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La diversité des étoiles

L'histoire de Sanduleak depuis la formation de l'anneau jusqu'à l'explosion. Document STScI.

L'histoire de Sanduleak, SN 1987A (I)

Le 23 février 1987, deux astronomes en poste au Chili, Ian Shelton à l'Observatoire de Las Campanas et C.Madsen à La Silla, réalisaient des clichés de routine du Grand Nuage de Magellan, l'une des deux galaxies satellites de la Voie Lactée.

Vers 1 h du matin TU, l'étoile Sanduleak -69°202 située en bordure de la nébuleuse de la Tarentule était encore une banale étoile de magnitude 12. A 11 h TU sur un cliché de routine de Robert McNaught à Siding Spring (Australie) elle présentait déjà une magnitude de 6, mais elle ne fut pas remarquée.

Le lendemain matin vers 5 h TU, à l'Observatoire de Las Campanas, Oscar Duhalde prend le temps de scruter le ciel et découvre la supernova à l'oeil nu ! Il prévient Shelton qui enverra le premier télégramme à l'UAI qui sera enregistré sous le N° 4316. SN 1987A était officiellement née. La supernova atteignait déjà la magnitude 4.5 et atteignit la magnitude 2.9 à son maximum.

L'astronome Mark M. Phillips spécialiste des supernovae au CTIO était également sur place ainsi que des astronomes amateurs qui eurent le privilège d'assister en direct à cet évènement rarissime qui n'avait jamais été observé depuis 1604 (depuis la supernova de Kepler apparue dans Ophiuchus) !

Plus tard, on apprit que l'explosion de Sanduleak se produisit il y a environ 163000 ans dans le Grand Nuage de Magellan. Il s'agissait d'une étoile supergéante bleue de type B3 I d'une masse comprise entre 7 et 20 M et 50 fois plus volumineuse que le Soleil (30 millions de km). Elle présentait une magnitude bolométrique absolue de -7.9, typique des supergéantes, et une température effective d'environ 16000 K.

Sanduleak -69°202 brillait avec la luminosité de 100000 soleils (3 à 6 x 1038 ergs/s) et pouvait encore vivre 10 millions d'années. Avant d'exploser, on pense qu'elle était retournée dans la région des étoiles géantes rouges du diagramme Hertzsprung-Russel. Il s'agissait d'un système double dont le compagnon n'a pas survécu à l'explosion.

SN 1987A pendant et après son explosion en mars et avril 1987. Elle passa de la magnitude 12 à 2.9 en quelques dizaines d'heures puis perdit progressivement plus de 10 magnitudes. Voici une vue générale de la nébuleuse de la Tarentule au moment de l'explosion. Document AAO/David Malin.

Si Sanduleak atteignit une fraction notable de la taille d'une supergéante rouge, la suite des évènements ne confirma pas son appartenance à la classe ordinaire des supernovae de Type II, caractérisée par une masse élevée, une atmosphère riche en hydrogène mais libérant beaucoup moins de chaleur au cours de leur expansion. Sanduleak émit fortement en lumière visible et dissipa une grande partie de son bilan énergétique sous forme lumineuse. Ce comportement permit de prédire que l'évolution de SN 1987A serait plus rapide que prévu et qu'elle serait plus pâle qu'une supernova typique du Type II, ce qui fut effectivement observé.

Voici en quelques lignes ce qui s'est passé dans le coeur de Sanduleak et adapté à l'évolution générale des supernovae. Le site web du Space Telescope Science Institute (STScI) vous propose également quelques images et commentaires sur cet évènement.

Simulations des supernovae SN 1987A et M1

A gauche, simulation de l'explosion de Sanduleak -69°202, alias SN 1987A. A droite, à titre de comparaison, la simulation de l'explosion de M1, la nébuleuse du crabe, en 1054. Fichiers Mpeg de 2.1 MB et .Mov de 3.9 MB. Documents STScI.

1°. Formation de l'anneau de gaz

Il y a 30000 ans, durant la phase pré-supernova, l’étoile supergéante bleue Sanduleak -69°202 est devenue une géante rouge suite au manque de combustible nucléaire dans son noyau. Ce phénomène déclencha immédiatement des réactions nucléaires comme le flash de l'hélium qui se produisit à plusieurs reprises dans les couches d'hydrogène entourant le noyau. La chaleur libérée fut tellement intense que cela provoqua une dilatation soudaine des couches supérieures de son atmosphère. 

Lorsque son noyau atteignit une température de 1.5 milliard de degrés et tant qu'il y eut du combustible nucléaire, les réactions de fusion se sont accélérées dans le noyau et les atomes se sont transformés en éléments de plus en plus lourds. L'étoile consuma d'abord le néon issu de la transformation du carbone.

