Les
défaillances des satellites
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Chip
mémoire Fairchild 93L422 de 1 MB. Il équipe les satellites
TDRS-1 et le Télescope Spatial Hubble. Il est connu pour
présenter des anomalies au-dessus de la SAA. |
écrit
en collaboration avec le Dr. Joe H. Allen du NGDC/NOAA
Commandes
fantômes et fausses opérations (III)
Les
satellites géostationnaires de la classe GOES sont sujets à
plusieurs types d'anomalies que les physiciens de la NOAA ont
étudié de près dans les années 1980, en particulier Dan
Wilkinson. On enregistre principalement trois types d'anomalies :
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Les commandes fantômes (Phantom Commands, PC)
-
Les perturbations isolées (Single Event Upsets, SEU)
-
Les pannes partielles aléatoires (Random Part Failures, RPF).
Une commande fantôme
ou PC est le nom donné à un type d'anomalie par lequel l'instrument d'un satellite s'active alors qu'il est
coupé, ou l'inverse, comme si une commande avait été envoyée en
dehors de la séquence planifiée par un contrôle au sol
fantôme...
Les
perturbations isolées ou SEU sont provoquées par des particules
chargées de haute énergie (protons, particules alpha, ions lourds)
qui pénètrent les composants (mémoire, processeur) et
"brûlent" une piste ou un conducteur ou y déposent une
charge électrique qui modifie le contenu de la mémoire ou les
données en cours de calcul dans le processeur.
Les
pannes partielles aléatoires ou RPF concernent des phénomènes plus
rares qui se manifestent lorsqu'un composant ne fonctionne plus. Si
le satellite continue de fonctionner, les contrôleurs prennent tout
de même la précaution de basculer les opérations sur un composant
redondant.
De
telles anomalies peuvent être considérées comme de simples
nuisances pour les opérateurs mais elles peuvent également
dégrader le fonctionnement des systèmes vitaux du satellite.
Ces
anomalies sont le plus souvent regroupées dans un secteur compris
entre "minuit et l'aube" de l'orbite d'un satellite
géostationnaire comme indiqué dans les schémas présentés
ci-dessous. Ils se rassemblent aussi en mode bi-modaux à chaque
saison avec un pic apparaissant dans les jours qui précèdent et
qui suivent chaque équinoxe. Ce phénomène est lié à la position
du Soleil par rapport au satellite mais il est différent de l'effet
d'équinoxe décrit précédemment.
Au
moins un ingénieur aérospatial rapporte également des anomalies
peu de temps avant l'aube ou près du crépuscule. Il apparaît
qu'un satellite peut provoquer une émission thermique d'électrons
significative sur la surface de son antenne primaire exposée au
Soleil.
Lorsque
le satellite approche du terminateur terrestre à l'aube ou au crépuscule,
l'antenne porte une ombre sur elle-même créant des conditions dans
lesquelles un courant de surface différentiel peut se manifester en
présence d'un apport d'électrons de plus faible
énergie. Ces électrons proviennent de la queue
géomagnétique et sont injectés durant les tempêtes magnétiques
ou les tempêtes secondaires aurorales. La distribution des
tempêtes géomagnétiques et l'évolution des indices Kp ou Ap
montrent qu'il existe des pics d'équinoxes similaires à ceux des
anomalies PC, dont l'origine est également corrélée à un surplus
d'électrons magnétosphériques. Les satellites GOES et autre DSCS
subissent régulièrement de telles anomalies entre minuit et l'aube
comme indiqué dans les diagrammes présentés ci-dessus.
Il
existe un dernier type d'anomalie. L'impact d'une
micrométéorite ou d'une particule de forte énergie par exemple
près d'un composant électronique peut générer de faux signaux
similaires à ceux générés par les électrons "tueurs"
décrits précédemment. Sous l'impact, un plasma dense s'échappe
superficiellement du composant touché. En se diffusant il s'opère
une séparation des charges qui peut être interprétée comme des
signaux par les ordinateurs, mais il ne s'agit en fait que
d'anomalies sans autre conséquence que d'afficher une erreur de
calcul par exemple. De tels signaux peuvent se manifester par
dizaines indépendamment des éruptions solaires, de la position du
satellite par rapport au méridien ou des essaims de météores.
