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Messages aux extraterrestres

Quand une image vaut mille mots (I)

Avant même de savoir s'il existait une vie intelligente extraterrestre, les astronomes se sont permis d'envoyer leurs premiers messages codés. Ecrits dans la langue de notre temps, illustrés d'images commentées en anglais et parfois constitué de messages écrits par le public dans sa langue natale, ils peuvent sembler en contradiction avec les principes d'universalité du projet SETI. Le problème est qu'il faut choisir un support conceptuel. Parler javanais luxuriant, le langage binaire ou anglais, celui qui peut sonder l'espace peut traduire cette pierre de Rosette.

Voici les différents messages que les scientifiques ont élaboré et destinés à d'éventuels extraterrestres ou plus poétiquement rendant hommage à l'humanité qui a su s'affranchir de son isolement terrestre et est aujourd'hui au seuil de l'exploration de ce grand océan cosmique.

La plaque d'Apollo, 1969

Le premier message écrit de l'humanité a été embarqué à bord d'un vaisseau spatial. Il s'agit de la plaque commémorative en aluminium déposée sur la Lune par les équipages d'Apollo et notamment Apollo XI le 21 juillet 1969. Fixée derrière les échelons du module lunaire (LEM) elle contient une représentation de la Terre et un message de paix du Président Nixon.

Pioneer et le dessin de Carl Sagan, 1972

Une autre tentative consista à placer à bord de la sonde spatiale Pioneer X, lancée en avril 1972, une carte postale aux extraterrestres. Sur une jaquette métallique on a représenté un homme et une femme nus, sans marquer de type racial précis, symbolisant l'humanité, ainsi qu'une représentation de l'atome d'hydrogène, le système solaire avec la place de la Terre, la trajectoire de la sonde, ses dimensions par rapport à notre stature, ainsi que le rythme d'émission des 14 principaux pulsars qui permettront peut-être à nos contacts de situer avec précision son émetteur dans le temps et l'espace. Le dessin fut élaboré par Carl Sagan et Frank Drake et dessiné par Linda Sagan.

Pour la petite histoire, la NASA reçut des plaintes de membres du Congrès américain, et des journaux publièrent des lettres s'opposant à ce que la NASA "exporte de la pornographie vers les étoiles". Sans commentaire.

A gauche, les premiers messages de paix aux extraterrestres. Au-dessus à gauche, le message abandonné sur la Lune par l'équipe d'Apollo XI. A sa droite, le message des Sagan placé à bord de la sonde spatiale Pioneer X. En dessous, la jaquette dorée et le disque multimédia placés à bord des sondes spatiales Voyager 1 et Voyager 2. Voici une autre photo de la jaquette. Documents NASA, Me versus Them, montage T.Lombry. A droite, ce poster a une certaine ressemblance avec la plaque dorée de Sagan. Il s'agit de "la carte du système solaire de Buck Rogers Cocomalt Premium". Elle faisant partie de la campagne publicitaire "Solar Scouts" créée en 1933 par R.B. Davis Company, le sponsor américain du show radio "Buck Rogers in the 25th Century". Le poster mesure 46 x 63 cm (18" x 25") et était envoyé roulé dans un tube. En 2014, un exemplaire en bon état se vendit aux enchères 850$.

En 1986, Pioneer X devint le premier vaisseau que l'homme ait construit à quitter le système solaire, affranchi de l'attraction du Soleil. Il fut suivi de près par Pioneer XI sur lequel était fixé la même plaque. Un super cargo sidéral les croisera peut-être dans quelques millions d'années... La sonde Viking Lander contient aussi, gravé sur une petite plaque le nom de son constructeur.

Le message d'Arecibo, 1974

La première émission radioélectrique visant ouvertement une civilisation extraterrestre fut effectuée le 16 novembre 1974 avec l'antenne fixe de 300 m de diamètre de l'observatoire radioastronomique d'Arecibo installée à Puerto Rico. Le message binaire mit au point par Frank Drake et son équipe du NAIC (National Astronomy and Ionosphere Center) fut envoyé vers l'amas globulaire Messier 13 en 169 secondes. Il fut émis avec une puissance de 450 kW à 12.6 cm de longueur d’onde (2380 MHz) dans une bande passante de 10 Hz similaire à celle utilisée par les modems analogiques.

Le message d'Arecibo fit l'objet d'un article publié dans la revue "Icarus" en 1975 et est brièvement décrit dans l'ouvrage "Cosmos" de Carl Sagan. Il est également détaillé en anglais sur ce site.

