Les
défaillances des satellites
écrit
en collaboration avec le Dr. Joe H. Allen du NGDC/NOAA
Origines
des perturbations (II)
Pour
que l'activité solaire provoque un incident sur un satellite
orbital, qu'il soit dans le milieu interplanétaire ou en orbite à
l'intérieur de la magnétosphère, ou sur des infrastructures ou
des êtres humains au sol ou résidants dans l'espace, l'onde ou
l'objet concerné doit provenir du Soleil. Il est donc constitué de
l'un des éléments suivants :
-
Des radiations électromagnétiques telles que la lumière,
les rayons X et UV ainsi que d'autres ondes électromagnétiques
émises par le Soleil qui effectent l'ionosphère et donc les
communications.
-
Des particules de haute énergie, en particulier des protons,
des particules alpha (noyaux d'hélium) et des ions lourds (atomes
plus ou moins ionisés) émis par les CME qui finissent par aboutir
sur Terre. Des flots successifs de particules peuvent se rassembler
et former une onde de choc qui ramasse les autres plasmas dans sa
course. Cette onde de choc compresse la magnétosphère en deçà de
l'orbite géostationnaire, augmente la densité des Ceintures de Van
Allen et provoque des tempêtes magnétiques et des tempêtes
secondaires (sous-tempêtes).
-
Des tempêtes géomagnétiques qui sont des perturbations
dans l'environnement terrestre dépassant les variations
journalières régulières. Ces tempêtes se manifestent lorsqu'un
grand nuage d'électrons pénètre dans la magnétosphère. Les
électrons perturbent le champ géomagnétique et les systèmes de
courants, augmentant la charge électrique près de la surface
terrestre. Nous verrons dans le chapitre consacré aux aurores
de quelles manières ces tempêtes donnent naissance à ces lueurs
évanescentes.
A
consulter : Statut
temps-réel de l'activité solaire, géomagnétique et des aurores
-
Des tempêtes aurorales secondaires qui sont la manifestation
d'une dépression globale dans la composante horizontale du champ
géomagnétique. L'amplitude de ces changements est décrite et
quantifiée par la variation des indices de l'activité magnétique
(Ap*, etc). Par leurs effets, les systèmes de courants et les
champs impactent directement les satellites.
-
Des électrons "tueurs" de plus de 2 MeV qui
arrivent à hauteur de l'orbite géostationnaire environ 24 heures
après l'émergence d'une tempête géomagnétique. Leur nombre peut
augmenter d'un facteur deux à cinq sur l'orbite géostationnaire et
ils peuvent subsister durant quelques jours à quelques semaines.
Une exposition à ces électrons persistants et de forte énergie
est accompagnée d'une surcharge électrique massive des satellites
provoquant des phénomènes d'arcs électriques qui peuvent
endommager leurs éléments vitaux.
L'effet
du cycle solaire
Si
on trace l'évolution du cycle solaire depuis un siècle et qu'on le
superpose aux occurences des tempêtes géomagnétiques on obtient un
schéma similaire à celui présenté ci-dessous. On constate qu'il
existe une corrélation entre les deux manifestations.
|
Corrélation
entre le cycle des taches solaires et le nombre de tempêtes
géomagnétiques dont l'activité Ap >= 40, selon
J.H.Allen. |
On
constate immédiatement que les tempêtes géomagnétiques
sont distribuées différemment du cycle des taches solaires.
Les pics de tempêtes semblent plus importants en phase
d'augmentation du nombre de taches solaires mais surtout
durant la phase de déclin du cycle solaire. Certains groupes
de tempêtes géomagnétiques présentent une période
bimodale, certains trimodales.
L'évaluation
de l'indice Ap* (moyenne de l'activité géomagnétique sur 24
heures) pour une tempête déterminée indique qu'il est
supérieur à tous les indices Ap et ce 87% du temps.
Si
on analyse les tempêtes aux seuils de 40, 60, 80 et 100 on
observe que les tempêtes les plus importantes suivent plus ou
moins la même distribution temporelle que les tempêtes de
moindre importance. Toutefois celles dont l'indice Ap* est
compris entre 40-60 sont des tempêtes récurrentes qui durent
plusieurs jours en phase de déclin du cycle solaire.
Si
on compare ce graphique au nombre d'anomalies observées chaque année
sur les satellites, on découvre qu'en général elles suivent le
cycle des tempêtes géomagnétiques à la fois d'une année à
l'autre mais également de manière saisonnière au cours d'une même
année. Les anomalies observées sur TDRS-1 n'obéissent toutefois pas
à ce schéma.
Notons
au passage que la chaleur dégagée par la haute atmosphère par les
courants produisant les variations d'intensité d'une tempête géomagnétique augmente la trace (résistance) des satellites mais
n'est pas considérée comme "anormale" mais elle peut
varier parallèlement aux nombres d'anomalies observées pour certains
satellites.
