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Définition d'une planète

Ecrit en collaboration avec Michael E. Brown du Caltech, dessins planétaires de T.Lombry

Introduction

Qu'est-ce qu'une planète ? Jusqu'en 2006 l'Académie Nationale des Sciences américaine définissait une planète comme étant un corps de moins de 2 masses joviennes gravitant autour d'une étoile. Mais cette définition sous-entendait que tous les petits astéroïdes devaient être considérés comme des planètes, or ce n'est pas le cas... Suite à cette confusion, en 2003 Sedna fut temporairement décrétée comme la 10e planète du système solaire puis perdit son titre... Comment une planète peut-elle ainsi voir son titre usurper ?

Cela vient du fait que jusqu'en 2006 il n'existait pas de définition scientifique du mot "planète". Pour le dictionnaire il s'agit d'un "objet céleste compact, dépourvu de réactions thermonucléaires, gravitant autour du Soleil ou, par extension, d'une étoile". On peut donc en conclure par extension que tout corps céleste inférieur à deux masses joviennes et ne produisant pas sa propre lumière est une planète.

Si nous prenons l'exemple de la Terre, effectivement elle est 317 fois plus légère que Jupiter et ne fait que réfléchir la lumière qu'elle reçoit du Soleil. Jupiter en revanche émet 2.5 fois plus de rayonnement qu'il n'en reçoit mais il ne s'agit pas de lumière. Ouf ! C'est donc bien une planète.

Mais qu'est-il advenu de Sedna qui usurpa un temps le titre de 10e planète ? Elle répond pourtant aux mêmes critères mais les astronomes l'ont exclue du club fermé des planètes. Notre définition manque donc clairement de précision.

La question serait-elle liée à la taille minimale de l'astre ? Pas uniquement. De quelles propriétés peut-il s'agir ? Je vous laisse y réfléchir quelques secondes.

D'un autre côté nous n'avons pas réellement besoin d'une définition car ce mot est tellement commun que même un enfant en âge de raison comprend très bien de quoi il s'agit et fait bien la distinction entre une étoile et une planète. Mais tout astronome a besoin  de construire une définition scientifique qui peut s'avérer parfois assez éloignée de la définition communément admise.

Quatre définitions

Nous allons devoir faire une distinction entre la signification populaire du mot "planète" et tout le charroi historico-culturel qu'elle véhicule et sa définition purement scientifique. Michael Brown et ses collègues du Caltech, très impliqués dans la découverte des KBO ont trouvé 4 définitions du mot "planète", allant du plus simple mais non moins rigoureux au plus complexe :

1. Point vue purement historique. Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton sont des planètes et aucune autre de plus. Mais confrontée aux scientifiques, cette définition échoue lamentablement à définir son objet d'étude. En effet, que devons-nous faire si un jour nous découvrons une planète plus grosse que Pluton ?

L'astéroïde Cérès photographié par la sonde spatiale Dawn en avril 2018 et représenté en fausses couleurs (sa couleur naturelle étant beige). Il mesure 950 km de diamètre, représente 0.1% du poids de la Terre et gravite à 2.5 U.A. du Soleil. L'UAI le classa parmi les "planètes naines" en 2006.

Et si nous avons décrété que Pluton est une planète avec ses 2370 km de diamètre, pourquoi Eris qui mesure 2326 km de diamètre n'en serait pas une ou des corps plus petits comme 2007 OR10 alias "Snow White" ( 1535 km), Quaoar ( 1280 km) ou Sedna ( 1000 km) ? Poser des critères de manière aussi arbitraire ne pourra jamais satisfaire personne et certainement pas les astronomes.

2. Historique mis à jour. On peut envisager des raisons historiques tenant compte des dernières découvertes. Dans ce cas Mercure jusque Pluton sont des planètes ainsi que tout nouvel objet plus grand que Pluton. Brown ainsi que la majorité des astronomes acceptent cette définition qui, soi dit en passant, est la définition la plus logique et communément acceptée par le public. C'est ainsi que si Sedna avait été plus volumineuse que Pluton, tout le monde aurait été d'avis de la considérer comme une planète.

