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Mars, le dieu de la guerre

Composition du sol martien relevé par trois rovers (Spirit, Opportunity et Curiosity) entre 2012 et 2013. Document NASA/MSL.

Composition du sol (II)

L'écorce de Mars se compose de roches continentales qui sont la plupart du temps recouvertes de dépôts meubles et notamment du sable d'une coloration brune orangée. Pourquoi le sol martien a-t-il cette couleur ?

Le graphique présenté à droite est basé sur les prélèvements de sol effectés par les rovers de la mission MER (Mars Exploration Rovers) sur les sites de Spirit et Opportunity ainsi que dans les empreintes des roues de Curiosity entre 2012 et 2013. Ces échantillons sont très similaires entre eux ainsi qu'avec ceux recueillis lors des missions précédentes.

Les résultats déduits des mesures réalisées par le spectromètre à particules alpha et rayons X (APXS) des rovers révèle que le sol (et donc également les nuages de sable) est principalement composé d'oxydes métalliques (principalement Al, Mg, Ca, Na, Fe, Ti, Mn, Cr, etc) et de métaux (Ni, Zn, Br, K, etc). Cette composition est voisine de celle des roches terrestres, mais avec une teneur trois fois plus abondante en fer et deux fois plus faible en silicium (50% d'oxygène, 20% de silicium, 14% de fer et 7% d'aluminium).

Conclusion, la coloration orangée de Mars s'explique simplement par la présence d'un oxyde de fer, la maghémite. Ce minéral, comme notre métal, attaqué par l'oxygène prend une couleur rouille. Il s'agit d'une variété d'hématite ferromagnétique, de formule chimique Fe2O3. qui est également présente dans sa version simple FeO.

Il est intéressant de noter que selon une étude réalisée en 1998 à partir des données récoltées par le spectromètre infrarouge équipant la sonde Mars Global Surveyor, le géobiologiste et exopaléontologiste Jack Farmer aujourd'hui à l'Université d'Arizona et ses collègues de la NASA estiment que la granularité de ce cristal de fer a nécessité la présence d'une certaine quantité d'eau, indice supplémentaire tendant à confirmer que Mars connut un passé liquide.

Sous la couverture sablonneuse, le sol est ferme. Les pieds des landers se sont enfoncés de moins de 15 cm de profondeur. La densité moyenne de ce substrat meuble est de 1.6, similaire à la silice ou le sable. Il présente une forte cohésion comme les tranchées de la pelle mécanique des sondes spatiales Viking l'ont bien montré; les parois ont gardé leur forme sans s'écrouler comme du sable sec. Ce phénomène est lié à la faible pression atmosphérique régnant sur Mars et dans une moindre mesure au froid glacial qu'il y règne.

LA texture du sol martien. Ci-dessus à gauche, les excavations du bras mécanique de Viking Lander 2 sur le site d'Utopia Planitia. Photo prise en août 1976 à 19h47 local. Cette image révèle un sol ferme de la consistance du sable. A droite, les excavations de la sonde Viking Lander 1 sur le site plus meuble de Chryse Planitia. Voici une vue panoramique. Ci-dessous à gauche, lors de la mission MER, le 12 janvier 2006 (sol 711) la rover Spirit creusa une tranchée de 30 cm de large dans le sol martien du site de "Pablo Robles", révélant un sous-sol clair. L'analyse au spectromètre X indique que ce sable contient 90% de silice (dioxyde de silicium). Au centre et à droite, aux environs du site de Tyrone, l'une des six roues de Spirit s'est temporairement enlisée dans le sable le 6 mai 2007 (sol 1187) révélant également un sous-sol clair. La trace mesure environ 20 cm de largeur. Documents NASA/JPL/NSSDC Viking1, Viking2, NASA/JPL/MER et NASA/JPL/MER.

Comme on le voit ci-dessus (rangée inférieure de photos), en creusant le sol, en 2006 et 2007 le rover Spirit mit en évidence un sous-sol clair. L'analyse au spectromètre X révéla qu'il s'agit de silice (dioxyde de silicium, SiO2) à 90% pure (par comparaison le quartz contient 100% de silice). Sa formation pourrait remonter à une époque où l'eau concentra cet élément, signe d'une ancienne activité hydrothermale. La nature de ce sable est similaire à celle qu'on trouve dans le parc de Yellowstone aux Etats-Unis.

Enfin, se basant sur les analyses chimiques effectuées par les différentes sondes spatiales orbiters, landers et rovers ayant exploré Mars, les géologues pensent que la poussière martienne ne serait pas inoffensive et constituerait non seulement un puissant oxydant et irritant mécanique mais également un poison chimique. Consulter l'article sur la toxicité de l'environnement martien pour plus de détails.

Découverte de tridymite

En 2016, une équipe de 23 chercheurs dirigée par le planétologue Richard Morris de la division ARES du centre JSC de la NASA déclara dans les "PNAS" qu'elle avait découvert grâce au rover Curiosity une quantité appréciable de tridymite dans les roches sédimentaires du cratère Gale.

Le cratère Gale exploré par Curiosity. Document NASA/JPL/SSS adapté par l'auteur.

La présence de ce minéral à base de silice est surprenante sur Mars car la tridymite est généralement associée à ce qu'on appelle un volcanisme silicique qu'on ne pensait pas trouver en abondance sur Mars. En effet, la tridymite se forme à basse pression (jusqu'à 0.4 GPa) et hautes températures (870-1470°C) en présence d'une forte concentration de silice, des conditions qu'on rencontre rarement et uniquement lors d'éruptions volcaniques explosives. Sur Terre, on a par exemple rencontré ces conditions pendant l'éruption du volcan St.Helens aux Etats-Unis et celui du Satsuma-Iwojima au Japon. Sur ce dernier, la tridymite trouvée sur le cône s'est formée par altération de la rhyolite par les vapeurs volcaniques et les fluides hydrothermaux portés à plus de 900°C complétée par une lixiviation (lessivage) à l'acide sulfaté qui augmenta de 26% la concentration en silice.

Sur Terre, comme sur Mars, la tridymite est métastable aux températures ambiantes régnant en surface. Sur Mars ce minéral fut incorporé dans le "lac Gale", une étendue boueuse sédimentaire formée par l'érosion des roches volcaniques siliceuses. On reviendra plus loin sur ce cratère.

Notons que le gisement analysé contient également d'infimes traces d'autres minéraux silicatés (quelques pourcents) comme le plagioclase, la sanidine, la magnétite, l'anhydrite et d'autres minéraux riches en silice proche de l'opale comme la cristobalite, l'opale A et l'opale CT (lussatite) ainsi que des oxydes de fer et de titane. Précisons que les opales contiennent des traces d'eau et l'opale AN (hyalite) est d'origine volcanique.

Le problème que soulève cette découverte est de savoir si la tridymite a pu se former sur Mars à basses températures par d'autres mécanismes que le volcanisme silicique. Selon les chercheurs, il n'existerait pas d'autre processus mais les recherches continuent. Dans tous les cas, Mars a connu une histoire volcanique bien plus violente durant sa prime évolution qu'on le pensait jusqu'à présent.