M13 contient uniquement des étoiles âgées, autour desquelles peut-être nous trouverons aussi des civilisations avancées. Situé dans la constellation d'Hercule, il contient 1 million d'étoiles dont certaines ne sont séparées que de 0.5 a.l. l'une de l'autre. Notre chance y est donc plus élevée que notre message soit capté par l'un ou l'autre soleil. Mais cet amas se situe à environ 25000 a.l., ce qui signifie que si nous recevons une réponse, nous ne devons pas l'attendre avant 50000 ans : cinq fois le temps que pris l'évolution de l'homme depuis notre ancêtre de Cro-Magnon ! Ce jour là peut-être, les professionnels se rappelleront notre tentative primitive. Mais il se peut aussi que ces civilisations nous aient rendu visite. Dans 50000 ans les vaisseaux relativistes sillonneront peut-être le ciel et leurs ambassadeurs arriveront peut-être juste à temps pour répondre à notre message... Que ne s'est-il pas passé en 50000 ans, depuis l'homme de Cro-Magnon... Pour lui aussi nous serions des Martiens !

En 1974, le radiotélescope d'Arecibo fut utilisé pour émettre délibérément un message en direction de l'amas globulaire M13 dans l'espoir qu'une civilisation extraterrestre le capte un jou. Documents NROA et R.Gralak.

Le vidéodisque des sondes spatiales Voyager, 1977

D'autres bouteilles ont été jetées dans l'océan cosmique, telles les tentatives effectuées avec les sondes Voyager 1 et 2 lancées à destination de Jupiter, Saturne et au-delà en 1977. Il s'agit en fait d'une véritable encyclopédie multilingue à l'usage des extraterrestres : 110 images et 1h30 d'enregistrements analogiques traduisant des sons et de la musique de notre temps, la jaquette dorée constituant elle-même un message codé.

En 2005, les deux sondes spatiales étaient toujours opérationnelles et le réseau DSN parvenait encore à capter leur faible signal. En 2015, les deux sondes spatiales étaient respectivement à plus de 130 et 107 UA, soit plus de deux fois la distance du Soleil à Pluton, et continuent de traverser l'espace à plus de 17 km/s soit 61200 km/h, parcourant environ 3.3 UA par an. On y reviendra dans l'article rendant hommage aux sondes spatiales.

A voir : La mission des Voyager 1 et 2 - En route vers l'infini

A vendre : Voyager golden record 3xLP box set

A écouter : Voyager golden record audio sampler

La sonde spatiale Voyager portant fièrement son vidéodisque doré porteur des messages de l'humanité. Documents NASA/JPL.

Le projet "Cosmic Call" de Dutil et Dumas, 1999

En 1999, deux physiciens canadiens, Yvan Dutil et Stéphane Dumas ont élaboré un nouveau message qu'ils ont intégré dans le projet "Cosmic Call".

La première partie du message contenait des informations générales sur la Terre et sur l'humanité (message de Braastad), la deuxième partie comportait le message d'Arecibo de 1974, tandis que la troisième partie reprenait les noms de toutes les personnes ayant participé au projet, chacune pouvant envoyé des dessins, des photos et même des signatures biologiques (cheveux, etc).

Extrait du message "Cosmic Call" de Yvan Dutil et Stéphane Dumas dont voici la version PDF (372 KB). Cliquer sur l'image pour agrandir la première page. Documents Dutil/Dumas/Evpatoria.

L'intégralité du message fut transmis à trois reprises, le 24 mai, le 31 juin et le 1er juillet 1999 à partir de l'antenne de 70 m de diamètre de l'Evpatoria Deep Space Center situé en Ukraine avec une puissance de 148 puis de 152 kW. Il fut émis à destination de quatre étoiles similaires au Soleil : HD 186408, HD 178428, HD 190406 et HD 190360 situées dans des directions où la poussière interstellaire altèrera peu le message au cours de sa propagation. 

Un nouveau message fut envoyé le 14 février 2003 dans le cadre du projet "Team Encounter".

Cosmic Connexion, 2006

Le 30 septembre 2006, en collaboration avec Jean-Jacques Beineix, réalisateur et producteur de Cargo films, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) diffusa simultanément sur les ondes de la chaîne TV ARTE et dans un radiotélescope installé à Aussaguel (Toulouse) une émission télévisée intitulée "Cosmic Connexion".

La présentatrice de l'émission "Cosmic Connexion" diffusée le 30 septembre 2006 sur ARTE. L'émission était destinée au système d'Errai. Doc Cargo Films.