Malheureusement cette définition ne résiste pas non plus à une critique scientifique. En effet, pourquoi la taille de Pluton constituerait-elle un seuil ? Y a-t-il une différence de taille si importante entre Pluton ( 2370 km), 2007 OR10 ( 1535 km), Quaoar ( 1280 km) et Sedna ( 1000 km) pour décréter arbitrairement que la première est une planète et pas les autres ? L'astronome est forcé de répondre non.

3. La sphère gravitationnelle. Tout objet arrondi en raison de sa force gravitationnelle, qui ne produit pas sa propre lumière et qui gravite directement autour du Soleil, et par extension d'une étoile, est une planète. Cette définition est très différente et fait appel à des propriétés physiques. Elle est scientifique, également valide historiquement et par la plus grande coïncidence elle détermine une ligne de démarcation entre les objets arrondis et ceux en forme de "patate" juste un peu plus petits que Pluton. Pourrait-on alors utiliser cette définition et considérer qu'une planète est un astre arrondi qui ne fait que réfléchir la lumière de son étoile ? Dans ce cas nous devons admettre que Sedna et Quaoar ainsi que l'astéroïde Cérès et probablement quelques KBO sont par définition des planètes. Pour Michael Brown si cet amendement est le seul prix à payer pour obtenir une définition qui se base sur de solides arguments scientifiques, il est partant.

Malheureusement, cette définition échoue également face à la question scientifique. Historiquement parlant le critère de sphéricité est apparu suite à une coïncidence. Cérès fut initiallement considérée comme une planète car c'était le seul objet que l'on avait découvert entre Mars et Jupiter. Comme son emplacement obéissait à la loi de Titius-Bode, tout le monde accepta ce nouveau membre comme un fait accompli. Jusqu'au jour où de nouveaux astéroïdes furent découverts et que les astronomes se rendirent compte qu'ils peuplait tout l'espace situé entre les deux planètes. Il s'en fallut de peu que le système solaire contienne dix mille planètes ! De statut de planète Cérès est donc passée à celui de membre de la Ceinture des astéroïdes puis fut considérée comme une planète naine (au même titre que l'astéroïde Hygiéa).

A gauche, illustration artistique de Sedna ( 1700 km), un KBO distant de 87-900 UA. A droite, illustration artistique de l'exoplanète Proxima b gravitant autour de Proxima du Centaure. Une (exo)planète est reconnaissable au fait qu'elle gravite autour d'une étoile, à sa forme sphérique et le fait qu'elle soit isolée; il s'agit d'un planétoïde. Mais tous les planétoïdes ne sont pas des (exo)planètes, c'est notamment le cas des milliers d'astéroïdes et de KBO.

D'un autre côté, le critère physique à son importance car la sphéricité est étroitement liée à la masse et donc à la taille du corps. Il serait donc intéressant de conserver ce critère qui décrit une classe particulière d'objets du système solaire.

Mais si historiquement toutes les planètes se sont avérées rondes, tout scientifique sait bien que tous les objets ronds ne sont pas des planètes, sans quoi il y aurait des luminaires parmi les planètes... voyez ce que je veux dire (cf. la Bible et sa référence au Soleil).

Nous devrions trouver un meilleur mot pour décrire ces objets. Sphéroïdes ? Gravisphères ? Aujourd'hui ces objets n'existent pas dans le cortège planétaire et les astronomes préfèrent utiliser le néologiste "planétoïde" pour décrire un objet rond en orbite autour du Soleil. Toutes les planètes sont des planétoïdes mais tous les planétoïdes ne sont pas des planètes.

4. Les classes de populations. Cette définition du terme "planète" est la plus complexe mais également la plus satisfaisante d'un point de vue scientifique. Une population est un ensemble d'individus appartenant à la même espèce. Dans notre contexte il s'agit d'un ensemble d'objets solitaires partageant les mêmes propriétés. Sachant cela, l'une des populations les plus connues est la Ceinture des astéroïdes. Sa population est localisée dans une zone délimitée de l'espace et contient des corps dans une gamme continue de dimensions allant de l'objet modérément grand (Cérès, 950 km) en passant par la poignée d'objets plus petits (Vesta, Pallas, Hermione, ~550 km) jusqu'à l'immense quantité d'objets extrêmement petits (rochers, particules de poussière).