Une planète noire

Sous le sable des grandes plaines martiennes ou dans les régions accidentées comme sur le versant des cratères, les roches mises à nu prennent une coloration gris-verdâtre ou noire qui rappelle la nature des météorites martiennes découvertes sur Terre. En effet, selon une étude publiée en 2016 dans la revue "Icarus" par Kevin Cannon de l'Université Brown et ses collègues, les mesures spectroscopiques de la météorite martienne NWA 7034 "Black beauty" présentée ci-dessous au centre et à droite montrent que sa composition est différente des autres SNC et similaire à celle de la croûte martienne. Cette météorite qui s'est écrasée sur Terre il y a plus de 5 millions d'années est constituée de brèches, c'est-à-dire de roches brisées mêlées à du basalte fondu et contient des traces d'eau (6000 ppm soit 0.6%), ce qui permet de la qualifier de météorite "riche en eau". Les analyses isotopiques ont montré que ses constituants ont interagi avec la surface de Mars ou de l'eau superficielle il y a 2.1 milliards d'années, durant l'Amazonien, donc avant que la planète ne s'assèche.

NWA 7034 contient également des traces sédimentaires dont la composition chimique est comparable à celle des sites prospectés par les rovers Spirit et Opportunity (mission MER) et Curiosity (mission MSL).

Toutes les météorites martiennes découvertes sur Terre présentent également une coloration noire. En d'autres termes, sous son linceul de couleur beige (ou sur site, orangé-brun-olive) typique de la poussière martienne, la "planète Rouge" est en réalité une planète noire dominée par des brèches; la roche et le sable qui en est issu sont noirs. On reviendra sur la poussière, le sable et les déserts martiens (voir page 4).

A gauche, le sol autour du robot Sojourner (septembre 1997) révèle des traces d'érosion éolienne et un substrat très sombre. Ce sont ces zones découvertes par les vents que l'on observe sur Terre sous forme de soi-disant "avancées climatiques". Au centre et à droite, des échantillons de la météorite martienne NWA 7034 (au centre, un échantillon de 320 g) découverte dans le désert du Sahara au Maroc en 2011. Documents NASA/JPL/NSSDC/Mars Pathfinder, NASA/JPL-Caltech/UCLA/DLR/IDA, et Carl Agee/U.NM.

Les roches martiennes de surface sont de quatre types : des roches basaltiques (volcaniques) ignées et rugueuses, des roches lisses et érodées, des roches vésiculaires (creusées de cavités) comme la pierre ponce et des graviers. Le relief martien présente une grande diversité de formations que l'on peut rapprocher des formations lunaires et de certains déserts terrestres, y compris polaires.

Même si on ne peut pas affirmer que Mars s'est formée comme la Terre, les observations suggèrent que les seuls phénomènes qui peuvent expliquer les formations géologiques que l'on rencontre sur sa surface sont l'activité des météorites, l'activité géologique dont le volcanisme et les effets de l'érosion; on trouve des bassins et plus de 400000 cratères d'impacts de plus d'1 km de diamètre, des reliefs volcaniques et des champs de dunes, des effondrements et des glissements de terrain, des failles et des vallées (fractures). Enfin, les épanchements de lave, les effets de l'eau et du vent ont également façonné son relief. Nous verrons page suivante qu'un modèle géologique permet de préciser ces différentes périodes d'activités.

NWA 7034 tracée jusqu'à son lieu d'éjection

Dans une nouvelle étude publiée dans la revue "Nature Communications" en 2022, Anthony Lagain, planétologue de l'Université de Technologie Curtin à Perth en Australie et ses collègues ont réussi à localiser l'origine de la météorite NWA 7034 dans un cratère martien d'où elle fut éjectée lors de l'impact d'un astéroïde.

Pour parvenir à ce résultat, Lagain et ses collègues ont utilisé le supercalculateur du CIC et un logiciel d'intelligence artificielle pour créer une base de données contenant environ 90 millions de photos en haute résolution de la surface de Mars présentant des cratères d'impacts qui furent ensuite identifiés et répertoriés. Puis commença l'analyse. Les chercheurs ont parcouru cette base de données pour trouver des candidats qui correspondaient aux propriétés uniques de NWA 7034 : une des plus fortes concentrations de potassium et de thorium jamais mesurées dans une météorite martienne et l'une des plus magnétisées. Ils ont également exclu les cratères dont la chronologie ne correspondait pas à l'âge de la roche.

A gauche, résumé des âges radiométriques de la météorite martienne NWA 7034 et de roches appariées complété par la chronologie des évènements majeurs subis par cette roche. L'époque d'éjection est limitée par les âges d'exposition aux rayons cosmiques Ne-22/Ne-21. La roche entière (w.r), le zircon et/ou la baddeleyite (zr.b), l'apatite (ap) et l'augite (aug) sur lesquels les âges ont été mesurés sont également indiqués. Les différents chronomètres utilisés dans ces études sont rapportés (Sm-Nd, Pb-Pb, U-Pb, K-Ar, U-Th/He, U-Th-Sm/He). A noter que les cases vertes, rouges et bleues correspondent aux âges de remise à zéro du chronomètre concerné. Les âges de réinitialisation en vert représentent la perturbation induite par un évènement de chauffage dérivé de l'impact qui a excavé les composants les plus anciens de la brèche il y a environ 1.5 Ga, bien que son âge précis ne soit pas encore connu. A droite, a) vue en perspective (compositage d'images prises par la caméra CTX ou Context Camera de MRO) et coupe transversale à travers le cratère Karratha le long d'un axe SO-NE telles qu'interprétées à partir de simulations numériques. Les nuances de couleurs indiquent les impactites (fusion d'impact et brèche in situ ; éjecta et brèche de repli). En b), schéma des évènements chronologiques survenus sur le terrain hôte de la brèche de régolite. Documents A.Lagain et al. (2022).

Les chercheurs ont découvert qu'un seul cratère correspondait à sa signature : Karratha. Ce cratère mesure 10 km de diamètre et s'est formé dans un autre cratère plus ancien appelé Dampier. Selon Lagain, "Pour la première fois, nous connaissons le contexte géologique du seul échantillon martien bréchique disponible sur Terre, 10 ans avant que la mission Mars Sample Return de la NASA ne soit configurée pour renvoyer des échantillons."

Notons que début 2022, une analyse plus approfondie de NWA 7034 révéla que le bombardement d'astéroïdes sur Mars il y a plus de 4 milliards d'années se serait terminé plus tard qu'on le pensait (cf. M.A. Cox et al., 2022).

Un relief familier

Si les sondes spatiales n'ont pas découvert les "canaux" de Percival Lowell, elles ont en revanche mis en évidence des cratères, des lits de cours d'eau asséchés, des canaux de débacle, des volcans éteints, des canyons, des falaises, des éboulis, des glissements de terrains, des alluvions, des roches sédimentaires, des failles et des champs de dunes notamment, bref des reliefs et des paysages qui nous sont familiers.

Les cratères d'impacts

Les premières images de Mars transmises par la sonde spatiale américaine Mariner 4 en 1965 présentées ci-dessous révélèrent une surface désertique couverte de cratères. Il ne faisait aucun doute que Mars avait un aspect plus proche de celui de la Lune que de la Terre et n'était pas le havre de vie tant espéré. Et en effet, au fil des survols de la planète Rouge, on découvrit que la surface de Mars était couverte de milliards de cratères de toutes tailles.