L'effet
CME
Ainsi que nous
l'avons expliqué à propos de la formation des aurores,
quelques jours après l'émission d'une éruption de
masse coronale (CME) par le Soleil, suite à la pression
de l'onde de choc sur la géomagnétosphère les orages géomagnétiques entraînent
une surchauffe de la haute atmosphère terrestre.
Entre 125 et 300 km d'altitude la densité de l'atmosphère
peut varier d'un facteur 2 à 5, entraînant la retombée accélérée
des satellites artificiels. En quelques heures les contrôleurs du
NORAD voient ainsi sur leurs écrans plusieurs centaines de satellites
changer d'orbite. Solar Max chuta ainsi de plusieurs kilomètres. Des
rushes d'activité dans les salles de contrôle surviennent donc systématiquement
pendant les éruptions solaires les plus fortes.
A
consulter : Real
Time Satellite Tracking and Prediction
|
|
Toutes
les salles de contrôle des satellites, qu'elle soient
publiques, civiles ou militaires sont concernées par
l'activité solaire. De gauche à droite et de haut en bas,
l'une des rares images de la salle de contrôle du NORAD à Cheyenne
Mountain (rénovée), celle grand luxe de la société
de diffusion américaine RPG qui exploite le satellite
Radio XM, celle de la société des satellites ASTRA
au Luxembourg et celle de l'ESOC à l'ESA. Vous
trouverez d'autres images de salles de contrôle sur cette
page. |
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En
avril 2002, suite à l'émission d'une CME par le Soleil, une dizaine de satellites
artificiels furent endommagés y compris la sonde japonaise Nozomi,
Espoir en français, qui devait explorer Mars en 2004. Ses moyens de
télécommunication furent temporairement coupés mais les
ingénieurs ne sont jamais parvenus à redémarrer ses radiateurs
électriques, ceux-là même qui réchauffent l'hydrazine pour les
manoeuvres orbitales. On peut dire que le Soleil l'a détruite.
Bien
qu'une CME véhicule énormément d'énergie, le risque qu'encourent les
astronautes est négligeable. En effet, la navette spatiale et la
plupart des sondes habitées sont placées sur des orbites basses,
profondément enfouies dans la magnétosphère. Ils sont à la fois
protégés par le champ de force de la magnétosphère et par le
vaisseau qui les abritent.
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Salle de contrôle de la navette spatiale au
Johnson Space Center. Ici aussi on surveille de près l'activité solaire pour ne pas mettre la vie des astronautes en danger durant les EVA. |
Pour
les astronautes comme pour les passagers et les pilotes des
avions de ligne, une éruption solaire très intense (classe
X) ainsi qu'un flux de rayons cosmiques émis par une
supernova leur fait subir l'équivalent de quelques
radiographies (quelques dizièmes de rem alors ques les tissus
du corps peuvent supporter entre 100 et 600 rem) et le danger
de radiation
est nul.
Ceci dit, ils recoivent tout de même des doses qui,
cumulées, peuvent devenir dangereuses si elles dépassent
360 mrem (3.6 mSv) en l'espace d'une année.
Pour
éviter toute complication, étant donné qu'ils répètent
ces voyages ou effectuent des missions de longues durées en
haute altitude, une exposition prolongée accroît le risque
de contamination.
Par prudence les sorties extravéhiculaires des astronautes sont donc suspendues pendant les éruptions particulièrement violentes
et les astronautes d'ISS se réfugient dans le module de commande
(à l'époque de la navette spatiale, le bouclier de sa face ventrale
était orienté face au Soleil).
Il est également arrivé que l'on ait
demandé aux pilotes du Concorde et aux gros porteurs de
suspendre un vol durant les éruptions solaires les plus
intenses par mesure de sécurité. En général les alertes ne
durent pas plus de quelques heures.
Mais
face aux rayonnements galactiques ou aux radiations émises par les
supernovae extragalactiques aucun bouclier n'est vraiment efficace.
Que faire en effet lorsque des ions de fer traversent le système
solaire à une vitesse voisine de celle de la lumière... Dans ces
conditions le risque de lésions est réel pour les astronautes.
L'effet
d'équinoxe
Chaque
année, les centres contrôlant les satellites radio et TV situés
dans l'hémisphère nord et assurant la réception des
communications downlink (entre les satellites et la Terre) subissent
des pannes de "transit solaire" durant les trois
semaines et demi qui précèdent l'Équinoxe de printemps et qui
suivent l'Équinoxe d'automne.
Cette
"panne", également appelée fading solaire, se produit
lorsque le Soleil est aligné dans l'axe reliant le satellite à
l'antenne terrestre de downlink. Le rayonnement solaire interfère
alors avec les signaux émis par le satellite. Durant cette
période, vous pouvez entendre un augmentation du bruit dans le
signal du réseau audio ou même carrément perdre le signal audio.