Illustrations artistiques d'exoplanètes annelées. A gauche, HIP 41378 f est une géante gazeuse 9.2 plus grande que la Terre ou 91% de la taille de Jupiter. A droite, une planète rocheuse disposant d'une légère atmosphère comme Pluton. L'existence d'un anneau de débris est indépendante de la taille de l'astre et dépend de la présence d'un satellite naturel sous la limite de Roche. Il existe des anneaux autour de certains astéroïdes, Mars possédait un anneau (et en reformera un plus tard), Saturne, Uranus et Neptune possèdent des anneaux.

Les individus solitaires sont très différents. Dans leur région de l'espace, ils sont soit isolés (comme la Terre) soit font partie d'un ensemble d'objets beaucoup plus petits (par exemples les astéroïdes NEA) sans population continue entre eux, à l'inverse de ce qu'on observe par exemple dans la Ceinture des astéroïdes. La taille entre deux astéroïdes n'est jamais supérieure à un facteur 2. A l'inverse, entre la Terre ( 12756 km) et disons l'astéroïde 1036 Ganymède ( 41 km) qui ère dans la région, la différence atteint un facteur 311 !

De Mercure à Neptune, les planètes font partie des individus solitaires par définition. Pluton et Quaoar n'en font pas partie. Récemment, suite à la découverte des KBO, les planétologues se sont rendus compte que Pluton est de toute évidence membre de la population de la Ceinture de Kuiper car il présente les mêmes caractéristiques orbitales que Quaoar, 2004 DW ou Varuna par exemple qui sont légèrement plus petits.

Et que devient Sedna ? Ainsi que nous l'avons dit dans l'article qui lui est consacré, comme toute déesse elle réside à part dans son royaume. Sedna est à ce jour la seule représentante connue à cette vitesse orbitale. Les astronomes pensent toutefois qu'ils devraient bientôt découvrir d'autres corps similaires. Michael Brown suggère donc de classer Sedna parmi les membres d'une grande population en devenir telle que les "Objets du Nuage interne de Oort" plutôt que tel un objet solitaire mais certainement pas comme une planète. Cette classification évite de faire marche arrière dans dix ans et de devoir reclasser Sedna lorsque les astronomes découvriront d'autres objets de cette famille !

Illustrations artistiques d'exoplanètes formées dans des régions riches de la Voie Lactée. A gauche, des exoplanètes gravitant près d'un jeune amas d'étoiles entouré de gaz. A droite, un système planétaire proche de nuages moléculaires comprenant une exoplanète superhabitable.

Etant donné qu'il existe une distinction scientifique claire entre les individus solitaires et les membres des grandes populations, il n'est pas inutile d'inventer des mots pour décrire ces objets.

Nous pouvons décrire les grandes populations de petits corps en fonction de leur population (Ceinture d'astéroïdes, Ceinture de Kuiper, Nuage interne de Oort, Nuage de Oort) tout en sachant très bien qu'il peut y avoir ses sous-ensembles dans ces populations (comme il en a dans tout classement). Que faire des individus solitaires ? N'y a-t-il pas de meilleur mot pour les qualifier que celui de "planète" ?

Commentaires

A la lumière de cette quatrième définition, examinons en détails la description du mot "planète". Tout d'abord, elle n'est pas "pire que la précédente" quoiqu'en disent certains critiques. De fait elle est plus complexe mais elle est scientifiquement plus claire et rassemblera probablement tout le monde autour d'une définition qui ne laisse planer aucun doute sur la nature des planètes. En effet, notre 4e définition tient compte des populations. Elle est motivée scientifiquement parlant et bien fondée sur des arguments physiques objectifs. Mais la définition de "gravisphère" l'était tout autant.

Un hypothétique système exoplanétaire semblable au système solaire. Illustration inspirée de WallPaper Safari.