La sonde spatiale Mariner 4 fut la première sonde automatique à renvoyer des photos de la surface de Mars. Cela vaut la peine de lui rendre hommage. Au total, Mariner 4 transmit 22 photos en noir et blanc dont les trois suivantes prises le 15 juillet 1965. A gauche, une photo prise à 13600 km d'altitude de la région fortement cratérisée au sud d'Amazonis Planitia. C'est la première photo montrant des cratères à la surface de Mars. La zone couvre 262 x 310 km. Au centre, une photo prise à 12589 m d'altitude. Le plus grand cratère mesure 151 km de diamètre. A droite, des cratères dans la région de Memnonia Fossae. Le grand demi-cratère visible à droite au centre en bordure du cadre est Dejnev de 56 km de diamètre. Documents NASA/JPL-Caltech (NASA1, NASA2, NASA3).

La morphologie (forme, dimensions et structure) des cratères martiens ne diffère pas de celles des cratères de la Lune et de tout autre astre rocheux. Les cratères d'impacts sont formés par l'impact de météorites (des aséroïdes). Ils se forment toujours de la même manière et obéissent aux mêmes lois. Mais leur physionomie peut varier d'un astre à l'autre en fonction de la taille, de l'angle d'incidence et de la vitesse de l'impacteur, de la gravité de l'astre percuté, de la nature du sol et, après l'impact, des effets de l'érosion et de l'éventuelle activité magmatique et/ou tectonique si elle existe. Autrement dit, pour des impacteurs ayant des paramètres identiques, le cratère d'impact martien sera différent du cratère terrestre et du cratère lunaire.

Comme sur la Lune, sur Mars, la taille des cratères varie du trou de quelques millimètres aux bassins de plus de 1000 km de diamètre. Il existe des cratères d'impacts primaires et des cratères d'impacts secondaires, superposés aux premiers.

Les cratères martiens forment en général des dépressions quasi circulaires ou coniques dans la surface, entourées de remparts ou parois élevées. Par rapport au niveau moyen zéro de référence, le fond des cratères forme une dépression sous le niveau 0.

A mesure que le diamètre des cratères augmente, leur structure devient plus complexe; les plus petits présentent des parois bien nettes, lisses et régulières et un fond concave tandis que les plus grands présentent des remparts effondrés, des terrasses, un fond ou plancher plat, un ou plusieurs monticules (des collines) ou pics centraux. 

Le fond du cratère peut-être fracturé, recouvert par la lave solidifiée d'un volcan proche, couvert de sable et de dunes, de sédiments, d'ejecta ou criblé de cratères. Selon la nature du sol et la présence ou non de sable, sa surface peut-être sombre, claire ou même colorée et son bord rehaussé ou non d'une terrasse et présenter occasionnellement des coulées de liquides ou gullies. En raison de ces morpholopgies variées, les cratères peuvent être classés en différentes catégories.

Notons que le terme bassin est utilisé pour caractériser des cratères dont le diamètre est supérieur à 300 km.

Le magnifique cratère d'impact Victoria et son champ de dunes photographié en 2006 à 269 km d'altitude par l'orbiter MRO. Ce cratère qui est en réalité un cratelet situé dans Meridiani Planum, près de l'équateur martien, mesure ~800 m de diamètre et 70 m de profondeur avec un rempart de 5 m de haut. Lorsque le temps est glacial, le bord du cratère et le champ de dunes se couvrent de givre de glace carbonique. A droite, une photo panoramique en couleurs naturelles mais dont la luminosité fut accentuée pour faire ressortir les détails (sinon l'image est très sombre) prise par le rover Opportunity en 2006 (cf. Photojournal). Comme l'explique le Smithsonian, le cratère se dégrade au fil du temps.

La morphologie des cratères secondaires dépend de la vitesse à laquelle les fragments qui les ont créés furent éjectés, de la taille de ces fragments et de la composition de la surface sur laquelle ils se sont écrasés.

Un cratelet est un cratère mesurant moins de quelques kilomètres seulement. Sa morphologie est similaire à celle d'un cratère à la différence qu'il semble plus brillant car sa forme est généralement régulière et ses parois plus lisses. Son origine peut-être météoritique (impact primaire ou secondaire) ou géologique (par exemple l'explosion d'un dôme ou l'effondrement d'une cavité souterraine).

Les éjecta font partie des effets secondaires de l'impact. Mars ayant une croûte épaisse (24-30 km minimum au pôle Nord), à moins d'avoir la taille d'un grand astéroïde (plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres de diamètre ce qui est extrêmement rare de nos jours), l'impacteur n'atteint jamais le manteau magmatique. L'objet est généralement pulvérisé et les ejecta sont des corps solides arrachés à la surface de Mars. Dans certains cas, ils peuvent retomber jusqu'à 1850 km de l'épicentre et former un système de rayons comme dans le cas de Corinto décrit ci-dessous.

Selon l'incidence de l'impacteur et la présence de relief au sol, les ejecta peuvent être orientés dans certains sens. Les éjecta solides donnent naissance à des cratères secondaires et des chaînes de montagnes tandis que les éjecta liquides forment des plaines et des coulées. Comme les cratères secondaires, la morphologie des ejecta varie selon leur distance à l'épicentre.

Aussi étonnant que cela soi, si la collision de l'impacteur est très violente et la vitesse d'éjection supérieure à la vitesse de libération, aidés par la faible gravité de Mars, certains débris peuvent être éjectés dans l'espace. Certains comme les météorites SNC sont ainsi retombées sur Terre après avoir erré plusieurs millions d'années dans l'espace.

L'histoire du cratère Corinto et de sa myriade de cratelets

Corinto est un cratère d'impact récent découvert en 2018 par MRO dans la partie nord-est de la plaine d'Elysium Planitia de 4000 km de diamètre (17.0° N, 141.7° E). Il mesure 13.7 km de diamètre et forma l'un des systèmes de rayons et de cratères secondaires les plus étendus de Mars. Grâce aux relevés de l'orbiter MRO et le recours à l'intelligence artificielle, aujourd'hui les planétologues connaissent l'histoire de ce cratère.

Au cours d'une conférence qui s'est tenue en 2024, l'équipe de M.Golombek présenta les résultats d'une analyse de Corinto à partir des données de la sonde spatiale MRO et expliqua comment se forma ce cratère et les reliefs qui l'entourent.

Mais pour y parvenir, l'équipe de M.Golombek a d'abord dû faire appel à l'intelligence artificielle pour analyser la myriade de cratères secondaires. En effet, les Big Data recueillies par les instruments HiRISE (High-Resolution Imaging Experiment) et CTX (Context Camera) de MRO ont alimenté un programme d'apprentissage automatique qui sépara les cratères secondaires formés par les éjecta issus de l'impact initial des autres cratères martiens provenant d'impacts d'astéroïdes spécifiques. Ces informations permirent ensuite d'estimer l'âge de l'impact principal et le nombre total de cratères secondaires générés par cet impact qui s'éleva à ....2 milliards de cratères secondaires !

