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Les défaillances des satellites

écrit en collaboration avec le Dr. Joe H. Allen du NGDC/NOAA

Origines des perturbations (II)

Pour que l'activité solaire provoque un incident sur un satellite orbital, qu'il soit dans le milieu interplanétaire ou en orbite à l'intérieur de la magnétosphère, ou sur des infrastructures ou des êtres humains au sol ou résidants dans l'espace, l'onde ou l'objet concerné doit provenir du Soleil. Il est donc constitué de l'un des éléments suivants :

- Des radiations électromagnétiques telles que la lumière, les rayons X et UV ainsi que d'autres ondes électromagnétiques émises par le Soleil qui effectent l'ionosphère et donc les communications.

- Des particules de haute énergie, en particulier des protons, des particules alpha (noyaux d'hélium) et des ions lourds (atomes plus ou moins ionisés) émis par les CME qui finissent par aboutir sur Terre. Des flots successifs de particules peuvent se rassembler et former une onde de choc qui ramasse les autres plasmas dans sa course. Cette onde de choc compresse la magnétosphère en deçà de l'orbite géostationnaire, augmente la densité des Ceintures de Van Allen et provoque des tempêtes magnétiques et des tempêtes secondaires (sous-tempêtes).

- Des tempêtes géomagnétiques qui sont des perturbations dans l'environnement terrestre dépassant les variations journalières régulières. Ces tempêtes se manifestent lorsqu'un grand nuage d'électrons pénètre dans la magnétosphère. Les électrons perturbent le champ géomagnétique et les systèmes de courants, augmentant la charge électrique près de la surface terrestre. Nous verrons dans le chapitre consacré aux aurores de quelles manières ces tempêtes donnent naissance à ces lueurs évanescentes.

A consulter : Statut temps-réel de l'activité solaire, géomagnétique et des aurores

A gauche, cet enregistrement du 20-22 octobre 1999 montre une absence de protons énergiques et le niveau élevé (au-dessus des pointillés) d'électrons de haute énergie. Leur intensité chute durant une période de 24 heures lors des tempêtes géomagnétiques récurrentes. L'indice Kp indiqué est une valeur estimée et non définitive calculée en Allemagne. Au centre, mesures en haute résolution temporelle (5 minutes) de l'intensité des rayons X, des électrons (blancs) et protons de plus hautes énergies (rouge) et trois composantes du champ géomagnétique dont Hp dans l'environnement immédiat du satellite GOES situé à hauteur de l'orbite géostationnaire. A droite, variation des "notes musicales" de l'indice Kp mettant en évidence les périodes de tempêtes géomagnétiques, en particulier la "Grande Tempête Magnétique" de mars 1989 (panneau supérieur de l'agrandissement, avec un indice Ap*=285 et un flux de 3500 protons) ainsi qu'une deuxième grande tempête en mars 1991 (panneau inférieur de l'agrandissement, AP*=181, 43000 protons). En comparant ces deux derniers panneaux on constate qu'un large flux de protons ne produit pas proportionnellement une forte tempête géomagnétique.

- Des tempêtes aurorales secondaires qui sont la manifestation d'une dépression globale dans la composante horizontale du champ géomagnétique. L'amplitude de ces changements est décrite et quantifiée par la variation des indices de l'activité magnétique (Ap*, etc). Par leurs effets, les systèmes de courants et les champs impactent directement les satellites.

- Des électrons "tueurs" de plus de 2 MeV qui arrivent à hauteur de l'orbite géostationnaire environ 24 heures après l'émergence d'une tempête géomagnétique. Leur nombre peut augmenter d'un facteur deux à cinq sur l'orbite géostationnaire et ils peuvent subsister durant quelques jours à quelques semaines. Une exposition à ces électrons persistants et de forte énergie est accompagnée d'une surcharge électrique massive des satellites provoquant des phénomènes d'arcs électriques qui peuvent endommager leurs éléments vitaux.

L'effet du cycle solaire

Si on trace l'évolution du cycle solaire depuis un siècle et qu'on le superpose aux occurences des tempêtes géomagnétiques on obtient un schéma similaire à celui présenté ci-dessous. On constate qu'il existe une corrélation entre les deux manifestations.

Corrélation entre le cycle des taches solaires et le nombre de tempêtes géomagnétiques dont l'activité Ap >= 40, selon J.H.Allen.

On constate immédiatement que les tempêtes géomagnétiques sont distribuées différemment du cycle des taches solaires. Les pics de tempêtes semblent plus importants en phase d'augmentation du nombre de taches solaires mais surtout durant la phase de déclin du cycle solaire. Certains groupes de tempêtes géomagnétiques présentent une période bimodale, certains trimodales.

L'évaluation de l'indice Ap* (moyenne de l'activité géomagnétique sur 24 heures) pour une tempête déterminée indique qu'il est supérieur à tous les indices Ap et ce 87% du temps.