20000 ans avant d'exploser, sa compagne devint à son tour une étoile géante rouge et commença à perdre son atmosphère supérieure au profit de l'étoile Sanduleak plus massive. Au cours de cette accrétion stellaire, l'étoile géante rouge centrale finit par désagréger sa compagne comme un nettoyeur à haute pression aspirant tout sur son passage. Le gaz tombant sur Sanduleak forma un anneau d'accrétion légèrement elliptique dont la partie interne fut rapidement vidée de son contenu, soufflée à plus de 1000 km/s par le vent stellaire et le champ magnétique de Sanduleak. Sanduleak libéra également dans l'espace une bulle de gaz en forme de diabolo qui fut principalement éjectée à partir de sa région équatoriale et par ses pôles. Invisibles jusqu'à l'explosion de la supernova, ces gaz constituent aujourd'hui l'ultime trace fossile de l'étoile bleue. Ces phénomènes donnèrent déjà quelques indications aux astronomes sur la violence des évènements se déroulant dans le coeur de l'étoile.

Ce scénario fondé sur la fusion de deux étoiles fut renforcé par une simulation réalisée par Masaomi Ono du Laboratoire RIKEN d'Astrophysique du Big Bang (ABBL) et ses collègues dont les résultats furent publiés dans "The Astrophysical Journal" en 2020.

2°. Formation de la "pelure d'oignon"

L'augmentation progressive de la température et de la pression dans le coeur de Sanduleak provoqua une suite de réactions thermonucléaires capables de créer tous les éléments chimiques jusqu'au fer par fusions et décroissances successives. Les autres éléments au-delà du fer seront synthétisés au cours de l'explosion (cf. 10°). Cette combustion hydrostatique (par opposition à explosive) commença avec l'hélium.

Structure en pelure d'oignon d'une étoile massive de 20 M¤ juste avant son explosion en supernova. Document T.Lombry.

C'est au cours de ce processus de fusion qui se déroula entre 4 millions et 3 milliards de degrés selon l'élément synthétisé que l'atmosphère de l'étoile prit une structure en "pelure d'oignon" comme illustrée à gauche, constituée d'éléments de plus en plus légers à mesure qu'on s'éloignait du noyau : fer, silicium, cobalt, néon, oxygène, carbone, hélium et hydrogène en surface. Ce dernier s'étendait en réalité sur un rayon de plusieurs centaines de millions de kilomètres, occupant l'essentiel du volume de Sanduleak comme dans toute étoile massive.

Après avoir vécu un peu moins de 10 millions d'années sur la Séquence principale en consommant son hydrogène, grâce à la réaction triple alpha, Sanduleak brûla son hélium durant un million d'années. La combustion du carbone dura moins de 300 ans, l'oxygène fut consommé en 240 jours tandis que la toute petite réserve de silicium fut épuisée en l'espace de 2 jours. Son coeur de fer présentait à ce moment là un rayon d'environ 1000 km, soit 100000 fois plus petit que la taille de l'étoile !

3°. Transformation du noyau en fer

Un an avant d'exploser, lorsque la température dans le noyau de Sanduleak dépassa 2 milliards de degrés, les atomes d'oxygène fusionnèrent et produisirent du silicium et du soufre. En peu de temps, une partie du silicium fut convertie en nickel puis se désintégra en fer tandis qu'une autre partie fusionna avec le soufre pour également se transformer en fer. Graduellement la température s'éleva pour finalement atteindre 6 milliards de degrés et elle allait encore augmenter. En parallèle la pression augmenta dans le noyau.

Mais à plus de 6 milliards de degrés on assiste à la photodésintégration du fer-56 qui, aidé par l'énergie des rayons gamma se transforme en 13 atomes d'hélium en émettant 4 neutrons. Cela signifie qu'avec la production de fer,  le processus thermonucléaire de fusion s'est interrompu. Le noyau de l'étoile étant composé de la matière la plus stable, Sanduleak -69°202 atteignit le point de non retour. Faute de combustible, les réactions nucléaires se sont subitement arrêtées, supprimant l'effet de détente. Cela produisit immédiatement une chute de la pression thermique qui accéléra l'effondrement du noyau par simple effet gravitationnel.

4°. Compression du coeur de fer

Comme un liquide en ébullition que l'on retire du feu, quasi instantanément la pression chuta dans les couches externes de l'étoile. Faute de carburant et dans un régime instable, la dépression qui en résulta provoqua l'effondrement de son enveloppe sur le coeur de fer. Imaginez une enveloppe stellaire d'environ 1 M tombant littéralement en chute libre sur le noyau ! En quelques millisecondes un effondrement gravitationnel s’opéra, la matière s'effondrant sous son propre poids. Les couches les plus éloignées du coeur s'effondrèrent à quelque 7000 km/s tandis que les couches les plus profondes s'effondrèrent sur le noyau à la vitesse prodigieuse de 72000 km/s, accentuée par des effets relativistes ! Comme toute collision, cet effet comprima très fortement la partie interne du noyau de fer.