Les cratères secondaires mesurent entre 200 m et 1.3 km de diamètre et s'étendent vers le sud depuis Corinto en formant un système de rayons s'étendant jusqu'à 1850 km de l'épicentre couvrant un secteur large de près de 180° comme illustré ci-dessous. Il s'agit de l'un des impacts les plus importants observés sur la planète Rouge dans son histoire "extrêmement récente", selon l'expression des chercheurs.

A gauche, un compositage d'images prises par la Context Camera (CTX) de MRO du champ d'éjecta autour du cratère Corinto de 13.7 km de diamètre et 1 km de profondeur situé dans Elysium Planitia. Au centre, une photo prise par la caméra HiRISE de l'orbiter MRO le 13 janvier 2018 du champ de cratelets entourant le cratère Corinto (hors champ). Ils représentent quelques-uns des 2 milliards de cratelets créés par des impacts secondaires. Le cratère entouré d'éjecta colorés est beaucoup plus récent. La résolution est de 25 cm/pixel. Le Nord est en haut. A droite, carte du faciès des rayons et des éjecta du cratère Corinto enregistrée en infrarouge thermique par l'instrument THEMIS de MRO. Les emplacements d'autres jeunes cratères à rayons sont identifiés par des cercles blancs dont certains sont associés au cratère d'impact Zunil (flèche blanche). Documents NASA/JPL-Caltech/U.Az et NASA/JPL/M. Golombek et al. (2024).

Golombek et ses collègues ont trouvé les plus grandes concentrations de cratères secondaires au sud et au sud-ouest de Corinto. Il manque des éjecta au nord du cratère, ce qui indique que l'astéroïde entra dans l'atmosphère de Mars par le nord ou le nord-est sous une incidence d'environ 30 à 45°.

Les cratères secondaires ne varient pas seulement en termes de taille (diamètre) et de distance par rapport à la zone d'impact principale mais également en morphologie. Certains sont circulaires, d'autres en demi-cercles ou elliptiques et même aplatis.

Près de Corinto, les cratères secondaires forment des demi-cercles tandis que plus loin de la zone d'impact principale les cratères secondaires sont elliptiques.

Selon les auteurs, "Le grand nombre de cratères secondaires formés par Corinto est cohérent avec le fait que la plupart des matériaux éjectés sont du basalte solide." Les fragments représentent donc probablement de la lave précédemment issue du volcan près duquel l'astéroïde s'écrasa.

A partir de ces résultats, les chercheurs ont proposé le scénario suivant. Il y a 2.3 millions d'années, un astéroïde assez conséquent - probablement d'environ 1 km de diamètre - arriva par le nord ou le nord-est et s'écrasa dans la région équatoriale de Mars, près du volcan éteint d'Elysium Mons situé dans la plaine d'Elysium Planitia (voir plus bas). Sous l'impact, un cratère principal relativement important se forma d'environ 13.7 km de diamètre et 1 km de profondeur. Sous l'effet de la collision, des fragments de roches martiennes solides et probalement quelques débris de l'astéroïde furent projetés dans l'atmosphère à partir de la cavité du cratère, formant une immense plume d'ejecta - le fallout - qui retomba au sol en formant deux milliards de cratères secondaires plus petits creusés dans des coulées de lave solidifiée provenant du sommet du volcan éteint.

Les chercheurs estiment que des impacts de cette ampleur ne se produisent sur Mars qu'une fois tous les 3 millions d'années. Ce fut donc un évènement cataclysmique majeur dont on apprécie mal aujourd'hui les conséquences qu'il eut à l'époque. Mais étant donné la sécheresse des lieux à cette époque, on peut imaginer que sous l'énergie libérée par l'impact, une quantité colossale de poussière accompagnée d'ejecta furent soulevés du sol. Les particules les plus légères restèrent en suspension dans l'atmosphère et couvrirent la planète entière sous un épais voile jaune sombre poussiéreux qui obscurcit le paysage pendant des mois. Le même impact sur Terre aurait provoqué une catastrophe régionale voire pire encore.[3]

Activité tectonique

Mars étant une petite planète, son écorce est tellement épaisse (24 à 200 km) que son éventuelle activité tectonique (dont nous n'avons pas encore découvert de traces) n'est pas parvenue à la plisser. Celle-ci a donc été craquelée et fissurée en de nombreux endroits, des évènements souvent accompagnés d'éboulements et de glissements de terrains cataclysmiques donnant à certaines régions un aspect chaotique monumental très impressionnant.

L'activité tectonique fut probablement intense il y a 3 ou 4 milliards d'années ainsi que l'érosion par l'eau et la sédimentation. En témoignent les nombreuses régions de failles, les montagnes et les régions volcaniques, tels le plateau de Tharsis Montes qui est aussi vaste que l'Australie et qui a joué un rôle significatif dans l’évolution de la planète ainsi que l'expliqua Michael H. Carr de l'USGS dans la revue "Nature" en 1988, de même que la région de caldera d'Alba. On reviendra sur ces formations à propos du modèle géologique de Mars (cf. page 3).

Parmi les formations emblématiques, il y a d'abord la fracture de Valles Marineris présentée ci-dessous qui s'étend sur près de 4500 km et présente localement une largeur de 240 km et une profondeur de 6 km (à Melas Lacus) ! Elle s'étend sur un cinquième de la circonférence de Mars !

A voir : Survol de Valles Marineris par Viking 2 (1.4 MB), JPL

Survol de Tharsis et Valles Marineris (12.5 MB)

Valles Marineris

A gauche, une mosaïque de 102 photos centrées sur le canyon de Valles Marineris prises le 22 février 1980 par la sonde spatiale Viking 1 de la NASA. A droite, une vue 3D réalisée à partir des photos et des données altimétriques MOLA (Mars Orbiter Laser Altimeter) prises par la sonde spatiale Mars Express de l'ESA à partir de 2004. Voici la version HD (10 MB).

Ci-dessus, une vue oblique de Candor Chasma. L'image couvre 800 km par 6.5°S et 71°O. La partie droite formée de 3 échancrures est Ophir Chasma qui subit un effondrement dont le volume déplacé fut 1000 fois supérieur à l'avalanche du Mont St-Helens qui se produisit en 1980 ! Les analyses par le spectromètre OMEGA de la sonde Mars Express de l'ESA (cf. page de THEMIS) indiquent que les sédiments de Candor Chasma contiennent des sulfates hydratés, peut-être de l'epsomite, un ingrédient clé qu'on retrouve dans les sels de bain, ainsi qu'une forme de sulfate de magnésium appelée kiesérite. Documents ESA/DLR/FU Berlin et NASA/USGS.

Valles Marineris est d'origine volcanique combinée à un soulèvement isostatique du sol. Elle est tellement imposante qu'elle est visible depuis l'espace. Par comparaison, avec ses 450 km de longueur, sa largeur variant entre 5.5 et 30 km et sa profondeur maximale de 1300 mètres, le Grand Canyon du Colorado ressemble à une fissure à cette échelle !

Il existe également un grand nombre de vallées sinueuses, dont l'une serpente sur 400 km dans Mare Erythraeum, atteignant localement 5 km de large.

