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Mars, le dieu de la guerre

Coucher de Soleil sur le site d'Opportunity enregistré en 2004. Cliquez sur l'image pour lancer une animation QT de 806 KB (ou GIF).

L'atmosphère martienne (IV)

L'analyse des relevés atmosphériques de Mars réalisés par les sondes spatiales orbiter et lander a révélé qu'elle se compose à 95.3% de gaz carbonique, tout comme Vénus de nos jours et la Terre dans sa phase prébiotique. L'azote représente 2.7%, l'argon 1.6%, l'oxygène 0.13%, le monoxyde de carbone 0.07% et la vapeur d'eau 0.03%. Les gaz inertes et l'ozone interviennent pour les 0.28% restants (par comparaison, l'atmosphère de la Terre est constituée de 78% d'azote, de 21% d'oxygène, jusqu'à 4% d'eau et de 0.1% de gaz carbonique, tout à l'inverse de celle de Mars considérant nos besoins vitaux).

L'atmosphère de Mars est donc irrespirable et loin de nous convenir, à moins de mettre en place un processus de terraforming sur lequel nous reviendrons.

A l'image des déserts terrestres comme le Sahara et celui d'Atacama où la température nocturne peut descendre en hiver respectivement jusque -8°C et -10°C, pendant la nuit martienne, partout sur la planète la température descend jusqu'à -125°C. Il se forme une couche de givre qui s'étend sur le sable, autour des pierres et condense les gaz atmosphériques dans les dépressions.

Cette condensation est principalement constituée de gaz carbonique, la vapeur d'eau étant à l'état de trace dans l'atmosphère. Localement toutefois de la glace d'eau se forme tant dans les anfractuosités des reliefs bas protégés des vents que dans l'atmosphère ténue où les gaz arrivent vite au seuil de saturation.

Ce phénomène relance le débat autour de la quantité d’eau piégée dans le sous-sol martien dont nous reparlerons. Seules les missions in situ et un jour le débarquement de l'homme sur Mars permettront de savoir si le cycle de l’eau existe encore aujourd’hui dans une phase gaz-liquide. Car si l'eau a probablement coulé en abondance jadis à la surface de Mars, rares sont les traces tangibles qui subsistent aujourd'hui. On y reviendra à propos de la découverte de traces d'eau sur Mars.

La pression à la surface de Mars est très faible, oscillant entre 6 et 85 mb alors qu'elle est en moyenne de 1013 mb sur Terre en bordure de mer. L'atmosphère martienne est donc très raréfiée et de surcroît "polluée" de gaz carbonique. Pour toutes ces raisons le son se propage assez mal à la surface de Mars. Protégée par si peu d'atmosphère, le sol de Mars subit également de plein fouet les assauts mortels du vent solaire et du rayonnement ultraviolet. Il ne fait pas bon vivre sur Mars sans scaphandre, qui par ailleurs est indispensable pour protéger les éventuels astronautes du bombardement corpusculaire; sans magnétosphère, le sol martien est en effet aussi attaqué par les rayons X solaires et les rayons cosmiques.

A gauche, structure de l'atmosphère martienne comparée à celle de la Terre (les nuages de poussière s'élevant jusqu'à 45 km d'altitude n'ont pas été représentés). A droite, illustration décrivant l'accélération des ions de faible énergie à la plus élevée, conduisant à la formation d'une plume polaire par laquelle l'hydrogène s'échappe de l'atmosphère de Mars. Ce mécanisme pourrait en théorie avoir un impact sur la quantité d'eau présente sur Mars. Documents T.Lombry et NASA/GSFC/MAVEN adapté par l'auteur.

Ne disposant pas d'étendue liquide de référence, le niveau standard a été fixé à 6.1 mb. Au sommet de Mons Olympus la pression chute à 1.5 mb, soit l'équivalent de la pression qui règne au niveau de la stratopause sur Terre, vers 50 km d'altitude !

Malgré la faible pression régnant sur Mars, son atmosphère est bien active et présente deux couches nuageuses :

- Des nuages jaunes situés entre 40 et 50 km d'altitude. Ils sont constitués de gaz carbonique. Lors des tempêtes de sable ils peuvent être mêlés de poussière soulevées par les vents qui soufflent jusqu'à 500 km/h, propulsant les poussières microscopiques (2 microns en moyenne) jusqu'à moyenne altitude où règne une température de -220°C. Ces nuages sont la principale cause de l'obscurcissement régulier de la surface martienne et de l'érosion du sol. Ils peuvent persister de quelques jours à plusieurs mois. On y reviendra. En temps normal, lorsque le sol s'est suffisamment réchauffé, les vents soufflent à quelque 20 km/h.

- Des nuages bleus situés entre 10 et 15 km d'altitude, évoluant par une température voisine de -100°C. Ils sont uniquement visibles sous filtre de contraste bleu. Ils sont similaires à nos cirrus et sont constitués d'eau glacée.

- Des nuages blancs analogues à nos cirrus sont parfois associés aux nuages bleus. Ils évoluant jusqu'à 20 km d'altitude. Ils se forment au-dessus des régions polaires et des grandes formations. Ils apparaissent surtout au lever du Soleil lorsque la température est la plus basse (5h du matin) et sont constitués d'eau glacée.

En général les nuages martiens situés à moins de 60 km d'altitude sont composés d'eau glacée tandis que ceux situés plus haut dans l'atmosphère sont composés de dioxyde de carbone.

Saviez-vous que Mars pourrait avoir un ciel bleu... ? Sur Terre c'est la diffusion de Rayleigh de la lumière bleue sur les molécules d'air qui donne cette couleur si merveilleuse au ciel. Le même phénomène se produit sur Mars, mais ici s'ajoute l'effet contrariant des tempêtes de sable. En effet, si l'atmosphère martienne était claire, nettoyée de toute sa poussière et de tout le sable soulevé par les vents tempétueux, Mars présenterait un beau ciel bleu plutôt qu'un hâle jaune-ocre que les experts en traitement d'image de la NASA ont bien du mal à reproduire sur les photographies couleurs.

Origine des nuages

Comment les nuages martiens se forment-ils ? Dans une étude publiée dans la revue "Nature Geoscience" en 2019, l'équipe de Victoria Hartwick du Département des sciences de l’atmosphère et des océans (ATOC) de l'Université du Colorado à Boulder a peut-être trouvé la réponse : il suffit d'ajouter des météores. En effet, la formation des nuages serait favorisée par la "fumée météoritique", c'est-à-dire la poussière créée lors de la fragmentation des débris de météoroïdes dans l'atmosphère de Mars.

A gauche, simulation des nuages moyens martiens par Victoria Hartwick (2019). A droite, simulation à plus haute résolution de l'évolution des nuages au cours d'une journée martienne. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 4.1 MB). Document NASA-ARC/D.Ellsworth (2019).

Selon les chercheurs, ces nuages peuvent avoir un impact important sur le climat de Mars. Selon Hartwick, "nous sommes habitués à penser que la Terre, Mars et d’autres corps sont des planètes véritablement autonomes qui déterminent leur propre climat. Mais le climat n'est pas indépendant du système solaire environnant."

Les chercheurs confirment un fait fondamental concernant les nuages : ils ne sont pas sortis de nul part et comme les nuages qui se forment sur Terre, ils ont besoin de noyaux de condensations pour se former.

Des nuages dans le ciel martien au-dessus du cratère Gale photographiés par Curiosity le 5 mars 2021 au sol 3048. Ceux-ci évoluent à très haute altitude (> 60 km) et sont composés de dioxyde de carbone. Document NASA/JPL-Caltech/MSSS.