Existerait-il un fondement historique nous permettant de dire qu'une planète est un objet solitaire qui n'est pas membre d'une grande population ? Oui ! Ainsi que nous l'avons expliqué, historiquement Cérès fut classé parmi les planètes, mais dès que l'on découvrit l'existence d'autres corps ayant des orbites similaires, on changea son statut.

Historiquement, il existe donc une distinction claire entre planètes et populations. Toute définition qui ne permet de faire cette distinction échouera donc devant le verdict de l'Histoire. C'est ainsi que Pluton fut originellement considérée comme un objet solitaire. Avec le temps, de nombreux objets présentant ses caractéristiques ont été découverts et les astronomes réalisent aujourd'hui qu'il fait en réalité partie d'une grande population, celle des KBO. Historiquement donc, en tenant compte des récentes découvertes, Pluton ne devrait plus être considérée comme une planète.

Nous voici donc avec un concept du mot "planète". Tout objet du système solaire peut assez naturellement être classé soit comme individu solitaire soit comme membre d'une grande population. Les individus sont les planètes. Les populations ne sont pas des planètes. Cette définition épouse notre désir historique de distinguer les astéroïdes des planètes et satisfait notre curiosité scientifique.

Aucune méthode de classement n'est parfaite. Une navette spatiale peut être classée à la rubrique Astronautique comme à Transport. On peut toujours imaginer (ou même trouver) des "scénarii pathologiques" comme les qualifie Michael Brown ou notre classification si laborieusement établie échouera.

A l'inverse, les trois premières définitions sont beaucoup plus rigoureuses et ne devront jamais être affinées puisqu'elles excluent à peu près tout pour des raisons on ne peut moins scientifiques !

Mais leurs qualités ne sont pas vraiment des avantages. A mesure que notre connaissance du système solaire s'améliorera, notre langage, tant populaire que scientifique, devra s'adapter afin d'exprimer nos connaissances de la manière la plus précise qui soit. Selon Michael Brown et son équipe, la classification en population suffira pour classer tous les objets que l'on découvrira encore dans le système solaire, mais ils ne demanderaient pas mieux que de découvrir un objet qui défierait tous les classements et les forcerait à complètement repenser la question de savoir "qu'est-ce qu'une planète ?".

Si la plupart des gens étaient près à passer de 9 à 10 planètes (2e définition) dès l'annonce de la découverte de Sedna, ils étaient également prêts à accepter Eris (ex-2003 UB313 qui s'appelait alors officieusement Xéna) parmi les planètes. Toutefois il semblait peu probable que beaucoup de personnes seraient heureuses si les astronomes annonçaient subitement "nous avons décidé qu'il y a 24 planètes dont voici la liste" ou s'ils décidaient de supprimer Pluton de cette liste.

Culturellement, je me rappelle que l'annonce faite en 2003 que Sedna était la 10e planète m'avait quelque peu surpris car je ne comprenais pas sur quel(s) critère(s) avait été fondé cette décision. Le temps a heureusement rétablit la donne.

Malgré des années de débat, le statut de Pluton n'était toujours pas tranché et tous les astronomes ne partageaient pas l'idée de l'exclure du petit club fermé des planètes.

En effet, son statut de planète était bien ancré. En accord avec la définition acceptée jusqu'alors, Pluton était traitée comme une planète sur les sites officiels de la NASA (JPL) et des sites y faisaient référence tel que "The Nine planets". Des trucs mnémoniques permettent de les retenir (notamment "Me Voici Toute Mignonne, Je Suis Une Nouvelle Planète), elles figurent toutes sur des timbres et tous les sites d'astronomie ont imposé Pluton comme planète à part entière.

En fait, quand bien même les astronomes voudraient soustraire Pluton à son statut, ils constateraient que le mot "planète" ne leur appartient plus car il s'entoure d'un sens historique et culturel très complexe.

Bien sûr il n'était pas exclu qu'une nouvelle génération de chercheurs bouscule une nouvelle fois nos habitudes. Tous admettaient toutefois que tout objet plus grand que Pluton et n'assurant pas son propre rayonnement lumineux devait être considéré comme une planète. Une planète culturelle, une planète historique si vous voulez.