D'une durée de 2h50, le message télévisé présenté à 20h40, une heure de grande écoute, fut envoyé en temps réel à destination de l'étoile Errai, γ Cephei. Il s'agit d'une étoile de magnitude 3.2 située à 45 années-lumière dans la constellation de Céphée, au sud-est de la Grande Ourse (A.D.: 23h 39m 20.8s; Décl.: +77° 37' 56.2''). C'est une étoile sous-géante orange de classe spectrale K2 V, d'une masse relative de 1.4 M et d'un rayon de 6.2 R âgée de 6.6 milliards d'années. Sa température effective est de 4800 K.

Gamma Céphée est entourée par une exoplanète, γ Cephei b dont l'existence fut annoncée dès octobre 2002 et confirmée en 2003 par les astronomes de l'Observatoire McDonald de l'Université du Texas. L'exoplanète présente une masse de 1.6 fois celle de Jupiter et gravite à 2.0 UA de l'étoile. Sa période est de 903 jours.

Errai a été choisie car suite au mouvement de précession des équinoxes (et le lent déplacement du Point vernal), la projection de l'axe du pôle Nord suit approximativement un cercle sur la voûte céleste, donnant le rôle d'étoile Polaire à différentes étoiles au cours d'un cycle de 25800 ans. Ainsi, il y a 2300 ans, c'était une étoile du Dragon qui servait d'étoile Polaire. Aujourd'hui c'est Polaris et dans 25 siècles, en l'an 4500, ce sera Errai. Aldéramin, α Cephei, sera notre étoile Polaire en l'an 7500 et Véga, α Lyrae vers l'an 12000.

Le message transmit au cours de l'émission "Cosmic Connexion" n'avait rien d'un formulaire mathématique ou d'un simple catalogue d'images destinés à d'éventuels extraterrestres. Exploitant toute la puissance du support audio-visuel (image, film, son, animations, dessin animés, etc), un couple de présentateurs nus présentés en clair-obscur et symbolisant le dessin élaboré par Carl Sagan et Frank Drake décrivait de manière simple et très illustrée ce qui nous caractérisait en tant qu'être humain et civilisation technologique, bref en quoi nous étions originaux.

Les auteurs sont partis de l'idée que même si les mathématiques sont un excellent support universel pour véhiculer une information entre intelligences technologiques, les images ou les films présentent un contenu informatif encore supérieur et d'autant plus s'ils touchent aux sentiments les plus profonds.

Bien sûr ce qui nous sensibilise pourrait ne pas émouvoir des extraterrestres. Mais à défaut de le savoir, les auteurs ont considéré a priori que quel que soit le type de société évoluée, les adultes ne restent jamais indifférents face à leurs émotions. Ainsi, ils ont tenu le pari qu'en voyant par exemple un bébé nouveau-né regarder le monde ou s'endormant sur la poitrine de sa mère, nos éventuels contacts extraterrestres devraient éprouver certains sentiments bienveillants à notre égard.

Illustrée sous formes de cartes postales et de nombreuses images statiques, l'émission visait à convaincre nos éventuels contacts que nous valions la peine d'être connus.

A gauche, Tysor R. Chan, directeur d'une société privée proposa en mai 1999 de réémettre le message d'Arecibo de 1974 en le complétant de 23 pages d'informations scientifiques. Ce fut le projet "Cosmic Call" de Dutil et Dumas. A droite, l'étoile Errai (γ Ceph) et son exoplanète Gamma Cephei B. Document T.Lombry.

Objectivement on peut dire que l'émission télévisée atteingnit son objectif dans tous les sens du terme. Non seulement le message atteindra Errai en 2051, mais certaines séquences furent émouvantes quand ils abordèrent la question de l'amour ou de la possibilité d'une rencontre extraterrestre.

Le message contenait également des dizaines de commentaires envoyés par les internautes francophones au CNES et les points de vue de quelques exobiologistes parmi lesquels André Brack en France et Jill Tarter de l'Institut SETI américain. J'avais également été contacté du fait de l'important dossier consacré à la bioastronomie publié sur ce site. Les articles consacrés à SETI notamment (polymorphisme, etc) ont inspiré certaines séquences de l'émission dont je possède encore le synopsis.

Un livre et un DVD (1h) ont également été proposés suite à l'émission. Notons pour l'anecdote que le titre original du livre était "COSMIC...à la recherche de mondes habités". Il est devenu "COSMIC : En attendant les extraterrestres", sans doute plus approprié et à l'impact "marketing" évident.

L'émission fut rediffusée le 28 octobre 2007 sur la chaîne ARTE, mais cette fois sans l'émission du message SETI dans l'espace.

Deuxième partie

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