Si on analyse les tempêtes aux seuils de 40, 60, 80 et 100 on observe que les tempêtes les plus importantes suivent plus ou moins la même distribution temporelle que les tempêtes de moindre importance. Toutefois celles dont l'indice Ap* est compris entre 40-60 sont des tempêtes récurrentes qui durent plusieurs jours en phase de déclin du cycle solaire.

Si on compare ce graphique au nombre d'anomalies observées chaque année sur les satellites, on découvre qu'en général elles suivent le cycle des tempêtes géomagnétiques à la fois d'une année à l'autre mais également de manière saisonnière au cours d'une même année. Les anomalies observées sur TDRS-1 n'obéissent toutefois pas à ce schéma.

Notons au passage que la chaleur dégagée par la haute atmosphère par les courants produisant les variations d'intensité d'une tempête géomagnétique augmente la trace (résistance) des satellites mais n'est pas considérée comme "anormale" mais elle peut varier parallèlement aux nombres d'anomalies observées pour certains satellites.

L'effet CME

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la formation des aurores, quelques jours après l'émission d'une éruption de masse coronale (CME) par le Soleil, suite à la pression de l'onde de choc sur la géomagnétosphère les orages géomagnétiques entraînent une surchauffe de la haute atmosphère terrestre.

Entre 125 et 300 km d'altitude la densité de l'atmosphère peut varier d'un facteur 2 à 5, entraînant la retombée accélérée des satellites artificiels. En quelques heures les contrôleurs du NORAD voient ainsi sur leurs écrans plusieurs centaines de satellites changer d'orbite. Solar Max chuta ainsi de plusieurs kilomètres. Des rushes d'activité dans les salles de contrôle surviennent donc systématiquement pendant les éruptions solaires les plus fortes.

A consulter : Real Time Satellite Tracking and Prediction

Toutes les salles de contrôle des satellites, qu'elle soient publiques, civiles ou militaires sont concernées par l'activité solaire. De gauche à droite et de haut en bas, l'une des rares images de la salle de contrôle du NORAD à Cheyenne Mountain (rénovée), celle grand luxe de la société de diffusion américaine RPG qui exploite le satellite Radio XM, celle de la société des satellites ASTRA au Luxembourg et celle de l'ESOC à l'ESA. Vous trouverez d'autres images de salles de contrôle sur cette page.

En avril 2002, suite à l'émission d'une CME par le Soleil, une dizaine de satellites artificiels furent endommagés y compris la sonde japonaise Nozomi, Espoir en français, qui devait explorer Mars en 2004. Ses moyens de télécommunication furent temporairement coupés mais les ingénieurs ne sont jamais parvenus à redémarrer ses radiateurs électriques, ceux-là même qui réchauffent l'hydrazine pour les manoeuvres orbitales. On peut dire que le Soleil l'a détruite.

Bien qu'une CME véhicule énormément d'énergie, le risque qu'encourent les astronautes est négligeable. En effet, la navette spatiale et la plupart des sondes habitées sont placées sur des orbites basses, profondément enfouies dans la magnétosphère. Ils sont à la fois protégés par le champ de force de la magnétosphère et par le vaisseau qui les abritent.

Salle de contrôle de la navette spatiale au Johnson Space Center. Ici aussi on surveille de près l'activité solaire pour ne pas mettre la vie des astronautes en danger durant les EVA.

Pour les astronautes comme pour les passagers et les pilotes des avions de ligne, une éruption solaire très intense (classe X) ainsi qu'un flux de rayons cosmiques émis par une supernova leur fait subir l'équivalent de quelques radiographies (quelques dizièmes de rem alors ques les tissus du corps peuvent supporter entre 100 et 600 rem) et le danger de radiation est nul.

Ceci dit, ils recoivent tout de même des doses qui, cumulées, peuvent devenir dangereuses si elles dépassent 360 mrem (3.6 mSv) en l'espace d'une année.

Pour éviter toute complication, étant donné qu'ils répètent ces voyages ou effectuent des missions de longues durées en haute altitude, une exposition prolongée accroît le risque de contamination.

Par prudence les sorties extravéhiculaires des astronautes sont donc suspendues pendant les éruptions particulièrement violentes et les astronautes d'ISS se réfugient dans le module de commande (à l'époque de la navette spatiale, le bouclier de sa face ventrale était orienté face au Soleil).

 Il est également arrivé que l'on ait demandé aux pilotes du Concorde et aux gros porteurs de suspendre un vol durant les éruptions solaires les plus intenses par mesure de sécurité. En général les alertes ne durent pas plus de quelques heures.

Mais face aux rayonnements galactiques ou aux radiations émises par les supernovae extragalactiques aucun bouclier n'est vraiment efficace. Que faire en effet lorsque des ions de fer traversent le système solaire à une vitesse voisine de celle de la lumière... Dans ces conditions le risque de lésions est réel pour les astronautes.

L'effet d'équinoxe

Chaque année, les centres contrôlant les satellites radio et TV situés dans l'hémisphère nord et assurant la réception des communications downlink (entre les satellites et la Terre) subissent des pannes de "transit solaire" durant les trois semaines et demi qui précèdent l'Équinoxe de printemps et qui suivent l'Équinoxe d'automne.