Activité sismique

Pour la première fois dans l'histoire de l'exploration de Mars, le 6 avril 2019 soit au 128e Sol, l'instrument SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure) du lander InSight de la NASA qui s'est posé dans la plaine d'Elysium Planitia située au niveau de l'équateur (cf. cette carte) enregistra un faible signal sismique.

 Il s'agit du premier tremblement enregistré qui semblait provenir de l'intérieur de la planète et non des forces provenant de la surface (impact ou vent). Notons que de petites vibrations furent enregistrées auparavant mais la faible intensité du signal ne permettait pas de confirmer qu'il s'agissait réellement de séismes.

A voir : Séisme martien, NASA InSight

Entre 2018 et 2020, plus de 450 séismes furent enregistrés (cf. JPL), dont deux reliés au système de fractures de Cerberus Fossae. L'amplitude la plus élevée fut de 3.8. En bref, Mars tremble plus que la Lune, mais moins que la Terre.

Les données recueillies par InSight suggèrent également que du magma se trouverait actuellement sous cette région et alimenterait des plumes mantelliques remontant sous Elysium Planitia, ce qui expliquerait la présence des volcans et de l'immense réseau de failles de Cerberus Fossae ainsi que les séismes détectés par le lander. Toutefois cette hypothèse doit être confirmée (cf. S.C. Stähler et al., 2022; A.Broquet et J.C. Andrews-Hanna, 2022).

L'effet des éclipses

Les éclipses partielles du Soleil par la lune Phobos engendrent également d'infimes tremblements martiens comme le confirma une étude publiée dans les "Geophysical Research Letters" en 2020 par des chercheurs de l'ETH Zurich. L'inclinaison produite sur le sismomètre est équivalente au choc d'un atome contre une pièce de monnaie soit 10-8. Bien qu'il soit infime, l'effet est indéniable.

Transit de Phobos devant le Soleil, c'est une éclipse partielle, photographiée le 20 août 2013 par la rover Curiosity. Document NASA/JPL-Caltech/MSSS/Texas A&M U.

Selon Simon Stähler, auteur principal de cette étude, ce n'est pas l'effet des marées comme le provoque notre lune car dans ce cas le signal du sismomètre serait présent pendant une période plus longue et toutes les cinq heures lorsque Phobos passe dans le ciel, pas seulement pendant les éclipses (comme la Lune, Phobos exerce des effets de marées sur la planète Rouge, déformant sa surface d'une fraction de millimètre).

Les chercheurs ont déterminé que la cause la plus probable de l'inclinaison du sismomètre est thermique. Selon Martin van Driel du groupe de recherche Sismology and Wave Physics, "Lors d'une éclipse, le sol se refroidit. Il se déforme de manière inégale, ce qui incline l'instrument." En effet, un capteur infrarouge a mesuré un refroidissement du sol de Mars de 2°. Les calculs ont révélé que dans les 30 secondes de l'éclipse, le "front froid" ne pouvait pénétrer dans le sol que sur une profondeur de quelques micro ou millimètres, mais l'effet était suffisant pour affecter le sismomètre.

Une observation faite sur Terre soutient la théorie de Stähler. À l'Observatoire de la Forêt-Noire, situé dans une mine d'argent abandonnée en Allemagne, Rudolf Widmer-Schnidrig découvrit un phénomène similaire : lors d'un test de sismomètre, quelqu'un oublia d'éteindre la lumière. La chaleur dégagée par une ampoule de 60 W était apparemment suffisante pour réchauffer la couche supérieure de granite du sous-sol, de sorte qu'elle s'est légèrement dilatée et fit légèrement basculer le sismomètre d'un côté.

Ces micro-tremblements martiens étant mesurables, les scientifiques vont pouvoir utiliser ce minuscule signal sismique pour cartographier l'orbite de Phobos avec plus de précision. Si les scientifiques savent exactement quand Phobos effectue un transit (début et fin), ils peuvent calculer son orbite avec précision. C'est important pour les futures missions spatiales dont celle de la JAXA qui devrait ramener des échantillons de Phobos en 2024. Selon Stähler, "Pour ce faire, ils doivent savoir exactement où ils volent."

Activité volcanique

Mars connut une activité volcanique très intense entre 4.6 et 3 milliards d'années dont la formation emblématique est le volcan bouclier Olympus Mons (dit bouclier car en se refroidissant, la lave chaude - sans doute portée à 1200°C comme sur Terre - et très fluide forme une croûte sous laquelle continue de se répandre la lave) qui culmine à 21.2 km au-dessus du niveau de référence (ou 26 km d'altitude soit ~3 fois la hauteur de l'Himalaya) et dont la base s'étend sur 624 km, soit presque autant que la France et deux fois plus vaste que la Belgique ! A partir de sa base, Olympus Mons est 6 fois plus étendu et 5 fois plus haut que le volcan Mauna Kea d'Hawaï.

Au sommet se trouve une caldera, c'est-à-dire une chambre magmatique effondrée qui se serait formée il y a 150 millions à 350 millions d'années. Elle est large de 80 km et entourée de remparts hauts de 6 km ! Les géologues estiment que la chambre magmatique se trouve à 32 km sous la base de la caldera.

Olympus Mons, maître des lieux

A gauche, le volcan Olympus Mons (18.4° N, 226° E) photographié à la verticale par l'orbiter de Viking 1 le 22 juin 1978. La caldéra culmine à 26 km d'altitude tandis que la base s'étend sur 624 km. Au centre, une reconstruction 3D oblique basée sur les données altimétriques MOLA. Documents NASA/JPL/Viking/NSSDC. Cliquez ici pour lancer une animation (Mpeg de 758 KB de Calvin J.Hamilton). A droite, carte topographique de Mars centrée sur les principaux volcans. Cliquez ici pour lancer une animation (Mpeg de 484 KB) de Grant L. Hutchison, NASA. Document NASA/Calvin J.Hamilton pour l'animation. Ci-dessous à gauche, un dessin réalisé par Mark Garlick comparant Olympus Mons au Mauna Kea d'Hawaï et au Mont Everest. Je me suis permis de le corriger (voici le dessin original) car Mark Garlick prend pour référence le fond des océans. Dans ce cas le Mauna Kea culmine à 10 km d'altitude et serait plus élevé que l'Everest. Mais par rapport au niveau de la mer, le Mauna Kea culmine à 4207 m et l'Everest à 8848 m. A droite, une illustration d'Olympus Mons réalisée par l'auteur.

La taille démesurée d'Olympus Mons parmi d'autres volcans martiens s'explique par le fait qu'à l'inverse de la Terre, Mars n'a pas eu d'activité tectonique continue, c'est-à-dire de grandes plaques lithosphériques dérivant sur le manteau. Depuis plusieurs milliards d'années, seuls des points chauds furent actifs et sont restés au même endroit pendant des centaines de millions d'années, permettant aux volcans d'atteindre des dimensions impressionnantes.

Sur Terre, les seules formations aussi monumentales sont les supervolcans. C'est dire combien les éruptions d'Olympus Mons devaient être mégacolossales.