Sur Terre par exemple, les nuages bas commencent leur cycle vie sous forme de minuscules grains de sel marin ou de poussière poussés en haute altitude au gré des courants atmosphériques. Les molécules d'eau s'agglomèrent autour de ces particules, grandissent ensuite par coalescence jusqu'à former d'importantes masses plus ou moins saturées d'eau pesant plusieurs tonnes au bas-mot en suspension dans l'air à quelques kilomètres d'altitude. Rappelons qu'un petit cumulus de beau temps contient entre 0.2 et 0.5 g d'eau par mètre cube.

Mais, autant qu'on sache, ces types de noyaux de condensations n'existent pas dans l’atmosphère moyenne de Mars. Raison pour laquelle les chercheurs se sont orientés vers les météores.

Selon Hartwick, en moyenne 2 à 3 tonnes de poussière cosmique s’écraseraient chaque jour sur Mars (contre un maximum de 300 tonnes de météoroïdes par jour qui pénètrent dans l'atmosphère terrestre mais la plupart brûle dans l'atmosphère et n'atteint pas le sol. En revanche, leur désintégration injecte une grande quantité de poussière dans l’air).

Ci-dessus à gauche, des nuages d'altitude photographiés par Opportunity au-dessus du cratère Victoria en octobre 2006. A droite, des nuages d'altitude photographiés au-dessus du cratère Gale alors que Curiosity explorait le Mont Sharp au sol 3075. Ils sont similaires aux nuages nacrés photographiés par Curiosity au sol 2417, le 28 mai 2019. Ceux-ci évoluent dans l'atmosphère moyenne vers 29 km d'altitude et sont similaires à nos cirrus. En dessous de 60 km d'altitude, ils sont composés d'eau glacée. Ci-dessous, d'autres nuages photographiés par Curiosity au-dessus du cratère Gale. Les images ont été colorisées. Documents JPL/MER, NASA/JPL-Caltech/Don Davis, NASA/JPL-Caltech/MSSS/Thomas Appéré et NASA/JPL-Caltech/MSSS/Stuart Atkinson.

Pour savoir si cette poussière serait suffisante pour engendrer les mystérieux nuages martiens, Hartwick et son équipe ont réalisé des simulations informatiques pour mieux comprendre les flux et les turbulences dans l'atmosphère martienne. Ils ont bien sûr inclus l'apport des météoroïdes dans leurs calculs. Bien que le processus se déroulait en haute altitude, ils ont constaté l'apparition de nuages aux bons endroits. Cela confirme une autre théorie prédisant que des poussières interplanétaires similaires peuvent ensemencer des nuages près des pôles de la Terre.

Image composite des nuages photographiés par le rover Curiosity le 19 mars 2021, au sol 3063 au-dessus du Mont Mercou situé sur les flancs du Mont Sharp, au centre du cratère Gale. Ci-dessous une autre vue du Mont Mercou (à l'avant-plan) prise par Curiosity le 5 mars 2021 et traitée par l'auteur. Document NASA/JPL Photojournal et NASA/JPL/MSL/T.Lombry.

Ce n'est pas pour autant qu'on entendra le tonnerre gronder sur Mars de si tôt. Comme le souligna Hartwick, les nuages qu'ils ont étudiés ressemblaient beaucoup plus à des morceaux de "barbe à papa" (des fractus) qu'aux nuages auxquels nous sommes habitués. Mais bien qu'ils soient minces et à peine visibles, ils peuvent avoir un effet sur la dynamique du climat. Ainsi, les simulations ont montré que les nuages de l'atmosphère moyenne pourraient avoir un impact important sur le climat martien. Selon les chercheurs, leur présence provoqua une hausse ou une baisse de la température allant jusqu’à 10°C aux altitudes élevées.

A consulter : Modèle interactif de l'atmosphère (NASA-GRC)

A gauche, une vue oblique de l'atmosphère de Mars prise par Viking Orbiter 1 en septembre 1976 en direction du nord montrant le bassin d'Argyre d'environ 600 km de diamètre. Au centre, des nuages de glace et du brouillard planent au-dessus de Kasai Vallis par 30° N et 65° O. On distingue un front nuageux au SO. L'image couvre 800 km. A droite, une formation cyclonique près du pôle Nord. L'image couvre 375 km. Documents NASA/NSSDC/Viking1,MGS, JPL/MER et NASA/Calvin J.Hamilton.

Cette découverte est intéressante car ces nuages martiens pourraient également contribuer à révéler l’évolution passée de la planète Rouge et à démontrer comment elle avait réussi à maintenir de l'eau liquide à sa surface comme tentent de le démontrer de nombreux reliefs et formations (delta, vallées de débacle, couches d'argile, concrétions, etc) ainsi que les modèles climatiques. Il y a plusieurs milliards d'années, des rivières coulaient sur Mars et la vie a pu prendre son essor grâce au réchauffement induit par les nuages de haute altitude. Vu ses implications, il est probable que les chercheurs utiliseront à l'avenir cette donnée pour expliquer de quelle manière Mars aurait pu se réchauffer dans le passé.

Le nuage d'Arsia Mons

Depuis les décennies que les sondes orbitales photographient Mars, en particulier Mars Express, MAVEN, MRO, ISRO (MOM) et Viking 2, sur toutes les images prises autour du solstice dans l'hémisphère sud, on observe un nuage extrêmement allongé d'environ 150 km de diamètre qui s'étend sur 1500 à 1800 km à l'ouest du volcan d'Arsia Mons, entre 220 et 320° de longitude. Le volcan qui présente une caldera de 110 km de diamètre culmine à 17761 m d'altitude. Étant éteint depuis au moins 50 millions d'années, ce n'est pas une plume volcanique mais un nuage d'eau glacée.

Comme on le présumait, les chercheurs ont confirmé qu'il s'agit d'un nuage orographique (cf. J. Hernández‐Bernal, 2020). Il se forme lorsque le vent est poussé en altitude par les courants de surface soufflant autour d'Arsia Mons. C'est le plus grand nuage orographique observé sur la planète Rouge.

Le nuage est également très dynamique. Il se forme avant le lever du Soleil puis s'étend rapidement pendant deux heures et demie. Plus étonnant, il peut se déplacer à une vitesse supérieure à 600 km/h avant de s'atténuer. Il se détache alors de l'endroit où il s'est formé et s'étire vers l'ouest avant de s'évaporer en fin de matinée.

Ci-dessus à gauche, le croissant de Mars photographié par Viking 2 en 1976. On reconnaît le bassin d'Argyre (la zone blanche près du limbe supérieur) situé par 50° de latitude Sud, Valles Marineris (dans la zone rouge) et plus bas le volcan éteint d'Arsia Mons associé à un nuage d'eau glacée d'origine orographique. A droite, la même région d'Arsia Mons photographiée 42 ans plus tard en mars 2018 par Mars Express. Le nuage s'étend sur 915 km et se déplace à plus de 600 km/h. Il finit par encercler la planète sur 1800 km. Ci-dessous à gauche, une image prise le 10 octobre 2018 par Mars Express. Le nuage s'étend sur 1500 km. Il apparut deux mois après la grande tempête de sable survenue en juin-juillet 2018. A droite, deux photos prises par Mars Express les 17 et 19 juillet 2020. Le nuage s'étend sur 1800 km et mesure 150 km de largeur. Documents NASA/JPL, ESA/DLR/FU Berlin/J.Cowart, ESA/Mars Express et ESA/Mars Express/ GCP/UPV/EHU Bilbao.