On ne pouvait pas dire qu'il s'agissait d'une planète "scientifique" parce qu'il n'existait pas encore de définition scientifique qui épouse à la fois les conditions rencontrées dans le système solaire et notre culture. Comme Michael Brown l'a écrit "pour une fois j'ai décidé de laisser gagner la culture. Nous, scientifiques, pouvons continuer nos débats, mais j'espère que nous serons globalement ignorés."

2006 : nouvelles résolutions de l'UAI

La définition scientifique d'une planète restant approximative, 2500 astronomes du monde entier se sont réunis du 14 au 25 août 2006 sous les auspices de la 26e Assemblée Générale de l'Union Astronomique Internationale (GA-XXVI) pour clôturer deux années de discussions sur le sujet. Cinq résolutions étaient à l'ordre du jour parmi lesquelles la théorie de la précession et les définitions de l'écliptique ainsi que d'une planète.

Quelques petits astres perdus aux confins du système solaire qui n'accéderont jamais au statut de planète ni de planète naine. Selon l'UAI, ils sortent du cadre de ces définitions et appartiennent à la grande famille des petits corps (KBO, SDO, etc). Document UAI (2006).

La Résolution 5A proposée par l'UAI définit une planète comme suit : 

"Une planète est un corps céleste qui (a) orbite autour du Soleil, (b) qui possède une masse suffisante pour que sa gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps rigide et le maintienne en équilibre hydrostatique (forme ronde), et (c) qui a éliminé tout corps se déplaçant sur une orbite proche."

Par extension, tout corps répondant à ces critères et gravitant autour d’une autre étoile est qualifiée d'exoplanète.

Mais l'UAI ne dressait pas encore la liste des planètes qui devait faire l'objet d'une 6e résolution. Y en aurait-il 8 en excluant Pluton, 9 en ignorant les nouveaux KBO ou fallait-il élargir le nombre de planètes à 12 ou 24 en comptant les plus gros KBO ? Les débats se sont poursuivis durant une semaine.

Entre les lignes, la définition de l'UAI signifie qu'un corps doit présenter une masse d'au moins 5x1020 kg et un diamètre d'au moins 800 km pour être considéré comme une planète. Mais ce n'est pas tout. La planète doit avoir éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche et le barycentre ou centre de gravité du système doit également se situer en dehors de l'astre primaire.

Pourquoi cette dernière précision ? Car autrement la Lune située à 380000 km de la Terre serait considérée comme une planète avec ses 7.35x1022 kg et ses 3400 km de diamètre ! On parle bien du "couple Terre-Lune", mais pour l'UAI la question est entendue, la Lune reste une lune, c'est-à-dire le satellite naturel de la Terre.

Le couple Pluton-Charon est un cas particulier car justement les deux astres gravitent autour d'un centre commun de gravité qui se situe dans l'espace.

Après dix jours de débats houleux, le 24 août 2006, la Résolution 5A fut approuvée par l'UAI. Par un vote à main levée, Pluton a été déchue de son titre de planète ! C'était une solution assez proche de la 4e définition, la plus scientifique mais l'une des moins probables aussi... Mais rassurez-vous Pluton ne changera pas d'orbite pour autant !

Le système solaire ne contient donc dorénavant que  8 planètes : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.

L'UAI a également voté une 6e résolution afin de créer une nouvelle classe d'objets : les planètes naines dont les premiers membres sont Pluton, Charon, Cérès, Sedna et Eris, auxquelles s'ajouteront probablement 2007 OR10. Quant aux trucs mnémoniques, on peut bien entendu les conserver puisque ces astres existent toujours, en rappelant simplement que ses derniers membres sont des planètes naines.

Dans une interview accordée au JPL fin août 2006, Michael Brown reconnut sa déception : "Bien sûr je suis déçu que Xéna (Eris) n’ait pas été la dixième planète, mais je supporte sans le moindre doute cette décision difficile et courageuse de l’UAI. C’est scientifiquement la bonne chose à faire et un grand pas en avant en astronomie."

