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La spectroscopie

Décomposition de la lumière par un prisme. Document T.Lombry.

Principes de base (I)

"J'ai réfracté le rayon coloré avec des prismes et reflété avec des corps qui à la lumière étaient de nuances différentes... Et pourtant je n'ai jamais pu en obtenir de nouvelles couleurs [...] Cette découverte [est] à mon jugement la plus étrange sinon la plus importante révélation faite à ce jour des opérations de la Nature". Isaac Newton, 1666.

Newton constata que le faisceau de lumière sortant du prisme est toujours dévié vers la base du prisme. Le faisceau sortant présente plusieurs couleurs alors que la lumière incidente est blanche. De plus, la lumière rouge est moins déviée que la lumière bleue. La déviation dépend donc de la couleur de la lumière mais également de l'angle de réfraction sur la face incidence du prisme. Notons que l'indice de réfraction du verre ou du plexiglas est de 1.50, de 1.60 pour le cristal, de 2.42 pour le diamant contre 1.00 pour l'air et 1.33 pour l'eau.

Grâce à ses expériences, Newton comprit que la lumière blanche, telle celle qui nous vient du Soleil était composée de plusieurs rayonnements monochromatiques ou longueurs d'ondes pour prendre la terminologie moderne. La meilleure preuve nous est offerte par les couleurs caractéristiques de l'arc-en-ciel dont la formation fut également expliquée par Newton.

Qu'avons-nous appris de l'étude spectrale depuis cette époque ? Une lumière isolée ou radiation monochromatique se caractérise par sa longueur d'onde ou sa fréquence (sa période) et son amplitude. Nous savons aussi que ces radiations lumineuses transportent de l'énergie, rappelez-vous vos coups de soleil ! La physique quantique nous apprend qu'une radiation monochromatique transporte cette énergie par quanta, petites particules appelées photons. Paradoxalement dans certaines conditions la lumière se propage telle une onde.

C'est l'existence des phénomènes de dispersion et d'interférence qui nous permettent de comprendre l'analyse de la lumière. Ces deux caractéristiques ont permis aux opticiens de mettre au point deux techniques d'analyse : l'emploi du prisme et du réseau de diffraction.

La dispersion : Quand une lumière traverse un milieu dans lequel il y a une dépendance de l'indice de réfraction de la longueur d'onde, on dit que le milieu est dispersif. Ce caractère dispersif est le résultat de l'interaction de la lumière avec la matière au niveau microscopique.

Vu la complexité des calculs au niveau atomique on essaye presque toujours de faire une approche macroscopique, empirique du problème. Retenons que Hartmann (1898) donna une bonne approximation de cette relation. Cette théorie sera appliquée dans l'emploi des prismes.

 

Dispersion par prisme

Interférence par réseau

Transmission

bon (0.8 - 0.6)

Plusieurs ordres

Dispersion

Faible

Plus importante

Linéarité

Non

"Oui"

Etalonnage

Difficile

"Linéaire"

Montage

Déviation minimale

Délicat

L'interférence : Le caractère ondulatoire de la lumière donne naissance au phénomène de la diffraction. La lumière déviée pourra ainsi interférer avec la lumière venue d'autres sources déplacées.

Les décalages de phases provoqués par les différentes distances à parcourir donnent alors des maxima et minima d'intensité lumineuse pour une longueur d'onde bien déterminée, c'est l'expérience de Young.

Des maxima consécutifs sont engendrés selon les différentes longueurs d'ondes existantes, par les différentes conditions de phase qui forment alors le spectre de la source. Cette théorie sera appliquée dans l'emploi des réseaux de diffraction.

C'est également le phénomène de diffraction qui combine la réfraction dans la structure, la diffusion et les interférences qui explique la couleur structurelle du dos des ailes de certains papillons (cf. les Morpho d'Amazonie), des plumes du paon, les irisations des nuages iridescents, des CD, de la surface d'une bulle de savon, de la nacre des coquillages ou d'une pellicule d'huile.