Etudié durant plusieurs années à la recherche de variations interannuelles, la formation du nuage peut être retardée de quelques mois d'une année à l'autre s'il se forme une tempête de poussière globale. Ce retard a lieu en même temps qu'on observe une réduction générale des nuages sur Mars.

Sur Terre, les nuages orographiques ne sont jamais aussi grands ni aussi dynamiques, ce qui rend ce nuage martien particulièrement étrange. A présent que les chercheurs maîtrisent mieux le cycle de vie et les schémas de ce phénomène, ils pourront plus facilement observer l'évolution de ce nuage atypique.

Écarts de température

L'atmosphère raréfiée de Mars produit sur la température au sol des écarts journaliers d'environ 60°. Son excentricité orbitale influence également les températures extrêmes qui oscillent entre -140°C la nuit au pôle Nord en hiver, et +20°C en été dans l'hémisphère sud, avec un maximum pouvant atteindre +27°C à midi à l'équateur en été (et même 35°C au sol à l'ombre). Dans le sous-sol, à partir de quelques dizaines de centimètres, c'est du permafrost gelé à -60°C. Non, décidemment Mars est un désert glacé très inhospitalier.

Alliée à une température proche de celle de l'azote liquide, l'atmosphère de Mars n'a rien à voir avec celle de la Terre. Versez-y un verre d'eau et le liquide se transformera immédiatement en vapeur. Seul le gaz carbonique peut exister sous une forme solide ou liquide, à l'instar de la carbonite qu'on utilise sur Terre pour refroidir les aliments. Voilà déjà un phénomène qui ne rend pas Mars très accueillant...

Au lever et au coucher du Soleil, comme sur Terre, la couleur du ciel martien dépend de la quantité de poussière présente dans l'atmosphère. S'il y a beaucoup de poussière, le ciel prend une couleur rosée, beige ou magenta pâle sinon il est bleuté. A la fin du crépuscule, il devient pratiquement noir et constellé d'étoiles.

Le 20 août 1976, Viking 1 photographia un coucher de soleil sur Chryse Planitia. L'atmosphère était tellement faible qu'elle ne diffusa pratiquement pas la lumière. Seule une faible couronne de quelques degrés entourait le Soleil. Une image panoramique du site d'atterrissage d'Utopia Planitia prise par Mars Pathfinder révéla toutefois une légère dominante rosée dans le ciel provoquée par la poussière en suspension.

Quelques années plus tard, en 2005 le rover Spirit prit de nouvelles images du coucher de soleil martien révélant cette fois beaucoup plus de détails comme on le voit ci-dessous. Si ces photos font penser à un coucher de soleil sous les tropiques, la température négative et le paysage désolé nous rappellent que Mars est un désert glacé où il ne fait pas bon rester dehors après le coucher du Soleil.

A voir : Coucher de Soleil martien, Opportunity, 2010

Analemme du Soleil sur Mars (APOD)

Lever et couchers de soleil martiens

Depuis les premières images en couleurs naturelles des paysages martiens d'Utopia Planitia reçus au JPL en 1976, les experts du MIPL ont plus d'une fois corrigé la balance des couleurs, hésitant entre saturer le ciel de couleur orange ou lui donner une tonalité plus pastel voire même bleutée en l'absence de poussière. Aujourd'hui les spécialistes pensent que la couleur du ciel n'est pas aussi prononcée qu'on l'imaginait en 1990. Ainsi les tonalités des deux photos de droite furent "mises à jour" à partir de 2002. En fait si on compare le résultat actuel à un traitement RGB ordinaire on peut estimer que le canal rouge a été réduit d'environ 30% par rapport aux autres couleurs primaires. A gauche, un lever de soleil photographié en 2004 par Opportunity au Sol 101. Image traitée par Jason Ware. A sa droite, un crépuscule photographié vers 16h10 locale au Sol 24, le 29 juillet 1997 par Mars Pathfinder (la plate-forme fixe sur laquelle était posée le rover Sojourner). A droite du centre, un crépuscule sur Gusev photographié par le rover Spirit au Sol 489, le 19 mai 2005. A droite, un crépuscule photographié par Curiosity depuis le cratère Gale au Sol 956, le 15 avril 2015. Si sur Terre, la magnitude apparente du Soleil est de -26 pour un diamètre angulaire de ~32', elle est de -25.1 sur Mars pour un diamètre angulaire de 21.1'. Documents NASA/JPL/Jason Ware, NASA/JPL/Pathfinder, NASA/JPL/MER, NASA/PhotoJournal et NASA/JPL/Caltech/U.Texas.

Si les astronomes comprennent pourquoi Mars présente une atmosphère aussi ténue (sa faible masse expliquant ceci), la question de savoir comment elle l'a perdue fait encore l'objet de nombreuses études car la réponse n'est ni simple ni définitive.

Ainsi, en 2015 la sonde spatiale MAVEN de la NASA apporta des preuves selon lesquelles Mars aurait perdu son atmosphère suite à l'interaction de celle-ci avec le vent solaire. En effet, plusieurs études publiées dans la revue "Geophysicical Research Letters" montrent qu'aujourd'hui le vent solaire est le principal responsable de l’érosion de l'atmosphère martienne. Ainsi, en mars 2015, les détecteurs de MAVEN ont montré que le vent solaire expulsa les ions atmosphériques à un taux équivalent à environ 100 grammes par seconde. Cet échappement se produit principalement (75%) à la limite entre la haute atmosphère martienne et l'enveloppe magnétique produite par son interaction avec le vent solaire et de façon moindre au niveau des pôles (~25%).

Le plus significatif est que ce taux d'érosion atmosphérique augmente d'un facteur 10 à 100 lors des tempêtes solaires, suggérant qu'il fut bien plus élevé par le passé, lorsque le Soleil était plus jeune et plus actif. Les astronomes sont convaincus que c'est ce phénomène qui conduisit à l'évaporation de l'atmosphère de Mars, ce qui entraîna l'assèchement puis le refroidissement de sa surface[5].

Cette découverte signifie également qu'à une certaine époque très reculée, Mars disposait d'une atmosphère suffisamment dense et chaude pour permettre l'existence d'eau liquide en surface, voire même abriter certaines formes de vie. On y reviendra dans d'autres articles.

Les dunes

Quand on voit les photos de la surface de Mars, où que l'on regarde le paysage est rocailleux et sablonneux et il n'y a pas un rocher où ne s'accumule pas du sable et de la poussière. Ce paysage sec, désertique et globalement glacial est le résultat d'un assèchement progressif du climat qui débuta durant l'Amazonien, il y a environ 2 milliards d'années.

Un champ de dunes givrées photographié par MRO. Document NASA/JPL-Caltech/U.Az.

La poussière se différencie du sable par le fait qu'elle se forme généralement par collision intergranulaire de grains de sable plus grossiers (> 0.1 mm) qui peuvent produire de la poussière par fracture complète ou par enlèvement de coins des matériaux d'origine. Pour ces différentes raisons, on estime que la poussière martienne commença à se former à l'époque du climat post-Noachien il y a 3.7 milliards d'années (après l'époque des impacts météoritiques et la disparition de l'hydrosphère).

