.

Accessoirement, on invoque le fait que le gouvernement ne passerait pas son temps à les utiliser pour surveiller quelques pacifistes sur son territoire mais les enverraient plutôt sur les théâtres d'opérations en Iran ou en Irak.

Mais tempérons leur incrédulité car les chercheurs allemands du Fraunhofer Institut für Angewandte Optik und Feinmechanik (IOF) ont déjà développé la première caméra CCD à oeil composé. Certes, elle est aussi grande qu'un scarabée, mais ce n'est que la première étape.

Paranoïa ou réalité ?

Certains parmi ceux qui ont entendu parlé des robots-insectes de Washington concluent que les "libellules" étaient des drones envoyés par le gouvernement. Si ce n'est pas exclu, leur conclusion reste prématurée.

L'abeille virtuelle de Josh McCann.

Pour sa part, Jerry Louton, un entomologiste du Musée National d'Histoire Naturelle (NMNH), considère qu'il s'agissait de véritables libellules, rappelant que Washington abrite quelques très grands spécimens qui peuvent venir se cogner à vos jambes ou se prendre dans vos chaussettes. Mais en même temps, certains détails rendent cette explication caduque.

Certains témoins des évènements ont décrit indépendamment les uns des autres avoir vu des rangées de sphères de la taille de petites baies, attachées le long de la queue de grandes libellules, un accoutrement que ne peut pas expliquer Louton. Et tous les témoins en ont vu au moins trois manoeuvrant à l'unisson. Louton confirme que "les libellules ne volent jamais en groupe."

Mara Verheyden-Hilliard de l'association "Partnership for Civil Justice" enquête sur les rapports des témoins et a ouvert une requête dans le cadre du Freedom of Information Act (FOIA, la loi sur l'accès à l'information) auprès de différentes agences fédérales. Si de tels appareils sont utilisés pour espionner des activistes politiques, elle considère qu'"il s'agirait d'une violation flagrante des droits civils du peuple."

Pour de nombreux roboticiens, ce combat et le rôle technologique potentiel de ces objets paraît superflu, rappelant que les caméras de surveillance sont déjà partout, et que ce n'est pas très différent.

Du reste, il paraît normal dans un pays démocratique que les citoyens soient clairement informés sur les actions du gouvernement, mais celui-ci peut garder le silence sous le prétexte qu'il s'agit d'une question de sécurité nationale. Dans ce cas, seuls les sénateurs pourraient exiger l'ouverture d'une commission d'enquête si la situation l'exige.

A voir : The Robot Dragonfly

Air Force Bugbot Nano Drone Technology - Vijay Kumar: Robots that fly... and cooperate

machine.delusions, Instagram

Exemples de mini drones...virtuels ! En effet, on les retrouve sur Internet et notamment sur YouTube mais il s'agit d'images de synthèse. Si une technologie de pointe est capable de créer ce genre de robots, leur utilité reste à démontrer si ce n'est à faire le buzz ! A ce jour, les robots-insectes militaires sont bien plus simples que ces représentations.

Le Black Hornet de FLIR Systems

Le 19 juillet 2020, la photo de deux militaires prétendument de l'armée syrienne fut publiée sur Twitter. Comme on le voit ci-dessous, ils tiennent en main un mini drone opértionnel. Si la photo est authentique, elle confirmerait que de plus en plus d'unités militaires achètent cette technologie à des fins stratégiques. Actuellement, la source de ce document n'a pas été authentifiée.

La photo fit le tour des médias à sensation comme s'ils n'avaient jamais vu ce drone. Or on en parle déjà depuis quelques années dans la presse militaire et IT, y compris dans certains webzines d'actualités.

Ce drone est le modèle Black Hornet PRS (Personal Reconnaissance System ou Système de Reconnaissance Personnelle) proposé depuis 2017 par la société norvégienne Prox Dynamics, filiale du groupe américain FLIR. C'est déjà la troisième génération.

Le Black Hornet PRS est le plus petit et le plus léger drone du monde. Son rotor mesure 123 mm de diamètre. Sa longueur totale est de 168 mm pour un poids inférieur à 33 g.

Quasiment silencieux, ce mini drone se déplace à 6 m/s et peut voler 25 minutes. Il est équipé de deux caméras de jour et d'une caméra infrarouge thermique. Il peut prendre des photos HD qu'il sauvegarde sur une carte flash SD. Il peut établir des liaisons cryptée jusqu'à 2 km, au-delà de la ligne de mire visuelle. Il tient son cap grâce à un système de navigation compatible GPS ou peut être piloté dans la ligne de mire du contrôleur. En mode GPS, il peut capturer des images le long de sa route à des points définis, puis revenir automatiquement à sa base. Le Black Hornet PRS se contrôle via une tablette tactile et un contrôleur portatif.

A voir : Le Black Hornet, Armée de Terre, 2019

Introducing the FLIR Black Hornet 3, Teledyne FLIR for Government & Defense, 2018

Nano UAV - Black Hornet - PD-100 PRS, BBS Holland, 2013

A gauche, deux militaires prétendument de l'Armée Arabe Syrienne tenant en main un mini drone Black Hornet PRS fabriqué par FLIR Systems. Document de Noka publié sur Twitter le 19 juillet 2020. A droite, le mini drone Black Hornet PRS de FLIR Systems en vol.

Ce type de drone facilite la connaissance de la situation aux troupes au sol sans mettre les soldats en danger ni révéler leur position. Il est aujourd'hui intégré dans la guerre moderne. En effet, l'armée britannique aurait acheté 30 Black Hornet PRS pour près de 1.4 million de livres sterling soit 1.6 million d'euro, ce qui porte le drone à plus de 53000 euros l'unité.

Sa forme compacte et sa conception spécifique pour l'armée semblent appréciés de ses commenditaires puisque le Royaume-Uni utilise ce modèle depuis 2017 et des mini drones au moins depuis 2012 (cf. The Mirror, Gizmo Crazed, 2013). En 2013, le Royaume Uni avait signé un contrat de 20 millions de livres sterling soit 23 millions d'euros pour 160 mini drones Black Hornet Nano, ce qui portait ce modèle à près de 144000 euros l'unité !

En 2018, on apprenait que ce mini drone est également utilisé par les armées américaines, allemandes, hollandaises, norvégiennes, turques, indiennes et australiennes (cf. Army Times, IT News, 2015; Times Now News, Teknisk Ukeblad, 2018). Le Black Hornet est également utilisé par l'armée française qui l'aurait utilisé en secret au Liban sans l'approbation de l'UNIFIL (cf. Lebanese News and Updates, 2020).

A consulter : Drones quadricopètes et multicoptères, Conrad

Commercialement, ce drone a de la concurrence. Comme le font les amateurs, les forces irrégulières et les acteurs non étatiques peuvent aujourd'hui acheter des drones offrant les mêmes capacités pour quelques centaines d'euros auprès de fabricants de drones quadricoptères destinés au grand public. Les plus petits pèsent à peine 250 g et mesurent 15 cm.

Pour plus d'informations

Les robots au service des hommes (sur ce site)

FLIR Systems (Black Hornet PRS)

Drones quadricopètes et multicoptères, Conrad

Gnat Robots (And How They Will Change Robotics), A.M.FLynn, MIT, 1987

Micro-machine are go, Daily Mail

Le site Ornithopter

Les images de synthèse de Josh McCann, Shutterstock.

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