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Du projet SETI@home à BOINC

Document L.Cook.

Bénévolat et subsides (V)

Chaque année, la question d'argent revient au devant de la scène pour l'équipe de David Anderson et son équipe de SETI@home. 

Bénévolat et subsides sont souvent des termes antagonistes mais pas nécessairement incompatibles. La maintenance de SETI@home et Astropulse coûte entre 400000$ et 500000$ par an. Si on ajoute les universités impliquées dans ce projet en Italie, en Australie, en Argentine, à Berkeley, à Harvard, l'Institut SETI, celui de Santa Cruz et Princeton, on arrive à un budget annuel de 40 millions de dollars pour SETI. Par comparaison, l'Asci White d'IBM upgradé en 2007 coûta 110 millions de dollars, il est très encombrant et 4 fois plus lent !

A titre d'information, replacé dans le budget de la recherche, le budget mondial consacré à la bioastronomie représente 50 millions de dollars par an, même pas de quoi fabriquer une sonde spatiale ! Quant à l'astronomie, il est d'environ 1 milliard de dollars par an. SETI@home est donc un projet très bon marché dans cette enveloppe globale.

Paradoxalement, SETI@home, comme tout projet SETI, est peu soutenu par la communauté des astronomes. Cela ne veut pas dire qu'ils s'en désintéressent. Mais comment allez-vous expliquer à votre directeur que vous avez besoin d'argent pour capter des signaux radios (ou optique) provenant d'éventuelles intelligences extraterrestres... Quelle preuve avez-vous que ces créatures existent ? Telle est la question terre-à-terre qu'on vous posera. Les directeurs de projets ou leur commenditaires attendent des résultats concrets et ne courent pas après des lanternes, mis à part les militaires de l'USAF et de l'armée belge qui chassent de temps en temps les OVNI et autres lumières nocturnes !

A consulter sur le budget alloué à SETI : Openseti - Setiathome

De gauche à droite, Pedro Torres aux commandes de la salle de contrôle d'Arecibo, au centre une des nombreuses cartes DSP (FFT) en plein travail et à droite l'installation SETI@home installée à Arecibo. Documents Seth Shostak/SETI Institute et Jorgen Städje/QEDAB.

Il est pratiquement impossible de présenter un dossier SETI devant une commission de sénateurs dans quelque pays que ce soit : l'argent investi doit rapporter quelque chose et il n'est pas besoin de citer le nombre de "travaux inutiles" qui ont fait scandale pour comprendre la situation et le problème qui se pose à nous. L'incidence de SETI sur l'enveloppe budgétaire déjà réduite attribuée aux projets scientifiques occasionne des frais supplémentaires que certains jugent inutiles.

Les scientifiques aimeraient donc s'occuper de SETI mais ils manquent d'argent. Aussi l'idée de distribuer SETI@home est une solution attrayante et bon marché. Du reste la solution idéale réside dans le mécénat, le sponsoring, qui lui au moins ne risque pas de changer d'opinion en fonction des décisions politiques. Avec de la chance et des relations, la Planetary Society parvient à tirer son épingle du jeu et boucle chaque année son budget grâce aux donations privées. Prenons quelques exemples récents.

En août 2000, grâce à un partenariat entre le projet éducatif multimédia "Project Voyager", rebaptisé "One Cosmos Network", développé par Joe Firmage, un millionaire de la Silicon Valley et les Produtions Carl Sagan, auteur en autre de la série télévisée "Cosmos" et du film "Contact", l'Université de Berkeley reçut de l'argent frais en suffisance pour prolonger SETI@home durant 15 mois, jusqu'en 2002.

Etant donné le manque de ressources, en 2013 SETI@home analysait des données enregistrées 5 ans auparavant !

Entre 2003 et 2011, les principaux sponsors sont restés fidèles, à savoir la Planetary Society, Sun Microsystems et l'Université de Berkeley en Californie mais dans des proportions limitées. Et il n'y a pas de doute que le projet vivra encore longtemps sur de tels fonds privés.

En 2011, l'Universté de Berkeley fut contrainte de se retirer du projet Allen Telescope Array (ATA) consacré à SETI et géré par l'organisation privée non lucrative SRI International (qui gère également le radiotélescope d'Arecibo). 

Par chance, en 2012 l'homme d'affaire et philanthrope Paul Allen, cofondateur de Microsoft et actionnaire de Vulcan Ventures notamment, investit 30 millions de dollars afin que le projet ATA aboutisse. Son avenir est aujourd'hui quasi assuré.