Pluton déchue de son titre de planète en 2006.

Remise en question en 2018

Bien que Pluton fut déchue de son titre, on constate aujourd'hui que plus de 100 scientifiques violent la résolution de l'UAI et continuent de qualifier Pluton de "planète". En raison de cette prise de position officieuse des planétologues, en 2018 le planétologue Philip Metzger de l'Université de Floride Centrale (UCF) et ses collègues se sont penchés sur la question dans un article publié dans la revue "Icarus" qui porte sur la façon dont les astéroïdes ont été classés par rapport aux planètes dans la littérature scientifique. 

Metzger constata que l'un des points retenus dans la résolution de l'UAI (voir ci-dessus), à savoir que Pluton réside sur une orbite dégagée de tout objet est invalide. En effet, son orbite se situe vers 39.4 UA, dans la Ceinture de Kuiper (entre 30-55 UA) qui comprend notamment les planètes naines Makémaké et Hauméa.

Selon Metzger, il n'existe aucun document dans la littérature scientifique exigeant qu'une planète nettoie son orbite. En consultant les publications remontant à plus de 200 ans, il n'a trouvé qu'un seul document publié en 1802 relatif au classement des planètes et cette publication était basée sur un raisonnement aujourd'hui réfuté.

Metzger qualifie Pluton de "deuxième planète la plus complexe et la plus intéressante de notre système solaire" et qualifie la définition de l’UAI de "négligée". Il suggère que les planètes soient classées en fonction de leur taille et soient sphériques. Il montre ainsi que les lunes de Pluton, sa géologie complexe et son atmosphère rendent ce système "plus dynamique et vivant que Mars."

Quand on pose la question du statut de Pluton à la NASA, on constate que les participants à la mission spatiale New Horizons ont tendance à la considérer comme une planète, en particulier Charles Bolden, directeur de la NASA (en 2018), qui a déclaré qu’il considérait toujours Pluton comme une planète à part entière.

D'autres scientifiques du secteur spatial se sont également demandés si Pluton devait retrouver sa position aux côtés des huit autres planètes après que quelques mesures montrèrent qu'elle était plus grande que prévu. La position de Bolden est sans équivoque : "Nous appelons Pluton une planète mais techniquement, c’est une planète naine. Je l'appelle une planète, mais je ne suis pas le régulateur." Les mesures renvoyées par New Horizons indiquent que la planète naine est 20 à 30 km plus grande que prévu, avec un diamètre de 2367 km. Pluton est significativement plus grande que Eris découverte en 2006. Le fait que le Pluton était plus petit que Eris était l’un des arguments les plus convaincants pour reclasser Pluton comme planète naine. "Peut-être devrions-nous reconsidérer son statut", a déclaré Michael Brown.

Cependant, Alan Stern, chercheur principal sur la mission New Horizons affirme que ces termes excluraient également la Terre, Mars, Jupiter et Neptune, qui partagent tous leurs orbites avec des astéroïdes.

Malgré ces arguments supportés par la plupart des astrophysiciens, l'UAI reste sur sa position. Lars Lindberg Christensen, officier de presse de l'UAI déclara à CNET en septembre 2018 qu'aucune résolution n’a été proposée pour revoir la classification de Pluton. "Il est néanmoins bon et sain de débattre de tels sujets", a-t-il conclu. Affaire à suivre.

Le cas particulier des planètes géantes

Depuis que les astronomes étudient les exoplanètes, il ne fait aucun doute aujourd'hui que le système solaire est un cas peu commun avec un cortège de 8 planètes et quelques planètes naines. Mais bien que Jupiter nous paraisse géant - 11 fois plus grand que la Terre (en rayon) et 318 fois plus massif -, nous avons découvert des exoplanètes bien plus volumineuses et plus massives. Ainsi HD 100546b est environ 7 fois plus grande que Jupiter pour une masse 20 fois supérieure tandis que le compagnon invisible DENIS-PJ082303.1-491201b gravitant autour d'une naine brune est 2.86 fois plus grand que Jupiter et environ 28 fois plus massif ! Mais ces astres sont-ils pour autant des exoplanètes ou ne sont-ils pas plutôt des naines brunes (qui ne sont pas des étoiles), faisant d'eux des systèmes binaires ?

