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Les comètes Polémiques autour de la nature des comètes La composition des comètes est encore très mal connue et fait l'objet d'un large débat. Toutes les données que les astrophysiciens ont accumulées proviennent principalement des observations spectroscopiques de la coma et de l'analyse in situ réalisée par les sondes spatiales. La plupart des éléments volatils n'ont été découverts qu'au travers de leurs produits de dissociation et leurs signatures dans les spectres visible, infrarouge, ultraviolet ou radio. Mais les données recueillies in situ manquant parfois de résolution et les modèles étant pour la plupart simplistes, il est parfois difficile d'interpréter les données brutes, sans parler des problèmes liés à la connaissance du temps de vie des molécules, de la calibration des instruments et des problèmes théoriques annexes. A voir : Désintégration de la comète C/2019 Y4 (ATLAS), HST Animation des images prises les 20 et 23 avril 2020
Le modèle idéal de comète n'existe donc pas et il faut prendre le problème à son origine pour essayer d'y voir clair. Car la Science c'est avant tout l'observation. Elle sera corroborée par des calculs et les modélisations qui seront à leur tour mis à l'épreuve de l'observation, et ainsi de suite, ainsi va la Science. Nous avons relaté dans une autre page la fin dramatique que connu la comète Shoemaker-Levy 9 (SL9) qui se scinda en de nombreux fragments avant de percuter Jupiter en 1994. La première question qui vient à l'esprit est de se demander pourquoi une comète se fragmente-t-elle ? Si nous pouvions répondre à cette question nous connaîtrions leur nature et pourrions prédire leurs comportements avec plus de précision.
Une comète peut être assimilée à un ressort. Nous savons qu'il présente une force de tension au-delà de laquelle il se rompt, c'est la limite d'élasticité de la matière. Un corps solide reste aggloméré en vertu de la force de la gravitation qui attire mutuellement toutes ses parties mais également grâce à la force de liaison moléculaire. Si la force de tension d'un ressort en acier dépasse 24000 N/cm2, la force de tension d'une comète est plus de 2 millions de fois inférieure (0.01 N/cm2); elle est donc très sensible au stress gravitationnel qui peut facilement la faire éclater en morceaux. En l'espace des deux derniers siècles nous avons observé au moins 25 comètes qui se sont fragmentées, auxquelles il faut ajouter les comètes jumelles. Apparemment, cette fragmentation est plus fréquente qu'on le pensait. Les raisons de cette fragmentation sont multiples. La première raison est évidente, une comète se fragmente en s'approchant un peu trop près d'un astre massif, Jupiter ou le Soleil dont les forces de marée finissent par rompre la cohésion interne du noyau cométaire. Cela dénote déjà que les comètes ont une structure interne assez fragile. Parfois la fragmentation est indépendante du stress gravitationnel. Elle est provoquée par des poches de gaz souterraines qui explosent, engendrant des ondes de choc qui peuvent totalement détruire le noyau. Une autre raison est liée au fait qu'en s'approchant du Soleil et perdant de la matière en des endroits bien localisés de sa surface, une comète subit des contraintes qui affaiblissent certains endroits de sa structure. Si son noyau est animé d'une vitesse de rotation, la force centrifuge générée peut très bien éjecter des fragments. Enfin, parfois le noyau ne peut supporter le choc thermique à l'approche du Soleil et il éclate. En apercevant le chapelet de noyaux multiples de la comète Shoemaker-Levy 9, plusieurs astronomes ont évoqué l’idée que les comètes étaient des corps relativement fragiles, composés de noyaux formés par accrétion, peu denses ou très sensibles au gradient gravitationnel et peut-être constitués de roches. Plusieurs observations viennent appuyer leurs hypothèses. La fragmentation du noyau En 1976, si la comète West (1975 VI) fut si brillante c'est parce que son noyau se scinda en quatre morceaux, révélant deux noyaux secondaires de même taille et de même éclat. En 1995, la célèbre comète 73P/Schwassmann-Wachmann 3 d'une période de 5.3 ans se scinda en au moins trois parties, révélant une coma et une queue complexes. Lors de son passage en avril 2006 à 0.08 UA (12 millions de km) de la Terre, on dénombrait au moins 8 fragments. En 2022, sa désintégration fut à l'origine du nouvel essaim de météores de Tau Herculides qui culmine le 9 juin où on s'attend à observer jusqu'à 1000 météores par heure - environ 4 fois fois que durant les Perséides - soit à ne rien observer. Enfin, en 2001 le noyau de Linear C/2001 A2 se scinda en deux parties d'égale brillance. Exceptionnellement, des noyaux multiples peuvent apparaître, telle la défunte Shoemaker-Levy 9 (D/1993 F2) constituée d'au moins 26 fragments. Ces noyaux multiples ont été engendrés par les forces de marée provoquées par Jupiter à une distance inférieure à 5 millions de km. La comète Atlas, C/2019 Y4, subit le même stress lorsqu'elle passa sous l'orbite de Mars et se fragmenta en 30 morceaux comme on le voit sur la photo présentée en haut de page.