David Anderson, qui n'est jamais à court d'idées, compte également sur le parrainage des grandes sociétés, tenant le pari que SETI peut conduire les grandes sociétés informatiques à développer des outils ou des technologies adaptées à ce projet. A côté de Sun Microsystems, de temps à autre de grandes sociétés d'informatique comme Intel, Fujifilm Computer Products, Informix et IBM contribuent au projet SETI@home. Bientôt de nouvelles startups s'y joindront à l'image de Firmage.org.

Les particuliers contribuent également financièrement au projet, les uns en s'abonnant au magazine de la Planetary Society, en devenant membre bienfaiteur ou, s'il sont fortunés, en versant une somme rondelette sur le bureau d'Anderson, ce que fit également Joe Firmage qui croit dur comme fer aux extraterrestres mais surtout au rôle d'Internet dans l'éducation multimedia. Les donations s'élèvent parfois à 100000$. Mais aux Etats-Unis elles peuvent être défiscalisées, ceci pouvant expliquer cela.

La donation de 100 millions de dollars de Yuri Milner

Par un heureux hasard, en 2015 comme le dit l'expression, le programme SETI bénéficia d'une "bonne fortune". Le milliardaire russe Yuri Milner, fondateur du fonds d'investissement DST Global (Digital Sky Technologies) annonça qu'il offrait 100 millions de dollars au programme SETI.

Ancien physicien et passionné d'Internet, à 53 ans, Milner gagna sa fortune en investissant dans Facebook, la messagerie Mail.ru et d'autres entreprises du web. Selon Forbes, Milne est aujourd'hui la 62e personne la plus riche du monde avec une fortune estimée à 3.2 milliards de dollars. Milne est aujourd'hui un investeur philanthrope aux idées primonitoires qui met sa fortune à la disposition des scientifiques.

Yuri Milner au cours de la conférence de presse "Breakthrough Life in the Universe Intitiatives" qui s'est tenue à Londres le 20 juillet 2015 en présence de Stephen Hawking, Lord Martin rees, Frank Drake, Ann Druyan et Geoff Marcy. Document Breakthrough Initiatives.

Le 20 juillet 2015 à Londres, Yuri Milner présenta la conférence de presse "Breakthrough Life in the Universe Intitiatives" en présence des ténors de la recherche SETI et de supporters inconditionnels : le physicien théoricien Stephen Hawking de l'Université de Cambridge, du cosmologiste et astrophysicien émérite Lord Martin Rees, du radioastronome Frank Drake de l'Institut SETI, de la journaliste et écrivaine Ann Druyan, l'épouse de Carl Sagan, qui participa à la conception du disque multimédia des sondes spatiales Voyager et de l'astronome Geoff Marcy de l'UCB, expert des exoplanètes.

Milner annonça qu'il offrait 100 millions de dollars au programme SETI, un investissement qui serait ventilé dans deux initiatives : " Breakthrough Listen" et " Breakthrough Message", dotant la première de 99% de la somme. On y reviendra.

Actuellement, SETI analyse simultanément les signaux sur 800000 canaux ou fréquences. ""Breakthrough Listen" permettra d'en scanner 10 milliards", précise Andrew Siemion, astrobiologiste et expert des logiciels SETI à l'Université de Berkeley.

Selon Marcy : "En un jour, Breakthrough Listen collectera plus de données qu'en un an avec les méthodes précédentes".

"Breakthrough Listen" permettra de sonder le ciel entier avec une sensibilité 50 fois supérieure à la technologie précédente. Il permettra également de surveiller 1 million d'étoiles proches du Soleil ainsi que dans le centre de la Galaxie contre 1000 étoiles proches jusqu'ici. En complément, il va également surveiller un centaine de galaxies proches en quête de signaux extraterrestres.

Selon les responsables du projet, s'il existe une civilisation technologique au centre de la Galaxie, il faudrait qu'elle utilise une technologie à peine 12 fois plus puissante que nos grandes antennes paraboliques (Arecibo de 100 m et Parkes de 64 m) pour que les programmes SETI puissent la détecter.

Selon Siemion, la donation de 100 millions de dollars de Milner devrait être ventilée dans trois enveloppes budgétaires :

- 1/3 de la somme servira à acheter du temps d’observation sur les deux plus grands radiotélescopes sachant qu'ils ne peuvent se consacrer à SETI qu'entre 15 et 20% de leur temps disponible

- 1/3 pour la masse salariale des scientifiques travaillant sur le projet

- 1/3 pour la mise à jour et la maintenance des instruments, y compris des logiciels d'analyse et des systèmes de stockage car il s'agit de Big Data.