Les falaises qui entourent la base d'Olympus Mons forment de véritables montagnes s'élevant à 7000 m. Heureusement, si les astronautes veulent un jour l'escalader, il existe du côté nord (sur la droite de la photo 3D présentée ci-dessus à droite) une paroi à 5° formée d'une coulée de lave qui conduit jusqu'au sommet.

Douze volcans s'élèvent au-dessus du plateau de Tharsis, un altiplano qui s'étend sur 8000 km à une altitude de 10000 m. Les trois principaux hormis Olympus Mons sont Ascraeus Mons, Pavonis Mons et Arsia Mons et culminent à 20 km d'altitude. Tout sur cette planète est démesuré !

A consulter : Les planisphères de Mars (sur ce site)

Cartes de Mars à consulter : USGS (PDF) - USGS - We Name The Stars

Google Mars - Carte HD de Mars (Viking) (14 MB) - Carte HD de Mars 2001 (6 MB), NGS

A gauche, une photo de Mars prise le 6 août 2018 par Damian Peach et ses collègues au foyer d'un télescope de 1 m de diamètre installé au Chili. A sa droite, extraits des cartes topographiques d'à peu près la même région martienne, respectivement la carte MOLA (gauche, dont voici le planisphère), géologique (centre) et topographie colorisée (droite). Consultez les liens ci-dessus pour d'autres cartes martiennes en haute résolution. Documents Damian Peach, NASA/GSFC/MOLA Science Team, NASA/USGS et NASA/JPL.

Les sondes spatiales n'ont pas décelé la moindre activité volcanique récente sur Mars. Toutes les laves bordant les volcans, les dômes et fractures analysés par infrarouge sont froides. Il n'y pas la moindre fumerolle ou lac de lave en cours de refroidissement. Les cicatrices nettes laissées par les cratères d'impacts et la quasi absence de cratères météoritiques sur les pentes des volcans font penser que toutes les formations martiennes sont relativement jeunes, âgées de quelques centaines de millions d'années tout au plus.

Une éruption volcanique il y a 53000 ans

Si l'activité volcanique de Mars paraît absente de nos jours, ce n'est qu'en apparence. En effet, Jeffrey Andrews-Hanna du Lunar and Planetary Laboratory de l'Université d'Arizona nous rappelle que "des travaux antérieurs de notre groupe ont trouvé à Elysium Planitia des preuves de la plus jeune éruption volcanique connue sur Mars. Elle créa une petite explosion de cendres volcaniques il y a environ 53000 ans, ce qui en temps géologique s'est produite hier." (cf. D.G. Horvath et al., 2021).

Selon David Horvath du Planetary Science Institute et auteur principal de cet article, "le jeune âge de ce gisement soulève la possibilité qu'il puisse encore y avoir une activité volcanique sur Mars, et il est intrigant que les récents séismes détectés par la mission InSight proviennent du Cerberus Fossae."

Selon Andrews-Hanna,"il est remarquable qu'une région abrite les épicentres des tremblements de terre actuels, les inondations les plus récentes, les coulées de lave les plus récentes et maintenant une éruption volcanique explosive encore plus récente. Il s'agit peut-être de la plus récente éruption volcanique sur Mars, mais je pense que nous pouvons être assurés que ce ne sera pas la dernière. Le dépôt volcanique décrit dans cette étude, ainsi que le grondement sismique en cours à l'intérieur de la planète détecté par InSight et les preuves possibles de rejets de panaches de méthane dans l'atmosphère détectés par l'orbiteur MAVEN de la NASA, suggèrent que Mars est loin d'être un monde froid et inactif."

Pour les auteurs, cette découverte pourrait avoir des implications sur l'habitabilité potentielle des environnements souterrains martiens, étant donné qu'ils pourraient être plus chauds et plus dynamiques qu'on ne le pensait auparavant.

Selon Andrews-Hanna, "un dépôt volcanique comme celui-ci soulève également la possibilité de conditions habitables sous la surface de Mars dans l'histoire récente. L'interaction du magma ascendant et du substrat glacé de cette région aurait pu fournir des conditions favorables à la vie microbienne assez récemment et soulève la possibilité d'une vie existante dans cette région."

Découverte d'une possible plume mantellique

A la grande surprise des planétologues, il y a encore du magma sous la surface de Mars. Sur Terre, le volcanisme et les tremblements de terre ont tendance à être associés soit aux plumes mantelliques (ou panaches du manteau) soit à la tectonique des plaques à l'origine de la dérive des continents qui recycle continuellement la croûte. Or Mars ne possède pas de tectonique des plaques.

Selon Adrien Broquet du Lunar and Planetary Laboratory de l'Université d'Arizona, "il faut donc vérifier si l'activité que nous voyons dans la région de Cerberus Fossae pourrait être le résultat d'un panache du manteau". Cela semble probable. En effet, sur Terre les plumes mantelliques révèlent leur présence à travers une séquence classique d'évènements. Localement, du magma chaud et plus léger issu de la base du manteau remonte en surface, soulève la croûte et l'étire. La roche en fusion émerge ensuite sous forme de flots de lave qui forment de vastes plaines volcaniques. Les volcans de points chauds en sont l'illustration (Islande, Hawaï, etc). On retrouve le même phénomène sur la Lune, Vénus et Io.

Deux grandes formations situées dans la plaine d'Elysium Planitia, dans les basses terres du nord de Mars. A gauche, Elysium Mons, un volcan éteint de 13 km de diamètre qui culmine à 14028 m. A droite, le réseau de failles de Cerberus Fossae qui s'étend sur 1000 km. Leur existence serait liée à la présence d'une plume mantellique qui pousse le magma vers la surface. Documents NASA/MSSS et ESA.

Lorsque Broquet et Andrews-Hanna ont étudié les caractéristiques d'Elysium Planitia (0-30° N, 180-225° O), ils ont trouvé des preuves de la même séquence d'évènements. La surface a été soulevée de plus de 1600 m, ce qui en fait l'une des régions les plus élevées des grandes basses terres du nord de Mars. L'analyse des variations subtiles du champ de gravité indique que ce soulèvement est soutenu depuis les profondeurs de la planète, ce qui est cohérent avec la présence d'une plume dans le manteau.

D'autres mesures ont montré que le fond des cratères d'impacts est incliné dans la direction de la plume mantellique, supportant davantage l'idée que quelque chose a poussé la surface vers le haut après la formation des cratères. Enfin, lorsque les chercheurs ont appliqué un modèle tectonique à la région, ils ont constaté que la présence d'une plume mantellique géante, large de 4000 km, était le seul moyen d'expliquer l'extension de la formation du Cerberus Fossae.

A gauche, illustration d'une plume mantellique s'élevant des profondeurs de Mars et poussant la plaine d'Elysium Planitia. A droite, les preuves géophysiques supportant l'existence de plumes mantelliques à l'origine de certaines formations martiennes. Ce graphique présente l'historique du resurfaçage volcanique martien de la superficie des unités volcaniques en fonction de l'âge (axe vertical de gauche) et de la densité des cratères de plus de 1 km de diamètre (axe de droite, N(1)). La résolution verticale est de 100 Ma. Documents A.Broquet et J.C. Andrews-Hanna (2022)/Audrey Lasbordes.