D'où proviennent ces dunes et tout ce sable ? Les dunes et les déserts sont des éléments familiers sur Terre et on en trouve également sur Mars, Vénus et Titan, la lune de Saturne. En fait, avec le basalte et les cratères, c'est probablement le troisième type de sol le plus fréquent sur les planètes et lunes rocheuses. Le facteur commun à tous ces astres est de posséder une atmosphère et des quantités substantielles de particules meubles de la taille de grains de sable. De toutes les dunes extraterrestres connues des scientifiques, celles de Mars sont les plus faciles à étudier.

Les dunes martiennes ont la même origine et se forme de la même manière que les dunes terrestres. On peut donc appliquer à Mars ce que l'on sait des dunes et de la réhologie terrestres tout en tenant compte des conditions martiennes, et notamment de la plus faible gravité sur Mars.

Sur le plan géologique, une dune est un amas de sable entassé et façonné par le vent (on exclut ici les dunes sous-marines). Le mot "dune" implique une taille substantielle - au moins plusieurs mètres de hauteur. Mais de petites ondulations de sable de seulement quelques centimètres de hauteur sont générées de la même manière à partir des mêmes matériaux. La différence réside principalement dans l'apport de particules et le temps que le vent a mis pour agir sur elles.

Sur Terre, la taille des grains de sable varie entre 0.0625 et 2 mm contre ~0.01 à 0.03 mm pour le sable de Mars (voir plus bas) qui est donc ultrafin. Le sable se forme lorsque le vent soulève de petites particules de roche et les projette contre d'autres roches et affleurements, arrachant ainsi de petits morceaux aux arêtes vives. Le vent broie ces grains les uns contre les autres, les rendant plus petits et plus ronds par abrasion.

Si vous avez déjà affronté un vent de sable ne fut-ce que sur une plage, vous avez constaté que l'impact du sable sur la peau est piquant. Nous connaissons également les performances des sableuses et de la découpe au jet d'eau contenant du sable de grenat. Lorsqu'il est soufflé par un vent suffisamment fort ou longtemps, le pouvoir abrasif des grains de sable peut briser les roches les plus résistantes. Dans la nature, le processus d'érosion ne s'arrête jamais tant que le vent souffle.

A lire : The Dunes of Mars, NASA-GSFC

Photos aériennes de champs de dunes de sable martiennes photographiées par la caméra HiRISE de la sonde orbiter MRO. A gauche, des dunes en arc présentant ou une plusieurs crêtes qui se déplacent et présentant des ondulations dans la région de Nilli Patera, une dépression volcanique située au centre de Syrtis Major. Voici une vue générale prise par MGS en mars 1999. Au centre, un champ de dunes complexe dans le cratère Bunge. On distingue des traces de tourbillons de poussière qui permet de mieux comprendre les mécanismes qui les déclenchent. Il s'agit d'un agrandissement colorisé d'une photo prise le 3 janvier 2022 à 255 km d'altitude. Voici une vue générale du site. A droite, le magnifique cratère d'impact Victoria et son champ de dunes photographié en 2006 à 269 km d'altitude. Ce cratère situé dans Meridiani Planum, près de l'équateur martien, mesure ~800 m de diamètre et 70 m de profondeur avec un rempart de 5 m de haut. Le rover Opportunity l'explora en 2006. Voici une photo panoramique en couleurs naturelles prise par Opportunity (cf. Photojournal). Comme l'explique le Smithsonian, le cratère se dégrade au fil du temps. Documents NASA/JPL-Caltech/U.Az, NASA/JPL-Caltech/U.Az et NASA/JPL/MRO.

La composition minérale du sable dépend de la nature des roches mères. Sur Terre, où les roches granitiques sont courantes, la plupart du sable est composé de quartz ou de dioxyde de silicium (SiO2). L'érosion des roches sédimentaires dont la composition être très variée (roches carbonatées, siliceuses, carbonées, évaporitiques, phosphatées, ferrugineuses, glauconieuses, alumineuses, etc.) produit également énormément de débris allant des blocs de l'ordre d"un mètre de large aux argiles d'un diamètre de l'ordre du micro en passant par le sable de taille millimétrique. Sur Mars, les scientifiques ont encore beaucoup à apprendre sur les sables martiens et leurs compositions.

Comme nous l'avons expliqué (voir page 2), la roche la plus courante sur Mars est le basalte volcanique, une roche noire, de sorte que les particules de sable qui en sont issues sont également noires (comme certaines plages sur Terre sont constituées de sable noir volcanique). Pourtant, sur Mars, de nombreuses dunes n'ont pas cette couleur sombre mais sont beiges. Pour les scientifiques, cette couleur claire provient de la poussière tombant de l'atmosphère et recouvrant les dunes.

La présence d'une couche claire de poussière suggère que le sable des dunes martiennes ne bouge pas ou n'est pas actif. En revanche, comme illustré ci-dessous, dans le cratère Gale, autour du Mont Sharp, on observe une ligne de dunes sombres qui est le signe de dunes actives. Des images en haute résolution ont montré que les ondulations du sable sur les dunes se déplacent vers le sud-ouest lorsque les vents locaux soufflent du nord-est.

Ces deux photos panoramiques furent prises par la Mastcam du rover Curiosity le 25 septembre 2015 (Sol 1115) qui se trouvait à l'intérieur du cratère Gale, sur le bord nord-ouest du Mont Sharp. On distingue une dune de sable sombre avec des ondulations et donc active à mi-distance. A droite, la bande sombre dans la partie inférieure du paysage fait partie du champ de dunes de Bagnold (Bagnold Dunes). Voir d'autres photos plus bas. Documents NASA/JPL-Caltech/MSSS et NASA/JPL-Caltech/MSSS.

Comme sur Terre, les dunes martiennes présentent de nombreuses formes caractéristiques. Les principaux types de dunes martiennes sont les suivants :

- les méga-ondulations (megaripples) ou ondes géantes.

- les barkhanes (barchanes) en forme de croissant, avec une face convexe à pente faible face au vent et une pente concave à pente forte (34°) sous le vent. Elles se forment lorsque les vents sont violents et unidirectionnels

- les crêtes éolienne transversales ou TAR (Transverse Aeolian Ridges). Elles peuvent être simples (elles forment des crêtes parallèles), fourchues, sinueuses (sans se chevaucher), en pseudo-barkhanes formant des sortes de motifs fléchés ou former un réseau comme on en trouve dans les cratères à fond plat.

- les dunes linéaires (linear) qui peuvent se placer derrière des barkhanes (cf. cette photo).

- les étoiles (stars) qui ont un pic central et au moins trois bras qui se forment lorsque les vents soufflent de différentes directions.

Un champ de dunes contenant de curieuses dunes circulaires en forme de dôme photographiées par MRO le 22 novembre 2022. Document NASA/JPL-Caltech/U.Az.

Inconnues sur Terre, on trouve également sur Mars des dunes sombres quasiment circulaires en forme de dôme (voici la vue générale non traitée) comme illustré à droite. Elles sont légèrement asymétriques, avec des parois abruptes aux extrémités sud. Cela indique que le sable se déplace généralement vers le sud, mais que les vents peuvent être variables.

Il existe sur Mars d'autres formations sablonneuses tout aussi étonnantes. Comme illustré ci-dessous à gauche, Mars possède un type de dune très particulier en forme de cylindre présentant des sortes d'anneaux clairs comme une chenille et parsemée de petites taches sombres radiales ressemblant à des araignées comme le montre le gros-plan présenté ci-dessous à droite photographié dans la région de Terra Sabaea située sur le grand plateau d'Arabia Terra. On ignore la nature de ces taches sombre qu'on retrouve sur de nombreuses dunes. Selon le géologue Phil Christensen de l'Université d'Arizona, il pourrait s'agir de traces laissées par des geysers. En effet, au printemps, au matin le Soleil réchauffe l'hémisphère sud de Mars et fait fondre la glace carbonique présente dans le sous-sol. Sous la chaleur, la glace se sublime en vapeur (gaz), se dilate, remonte à travers les fissures de la roche et est éjectée avec du sable noir dans l'atmosphère martienne sous forme de geysers comme illustré au centre, laissant des traces sombres en araignée au sol. On observe un phénomène similaire dans des dunes situées près du pôle Nord de Mars (cf. cette photo de dunes givées).