En effet, en scannant 10 milliards de canaux, SETI accumulera 10 GB de données par seconde, soit près de 864 TB par jour ! C'est 9 fois plus que les installations du CERN et 30 fois plus que la quantité de données accumulée chaque nuit par les télescopes VLT ! Un autre "Wow" !

Mais l'Université de Berkeley, le SRI ou l'Institut SETI n'ont ni le budget ni les installations de la NSA, la seule entreprise capable de gérer 1 yottabyte de données soit 1 million de milliards de gigabytes !

Marcy avoue qu'il est impossible de stocker toutes les données enregistrées par SETI. Elles devront donc être d'abord préanalysées et les plus importantes seront archivées. Mais pour cela, le logiciel de traitement doit être amélioré. Des programmeurs et des analystes experts en Big Data ont spécialement été engagés pour ce projet. Le nouveau programme devrait être prêt en janvier 2016.

A voir : Breakthrough Initiatives Introduced by Seth MacFarlane

Quant à la deuxième initiative, "Breakthrough Message", il s'agit d'un concours doté d'un million d'euros et ouvert à tous. Il est destiné à créer le message le plus pertinent à envoyer à une éventuelle civilisation extraterrestre. Si l'entreprise est louable et peut même flatter l'égo de certains inventeurs, comme à son habitude Hawking l'a jugée vaine, reconnaissant qu'il serait "hasardeux de vouloir entrer en contact avec une civilisation qui a peut-être un milliard d'années d'avance sur nous en matière de technologie et qui ne nous envisagera peut-être pas avec plus d'égards que les humains envers les bactéries. L’histoire a montré que les rencontres-chocs entre les civilisations ont toujours été au détriment des moins avancées."

Quoiqu'il en soit, SETI a fait du chemin depuis 1960 et l'allocation de 2000$ (17000$ actualisés en 2018) qu'avait reçue Frank Drake. Avec un budget presque 6000 fois plus élevé, on mesure tout le chemin parcouru.

Pour mémoire, rappelons que dans le cadre du Breakthrough Starshot, en 2016 Yuri Milner offrit 100 millions de dollars pour lancer une voile photonique équipée de milliers de nanosondes vers Proxima b, l'exoplanète gravitant autour de Proxima du Centaure située à 4.24 années-lumière. On y reviendra à propos de la colonisation de l'espace.

SETI@home passe en pause

Le passage à l'interface BOINC en 2003 a provoqué un tassement des inscriptions à SETI@home et beaucoup d'inscrits de la première heure n'y participent plus, n'y voyant qu'une vaine tentative sans finalité pratique.

SETI@home est passé en hibernation le 31 mars 2020, mais selon les responsables, le projet ne va pas disparaître.

En 2020, SETI@home était utilisé par plus de 1.7 million de personnes (contre 2 millions en 2000 et 5 millions en 2005) répartis en 11000 équipes et quelques milliers de membres isolés. Dans l'absolu c'est peu comparé aux millions de personnes à travers le monde passionnées par le sujet et disposant d'un ordinateur.

Cette perte d'intérêt est apparue lorsque d'une part SETI ne découvrit finalement "rien de neuf" (quoique savoir qu'il n'y aurait personne d'autre dans l'univers est une découverte en soi), et d'autre part lorsque beaucoup d'utilisateurs ont été incapables de faire fonctionner leur projet ou de comprendre le fonctionnement de BOINC Manager.

C'est un problème récurrent avec toutes les nouvelles applications et celles pour lesquelles les amateurs ne disposent pas de suffisamment d'aide à l'installation (wizard) ou de documentation.

Pourtant l'installation de BOINC Manager et des projets s'effectuent facilement en quelques minutes. L'interface BOINC Manager dispose également d'une aide intégrée et met à la disposition des utilisateurs un forum sur Internet où l'amateur trouvera toujours une réponse à sa question. Encore faut-il prendre le temps d'y accéder.

SETI@home reçoit très peu de nouvelles inscriptions et ses dernières années on peut compter sur une main les rapports scientifiques sur le sujet. En soi ce n'est pas un problème, mais cela signifie concrètement qu'il y a encore pas mal de travail à abattre pour vendre SETI au public. En effet, SETI@home se sentirait mieux supporté si les inscriptions décuplaient.