Processus thermonucléaires

Fuel nucléaire Réaction Seuil (106 K) Produit E. libérée par nucléon (MeV)

Hydrogène

p-p

4

Hélium

6.55

Hydrogène

CNO

15

Hélium

6.25

Hélium

Triple alpha

100

Carbone, Oxygène

0.61

Carbone

C + C

600

Oxygène, Néon, Sodium, Magnésium

0.54

Oxygène

O + O

1000

Magnésium, Silicium, Soufre, Phosphore

0.30

Silicium

Equ.nucléaire

3000

Cobalt, Nickel, Fer

< 0.18

Données extraites de Dina Prialnik, "An Introduction to the Theory of Stellar Structure and Evolution", Cambridge University Press, 2000/2009.

5°. Neutronisation du noyau interne

Sous la pression atomique des couches extérieures et aidés par l'élévation de la température, le plasma d'électrons libres qui jusqu'à présent ne parvenait pas à vaincre les forces de liaisons atomiques, parvint à pénétrer la barrière des noyaux de fer. Une partie significative des atomes de fer cédèrent sous ce que l'on appelle la pression de dégénérescence des électrons : animés d'une vitesse relativiste accentuée par l'effet gravitationnel, les électrons passèrent la limite de Chandrasekhar et pénétrèrent dans les noyaux de fer où ils s'annihilèrent avec les protons, produisant une réaction de neutronisation. En d'autres termes, le coeur interne de l'étoile se transforma en ce qui deviendra une étoile à neutrons.

Mais la transformation s'arrêta à cette étape car l'interaction forte qui maintient la cohésion des neutrons bloqua l'effondrement gravitationnel du noyau interne. Sa densité était d'environ 1011 g/cm3 en début de cycle pour atteindre progressivement 1014 g/cm3 à la fin du processus, pour une température de 1011 K et une masse estimée entre 1.3 et 1.6 M. Le noyau interne fut rapidement transformé en un liquide de neutrons superfluide (comme dans toute étoile à neutrons) tandis que son coeur, confiné dans un espace d'environ 1 km de rayon, devint une substance encore plus étrange et dix fois plus dense dont nous ignorons les propriétés. En théorie sa densité maximale aurait pu atteindre 3x1017 g/cm3.

Juste avant la formation du noyau neutronique, le noyau de l'étoile était aussi grand que la Terre. En quelques dizièmes de secondes il s'effondra pour atteindre 50 km de rayon et une seconde plus tard il atteignit 7 km de rayon. Dans un dernier sursaut le noyau atteignit une taille de 12 km de rayon.

6°. Formation de l'onde de choc

Cette densification du noyau interne provoqua un choc en retour; la surface ultrarésistante du noyau interne renvoya les ondes de pression vers l'extérieur, vers la matière tombant sur le noyau externe. On estime que sous le choc le noyau libéra une énergie cinétique d'environ 1052 ergs, équivalente à celle d'un milliard de galaxies comme la nôtre ! 1% de l'énergie gravitationnelle du coeur de l'étoile se transforma en énergie cinétique qui se transforma par la suite en chaleur au cours des chocs successifs.

En atteignant la vitesse locale du son, les ondes de pression émises par le noyau interne formèrent une onde choc qui commença à remonter vers le noyau externe et la surface. C'est le rebond de cette quantité colossale d'énergie sur le coeur neutronique et la formation d'une onde de choc qui furent à l'origine de la supernova.

Quelques courbes obtenues au cours de l'explosion de la supernova SN 1987A. A gauche, la courbe lumineuse, au centre la détection des neutrinos et à droite le flux radio. Documents S.L.Shapiro/U.Illinois et al., Jaret Heise/U.Br.Columbia et U.Sidney/IoA.

7°. Production de neutrinos

Lorsque les protons du noyau captèrent les électrons, ils se transformèrent en neutrons en émettant chacun un neutrino électronique. Cette réaction commença lorsque la densité nucléaire atteignit 1010 g/cm3. A cet instant la proportion d'électrons dans le milieu était de 46%. On assista alors à une production massive de neutrinos ainsi que d'antineutrinos (cf. G.Pagliaroli et al., 2008) grâce aux deux processus suivants :

p + e- → n + νe

e+ + n  → p + e

Lorsque la densité nucléaire atteignit 1012 g/cm3,  neutrinos et antineutrinos commencèrent à être "piégés" dans le noyau de l'étoile. Leur libre parcours moyen tombant à 20 km et sachant que la distance parcourue varie comme √n, n étant est le nombre d'interactions avec le milieu, on constate qu'à ce moment là le rayon du coeur de densité homogène (homologue) fut de 300 km.

Alors que dans des conditions normales, les neutrinos n'interagissent pratiquement pas avec la matière, dans ces conditions extrêmes les neutrinos subirent de 50 à 100 interactions avec le milieu, subissant une forte diffusion qui les thermalisa (une phase identique à celle qui s'est produite durant l'ère leptonique au cours du Big Bang) et ralentit leur progression vers l'extérieur. En effet, le coeur de l'étoile continua à se contracter plus rapidement que la vitesse de progression des neutrinos vers la surface. La proportion d'électrons tomba à 36%. On arriva à un point d'équilibre car la réaction inverse se produisit également.

Deuxième partie

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