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L'impact
d'une micrométéorite ou d'une particule de forte
énergie peut provoquer de faux signaux interprétés par
les ordinateurs comme de véritables anomalies. |
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Suite
aux premières anomalies observées sur le satellite
géostationnaire GEOS 4, les ingénieurs ont apporté des
modifications à GOES 5. Alors qu'en période d'activité
géomagnétique intense, où les indices Kp et Ap provoquaient une
montée exponentielle des anomalies sur GOES 4, les modifications
de conception apportées au nouveau satellite réduisirent ce taux à
une valeur linéaire dans le temps et trois ou quatre fois
inférieur aux anciennes mesures comme indiqué dans le graphique
présenté ci-dessous.
Des
corrélations ont également été établies entre les anomalies
constatées sur le satellite TDRS-1 et l'activité galactique et
solaire, au point de surnommer TDRS-1 le "premier détecteur de
rayons cosmiques volant à circuits intégrés"... Le schéma
présenté ci-dessous à droite montre le cycle solaire 22 dans le
panneau inférieur.
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A
gauche, fréquence des anomalies sur le satellite
géostationnaire GOES 4 en fonction de l'intensité du
champ géomagnétique (Kp) et résultat nettement plus
linéaire après modification conceptuelle de GOES 5.
A droite, corrélations entre le nombre d'anomalies
mémoire (de fausses valeurs de check sum) constatées
sur TDRS-1, le flux de neutrons galactique et
l'activité solaire. Doc NASA/GSFC
et Dan Wilkinson, NGDC. |
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Le
panneau central montre la variation du nombre de neutrons d'origine
galactique telle qu'enregistrée par l'observatoire de Deep River au
Canada. Leur taux est modulé par le vent solaire interplanétaire
et atteint son maximum à proximité du minimum du cycle solaire et
décline à mesure que l'activité solaire augmente comme l'indique
le graphique. Le panneau supérieur trace le nombre de pannes
isolées survenues chaque semaine durant la même période. Ainsi
que le suspectait Don Vincent, contrôleur de TDRS-1 en 1985, les
anomalies liées à des erreurs de "check sum" des chips
mémoire sont corrélées avec la variation d'intensité du flux de
neutrons parvenant sur Terre à travers les rayons cosmiques
d'origine galactique.
Influence
de la SAA
Nous
avons vu à propos de la Terre que dans l'Atlantique Sud, la Ceinture de Van Allen descend jusqu'à 200 km
d'altitude comme indiqué dans le profil présenté ci-dessous, c'est la "South
Atlantic Anomaly" ou SAA dont l'origine est géomagnétique. Des électrons
de quelques MeV et des protons de plus de 50 MeV y circulant, cette anomalie
géomagnétique entraîne des perturbations sur les satellites orbitant entre
100 et 1500 km d'altitude et peut occasionnellement concerner les astronautes.
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Profil
de l'Anomalie Atlantique Sud. Document ESA/ESTEC. |
Le
célèbre Télescope Spatial Hubble (HST) par exemple, dont on voit une
image ci-dessous, n'eut pas seulement les défaillances optiques que
nous connaissons et qui ont nécessité l'ajout d'une optique corrective, mais ses
instruments étaient (et sont toujours) sensibles aux particules de haute
énergie. Conçu dans les années 1980, le HST utilisait en effet un chip mémoire
Fairchild 93L422 que l'on avait déjà identifié en 1985 sur TDRS-1 comme étant très
sensible aux impacts corpusculaires isolés.
Ainsi
les coupleurs optroniques (New technology) du HST ont connu des
pannes temporaires lorsque le télescope traversait la SAA et
plongeait dans les nuages vraisemblablement constitués de protons
de haute énergie. Un instrument dut être coupé durant 7 orbites
sur 16 chaque jour, les astronomes perdant 50 à 60% de temps d'observation
par la même occasion au point que certaines études ont dû
être reportées ou annulées !
Ajoutons à cela une utilisation
prématurée des stabilisateurs gyroscopiques et le besoin pressant
de corriger l'optique d'Hubble, ces différents problèmes ont
nécessité une mission de secours de la navette spatiale à une
altitude inhabituellement élevée de 610 km fin 1993.
Si
les protons de haute énergie peuvent perturber le
fonctionnement des instruments électroniques, si on
considère les yeux des astronautes comme des
"détecteurs optiques" on peut supposer qu'ils ont
certainement été affectés en octobre 1989 lorsque plusieurs
d'entre eux rapportèrent avoir les yeux brûlants et
présentant des signes d'irritation. Ces symptômes
persistèrent, y compris après que les astronautes se soient
réfugiés dans la partie blindée de la navette spatiale.
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Le
Télescope Spatial Hubble photographié au cours de la mission
de maintenance STS-103 (Discovery) en décembre 1999. Document
NASA/ESA/STScI.