Si 300000 ordinateurs participent au même projet de façon quotidienne, traitant en moyenne une unité de travail en 4 heures, chaque jour 1.8 million d'unités représentant un total d'environ 660 GB de données sont traités. Si une unité sur dix contient au moins un signal significatif, en une année le champ stellaire défriché par la communauté SETI, et par les astronomes de Berkeley en particulier, se compte en milliers d'étoiles. Globalement, le "travail de fourmi" que réalisent ces centaines de milliers d'ordinateurs n'est donc pas négligeable.

Malgré cette activité continue, les responsables de SETI@home ont annoncé la mise en hibernation du programme à partir du 31 mars 2020. Deux raisons expliquent cette décision : "1) Scientifiquement, nous observons une diminution du rendement; en gros, nous avons analysé toutes les données dont nous avons besoin pour l'instant. 2) Cela demande beaucoup de travail pour gérer le traitement des données distribuées. Nous devons nous concentrer sur l'achèvement de l'analyse des résultats (cf. Nebula) que nous avons déjà, et rédiger un article scientifique".

Selon les responsables,"le projet ne va pas disparaître." L'UCB n'enverra toutefois plus d'unités de travail aux utilisateurs qui seront informés de la réactivation du projet en temps utile. Comme le souligne les chercheurs, pour l'heure "les atronomes vont tirer profit des énormes capacités de calcul de SETI@home pour les mettre à disposition d'autres projets SETI ou des domaines connexes comme la cosmologie et la recherche sur les pulsars".

En conclusion

SETI@home, comme tous les programmes SETI, nous apporte la démonstration vivante que nous sommes tous curieux et passionnés de découvrir ce qu'il y a autour de nous.

Les données du radiotélescope de Parkes sont reconnues au même titre que celles d'Arecibo par le client SETI@home tournant sous BOINC. Document John Sarkissian/CSIRO.

Le succès bien que relatif de ce programme renforce les principes directeurs de la Planetary Society et le fait que des gens ordinaires comme vous et moi peuvent activement participer à l'aventure scientifique de l'exploration spatiale. Il nous prouve que quelques passionnés de Berkeley peuvent rassembler des millions de personnes partageant la même vision du monde.

Nous pouvons être fier de participer ou d'avoir participé auprès de la Planetary Society et de l'Université de Berkeley à l'un des rares projets scientifiques d'envergure capable d'élargir notre vision du futur. Comme le disait Einstein, "l'imagination est plus importante que la connaissance".

En effet, grâce à elle nous avons construit des radiotélescopes, exploré la Lune et le système solaire, et demain nous irons dans les étoiles. Cela participe à l'émancipation de l'humanité, même si ces actions sont encore réservées à quelques privilégiés.

Cette expérience scientifique unique qui allie le plus grand réseau mondial d'ordinateurs distribués et les peuples du monde entier nous permettra peut-être demain de répondre à l'anxiété qui nous étreint lorsque nous nous interrogeons sur notre avenir et la question mainte fois répétée : sommes-nous seul dans l'univers ?

Comme le dit le poète et que souligna Hawking, "A ce goût étrange de l'angoisse d'ignorer se mêle la crainte de savoir". Mais il est plutôt rassurant que ce programme ait vu le jour. Il nous donne confiance et nous force à reconnaître que notre planète bleue a encore de l'avenir.

Et puis, comme le disait Carl Sagan dans son roman "Contact", il y aura toujours cette question en filigrane, "si nous sommes seuls dans l'univers, c'est vraiment un beau gâchis d'espace, vous ne trouvez-pas... ?".

Pour plus d'informations

Le paradoxe de Fermi (sur ce site)

La loi de Moore (sur ce site)

Seti@home (Berkeley)

SETI@home World Visualization

Statistics and leaderboards (Seti@home)

Boing Combined Stats (Netsoft-online)

Boing Stats 

Openseti (budget)

Setiathome (budget)

Seti@home FAQ (en anglais, Nov 2003)

BOINC

The Planetary Society

SETI@home Recent Updates (Planetary Society)

SETI Institute (projet PHOENIX)

SETI League (GB)

L'Alliance Francophone (SETI Team)

SEDS's SETI Page

Add-ons pour SETI

WU2WAV de Jan Knutar

sciastro FAQ SETI (2003)

Sky & Telescope (SETI pages)

Serendip - Berkeley

Beta - Harvard

Project Phoenix

Jodrell Bank SETI

Drake Equation Calculator

Liste des programme SETI réalisés à ce jour (.xls de 47 KB)

Newsgroup alt.sci.seti

Newsgroup sci.astro.seti

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