Ce
fading solaire a très peu d'effet en début de période, puis
augmente progressivement jusqu'à la date de paroxysme pour
graduellement diminuer d'intensité avant de disparaître. Les dates
de début et de fin propres à votre lieu déterminent la
sévérité du phénomène un jour donné.
Mais que vous habitiez à
l'ouest ou sud de la zone de fading, dans tous les cas la panne est
limitée à une fenêtre d'une demi-heure. Les époques
précises varient en fonction du lieu, de la date et des
caractéristiques de l'antenne de downlink.
Ce phénomène touche tous les
satellites géostationnaires, et étant donné qu'on ne peut pas
l'éviter, les ingénieurs se limitent à prédire précisément
leurs occurrences. La plupart des sociétés proposent leurs prévisions
au public telle SES Americom qui travaille avec le département Satellite
Service de la compagnie ABC Radio Network aux Etats-Unis ou la
société des satellites ASTRA
au Luxembourg. L'information peut vous être communiquée par email,
les données étant calculées pour chaque ville. Voici un
exemple de prévisions d'interférences solaires établies pour
Luxembourg-ville pour l'année 2004-2005.
L'effet
du statique
Rappelons
que le rayonnement électromagnétique solaire de forte énergie provoque
non seulement des dommages aux satellites placés sur les orbites
les plus élevées, mais il corrode également le matériel au sol,
affectant les systèmes électriques de transmission. Voici par
exemple la liste des principaux incidents survenus durant la tempête
géomagnétique de mars 1989 qui conduisit à la coupure générale
d'électricité au Québec :
Conséquences
de la tempête géomagnétique de mars 1989 |
6
mars 1989 : |
Eruption
dans la région AR 5395 produisant 10 éruptions de
classe X et 48 éruptions de rayons X dont une éruption
X15./3B (35N, 69E) à 1354 TU suivi de 9 éruptions de
classes X1.1-X6.5 jusqu'au 17 mars 1989. |
8
mars 1989 : |
Flux
de protons > 10 MeV atteint 3500 pfu à partir de
1735 TU |
13
mars 1989 : |
Le
radar de Surveillance Spatiale du NAVSPASUR identifia
des échos non corrélés suite à l'éruption solaire
dont plus de 5500 évènements le 18 mars 1989 |
6-13
mars 1989 :
|
Réseau
de radionavigation LORAN interrompu; réseau radio HF
incapable de transmettre les alertes
Réseau
MARS de l'US Navy "out" partout dans le monde
Ionosphère
"invisible" sous 50 MHz; les services amateur,
police, etc., reçoivent de forts signaux parasites; les
ondes-courtes sont inutilisables
Réseau
VLBI capte des signaux puissants en VHF
Relevés
GPS inopérants aux Etats-Unis, Canada et Australie. |
13-14
mars 1989 :
|
Coupure
générale de courant (blackout) sur le réseau hydro-québecquois de James Bay (Ap*=285).
Réseau
électrique de Scandinavie coupé dans le centre et le
sud de la Suède
Coupures
locales de courant à travers les Etats-Unis; des
transformateurs brûlent
Centrales
nucléaires du NE des Etats-Unis en mode sécurité.
Corrosion
des pipelines en Australie
Variation
de tension sur les câbles sous-marins Transatlantique et
Pacifique. |
|
Le champ
électromagnétique provoque également des décharges
d'électricité statique autour des pylônes à haute tension au
point de faire sauter les systèmes de sécurité ou d'endommager
les transformateurs à huile. Dans la réaction en chaîne qui
s'ensuit, toute une région peut-être plongée dans l'obscurité.
Un célèbre cas de ce genre s'est produit au Canada le 13 mars
1989, plongeant 6 millions de Québécois et une partie des
Etats-Unis dans l'obscurité totale pendant 10 heures ! Reportez-vous
au dossier consacré aux aurores pour plus de détails.
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|
A
gauche, draperie observée en Nouvelle Zélande (46°S)
par Stephen
Voss le 8 septembre 2002. A droite, Todd
Carlson photographia le ciel de Toronto (43°N)
durant et après le blackout survenu au Canada dans la nuit du
13 au 14 mars 1989. |
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Ceci
dit, toutes les perturbations géospatiales ne sont pas provoquées
par l'activité solaire mais la plupart d'entre elles le sont.
Toutes les éruptions ne donnent pas lieu à des CME, toutes
les CME ne sont pas accompagnées d'éruptions, et toutes les CME ne
génèrent pas d'intenses courants de plasma capables de perturber
l'environnement terrestre. En effet, le champ géomagnétique peut
également perturber le bon fonctionnement des satellites.
Dernier chapitre
Commandes
fantômes et fausses opérations
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