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En
juillet 2000, il fut évident à travers les données et des images reçues en
temps-réel que les observatoires orbitaux furent touchés,
tant les systèmes optiques que les autres détecteurs. Mais
il n'est pas toujours possible de corréler chaque effet avec
une cause déterminée dès le moment où les conditions sont fortement
perturbées.
Les
orbites basses autour de la Terre sont donc tout aussi "dangereuses"
que les tempêtes géomagnétiques qui
surviennent relativement moins souvent. La SAA est d'autant plus
"douloureuse" pour les astronautes et autre cosmonaute que
son effet s'accentue pendant les tempêtes avec l'injection de
particules dont l'énergie dépasse 10 MeV, et ce parfois durant plus
de 24 heures. Ce n'est plus une bouée en plastique que l'on donnera
bientôt aux astronautes mais une boue de plomb s'ils veulent préserver
leur vie ! On y reviendra dans l'article consacré au mal
de l'espace.
En
résumé l'espace interplanétaire doit être considéré comme un
milieu vraiment hostile, non seulement pour l'être humain mais
également pour tout instrument scientifique, et pas seulement en
raison du vide et du froid qu'il y règne, mais également en raison
des doses importantes de radiations auxquelles ils peuvent être
soumis qui, à doses prolongées, sont létales et détruisent
irrémédiablement les instruments.
Nous
pouvons donc conclure que :
-
Les phases de déclin du cycle solaire en période de minimum sont
idéales pour les "électrons tueurs" aux altitudes
géostationnaires et inférieures (orbites GEO-LEO).
-
Les phases de paroxysme de l'activité solaire sont idéales pour les
protons de haute énergie et les ions lourds qui provoquent des pannes
isolées et une dégradation des détecteurs optiques et des panneaux
solaires.
-
Les tempêtes géomagnétiques majeures peuvent se manifester
n'importe quand et provoquer des effets spectaculaires sur les
satellites, les infrastructures et les êtres humains.
-
Tout satellite ou objet placé sur orbite devient un
"détecteur" permettant d'étudier l'environnement spatial.
A
voir : South Atlantic Anomaly impact radiation,
ESA, 2020
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A
gauche, les anomalies constatées sur les chips
mémoire du satellite UOSAT-2 (UO-11) orbitant à basse
altitude (LEO). A droite, l'extension de la SAA
enregistrée par le satellite SWARM en 2019. Au cours
des deux derniers siècles, le champ géomagnétique perdit
en moyenne ~9% de son intensité, son intensité minimale
passant d'environ 24000 nT à 22000 nT entre 1969 et 2019.
Documents NGDC/NOAA
et ESA/DTU
Space. |
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Mission spatiale
Parmi les prochaines missions spatiales,
le satellite ICON (Ionospheric Connection
Explorer) de la NASA lancé en 2019 par une fusée Pégase fut placé sur une orbite située
à 376 km d'altitude. Sa mission consiste à étudier la haute atmosphère de la Terre et
l'environnement spatial afin de caractériser les forces qui agissent sur la géomagnétosphère
et mieux comprendre les perturbations à l'origine des interférences et des pannes dans
les systèmes de communications spatiales et le réseau GPS.
Pour plus d'informations
Le
champ magnétique terrestre (sur ce site).
Bracing the Satellite Infrastructure for a Solar Superstorm,
Scientific American, August 2008.
En
1982, Winfield H.Farthing, James P.Brown et William C.Bryant ont
publié un Mémorandum technique ref. 83908 sur les anomalies pour
le compte du GSFC de la NASA
intitulé "Differential Spacecraft Charging on the Geostationnary Operational Environmental
Satellites", dont voici une copie en PDF
(1.6 MB).
Le site du NGDC/NOAA
propose plusieurs documents relatifs aux anomalies sur les satellites GOES ainsi
que sur la navette spatiale.
Le
NGDC/SCOSTEP, sous la plume
du Dr. Joe H. Allen, a publié un intéressant article au format
PDF sur les anomalies et les causes des pannes observées sur les satellites dont une version
plus complète est disponible sur CD-ROM.
Je
remercie le Dr. Joe H. Allen, spécialiste émérite du NGDC/NOAA de m'avoir permis d'utiliser
les informations qu'il a si précieusement rassemblées sur le
sujet. Le Dr Allen est également l'inventeur de l'indice
géomagnétique Ap* qu'il introduisit en 1975 pour classer plus
objectivement les degrés d'intensités des tempêtes
géomagnétiques enregistrées depuis 1932.
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