La présence d'une plume mantellique active sous Elysium Planitia affectera les interprétations des données sismiques enregistrées par InSight, qui doivent désormais tenir compte du fait que cette région est loin de la normale pour Mars. Un phénomène similaire serait également à l'oeuvre sous le dôme de Tharsis qui s'étend sur environ 5500 km de diamètre (cf. cette carte).

Selon Broquet "Avoir aujourd'hui un panache de manteau actif sur Mars est un changement de paradigme pour notre compréhension de l'évolution géologique de la planète, similaire à l'époque où les analyses des mesures sismiques enregistrées pendant l'ère Apollo ont démontré que le noyau de la Lune était en fusion."

Mars s'avère donc plus active qu'on imaginait.

Des déserts de sable et de pierres

A côté de ces formations s'étendent des champs de dunes et de cailloux très vastes. Hellespontus forme une ellipse de 60 km x 30 km. Certains déserts se sont installés dans les canyons, tel le champ de dunes de Ganges.

Les sites d'atterrissages des différentes sondes d'exploration (Viking 1 à Chryse Planitia, Viking 2 à Utopia Planitia, Spirit dans le cratère Gusev, Opportunity dans Meridiani Planum près du cratère Endeavour et Curiosity dans le cratère Gale dans Aeolis Palus, cf. page 6) montrent visiblement que de nombreuses crêtes de sable se mêlent au sol rocheux de Mars. Ce phénomène est lié aux violentes tempêtes qui balayent régulièrement sa surface. Par leur aspect, Chryse Planitia par exemple ou les sites explorés par Opportunity sont forts similaires à certaines régions du désert de pierres de la Vallée de la Mort aux Etats-Unis, de l'Atlas du Maroc, du nord de la Lybie ou du sud-ouest de l'Arabie.

Les dunes basses et ondulées de Meridiani Planum sur Mars s'étendent jusqu'à l'horizon (qui se trouve à ~2.6 km) sur ces images prises par le rover Opportunity respectivement en mai 2005 et le 31 juillet 2005. La couche de sable déposée par le vent a plus de 1000 mètres d'épaisseur. Documents NASA/JPL-Caltech. L'image de droite fut traitée par Jason Ware.

Il est toutefois fort possible que le sous-sol, aujourd'hui recouvert localement par plus de 1000 mètres de sable, cache de profondes vallées et d'étonnants reliefs sculptés par l'eau qui devait a priori couler jadis. Seule une étude radar réaliser depuis un orbiter pourrait révéler ces formations ainsi que nous l'avons réalisé de manière analogue pour explorer le fond du Sahara sur Terre.

On reviendra sur les champs de dunes et les ondulations du sable page 4.

Vallées de débacle et de drainage

Dans beaucoup d'endroits, les traces d'écoulements liquides sont très nombreuses. On trouve des vallées asséchées, érodées et sinueuses dans la région de Chryse Planitia, de Nilosyrtis et de Copratès dans Valles Marineris. Ils révèlent des îlots de sédiments en forme de goutte ou de delta qui suggèrent qu'un liquide, probablement de l'eau, a coulé avec abondance il y a 4 milliards d'années. Reste à le prouver par des analyses. On y reviendra.

A voir : Mars Express - Reconstitution 3D du paysage martien par l'ESA

Google Mars - Explorez Mars en 3D grâce à Google Earth (sur le blog)

Deux vues 3D simulées à partir des données dans le spectre visible de l'imageur THEMIS de la sonde spatiale Mars Odyssey de la NASA montrant à gauche une vue de Valles Marineris comprenant la partie ouest de Candor Chasma (les hauteurs n'ont pas été exagérées) et à droite le bassin de Melas Chasma (à avant-plan). Son rempart sud contient des sédiments indiquant qu'il s'agit d'un ancien lac. Documents NASA/JPL/Themis/U.Az/R.Luk.

Reull Vallis et Ares Vallis par exemple présentées ci-dessous sont deux immenses vallées de débacle qui s'étendent sur plus de 1400 km. Les parois d'Ares Vallis culminent à 2000 m tandis que la largeur de Reull Vallis atteint 7 km !

Par endroit on a estimé les volumes d'eau chariée à plus de mille fois le débit du fleuve Amazon ! Si ces vallées sont très âgées (1.8 à 3.5 milliards d'années), on découvre également des ravins de quelques milliers d'années. En fait on pense que l'eau qui semblait abondante par le passé disparut pour une raison inconnue et se serait infiltrée dans le sous-sol poreux pour rejaillir quelques milliers d'années plus tard ci et là sous formes de ravines et de gullies, comme celle qu'on aperçoit aujourd'hui sur les remparts du cratère Newton présenté un peu plus bas.

Exemple de vallées de débacle. A gauche, reconstruction tridimensionnelle de Reull Vallis (cf. cet article scientifique de 1997 du LPI) photographiée en 2013 par la sonde spatiale Mars Express de l'ESA. Seul un fluide liquide peut générer ce type de relief et probablement suite à un déluge. Le canal mesure 7 km de large, 300 m de profondeur et s'étend sur près de 1500 km. Sa formation remonterait à la période de l’Hespérien (la deuxième période géologique martienne) et s'est asséché voici 1.8 à 3.5 milliards d’années. Ce canal traverse la région de Promethei Terra située dans l’hémisphère sud. A droite, des îlots sédimentaires dans la région d'Ares Vallis par 22° N et 50° O non loin du site d'atterrissage de Mars Pathfinder. Par endroit les falaises culminent à 2000 m. Ces vallées de débacle suggèrent fortement qu'un liquide pouvant être de l'eau a coulé en abondance dans un lointain passé remontant entre 1.8 et 4 milliards d'années. Documents NASA/JPL/MSSS et ESA/DLR/FU Berlin.

En revanche, des régions comme Arda Vallis présentée ci-dessous à gauche et Maumee Vallis présentent tout un réseau de longues vallées étroites. Au total Mars contient plus de 10000 vallées de ce type. Indice sur leur origine, comme on le voit sur la photo présentée ci-dessous au centre, on trouve des vallées similaires sur l'île de Devon dans le Nunavut au Nord du Canada.

Comme le montra Anna Grau Galofre de l'Université de Colombie Britannique et ses collègues dans la revue "Nature" en 2020 (cf. aussi l'article  de l'UBC), des simulations informatiques du processus d'érosion ont montré que ces vallées se sont formées par un phénomène d'érosion sous-glacière. En effet, c'est le drainage canalisé des eaux de fonte sous une ancienne calotte glaciaire qui forma ces vallées et non pas l'eau chariée par des rivières ou des fleuves.