Tant qu'il y a du vent, les dunes suivent un cycle de construction et de destruction continu. Lorsque le vent souffle, les grains de sable glissent sur le sol, sautent (saltation) et rebondissent sur la surface en formant des ridules ressemblant à des ondulations. Si les grains de sable sont abondants, ils s'accumulent en petits monticules et congères, et forment à la longue des dunes. Une dune a généralement une pente douce (5° à 15°) menant à une crête suivie d'une pente plus raide sur l'autre versant (30° à 35°) jusqu'au fond de la dépression, le niveau de la plaine, le fond de la vallée ou le fond du cratère. La légère côte est appelée la face au vent, tandis que derrière la crête se trouve la face glissante ou face sous le vent.

Avec un vent constant soufflant dans une direction, une dune avance sous le vent. Les grains de sable rebondissent sur la pente rocheuse, dépassent la crête et descendent en avalanche sur la face sous le vent. À mesure que les grains s'accumulent sur la face sous le vent, ils enterrent littéralement ceux qui sont arrivés plus tôt. Lentement, la crête de la dune se déplace sous le vent, et finalement les premiers grains émergent à nouveau sur la face au vent. Ils sont emportés et soufflés par-dessus la crête vers la face sous le vent, et le processus se répète sans fin.

A gauche, vue aérienne de dunes de sable martiennes atypiques photographiées par la caméra HiRISE de la sonde orbiter MRO le 27 janvier 2010. Elles mesurent en moyenne quelques dizaines de mètres de hauteur et plusieurs centaines de mètres de longueur. Elles sont actives et sont parfois nombreuses y compris dans certains grands cratères. Au centre, une illustration artistique des geysers expulsant du gaz carbonique du sous-sol et du sable noir qui retomberait au sol en formant des motifs sombres en forme d'araignées. A droite, l'orbiter ExoMars a capturé cette étonnante image en couleurs représentatives le 8 février 2019 dans la région de Terra Sabaea (26.36º N, 56.96º E) grâce à son imageur couleur et stéréo CaSSIS. Les traits bleus qui semblent dessiner une araignée représentent des parties d'une crête qui ont été raclées et décapées par les tourbillons formés par le vent. Une étude publiée en 2021 confirme une hypothèse émise en 2003 selon laquelle ces traces se forment au printemps, lorsque la lumière du Soleil pénètre dans la couche translucide de glace carbonique et chauffe le sous-sol. Ce chauffage provoque la sublimation de la glace à partir de sa base, créant une pression sous la glace jusqu'à ce qu'elle se fissure. Le gaz refoulé s'échappe par les fissures, laissant derrière lui les motifs en araignée de la roche et du sable noirs de Mars. Documents NASA/JPL/Photojournal, Ron Miller/JPL/U.Az et ESA/RosCosmos.

Cette image simplifiée du déplacement des grains de sable comporte de nombreuses variantes. La forme des dunes varie en fonction de l'apport de sable, du sol sur lequel elles se déplacent et de la direction du vent. Par exemple, les vents qui soufflent dans deux directions opposées (d'un jour à l'autre ou tout au long de l'année) créent des dunes à crête abrupte avec des pentes à peu près égales de chaque côté de la crête. Les dunes en étoile, qui montrent plusieurs lignes de crête qui se rejoignent, se forment partout où les vents soufflent de plusieurs directions à peu près égales.

Les dunes peuvent se transformer. Les barkhanes par exemple en forme de croissant peuvent se fondre en crêtes barkhanoïdes où la "corne" d'un côté d'une barkhane peut s'allonger régulièrement jusqu'à devenir une dune transversale. Et ainsi de suite. Les barkhanes peuvent aussi être excentriques.

Une théorie unifiée des ondulations du sable

Malgré tout ce qui vient d'être dit, bien qu'on étudie la physique du sable et des dunes depuis près d'un siècle (cf. R.A. Bagnold, 1941 sans oublier les travaux précurseurs de Prandtl et von Karman sur les fluides turbulents en 1934-1935) avec un intérêt certain depuis la fin des années 1970 par des chercheurs danois, américains et britanniques, les scientifiques connaissent mal les lois qui gouvernent les dunes. Un exemple est celui des ondulations du sable, un motif a priori tout simple que tout le monde connaît, mais dont on commence seulement à comprendre le mécanisme de formation.

Le sol sablonneux comme les dunes de sable présentent des motifs ondulés parfois à plusieurs échelles. Ainsi une dune est une ondulation à grande échelle sur la surface de laquelle peut se développer de petites ondulations. Ces ondulation sont fascinantes à étudier. Elles sont symétriques, mais le vent qui les génère ne souffle pas de façon symétrique. Une théorie unifiée pourrait-elle expliquer la formation des ondulations du sable, et s'appliquer sur Mars comme sur la Terre ?

C'est à cette question qu'une équipe internationale de chercheurs dirigée par le physicien Itzhak Katra du Département des sciences de l'environnement, de la géoinformatique et de l'urbanisme à l'Université Ben Gourion du Néguev a tenté de répondre dans un article publié dans la revue "Nature Geoscience" en 2024.

A gauche, un nouveau type de dune, appelé "wind-drag ripples" (ondulations causées par le vent ou plus précisément par la traînée de frottement causée par le vent), découverte en 2015 par le rover Curiosity dans le cratère Gale. La dune fait partie du champ de dunes de Bagnold situé sur le flanc nord-ouest du Mont Sharp. Cette image composite fut prise tôt le matin. Ce sable est sombre car il contient des minéraux basaltiques. Voici une vue générale. Document NASA/JPL-Caltech/MSSS traité par Peter D. Tillman. A droite, exemples et classification de formes de lits sablonneux à méso-échelle pour un large éventail de conditions environnementales terrestres et martiennes. Document I.Katra et al. (2024).

Les ondulations du sable qu'on observe sur Mars et en particulier celles photographiées par le rover Curiosity en 2015 présentées ci-dessus à gauche, présentent deux motifs distincts : de grandes ondulations (échelle métrique) et un motif ondulé "d'impact" plus petit (échelle décimétrique). Ce type de dune est appelé "wind-drag ripples" (en bon français des ondulations de traînées de frottement éoliennes).

Comme nous l'avons expliqué, selon la théorie dominante, les ondulations à petite échelle sont produites par l'impact des particules transportées par le vent comme on l'observe sur Terre et les grandes ondulations se forment en raison de l'instabilité hydrodynamique comme les ondes sous-marines dessinent les fonds sablonneux. De plus, on pensait que les conditions physiques qui les produisaient sur Mars ne pouvaient pas les produire sur Terre.

Grâce à la soufflerie de l'Université Ben Gourion et le tunnel installé à l'Université d'Aarhus au Danemark, les chercheurs ont pu simuler expérimentalement les conditions martiennes et prouvé qu'un tel phénomène pouvait exister sur Terre. Selon les auteurs, "nous ne l'avons tout simplement pas encore remarqué parce que nous ne savions pas où le chercher."