Une découverte importante apparaît enfin : tous les éléments existant sur Terre et dans l'univers peuvent présenter un spectre. Cela signifie que nos lois et théories ont une portée universelle et permettent de comprendre en théorie tous les phénomènes jusqu'aux confins de l'univers observable.

Rappel historique

Si les interférences de la lumière sont connues depuis Francesco Maria Grimaldi (c.1665) et le spectre et les "inflexions de la lumière" depuis Isaac Newton (1666), le spectroscope ne fut inventé qu'en 1802 par William Wollaston qui découvrit que le spectre du Soleil était parcouru de raies sombres mais il crut qu'elles délimitaient les différentes couleurs.

C'est l'opticien allemand Joseph von Fraunhofer qui réalisera la première analyse spectrale en 1811. Fraunhofer répertoria 600 raies dans le spectre du Soleil. En son hommage, le spectre de la photosphère sera baptisé spectre de Fraunhofer. Aujourd'hui on recense environ 26000 raies dans le spectre solaire (cf. D.C. Giancoli, 1993) dont plus de 6000 raies sont uniquement attribuées au fer !

A lire : Discovery and Description of Lines in the Solar Spectrum, J.Fraunhofer

Réimpression de son article de 1898, PDF de 624 KB

La signature chimique des astres

A gauche, Joseph von Fraunoher faisant la démonstration du spectroscope qu'il inventa en 1814. Photogravure d'une peinture réalisée par Richard Wimmer publiée dans "Essays in astronomy" (D.Appleton & co., 1900, p.486). Image scannée, restaurée et colorisée par l'auteur dont voici la version noir et blanc. Au centre, les premiers spectres du Soleil réalisés par Joseph von Fraunhofer en 1814 et 1898 comparés à un spectre similaire de basse résolution contemporain. L'analyse des raies, leur nombre, leur emplacement et leur largeur permettent de connaître la composition du Soleil, l'état d'excitation des éléments constituants son atmosphère et en corollaire elles permettent d'évaluer son âge et son stade évolutif. A droite, le spectre d'étoiles de différents types spectraux enregistrés au moyen d'un réseau de diffraction StarAnalyzer monté sur la roue à filtre d'un télescope de 317 mm de diamètre. Documents Richard Wimmer/T.Lombry, J.Fraunhofer/Deutsches Museum, BASS2000/T.Lombry et Rolf Olsen.

C'est en 1813 que des spectres d'étoiles révélèrent également des raies superposées au spectre continu mais la corrélation entre la nature du Soleil et celle des étoiles ne fut pas encore établie. Depuis cette date la lumière de tous les astres a été décomposée car cette technique permet d'en apprendre bien plus sur les astres que la simple observation en lumière blanche.

Au milieu du XIXe siècle l'Allemand Kirchhoff découvre 3 lois qui porteront son nom et qui postulent l'existence de différents types de spectres selon la nature de la source lumineuse :

Les trois lois de Kirchhoff (1824-1887)

1°. Un corps rayonnant, solide ou liquide, émet de la lumière sur toutes les longueurs d'ondes. Il présentera un spectre continu.

2°. Un gaz lumineux, incandescent, émet de la lumière sous forme de raies brillantes appelées spectre d'émission discontinu ou de raies auquel se superpose quelquefois un spectre continu.

3°. Si la lumière blanche d'une source lumineuse traverse un gaz, celui-ci peut éteindre certaines longueurs d'ondes du spectre continu et les remplacer par des raies sombres qui se superposent au spectre continu de la source lumineuse, c'est le spectre d'absorption.

A lire : The Absorption Spectrum of the Sun, G.Kirchhoff

Réimpression de son article de 1861, PDF de 344 KB

Poster : Perioric Table of Spectra

A gauche, les différents types de spectres de Fraunhofer : continu et similaire à l'arc-en-ciel, d'émission lorsque la lumière traverse un gaz chaud, et d'absorption lorsque la lumière traverse un gaz froid. A droite, les spectres des éléments du tableau de Mendeleïev. Documents T. Lombry et RSPEC.