Exemple de réseaux dendritiques martiens. A gauche, un réseau de vallées vraisemblablement formées par de l'eau ruisselant dans un réseau de drainage sous-glaciaire dans la région de Arda Vallis photographiés par la sonde Mars Express le 20 juillet 2015. Au centre, comparaison entre les vallées étroites de Maumee Vallis et celles qu'on trouve sur l'île de Devon dans le Nunavut. Dans les deux cas, ces vallées furent formées par le drainage des eaux sous-glaciaires. A droite, les canaux de drainage entre Lunae Planum et Chryse Planitia. (a) Des canaux ont été tracés à travers d'anciens cratères entre les plaines de lave de Lunae Planum à gauche et les plaines de Chryse Planitia à droite. Trois systèmes de canaux séparés sont visibles, à partir du nord : Vedra Vallis, Maumee Vallis et Maja Vallis. L'écoulement le long du bord est de Lunae Planum a convergé pour couper Maja Vallis. De nombreuses îles en forme de larme se trouvent en amont du chenal principal. Sous le chenal à l'est (sur le côté droit), le flux diverge à travers Chryse Planitia. (b) Ce stéréogramme montre Vedra et Maumee Valles entre Lunae Planum et Chryse Planitia. Notez qu'une branche de Vedra Vallis traverse le cratère de Banh. Documents ESA, UCB et NASA/SP-441.

Un lecteur attentif se demandera comment de l'eau peut-elle s'écouler sur des reliefs martiens si la température est négative en surface ? Ainsi que nous le verrons dans l'article consacré aux traces d'eau à la surface de Mars, si l'eau gèle effectivement à 0°C sous une pression de 1013 mbar, son état change dans d'autres conditions. Sur Mars où la pression est réduite à 6 ou 7 mbar, en présence d'un milieu hypersalin, l'eau peut rester liquide jusque -40°C voire plus bas encore. C'est ainsi que se formeraient les gullies et les ruisseaux de saumures qui peuvent s'étendre sur une centaine de mètres sur les pentes des cratères. Mais ce n'est pas la seule explication. Selon une autre théorie vérifiée en laboratoire, les traces noires des gullies peuvent être produites par la sublimation de la glace carbonique (cf. L.Roelofs et al., 2024). Cette découverte a des conséquences sur la durée durant laquelle de l'eau liquide était présente à la surface de Mars qu'on estime aujourd'hui plus courte qu'auparavant. On y reviendra.

Les failles et les effondrements offrent des parois tantôt abruptes, tantôt en pentes douces ou comblées de débris rocheux. Par endroit les falaises plongent à plus de 10 km de profondeur. Les remparts qui forment les contreforts d'Olympus Mons forment de véritables falaises qui culminent à 7000 m d'altitude ! Les endroits les plus tourmentés sont Valles Amazonis et Capri Chasma dont l'aspect chaotique a peut-être été provoqué par la liquéfaction de l'eau du permafrost, à une époque où le sous-sol était plus chaud.

A gauche, des gullies c'est-à-dire des réseaux de canaux étroits et pentus associés à des dépôts sédimentaires dans lesquels de l'eau s'écoule occasionnellement (surtout en fin de nuit) le long des remparts du cratère Newton. A droite, on dénombre 14 gullies sur cette portion longue de 1 km de Nirgal Vallis photographiée part MGS le 12 juillet 1999. Documents NASA/JPL/MGS/NSSDC et NASA/JPL/MSSS.

Les impacts météoritiques furent aussi très violents. Peut-être la proximité de la ceinture d'astéroïdes explique-t-elle ces bombardements. Le bassin d'Hellas mesure plus de 2000 km de diamètre et 4 km de profondeur, Argyre atteint 1000 km de diamètre et Lybia 1500 km. Sous les pôles également, on distingue par transparence de nombreux cratères. Mais leur morphologie est différente des formations lunaires. Ils présentent à leur périphérie des dépôts lobés (les éjecta) qui semblent s'être écoulés comme un liquide visqueux déborde d'un promontoire ou modelés par le passage de l'eau ou d'une lave encore fluide.

Ces formations ont été comparées aux impacts météoritiques présents sur les satellites galiléens de Jupiter. Leur surface étant gelée, les impacts successifs ont été comblés par la glace ou des boues qui se sont écoulées progressivement autour d'eux. La plupart des cratères martiens étant bien conservés, ils n'ont pu se maintenir que dans des régions où le sol contenait de l'eau liquide ou glacée. Il est donc probable qu'une très grande quantité de glace et peut-être même d'eau liquide soit encore piégée dans le sous-sol martien comme l'illustre le dessin ci-dessous à droite.

L'eau est vraisemblablement présente sur Mars, formant parfois des structures monumentales bien visibles mais parfois elle est cachée. A gauche, couches de sable alternées de couches de glace formant d'immenses dunes glacées dans Chasma Boreale. Cette formation s'élève à ~1400 m au-dessus de la base. A droite, comme sur Terre, de l'eau à l'état liquide forme probablement des nappes aquifères à quelques mètres de profondeur dans le sous-sol de Mars où la température reste positive toute l'année. Documents NASA/JPL/Themis et ESA.

De l'eau glacée et des lacs de saumures souterrains

En 2018, des chercheurs de l'USGS avait annoncé dans la revue "Science" qu'ils avaient localisé des dépôts de glace d'eau formant des couches stratifiées à 1 ou 2 mètres seulement sous la surface de Mars et pouvant s'étendre sur plus de 100 mètres d'épaisseur. Sept mois plus tard, des chercheurs de l'Université de Rome III avaient annoncé dans la même revue "Science" (et sur le site de l'ESA) la découverte d'un lac d'eau salée sous les couches de glace du pôle Sud pouvant atteindre 20 km de largeur. Les conclusions des chercheurs avaient suscité quelques réserves de la part des spécialistes de la planète Rouge. Mais c'est un processus naturel de la démarche scientifique qui vise à s'assurer que les analyses et les interprétations sont complètes et objectives.

Bonne nouvelle, les mêmes chercheurs italiens ont confirmé leurs résultats dans un article publié dans la revue "Nature" en 2020 et affirment même avoir découvert plusieurs autres lacs de saumures. On y reviendra à propos des traces d'eau à la surface de Mars.

Sachant que la température du sous-sol est positive à quelques mètres de profondeur, le milieu très hostile en surface devient en théorie proprice au développement d'une vie rudimentaire souterraine... Mais attendons le verdict des explorations in situ.

À présent que nous avons décrit les différentes formations géologiques martiennes, sur base des données géophysiques et minéralogiques recueillies par les différentes sondes spatiales, présentons le modèle géologique de Mars. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

La formation de Mars

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[3] On peut estimer l'effet de l'impact qui forma Corinto par comparaison. Si cet impact s'était produit sur Terre sur un continent, il aurait formé un cratère de 20 à 30 km de diamètre et libéré l'équivalent d'au moins 200 GT de TNT, soit 30 fois la puissance de destruction estimée de l'arsenal nucléaire mondial en 2020 (si chaque tête nucléaire porte une charge de 1 MT) ! Bien que cet impacteur est environ 20 fois plus petit et l'explosion au moins 500 fois moins puissante que celle de l'impact de Chixculub, il aurait provoqué une catastrophe régionale et probablement une extinction de masse. Si on ajoute les victimes humaines, c'est Armagédon ! En effet si l'impact avait lieu de nos jours, on estime qu'il y aurait entre 1 et 20 millions de tués par MT. Or nous parlons ici de 200 GT, ce qui signifie la quasi extinction de l'humanité et le retour des survivants aux temps obscurs (les habitants vivants aux antipodes dans l'hémisphère opposée seront un peu plus épargnés).


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