Quant à Linear (D/1999 S4), au lieu de se briser en fragments biens nets et brillants comme Shoemaker-Levy 9, son noyau s'est quasiment dissous dans un nuage amorphe de gaz et de poussière comme le montre très bien les photographies ci-dessus. Mais il y a une similitude entre les deux comètes : au moment de la fragmentation, le noyau de Linear s'est également transformé en une longue chaîne brillante. Toutefois il n'y avait pas de noyaux indépendants comme on l'observa sur SL9. Cette fragmentation implique déjà une structure interne assez homogène mais très sensible aux forces de marée. Ainsi qu’il a été dit, on retrouverait une structure interne similaire à celle des astéroïdes, dont certains se sont formés par accrétion. La similarité entre la brillance des noyaux cométaires et celles des astéroïdes est connue[1], à laquelle s’ajoute une réflectivité radar fort similaire, proche de 10%, qui rappelle le faible pouvoir réfléchissant de certaines pierres ou des scories. La comète de Halley ne réfléchissait toutefois que 4% de la lumière solaire, ce qui reste inférieur aux prédictions.
Les comètes semblent se fragmenter à toute distance du Soleil, mais principalement dans la région proche du périphélie où l’attraction du Soleil est la plus forte. Selon Thomas Van Flandern (1940-2009), expert en mécanique céleste, la durée maximale durant laquelle on peut observer une scission après le passage au périphélie d’une comète qui gravite sur une orbite parabolique augmente en puissance 1.5 de la distance périhélique à une constante près. Ainsi les comètes qui présentent une courte distance périphélique restent peu de temps près du Soleil et ont peu de chance de se fragmenter. Inversement, une comète ayant une distance périhélique de 1 UA par exemple, restera près de 68 jours à la distance périhélique et jusqu’à une année à la distance de la ceinture des astéroïdes. Bien sûr ce modèle s’écroule si l’orbite de la comète croise la trajectoire d’une planète influente comme Jupiter. Lorsque le noyau se fragmente, une comète peut encore rester active quelques dizaines d'années. Vient un moment où le noyau est tellement petit qu'il se désagrège en formant des pluies d'étoiles filantes. C'est Schiaparelli en 1866 qui démontra le lien entre les comètes et certains essaims de météores. Si la comète se désagrège près de la Terre, nous assistons au passage périodique d'essaims d'étoiles filantes. Le plus bel exemple est la comète périodique de Biéla qui fut découverte en 1826. Elle finit par éclater en deux morceaux en 1852, formant un court instant deux comètes jumelles. Mais aucune des deux comètes ne réapparut au passage suivant. Le 27 novembre 1872 le ciel fut par contre progressivement envahi d'étoiles filantes et l'on estima leur nombre total à 160000. On établit que la trajectoire héliocentrique des météores décrivait la même orbite que celle de la comète de Biéla.
Les théories alternatives proposées par une minorité de chercheurs résolvent quelques-uns des problèmes du modèle Standard proposé par Whipple. L’une des idées alternatives se trouva confortée lorsqu’on découvrit dans les archives 14 comètes fragmentées pour lesquelles les astronomes connaissaient précisément les dates de fragmentation. Toutes ces comètes s’étaient brisées avant ou près du périhélie. Les astronomes en connaissent autant qui se sont fragmentées après le périhélie, mais dont la date est incertaine. Ces évènements remettent en question la validité du modèle de la “boule de glace sâle”. En effet, depuis le milieu des années 1970, Z.Sekanina[2] et ses collègues du JPL ont découvert que la vitesse de séparation des fragments cométaires semble corrélée avec la distance au Soleil au moment de la scission, phénomène qui n’existe pas dans la théorie standard; cette nouvelle théorie qui incorpore une loi en puissance impose que nous amendions la théorie originale de Whipple.
Les vitesses relatives des fragments cométaires, forts proches dans le cas de SL9 semblent avoir une origine gravitationnelle, satellitaire qui s’oppose à la théorie selon laquelle ils auraient été formés par accrétion ou par un processus éruptif du noyau. Toutefois, selon T.Van Flandern, la variation de la vitesse des fragments en fonction de la distance au Soleil semble incompatible avec une scission provoquée par des processus internes, la chaleur, le stress gravitationnel ou le rayonnement solaire. Dans son esprit, beaucoup d’autres données viennent infirmer le modèle de Whipple.
Un autre indice opposé au modèle Standard est le fait qu’en s’approchant du Soleil à moins de 1.5 million de kilomètres, les comètes doivent supporter des températures de l’ordre de 1000°C. Considérant le modèle de la “boule de glace sale”, les astronomes s’expliquent mal comment ces comètes survivent, bien qu’à haute température la vapeur d’eau puisse jouer le rôle d’isolant thermique et préserver le noyau cométaire. Une autre théorie considère que seul un noyau rocheux couvert d’interstices remplis de glace et entouré de vapeur pourrait survivre dans de telles conditions. Dans ce cas le modèle Standard s’écroulerait. Enfin, l’idée que les comètes ressemblent tant par leur structure (fragile et poreuse), leur réflectivité (10 % en moyenne, courbe lumineuse à plusieurs pics) et leur constitution (carbone, aspect sombre) aux astéroïdes ou aux planètes inférieures renforce également l’idée qu’elles ne sont pas constituées de glace mais plutôt de roches. Pour les défenseurs du modèle Standard, la seule explication est de considérer que les comètes présentent bel et bien une faible densité et contiennent des fragments de quelques mètres seulement comme le prédit le modèle de Whipple. Toutes ces idées doivent cependant être confirmées en analysant un plus grand nombre de comètes. Espérons que les données transmises par la sonde Philae (mission Rosetta) qui s'est posée en 2015 sur la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko nous apporteront quelques éclaircissements.
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