L'importance de ces lois vient du fait que nous pouvons dès lors conclure qu'à chaque corps correspond un spectre caractéristique et que chaque atome ou molécule peut absorber ou émettre certaines longueurs d'ondes qui les caractérisent.

Aspect des raies spectrales

La lecture des spectres montre que les raies sont à des longueurs d'ondes différentes les unes des autres, mais même les plus fines sont mesurables. Néanmoins la largeur et la position de chacune d'elles varient en fonction de propriétés instrumentales et naturelles.

Causes instrumentales : La largeur de la fente du spectroscope, la diffraction et la diffusion de la lumière élargissent ou diffusent les raies.

Causes naturelles : L'intensité des raies dépend des conditions physiques dans lesquelles se trouvent les atomes qui les émettent ou les absorbent, de la température et de la pression, de la densité électronique, de la masse de l'étoile, de la gravité de l'astre. Toutes ces variables sont intimement dépendantes les unes des autres.

A télécharger : Spectres - RSpec - RGB Spectrum Generator

A gauche, spectre d'émission d'une lampe aux vapeurs de mercure. A droite, le concept de demi-bande passante d'un filtre. Cette valeur est mesurée à 70.7% de sa transmission maximale. Documents A.Riedel/GSU et T.Lombry

Par ailleurs la position des raies est altérée par les mouvements relatifs des atomes vis-à-vis de l'observateur :

- La largeur naturelle d'une raie est voisine de 0.002 Å.

- L'agitation électronique due à la température du milieu crée un mouvement désordonné des particules vers les courtes et les plus longues fréquences (effet Doppler), ce qui crée un élargissement des raies d'environ 0.01 Å. Un mouvement unidirectionnel de ces atomes aurait seulement déplacé les raies en fréquence.

- La friction entre les électrons élargit considérablement les raies. Ainsi les raies d'une étoile géante sont très fines vis-à-vis des raies d'une étoile naine de même classe spectrale.

- Certains électrons ionisés provoquent un champ électrique (effet Stark) qui modifie les radiations qu'ils émettent. Ici aussi il se produit un élargissement de la raie qui peut atteindre plusieurs angströms.

A consulter : Spectre du Soleil en haute-résolution entre 300-1000 nm, J.-M.Malherbe/CNRS

Spectre du Soleil en haute-résolution et en couleur (5 MB), J.-M.Malherbe/CNRS

Ci-dessus, le spectre d'absorption du Soleil comparé à celui d'émission de l'argon excité par des décharges électriques (ci-dessous). Il s'étend de 380 à 700 nm. Le spectre intégral de ces deux corps est très différent. Le Soleil nous paraît jaune pâle, tandis que les raies bleues brillantes de l'argon expliquent la couleur bleue de la flamme du chalumeau oxygaz (soudures de l'inox). Tous deux sont des "corps gris" car la température du corps noir est altérée par les propriétés du milieu traversé ou excité. Documents York University et J.Köppen/Obs.Strasbourg.

En pratique, lorsque nous analysons un spectre (au moyen d'un spectromètre, un microphotomètre ou un microdensitomètre) et que nous mesurons l'intensité lumineuse des raies à différentes longueurs d'ondes, le profil des raies varie. Pour avoir une base de mesure fiable nous devons définir une "largeur équivalente", celle d'une raie hypothétique de profil rectangulaire.

Cette bande passante uniforme est prise à partir du niveau du continuum jusqu'à la moitié de l'intensité de la raie. Ainsi pour la raie de l'hydrogène alpha présente dans le spectre du Soleil et de la plupart des étoiles, la largeur ou demi-bande passante de la raie est de 1.5 Å. C'est cette valeur qui caractérise la "demi-bande passante" d'un filtre, terme qui déroute parfois les amateurs lorsqu'ils doivent acheter un filtre interférentiel (c'est pour cette raison que certains constructeurs parlent parfois uniquement de "bande passante").

Prochain chapitre

Les conditions d'observation

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