Imiter le sable martien n'a pas été facile car il est plus fin que le sable terrestre. Mais les auteurs ont obtenu d'excellents résultats en utilisant de minuscules billes de verre de 90 microns de diamètre pour représenter les fins grains de sable.

A gauche, la soufflerie de l'Université d'Aarhus au Danemark permet de simuler les conditions martiennes en réduisant la pression à celle de Mars, qui est 200 fois inférieure à la pression atmosphérique sur Terre. Le tunnel se trouve à l’intérieur de la cuve rouge. À droite, des vagues formées dans la soufflerie de l'Université Ben Gourion du Néguev avec des billes de verre d'un diamètre de 90 microns. Deux échelles de vagues sont visibles : des petites vagues d'une longueur d'onde de quelques centimètres et des grandes vagues d'une longueur d'onde d'environ 10 centimètres ressemblant aux vagues formées par l'écoulement de l'eau. Les mêmes échelles d'ondes existent sur Mars comme le découvrit le rover Curiosity en 2015. Documents Hezi Yizhaq (2024)

Les chercheurs ont finalement proposé un cadre théorique unifié qui expliquerait les ondulations de sable sur Mars et sur Terre. À leur niveau le plus élémentaire, les ondulations du sable sur Mars générérées par le vent ressemblent aux ondulations du sable sur Terre causées par l'eau.

Selon Hezi Yizhaq de l'Université Ben Gourion et coauteur de cet article, "Beaucoup plus de recherches, tant sur le terrain qu'expérimentales, sont encore nécessaires pour prouver notre théorie, mais il est étonnant de proposer quelque chose d'aussi radicalement nouveau dans un domaine que j'étudie depuis plus de 20 ans. C'est passionnant de sortir et d'essayer de trouver sur Terre ce que l'on peut clairement voir sur Mars."

La poussière martienne

Comme nous venons de l'expliquer, Mars est une planète de sable et poussiéreuse. Pourquoi ? Car dans les conditions climatiques régnant de nos jours sur Mars, l'abrasion éolienne et la déflation (érosion par arrachement ou vannage éolien) des roches sont probablement les deux mécanismes les plus actifs à l'origine de la formation et l'accumulation du sable et de la poussière martiennes.

Tourbillon de poussière formé l'après-midi du 16 février 2012 dans Amazonis Planitia (35.8° N, 207° E). Il mesure 30 m de diamètre et s'élève à 800 m de hauteur. Document NASA/MRO.

Comme dans les régions désertiques sur Terre, des tourbillons de poussière (dust devils, surnommé "tourbillon du diable" sur Terre) tels celui présenté à gauche se forment régulièrement sur Mars. Selon les résultats du lander InSight de la NASA publiés en 2020, il y a plus de tourbillons de poussière sur le site d'atterrissage du lander que partout ailleurs.

Plus apparente encore que sur Terre, l'érosion éolienne a façonné Mars. Près de la région équatoriale par exemple, on peut observer d'énormes crêtes rocheuses façonnées par le vent qu'on appelle "yardangs"[6] s'étendant sur plusieurs dizaines de kilomètres, soulignant le rôle considérable joué par les forces éoliennes sur l'érosion de la surface de Mars. On trouve également des yardangs sur la Terre et sur Vénus. On y reviendra.

D'un point de vue mécanique, le taux d'abrasion dépend de la nature géologique du sol, des particules abrasives, de la densité de l'air et de la force du vent. Dans les zones actives martiennes où le sable migre facilement, on estime le taux d'abrasion compris entre 1 et 50 μm/an soit une abrasion maximum de 0.05 mm/an, ce qui est assez faible en soi. En revanche, dans la région du site du lander Viking 1 (dans Cydonia Mensae situé à 4655 km à l'est d'Olympus Mons), on releva un taux d'abrasion jusqu'à 0.21 mm/an.

Notons que comme sur Terre, plus la densité de l'air est élevée plus la vitesse de friction augmente et plus l'abrasion est forte. En moyenne, le taux d'abrasion double lorsque la force du vent double (cf. cette étude de 1982 sur le taux d'abrasion sur Mars et cette étude de 2014 sur l'effet du vent sur le sable sur Terre).

Les expériences en laboratoire y compris dans des tunnels à vent suggèrent que le taux d'abrasion est plus élevé sur Mars que sur Terre en raison de la plus faible pression atmosphérique et des vitesses de friction plus élevées des particules salines. De plus, ces expériences ont montré que l'abrasion est plus efficace sur les roches à grains fins (~20 microns) de dureté intermédiaire. Les preuves de cette érosion à grande échelle par déflation peuvent être observées dans certaines zones de Mars jusqu'à l'échelle du décimètre dans les fossés, les dépressions et les dépôts qui s'accumulent à l'abri des roches.

Les formations de Medusae Fossae (MFF)

Les formations de Medusae Fossae alias MFF sont un ensemble montagneux de dépôts sédimentaires qui chevauchent l'équateur martien (3.2° S, 197° E) dont une photo satellite est présentée ci-dessous à droite. Ces formations sont situées à 2000 km au sud-ouest d'Olympus Mons, près du cratère Nicholson. La photo satellite montre clairement les champs de dune sablonneuse au fond des vallées et le soubassement rocheux fortement érodé.

Gros-plan sur les formations de Medusae Fossae photographiées par MRO. Doc NASA/JPL/Photojournal.

Selon les données enregistrées en 2002 par l'orbiter MRO, les estimations topographiques indiquent que Medusae Fossae couvre de nos jours une superficie de 210000 km2 soit le tiers de la France et représente un volume de 140000 km3. Cependant, les dépôts résiduels formant les yardangs observés à plus grandes distances suggèrent que par le passé les MFF auraient été au moins deux fois plus étendues, couvrant jusqu'à 500000 km2. Quant à l'épaisseur des montagnes, composées de couches sédimentaires et probablement de glace, leur élévation par rapport au sol varie entre 500 m et près de 3 km.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature Communications" en 2018 (voir aussi l'article publié dans le Journal de l'AGU) par Lujendra Ojha de l'Université Johns Hopkins et ses collègues, en raison de l'immense dimension des MFF, de leur friabilité et du fait qu'elles sont sculptées par le vent, une grande partie des poussières martiennes proviennent de l'érosion de Medusae Fossae.

Cette région présente une forte abondance de soufre et de chlore avec un rapport S/Cl ~ 3.7 tout à fait spécifique qu'on retrouve justement dans la poussière. Les chercheurs ont évalué le taux d'érosion à 2.9x1012 kg de poussière par an échangés entre la surface et l'atmosphère. Ils estiment qu'en trois milliards d'années ce processus a pu recouvrir la planète Rouge d'une couche de poussière de plusieurs mètres d'épaisseur !

Selon les chercheurs cette formation subit une importante éruption volcanique il y a plus de 3 milliards d'années. La roche est poreuse et dut se développer à partir de dépôts volcaniques explosifs et non de dépôts glaciaires. Mais actuellement, l'origine précise de ces formations reste un mystère.

Pour renforcer l'hypothèse glaciaire, le radar MARSIS de la sonde spatiale Mars Express de l'ESA a détecté dans les profondeurs des MFF d'importants échos qui seraient la signature potentielle d'épaisses couches de glace d'eau mélangée à plus ou moins de matière sèche (peut-être des cendres volcaniques) dont la hauteur totale dépasse localement 2 km d'épaisseur et s'étend sur des centaines de kilomètres de longueur. Mais cela ne signifie pas que les deux hypothèses s'excluent mutuellement car on peut envisager un scénario hybride volcano-glaciaire qui pourrait tout à fait expliquer l'état actuel des MFF. On y reviendra à propos des traces d'eau à la surface de Mars.