Cette "panne", également appelée fading solaire, se produit lorsque le Soleil est aligné dans l'axe reliant le satellite à l'antenne terrestre de downlink. Le rayonnement solaire interfère alors avec les signaux émis par le satellite. Durant cette période, vous pouvez entendre un augmentation du bruit dans le signal du réseau audio ou même carrément perdre le signal audio.

Ce fading solaire a très peu d'effet en début de période, puis augmente progressivement jusqu'à la date de paroxysme pour graduellement diminuer d'intensité avant de disparaître. Les dates de début et de fin propres à votre lieu déterminent la sévérité du phénomène un jour donné.

Mais que vous habitiez à l'ouest ou sud de la zone de fading, dans tous les cas la panne est limitée à une fenêtre d'une demi-heure. Les époques précises varient en fonction du lieu, de la date et des caractéristiques de l'antenne de downlink.

Ce phénomène touche tous les satellites géostationnaires, et étant donné qu'on ne peut pas l'éviter, les ingénieurs se limitent à prédire précisément leurs occurrences. La plupart des sociétés proposent leurs prévisions au public telle SES Americom qui travaille avec le département Satellite Service de la compagnie ABC Radio Network aux Etats-Unis ou la société des satellites ASTRA au Luxembourg. L'information peut vous être communiquée par email, les données étant calculées pour chaque ville. Voici un exemple de prévisions d'interférences solaires établies pour Luxembourg-ville pour l'année 2004-2005.

L'effet du statique

Rappelons que le rayonnement électromagnétique solaire de forte énergie provoque non seulement des dommages aux satellites placés sur les orbites les plus élevées, mais il corrode également le matériel au sol, affectant les systèmes électriques de transmission. Voici par exemple la liste des principaux incidents survenus durant la tempête géomagnétique de mars 1989 qui conduisit à la coupure générale d'électricité au Québec :

Conséquences de la tempête géomagnétique de mars 1989

6 mars 1989 :

Eruption dans la région AR 5395 produisant 10 éruptions de classe X et 48 éruptions de rayons X dont une éruption X15./3B (35N, 69E) à 1354 TU suivi de 9 éruptions de classes X1.1-X6.5 jusqu'au 17 mars 1989.

8 mars 1989 : 

Flux de protons > 10 MeV atteint 3500 pfu à partir de 1735 TU

13 mars 1989 :

Le radar de Surveillance Spatiale du NAVSPASUR identifia des échos non corrélés suite à l'éruption solaire dont plus de 5500 évènements le 18 mars 1989

6-13 mars 1989 :

 

Réseau de radionavigation LORAN interrompu; réseau radio HF incapable de transmettre les alertes

Réseau MARS de l'US Navy "out" partout dans le monde

Ionosphère "invisible" sous 50 MHz; les services amateur, police, etc., reçoivent de forts signaux parasites; les ondes-courtes sont inutilisables

Réseau VLBI capte des signaux puissants en VHF

Relevés GPS inopérants aux Etats-Unis, Canada et Australie.

13-14 mars 1989 :

 

Coupure générale de courant (blackout) sur le réseau hydro-québecquois de James Bay (Ap*=285).

Réseau électrique de Scandinavie coupé dans le centre et le sud de la Suède

Coupures locales de courant à travers les Etats-Unis; des transformateurs brûlent

Centrales nucléaires du NE des Etats-Unis en mode sécurité.

Corrosion des pipelines en Australie

Variation de tension sur les câbles sous-marins Transatlantique et Pacifique.

Le champ électromagnétique provoque également des décharges d'électricité statique autour des pylônes à haute tension au point de faire sauter les systèmes de sécurité ou d'endommager les transformateurs à huile. Dans la réaction en chaîne qui s'ensuit, toute une région peut-être plongée dans l'obscurité. Un célèbre cas de ce genre s'est produit au Canada le 13 mars 1989, plongeant 6 millions de Québécois et une partie des Etats-Unis dans l'obscurité totale pendant 10 heures ! Reportez-vous au dossier consacré aux aurores pour plus de détails.

A gauche, draperie observée en Nouvelle Zélande (46°S) par Stephen Voss le 8 septembre 2002. A droite, Todd Carlson photographia le ciel de Toronto (43°N) durant et après le blackout survenu au Canada dans la nuit du 13 au 14 mars 1989.

Ceci dit, toutes les perturbations géospatiales ne sont pas provoquées par l'activité solaire mais la plupart d'entre elles le sont. Toutes les éruptions ne donnent pas lieu à des CME, toutes les CME ne sont pas accompagnées d'éruptions, et toutes les CME ne génèrent pas d'intenses courants de plasma capables de perturber l'environnement terrestre. En effet, le champ géomagnétique peut également perturber le bon fonctionnement des satellites.

Dernier chapitre

Commandes fantômes et fausses opérations

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