Jusqu'à présent l'UAI n'a pas défini la masse maximale d'une planète mais elle a défini une étoile comme un corps gazeux d'au moins 0.08 M capable de déclencher la fusion thermonucléaire de l'hydrogène et rayonnant par lui-même. Une naine brune suffisamment massive peut déclencher la fusion du deutérium mais en théorie ce n'est pas une étoile. Dans tous les cas, on peut considérer ces agancements comme des systèmes binaires, la planète géante gazeuse ou  la naine brune ayant pour compagnon une étoile naine blanche, une autre naine brune ou, pour les plus denses, une étoile à neutrons voire même un trou noir stellaire en orbite autour de leur barycentre commun.

C'est justement pour remédier à ce manque d'information qu'en 2018, le mathématicien et astrophysicien Kevin Schlaufman de l'Université Johns Hopkins et ses collègues ont publié dans "The Astrophysical Journal" les résultats d'une étude portant sur l'observation de 146 systèmes planétaires afin de déterminer la masse des exoplanètes et des binaires de faible masse.

Illustrations artistiques de deux exoplanètes géantes gazeuses. Celle de gauche est pourvue d'un anneau tellement fin qu'il laisse filtrer la lumière de l'étoile. Celle de droite est similaire à Jupiter.

Pendant des décennies les naines brunes ont posé un problème aux scientifiques. En effet, comment distinguer une naine brune de faible masse et froide (par exemple de type T ou Y) d'une planète gazeuse géante très massive ? Le seul critère de la taille ou de la masse n'est pas suffisant.

Schlaufman et ses collègues font remarquer qu'on trouve essentiellement des planètes géantes comme Jupiter ou plus massives autour d'étoiles contenant plus de fer que le Soleil (étoile K, M, naine blanche, etc). En revanche, les naines brunes ne sont pas aussi discriminantes. Cette observation incita les chercheurs à s'orienter vers la formation des planètes et la question de la relation masse-rayon.

Nous savons que les planètes géantes se forment par accrétion de matière à partir d'un disque protoplanétaire et abritent un noyau rocheux généralement métallique. On trouve donc ces planètes autour d'étoiles riches en éléments lourds qui participent notamment à la formation des planète rocheuses mais pas uniquement. Or ce n'est pas le cas avec les naines brunes. Ces étoiles de relative faible masse se forment par effondrement gravitationnel d'une masse gazeuse sous son propre poids.

L'idée de l'équipe de Schlaufman fut donc de trouver la masse à partir de laquelle les exoplanètes ne correspondent plus à la composition de leur étoile hôte. Ils ont trouvé que la masse maximale d'une planète se situe entre 4 et 10 fois la masse de Jupiter. Au-delà de 10 Mj il est peu probable qu'il existe des planètes rocheuses. Par conséquent, bien que de nouvelles observations puissent toujours contredire cette hypothèse, Schlaufman et son équipe proposent qu'un astre dépassant 10 Mj soit considéré comme une naine brune et non plus comme une planète.

Avis aux chercheurs.

Pour plus d'informations

The reclassification of asteroids from planets to non-planets, P.Metzger et al. Icarus, 2019

Evidence of an Upper Bound on the Masses of Planets and Its Implications for Giant Planet Formation, Kevin C. Schlaufman et al., The Astrophysical Journal, 2018

A 6-year-old tells NASA to make Pluto a planet again: ‘You need to fix this problem for me', The Washington Post, 2018

Les résolutions du GA-XXVI concernant la définition d'une planète, UAI, 2006

Pluto and the Developing Landscape of Our Solar System, Résolution B6 de l'UAI

IAU 2006 General Assembly: Result of the IAU Resolution votes, UAI, 2006

Site Internet de Michael E. Brown, Caltech

Définition d'une planète selon Gibor Basri, Caltech (l'inventeur des Planemos), 2003

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