Carte topographique basée sur les données altimétriques MOLA de la région martienne centrée sur 0° N, 180° E. Medusae Fossae est située sur la droite près du cratère Nicholson. Cette zone se situe en bordure d'une grande plaine de plus de 5000 km de longueur contenant des plateaux (planum), des collines (dorsa), des crêtes (rupes), des fosses (fossae), des sillons (sulci) et est bordée au sud par des reliefs sombres parsemés de grands cratères d'impacts. D'autres cartes sont présentées dans l'article consacré aux oppositions de Mars. Document NASA/GSFC adapté par T.Lombry.

Si des éruptions volcaniques sont à l'origine des formations de Medusae Fossae, elles auraient déversé dans l'atmosphère d'énormes quantités de gaz (soufre, gaz carbonique et chlore) altérant le climat et auraient éjecté assez d'eau pour couvrir Mars d'un océan global de plusieurs mètres de profondeur.

Selon Ohja, Medusae Fossae représente le plus grand dépôt pyroclastique connu dans le système solaire. L'érosion éolienne y a joué un rôle majeur au point qu'aujourd'hui la moitié de la roche originale a été érodée, ne laissant que des crêtes et les spectaculaires vallées scéniques qu'on observe par satellite.

Les tempêtes de sable

Si durant l'été martien la planère Rouge semble hospitalière avec des températures positives au sol et un petite brise (mais avec un air toujours irrespirable et des rayonnements nocifs), comme sur Terre l'été (l'équinoxe) est également la saison des tempêtes de sable (ou de poussière) et des ouragans. Comme ici bas, sur Mars il s'agit également de dépressions et de fronts météorologiques générant des vents violents.

Carte de Mars avec l'emplacements du lander Mars InSight et des rovers Perseverance et Curiosity pendant la tempête de poussière photographiée le 22 septembre 2022 (en beige clair) par la caméra MARCI de l'orbiter MRO. Bien qu'Insight était à 3500 km du front de poussière, ses panneaux solaires en reçurent suffisamment pour réduire significativement sa production d'énergie. Le dernier évènement de ce type était survenu en novembre 2018. Mais cette fois, la tempête lui fut fatale. Document NASA/JPL.

Les tempêtes de sable sont saisonnières et coïncident avec l'été dans l'hémisphère sud de Mars, lorsque la planète est au plus près du Soleil. L'augmentation de l'irradiance solaire induit également de plus fortes variations de température, les mouvements d'air résultants soulevant plus facilement les particules de poussière de la surface. La taille de ces grains varie entre 30 et ~10 microns (0.03 et ~0.01 mm), les grains les plus petits étant similaires à la granulométrie du sable très fin terrestre, des limons ou du talc.

Ces tempêtes de sable se produisent pendant l'automne et l'hiver dans l'hémisphère nord. Il existe donc des zones sur Mars relativement épargnées par les tempêtes de sable.

Les tempêtes de sable martiennes sont très impressionnantes, à la fois visuellement comme le montrent les images ci-jointes et en termes d'intensité et de durée, mais elles sont généralement plus faibles comparées aux tempêtes de sable et aux ouragans terrestres. En effet, la pression atmosphérique martienne étant au moins cent fois plus faible que sur Terre, il faut des déplacements d'air très violents pour agiter l'atmosphère martienne. C'est la raison pour laquelle malgré les grandes étendues désertiques, la vitesse moyenne des vents martiens plafonne à 180 km/h à l'équateur, soit 75% de la vitesse des vents typiques des ouragans terrestres (Catégorie 5 avec des vents > 249 km/h). C'est aussi pour cette raison que sur Mars on dénombre bien plus de petits tourbillons de poussière ou "tourbillon du diable" (voir plus haut) que de grandes tempêtes de sable. Pendant les tempêtes de sable, le lander Viking releva des vents atteignant 113 km/h.

Jusqu'à présent aucune tempête de sable ou ouragan n'a jamais eu la force de renverser un rover (174 kg pour Spirit et Opportunity) mais en revanche, le sable peut les recouvrir de plusieurs millimètres de poussière qu'il a parfois fallu retirer quand elle cachait la mire de calibration des couleurs (cf. cette photo). Mais à la longue l'accumulation de cette poussière peut être fatale aux landers et rovers, comme ce fut le cas de Mars Insight qui cessa de fonctionner fin 2022 après quatre ans de service car ces panneaux solaires étaient totalement recouverts de poussière et ne généraient plus d'électricité.

La plupart des tempêtes de sable sont des phénomènes locaux à moyenne échelle (méso-échelle, comme sur Terre) avec des fronts de sable d'une centaine de kilomètres et un diamètre de plusieurs centaines de kilomètres pour une épaisseur de quelques kilomètres (sur Terre la hauteur d'un mur ou "Haboob" comme en voit au Maroc, dans le sud des Etats-Unis ou en Australie ne dépasse pas 2000 m avec des vents de 80 km/h). Mais parfois ces tempêtes de sable peuvent prendre une dimension planétaire et s'élever jusqu'à 60 km d'altitude et contrecarrer les missions d'exploration.

Ci-dessus à gauche, une tempête de sable similaire à celle qu'on peut observer sur Terre photographiée au-dessus d'un réseau de canyons par la sonde spatiale MRO en 2008. Le front s'étend sur environ 120 km. A droite, une tempête de sable globale qui voila toute l'atmosphère de Mars pendant un mois en 2001. Ci-dessous, le front d'une tempête de sable photographié par la sonde spatiale Mars Express de l'ESA en avril 2018 près de la calotte polaire boréale, au nord d'Utopia Planitia (le site de Viking 2) par 78° N et 106° E. La résolution est de 16 m/pixel au sol sur l'original. Documents NASA/JPL-Caltech/MSSS, NASA/JPL/MGS et ESA.

Comme on le voit ci-joint, en juin 2001 une tempête de sable enveloppa toute la planète en moins d'un mois. Le même phénomène se produisit en juillet 2007. Celle qui se forma en avril 2018 au sud-ouest de la planète s'est également intensifiée et finit par se transformer en une tempête de poussière planétaire qui encercla la planète Rouge en quelques semaines. Elle dura jusqu'en juillet 2018. A chaque fois, au plus fort de la tempête, la poussière était tellement épaisse que la lumière du Soleil n'arriva plus au sol (taux de transmission τ < 1%, autrement dit il faisait pratiquement nuit à midi). En juin 2018, le rover Opportunity qui explorait la surface de Mars depuis 2004 n'a pas pu recharger ses batteries pour communiquer avec la Terre. Dans ces conditions, le JPL décida de mettre Opportunity en hibernation jusqu'à ce que la tempête soit passée. Malheureusement, le rover ne répondit plus jamais et la NASA termina la mission en 2019.

Comme nous l'avons expliqué à propos de la nature du sol martien, comme sur Terre cette poussière est composée de métaux et d'oxydes métalliques (cf. ce graphique) et est donc conductrice et chargée d'électricité statique. La friction entre les particules peut générer des éclairs au sein même des nuages de poussière.

Si sur Terre une tempête de sable ne dure que quelques heures voire quelques jours dans le Sahara ou le désert de Gobi, sur Mars les futurs colons devront interrompre toutes les activités en extérieur pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines quand surviendra une tempête globale, des impondérables qui ne vont pas faciliter les missions martiennes ni les projets de colonisation. On y reviendra.

L'atmosphère de Mars étant ténue, cette poussière reste longtemps en suspension mais vers le mois de novembre elle n'a plus d'effet sur la lumière du Soleil.

Effet d'une tempête de sable sur l'intensité de la lumière du Soleil atteignant la surface de Mars. A gauche, évolution sur 30 jours (sol) lors de la tempête de juillet 2007. A droite, évolution durant la tempête de juin 2018. Le taux de transmission (valant 1 sans obscurcissement) tombe à moins de 1% au milieu de la tempête de sable. Documents NASA/JPL et NASA/JPL-Caltech/TAMU.

Un autre effet de la poussière en suspension est de faciliter la formation de nuages d'eau glacée en altitude. Ainsi, comme le montre les photos de la région d'Arsia Mons prise le 26 septembre 1976 par Viking 2 et le 10 octobre 2018 par Mars Express, après une grande tempête de sable, il se forme parfois une plume de glace vers 20 km d'altitude qui s'étend sur 1000 à 1500 km qui n'a aucun rapport avec l'activité du volcan qui est éteint depuis longtemps. On y reviendra en dernière page.

Le régime des vents

Pour les scientifiques qui suivent l'évolution des dunes de sable martiennes, la tempête globale de poussière de 2018 a fourni des preuves essentielles dans leur enquête sur les régimes des vents sur la planète Rouge. Jusqu'à présent, les scientifiques pensaient que seuls les vents violents générés lors des tempêtes globales de poussière pouvaient déplacer les grandes dunes de la planète étant donné que l'atmosphère extrêmement ténue de Mars donne à un vent de 180 km/h l'apparence d'une brise. Toutefois, les images prises par les orbiters, les landers et autres rovers au cours des dernières décennies ont révélé que le sable martien se déplace constamment, ce qui implique qu’il n’a pas besoin de fortes rafales pour le faire. Ce fut une surprise pour les chercheurs.

A voir et écouter : An Extraordinary View of Mars (Perseverance), 2021

avec le son du vent martien

Aspect de Mars avant et pendant la tempête de sable globale survenue en juillet 2018. A gauche, deux photos prises par le Télescope Spatial Hubble (photos URGB). Les plus petits détails mesurent ~30 km. A droite, deux photos prises par Damian Peach (gauche, Chilescope de 1 m) et Christophe Pellier (photo RGB au T.305 mm). La grande forme sombre triangulaire au centre est Syrtis Major.

Depuis que les scientifiques ont pu observer la tempête globale de poussière de 2018 depuis le sol grâce au rover Curiosity, ils ont remarqué une autre caractéristique surprenante du vent martien : les fortes rafales ne semblent pas déplacer le sable plus que la normale. Pour les chercheurs, cela reste un mystère. De plus, les chercheurs ont constaté que même lors de cette tempête globale, le régime des vents fut différent à l'intérieur du cratère Gale, comme si le site était abrité.

S'il s'avère que les dunes de sable ne bougent pas beaucoup pendant une tempête, selon les chercheurs les vents tourbillonnants emportant la poussière dans l'atmosphère pourraient ne pas être les mêmes que les vents de surface. En effet, lorsque la poussière est soulevée dans l'atmosphère lors d'une tempête globale et empêche la lumière du Soleil d'atteindre la surface, ce phénomène interrompt le processus de génération de vent près du sol qui, dans des conditions normales, est induit par les échanges thermiques (fluctuations de température) entre l'air et la surface. Ainsi, les fameux "tourbillons du diable", "diables de poussière" (dust devils) et autres "willy-willies" qu'on peut observer dans tous les désert chauds et poussiéreux ou rocailleux qui sont des colonnes d'air et de poussière en rotation, sont également très courants sur Mars. Ils se forment lorsque l'air chaud de la surface s'élève, créant un courant d'air qui forme un tourbillon pouvant s'élever jusqu'à 800 m d'altitude. Curiosity en a photographié plusieurs traversant le cratère Gale en 2017 comme on le voit dans la vidéo ci-dessous.

A voir : Dust Devils on Mars Seen by NASA's Curiosity Rover, NASA

Les grandes tempêtes globales à l'origine de la perte de l'eau

L'équipe d'Ann Carine Villanueva de l'Institut d'Aéronomie Spatiale de Belgique (ISAB) comprenant plus de 150 chercheurs impliqués dans la msision ExoMars ont rapporté dans la revue "Nature" en 2019 avoir trouvé des preuves d'une perte de vapeur d'eau dans l'atmosphère de Mars.

Grâce à l'orbiter ExoMars construit par l'ESA et Roscosmos, l'orbiter a mesuré la quantité de molécules d'eau à différentes altitudes avant et après la tempête de sable de 2018. Les chercheurs ont constaté pour la première fois que tous les types de molécules d’eau (les plus légères et les plus lourdes) atteignaient la zone d’échappement de la haute atmosphère, ce qui était un élément important pour comprendre comment l’eau pourrait disparaître de Mars. À partir de ces données, les chercheurs vont tenter de prédire la quantité d'eau qui coulait sur Mars il y a plusieurs milliards d'années et le temps nécessaire à sa disparition.

A voir : Measuring Mars' Ancient Ocean, NASA

Variations des rapports de mélange volumétrique de l'eau (H2O et HDO) dans l'atmosphère de Mars avant et pendant la tempête de sable de 2018 (gauche) et selon l'hémisphère durant la tempête de sable (droite). On constate que l'eau est transportée entre 20 et 80 km d'altitude et ne retombe plus au sol, échappant au cycle de l'eau. Documents A.C. Villanueva et al. (2019).

Villanueva qui a passé toute sa carrière à reconstituer l'histoire de l'eau sur Mars confirme que les tempêtes globales de poussière semblent "aspirer" la vapeur d'eau située typiquement vers 20 km d'altitude jusqu'à des altitudes d'au moins 80 km. L'orbiter MRO de la NASA avait observé un phénomène similaire en 2007.

En projetant de l'eau dans la haute atmosphère, les tempêtes globales de poussière peuvent interférer avec le cycle de l'eau de la planète, empêchant ainsi la vapeur d'eau de se condenser et de retomber au sol (sur Terre, la vapeur d'eau retombe sous forme de pluie ou de neige. Le même processus aurait pu exister sur Mars il y a des milliards d'années).

Les chercheurs estiment qu'à des altitudes plus élevées où l'atmosphère martienne est particulièrement ténue, le rayonnement solaire peut facilement briser les molécules d'eau, permettant à leurs éléments constitutifs de s'échapper dans l'espace.

Prochain chapitre

Exploration de l'écosystème martien

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[5] Si un phénomène similaire se produisait sur Terre, il provoquerait également l'évaporation de toute l'eau contenue sur notre planète. Nous assisterions à un assèchement global mais au lieu de se refroidir, vu sa distance au Soleil, notre belle planète se transformerait en un désert brûlant et stérile (ce qui arrivera probablement quand le Soleil deviendra une géante rouge).

[6] On trouve des yardangs sur Terre dans la plupart des déserts sous forme de buttes ou cheminées façonnées par le vent perdues au milieu des sables, par exemple entre le désert du Tibesti et les monts Ennedi dans le Sahara, dans le désert libyque en Égypte, à Shahdad en Iran (où ils sont appelés Kalout), en Namibie (où ils sont appelés Nebkas ou Nabhkas), dans la province de Xinjiang en Chine ou encore dans la forme particulière de Window Rock en Arizona.


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